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La cellule
 
Un long silence accueillit la déclaration lourde de sous-entendus de l’officier de police. Maître Melvar regarda Isil, quêtant une réponse dans ses yeux, mais celle-ci avait le regard vide de celle qui ne sait plus où elle en est. Le policier fouilla brièvement le corps du Sénateur et jeta un regard circulaire autour de lui sur le sol.
- Pas d’arme, à première vue, madame, fit-il à l’adresse de Mas Dom.
Le Procureur jeta à la jeune fille un regard froid peu amène. Elle avait bien raison, elle et les membres du front anti-Jedi, de se méfier de ces êtres qui prétendaient agir sur l’invisible et qui manipulaient des forces surnaturelles à des fins souvent obscures. Elle s’emporta.
- Vous avez tué un homme désarmé, un Sénateur de la République, vous, une… Jedi ?
Elle avait littéralement craché le dernier mot comme du venin. Puis se tournant vers les forces de l’ordre elle cria presque.
- Arrêtez-la et emmenez-la au Poste Central !
Adol Bruck fit un pas en avant pour s’interposer.
- Cette femme est un Jedi en mission. Vous ne pouvez pas l’arrêter !
Tandis qu’Hiivsha entourait les épaules d’Isil dans un geste protecteur, Mas Dom toisa Maître Melvar du regard et répondit d’un ton sec et méprisant.
- Les Jedi ne sont pas au-dessus des lois de la République et il est clair que cette femme a lâchement assassiné le Sénateur Kaldor. Sa victime était désarmée de surcroît. Vous ne pouvez vous opposer à son inculpation pour meurtre !
La situation devenait tendue. Les policiers avaient empoigné ostensiblement leurs armes et Obi Melvar savait qu’il ne pouvait provoquer un affrontement ouvert avec les forces de l’ordre de la capitale. Un peu désemparé par la tournure que prenaient les choses, il se retourna vers Isil.
- Mais enfin Isil, dis-moi quelque chose. Ce ne peut être vrai. Tu n’as pas tué Kaldor ?
La Padawan le regarda d’un air désespéré et balbutia.
- Je… je ne sais pas Maître… c’est possible… Je ne sais pas ce qui s’est passé…
De nouveau il se tourna vers le Procureur.
- Écoutez Mas Dom, je ne sais pas ce qui est arrivé ici, mais je suis certain qu’Isil n’a pas fait ce que vous dites. Voyez, elle est visiblement en état de choc.
Il se rendait naturellement compte tout en affirmant cela, que toutes les apparences étaient contre la jeune fille. Mas Dom persifla.
- Je comprends tout à fait que vous pensez qu’un Jedi ne peut accomplir un tel geste… et je croyais personnellement que c’était le cas. Malheureusement, il n’y avait personne d’autre ici lorsque nous sommes arrivés et la grille était close. Le meurtre venait à peine de se produire puisque vous êtes arrivés sur ses talons à elle !
Mas Dom désigna Isil du doigt avec mépris.
- Elle ne lui a laissé aucune chance car il ne pouvait aller très loin. Heureusement que nous sommes arrivés au même instant… qui sait ce que vous auriez inventé pour justifier cet assassinat !
- Procureur, demanda Hiivsha tandis que des policiers arrachaient brutalement Isil d’entre ses bras, l’avez-vous vue enfoncer son sabre laser dans le dos du Sénateur ?
- Bien sûr que non, siffla Mas Dom, nous sommes arrivés sans doute une minute trop tard pour cela… ainsi que pour sauver le Sénateur. Cela ne change rien à la situation. Elle était seule avec lui et visiblement, le sabre laser est une arme qui signe son acte !
Les policiers qui avaient emmené Isil un peu à l’écart, lui placèrent les bras dans le dos afin de lui passer des menottes après l’avoir fouillée et confisqué tout ce qu’elle portait sans ses poches ainsi qu’à sa ceinture. Obi Melvar tenta une nouvelle fois de faire fléchir le Procureur-adjoint de Coruscant.
- Madame le Procureur, laissez-moi l’emmener devant le Conseil Jedi. Ils sauront comprendre ce qui s’est passé… elle ne pourra pas leur mentir. Si elle a bien fait ce que vous dites, elle sera convenablement punie.
- Punie ? s’écria Mas Dom, j’y compte bien ! Mais ce ne sera pas par une mascarade de justice orchestrée par ses pairs. Ce sera par la justice républicaine, comme la citoyenne qu’elle est, comme tout un chacun, et d’ailleurs, il n’y a pas de raison qu’elle soit traitée différemment d’une autre personne !
- Je ne permettrai pas que…
Mas Dom leva la main en l’air d’un geste impérieux.
- Je vous préviens, Maître Melvar, que si la moindre pression doit être exercée sur les autorités policières ou judiciaires par le Conseil Jedi, je livre immédiatement cette affaire aux chaînes de l’Holonet et dans une heure, toute la Galaxie saura que l’Ordre Jedi compte en son sein l’assassin d’un Sénateur noble et respecté !
- Vous ne pouvez faire cela ! Nous sommes en mission spéciale sur ordre du Chancelier Suprême lui-même. La plus grande discrétion est indispensable pour la suite des opérations.
- Personne n’a voulu me mettre au courant ! protesta Mas Dom, comment voulez-vous que je juge de la situation ?
- C’est top secret. Mais il en va de la sécurité de la République. Je vous demande de ne rien rendre public avant que nous ayons terminé. Nous devons nous rendre sur Alderaan au plus vite avant que des fuites fâcheuses n’infiltrent les médias. Il faut que vous fassiez mettre tout le personnel de la demeure de Kaldor au secret le temps nécessaire.
Mas Dom était perplexe. Le Conseiller à la Sécurité de la République, Jaster Darillian lui-même, lui avait fait comprendre qu’effectivement l’opération que menaient les Jedi était de la plus haute importance. Cependant, il ne lui avait pas révélé les tenants et les aboutissants de l’affaire et cela l’avait frustrée. Malgré tout, elle ne pouvait risquer de faire capoter une opération déclenchée sous l’autorité du Chancelier Suprême. Même si elle ne faisait pas confiance aux Jedi, elle restait une fonctionnaire zélée et professionnelle. Pourtant, elle ne voulait pas perdre la face. Elle s’obstina.
- Soit, Maître Melvar. Je retiendrai toute information de cette affaire pendant quarante-huit heures pour vous laisser le temps d’agir. Mais votre Padawan ne viendra pas avec vous. Je l’inculpe pour meurtre et c’est non négociable ! Je serais vous, je ne perdrais pas plus de temps en vaines palabres et je sauterais dans mon vaisseau pour foncer sur Alderaan au plus vite.
Hiivsha saisit le bras du Jedi.
- Adol Bruck, on ne peut pas les laisser mettre Isil en prison comme une…
Obi Melvar l’interrompit en l’entrainant un peu plus loin à l’écart, avant de lui murmurer un brin agacé par la tournure qu’avaient pris les événements.
- Comme quoi ? Comme une citoyenne comme une autre ? Mais Hiivsha, c’est pourtant ce qu’elle est, ce que nous sommes tous ! Notre statut de Jedi ne nous permet pas de tout faire, de faire n’importe quoi ! Le Procureur a raison, nous ne sommes pas au dessus des lois et franchement, je ne sais pas ce que le Conseil Jedi va pouvoir faire.
- Je refuse de l’abandonner ! Après ce qu’elle a subi sur Korka, elle est encore fragile.
- C’est une Jedi ! s’exclama à voix basse Maître Melvar en détachant chaque syllabe. Elle est entraînée pour résister à tous les maux que la guerre fait naître. C’est une combattante. Cessez de la considérer comme une petite fille, vous ne lui rendez pas service !
- Mais ça fait beaucoup en suivant, non ?
- Écoutez, Capitaine Hiivsha, si vos sentiments pour elle vous empêchent de continuer la mission que vous avez tenu à achever avec nous, libre à vous de la suivre ! Je continuerai seul. Je vous avais dit que les sentiments ne devaient pas interférer dans ce que nous accomplissons, vous en voyez le danger à présent ?
Le cœur du contrebandier se serra en se rendant compte combien le Jedi avait raison. Il regarda par-dessus l’épaule, Isil qu’on faisait entrer dans un speeder de la police sous la poigne énergique de deux agents qui paraissaient bien grands à côté d’elle.
- Elle va croire qu’on l’a abandonnée, murmura Hiivsha en ressentant une douleur intérieure très forte.
- Elle comprendra ! coupa Adol Bruck. Venez !
Ils retournèrent vers le Procureur qui donnait des ordres à d’autres policiers arrivés en renfort. Une ambulance était là également. Des infirmiers étaient en train de mettre le corps du Sénateur sur un brancard après que les policiers eurent scanné les lieux pour garder la mémoire de la scène du crime. Un groupe d’agents s’en alla vers la grande demeure pour mettre tout le monde au secret pendant qu’un technicien de la police isolait la zone de toute possibilité de communication. Mas Dom se tourna vers les deux hommes qui revenaient vers elle.
- C’est bon. Rien ne filtrera vers l’HoloNet durant deux jours !
- Quand nous aurons terminé ce que nous devons faire, nous reparlerons du cas d’Isil Kal’Andil.
Le Procureur émit un petit rire rauque.
- Vous ferez ce que bon vous semblera, Maître Melvar… tant que vous respecterez les lois de la République. Votre Padawan sera traitée comme tout citoyen, ni plus… ni moins !
Le Jedi fit signe à Hiivsha qu’il ne servait à rien de s’attarder sur les lieux. Ils s’approchèrent du speeder dans lequel Isil avait été placée et Adol Bruck lui fit un petit geste désolé en la contemplant, les mains dans le dos, encadrée par les deux gorilles en uniforme.
- Isil, nous partons sur Alderaan achever notre mission. Nous sommes obligés de te laisser pour le moment. Je vais alerter le Conseil de ce qui se passe.
- Je suis désolée de tout cela, Maître Melvar, répondit-elle en baissant les yeux. Je ne sais pas ce qu’il m'est arrivée. Mais ça ne fait rien, il faut que vous acheviez la mission, peu importe ce qu’il doit advenir de moi… Je suis désolée…
- Nous reparlerons de tout cela à notre retour. Mais Isil, il faut que je sache… Est-ce que Darillian t'a demandé la même chose qu'à moi ?
Isil resta muette et observa de droite et de gauche les deux agents qui l'encadraient. Regardant ensuite le Jedi dans les yeux, elle cligna lentement des paupières dans un signe qui signifiait oui de façon évidente. Les doigts d'Adol Bruck se crispèrent sur la carrosserie de l'airspeeder de la police au point que ses articulations blanchirent. Il ne pouvait détacher son regard de celui de la jeune fille, cherchant sous le masque impavide qu'avait revêtu son visage une réponse à ses questions. Il avala sa salive et sentit sa gorge nouée, hésitant à poser la dernière question qui lui importait. Non pas parce qu'il y avait des témoins de leur échange, mais parce qu'il avait peur de la réponse que la Padawan pourrait lui donner. Un officier monta à l'avant du véhicule qui oscilla légèrement sous son poids. L'air agressif et impatient, il jeta un coup d'œil à l'arrière, vers ce Jedi penché sur sa protégée qui venait de commettre un meurtre abominable.
Adol Bruck articula lentement, voulant être certain qu'Isil comprendrait bien ce qu'il souhaitait savoir.
- Isil, est-ce que tu as fait ce qu'il t'a demandé ?
Un silence s'établit entre eux. Isil soutint son regard sans ciller et aucun clignement ne vint fermer ses paupières. Une grande intensité brillait au fond de ses prunelles bleues dans lesquelles Obi Melvar crut lire à la fois de la peur et du désespoir. Au bout de plusieurs secondes, ses yeux s'écarquillèrent légèrement sans que Maître Melvar ne parvienne à y lire davantage. Puis le regard turquoise se troubla et Isil baissa les yeux. Le Jedi se redressa et le véhicule s'en alla dans la nuit de Coruscant, laissant derrière lui un Maître Jedi au summum de la perplexité, ne pouvant se résoudre à croire ce qu'il croyait à cet instant-là.
Il sentit dans son dos le contrebandier qui s'était rapproché pour regarder partir, avec un pincement au cœur, l'airspeeder qui lui enlevait sa bien-aimée. Les épaules d'Adol Bruck se voûtèrent.
- Je crois que notre Padawan a exécuté le Sénateur à la demande du Conseiller Darillian.
Hiivsha retint un cri de surprise et riposta vivement.
- Je n'en crois rien ! Je connais Isil depuis moins longtemps que vous, mais d'une façon totalement différente. Je connais son cœur. Elle est incapable d'une chose pareille ! Comment, vous, un Maître Jedi, pouvez penser cela d'une de vos Padawan ? Vous ne pouvez pas… je sais pas moi… sonder la Force pour savoir ce qui s'est réellement passé ?
Le Jedi se retourna vers le contrebandier.
- Je n'ai pas ce pouvoir-là… mais j'ai lu dans ses yeux… elle n'a pas nié avoir tué le Sénateur Kaldor !
Hiivsha secoua la tête vivement.
- Non, non, non… balivernes que tout cela ! Je n'en crois pas un mot. Je le sais au fond de moi et je n'ai pas besoin de votre Force pour savoir qu’Isil est innocente de ce meurtre !
- Alors pourquoi n’a-t-elle rien dit ? Pourquoi n’a-t-elle pas protesté en expliquant ce qui s'est passé devant cette grille ? Ça n'a pas de sens, Hiivsha ! Sauf si elle a accompli le geste que Jaster Darillian lui a demandé de faire.
- Darillian ? Vous croyez vraiment qu'il lui a demandé de… Le salaud ! S'il en est ainsi, je vais le lui faire payer cher !
C'était la première fois qu’Obi Melvar voyait le contrebandier en colère. Une colère sourde et puissante. Il leva les mains devant son torse en geste d'apaisement.
- Du calme, Hiivsha. En toutes circonstances il faut se contrôler et ne pas laisser nos émotions et nos… sentiments avoir raison de notre lucidité.
Hiivsha respira très fort pour essayer de se calmer. Puis il fixa Obi Melvar dans les yeux.
- De toute façon, qu'il lui ait demandé ou pas, je suis sûr qu'Isil n'a pas tué Kaldor.
- Le Conseiller peut être très persuasif. Il a l'âge et l'expérience pour lui et Isil n'a que sa jeunesse…
- Vous oubliez l'enseignement de son Maître Beno Mahr un peu trop facilement à mon goût, Adol Bruck, protesta Hiivsha. Qu'elle soit jeune, c'est un fait, mais vous-même, vous avez été l'apprenti de Maître Mahr… Pensez-vous donc que son enseignement soit si léger, si fragile, que sa Padawan puisse trébucher comme ça, à la première pierre aussi redoutable soit-elle ? Elle a fait preuve d'un courage insensé sur Korka pour résister à tout ce que les Sith lui ont fait subir, et vous pensez que parce qu’un Conseiller lui a demandé de renier les préceptes de son Ordre, elle lui a obéi ? Pour quelle raison ?
- Peut-être parce que Darillian sait des choses sur les parents d'Isil et qu'il lui a peut-être promis en échange de les lui révéler ?
- Bah, je ne sais trop quoi vous répondre, Adol Bruck. Je suis certain pourtant que cela ne peut peser assez dans la balance pour la faire basculer comme ça dans de tels errements.
- Vous l'avez dit vous-même, elle est fragilisée par les tortures et dieu sait quoi encore qu'elle a endurées… de plus ses sentiments pour vous la fragilisent encore plus.
- Hé oh ! se rebiffa Hiivsha, ne mélangez pas tout ! C'est moi qui suis amoureux d'elle. Elle, elle gère parfaitement la situation… mieux que je ne l'aurais souhaité d'ailleurs… enfin… ce n'est pas que je souhaite qu'elle renonce à devenir Chevalier Jedi hein… mais bon… elle a décidé d'enfouir ses sentiments pour moi là où le Coté Obscur ne les trouvera pas. Je ne pense pas que cela la fragilise autant que vous le dites.
Maître Melvar eut un très léger geste d'agacement.
- Nous ne pouvons pas rester ici à épiloguer sur Isil. La mission doit continuer et nous devons partir sur l'heure sur Alderaan avant que Sazkaer ait eu vent de notre action.
- Qu'est-ce qu'on attend alors ? Plus vite nous aurons terminé, plus vite nous serons de retour pour aider Isil et comprendre ce qui s'est passé ici, conclut le contrebandier.
Mas Dom achevait de donner les dernières consignes aux enquêteurs. Quand Hiivsha et Adol Bruck revinrent vers elle, elle leur lança, goguenarde :
- Vous n'êtes pas encore en route pour Alderaan ?
- Nous partons, répondit le Jedi impassible. J'espère que vous ferez tout pour savoir la vérité sur ce drame.
Elle le toisa du regard.
- Vous en doutez ?
- Vous n'aimez pas les Jedi, Mas Dom. Alors je me dis qu'une enquête à charge contre Isil n'est peut-être pas à exclure.
- Votre arrogance de Jedi vous empêcherait-elle de penser qu'on peut ne pas vous apprécier et rester professionnelle dans son travail ? Je vous ai dit que Kal'Andil serait traitée comme une prévenue ordinaire. Cela inclut le déroulement de l'enquête jusqu'au procès. Sur ce, messieurs, bonne route, j'ai d'autres chats à fouetter que de deviser sur les mérites de l'Ordre Jedi !
Sur ces paroles sans appel, elle leur tourna le dos et remonta dans son airspeeder qui partit en vrombissant. Adol Bruck tapota le dos du contrebandier.
- Venez Hiivsha, regagnons l'astroport au plus vite. Notre vaisseau nous attend. Nous y contacterons Tython.
*
* *
Le véhicule de la police se posa sur l'aire d'atterrissage du Poste Central de la Sécurité Planétaire de Coruscant, immense building pas très éloigné du bâtiment du Sénat. À l'intérieur se trouvait le centre de commandement des forces de l'ordre de la ville planète qui organisait et synchronisait les interventions des innombrables postes de police de la capitale. C'était à lui tout seul une véritable fourmilière qui était un élément essentiel de la sécurité de la planète. Relié par des tunnels qui s'enfonçaient dans les entrailles de la ville, à la prison centrale isolée dans une ancienne zone industrielle désaffectée, ou aux différentes casernes des Forces Spéciales récemment créées, le Poste Central était une pieuvre au milieu de l'océan de permabéton et de duracier de Coruscant. Une faune multicolore franchissaient en permanence ses nombreuses issues et une noria de véhicules arborant les phares clignotants si particulier de la police, se posaient sur les plateformes d'atterrissage du building et en décollaient de façon quasi ininterrompue, parfois dans les hurlements des sirènes d'urgence.
La police paraissait en permanence débordée par les trop nombreux crimes et délits qui sévissaient dans les abîmes obscurs des bas quartiers peuplés de milliards d'individus, plus touchés par la guerre que les nantis des sommets. Le crime, le vol, les trafics en tous genres, la prostitution, côtoyaient le quotidien d'une population livrée trop souvent à elle-même et dont le seul souci était la survie au jour le jour au milieu des ruines, stigmates du saccage de la ville planète perpétré par les Sith il y avait presque dix ans de cela.
Les deux agents saisirent Isil, toujours menottée dans le dos, avec une poigne brutale, chacun par un bras, et l'emmenèrent dans une vaste salle grouillante de monde, où les gens s'interpellaient, criaient, se bousculaient comme au plus fort d'une foire exposition interplanétaire. Jouant du coude, ils arrivèrent devant un long comptoir derrière lequel se tenaient d'autres fonctionnaires en uniforme.
- Sergent Rok, qu'est-ce que vous nous amenez là ? demanda dans le brouhaha ambiant une grosse femme transpirante à l'un des deux agents qui tenaient la Padawan.
- C'est une Jedi, Manni ! lança le policier. Elle a commis un meurtre. L'identité de la victime et le lieu sont classifiés pour le moment.
La grosse femme hocha la tête en soupirant. Classifié, cela voulait dire que du beau monde était compromis. On ne classifiait pas les affaires qui arrivaient dans les soubassements de la ville.
- Je vois, fit-elle avec un accent sous-entendu appuyé d'un clin d'œil au dénommé Rok.
- L'ordre d'écrou devrait arriver incessamment sous peu, fit l'autre policier, c'est Mas Dom elle-même qui doit l'envoyer.
- Mazette, la Procureur adjointe elle-même ?
La grosse femme regarda le minois presque enfantin d'Isil et secoua la tête avec pitié.
- Je ne sais pas ce que t'as fait mon ange, mais t'es mal barrée ! La Procureur Mas Dom a horreur des gens de ton espère… je veux dire des Jedi. Si c'est en son pouvoir, elle va te crucifier. Pauvre gosse !
Elle tamponna avec une puissance inouïe qui fit trembler le comptoir sur plusieurs mètres, un film transparent qu'elle rangea dans un casier.
- Bon, à nous deux, fillette !
La fonctionnaire posa devant elle une plaque rectangulaire.
- Allez, détachez-là qu'elle puisse poser sa mimine sur l'identificateur organique !
Rok s'exécuta et ôta les menottes des poignets rougis par le frottement du métal. Isil avança la main droite vers la grosse femme qui la prit aussitôt dans la sienne, moite et grassouillette.
- T'as la peau douce ma mignonne, apprécia-t-elle avec un sourire. Allez, pose la paume ici.
La plaque s'illumina sous la pression de la peau. Manni regarda l'écran translucide qui était à côté d'elle en se grattant la tête d'un geste trahissant la perplexité.
- Mince, fit-elle, elle est pas dans le fichier galactique. Comment tu t'appelles mon chou ?
Isil retint un soupir mais considéra que la gentillesse que manifestait la grosse policière ne devait pas être déconsidérée dans cette salle déshumanisée.
- Isil Kal'Andil, répondit-elle sagement.
- Calendil ? répéta Manni.
- Non, Kal'Andil… K A L, apostrophe, A N D I L, épela Isil patiemment.
La grosse femme secoua la tête après avoir tapoté sur un clavier virtuel.
- Non, décidément, rien, tu n'existe pas dans mon fichier ma jolie.
- Ah, ces Jedi, soupira le collègue de Rok. On sait pas d'où ils viennent, on sait pas qui ils sont…
- Ni ce qu'ils font ! compléta Rok en éclatant de rire. À part se barrer quand ça tourne mal, pas vrai, Andulo ?
- Vrai, Rok ! Et s'ils avaient une queue, ils l'auraient entre leurs jambes !
Ils se mirent à rire grassement tous les deux tandis qu’Isil pinçait les lèvres sans rien dire en regardant la fonctionnaire qui haussa les épaules dans un mouvement qui voulait dire : T'en fais pas ma jolie, ils sont complètement idiots ces deux-là.
- Bon, reprit patiemment cette dernière, je vais te créer une fiche provisoire le temps que les archivistes s'occupent de toi. Donc tu m'as dit, Kal'Andil, Isil, âge ?
Isil haussa les épaules à son tour d'un air désolé.
- Je ne sais pas vraiment… sans doute vingt et un d'après ce qu'on m'a dit.
- D'après ce qu'on lui a dit, répéta Andulo en riant de plus belle. Ces Jedi, ils savent même pas leur âge et après on voudrait leur confier la Galaxie !
- Oh, la barbe, s'écria Manni en balayant l'air de la main devant le nez du policier. J'imagine que tu sais quand même où tu es née ? demanda-t-elle en se retournant vers Isil.
- Corellia… d'après ce qu'on m'a dit, ajouta-t-elle avec un petit sourire en coin.
Les deux policiers s'étaient arrêtés de rire.
- Mouais, fit Rok. Un conseil ma jolie, évite de faire la maligne, toute Jedi que tu es.
- Lâche-la, Rok, fit Manni. Tu sens pas que la demoiselle doit pas savoir grand-chose de son passé ? C'est pas forcément drôle tu sais.
- Ouais, renchérit Andulo, ces Jedi, parait qu'ils volent les enfants quand ils sont bébés pour plus qu'ils sachent qui sont leurs parents afin de mieux les encodi… endictro… entroctiner…
- Endonctraner crétin ! s'esclaffa Rock en lui donnant une bourrade dans le dos.
Manni secoua la tête en levant les yeux au ciel d'un air totalement désespéré.
- C'est endoctriner, espèce de bourrin. Tu vaux pas mieux que ton collègue question vocabulaire ! s'exclama-t-elle en faisant un clin d'œil complice à la jeune fille. Bon, continuons, Corellia… voilà ! Avec ton empreinte génétique dans cet appareil, les archivistes vont peut-être retrouver ta trace si les informations que tu nous as données sont exactes.
Puis regardant les deux policiers.
- Vous pouvez l'emmener à la salle de transit en attendant l'ordre d'écrou, j'en ai fini avec elle. Courage ma petite ! fit-elle avec un petit geste de la main tandis que les deux policiers emmenaient Isil dans une autre partie du bâtiment.
Ils arrivèrent dans une sorte de hall dans lequel se trouvaient de grandes cellules grillagées qui rassemblaient des centaines d'individus de toutes races et de tous genres. Le brouhaha continuait, amplifié par les dimensions des lieux. À l'intérieur de chaque box, on pouvait compter une quarantaine de personnes, assises sur des bancs métalliques, par terre ou même allongées sur le sol, qui attendaient visiblement qu'on daigne s'occuper de leur cas. Les policiers qui escortaient Isil la poussèrent sans ménagement dans l'un d'eux et les barreaux de refermèrent derrière elle avec un claquement sonore.
- Tiens, Jedi, lança Rok à la cantonade, voilà ta nouvelle Galaxie à protéger !
Isil regarda autour d'elle. Il y avait là des êtres de toute la Galaxie, des humains en majorité mais aussi trois rodiens, un géonosien qui la regardait fixement, un groupe de zabraks qui s'étaient regroupés dans un coin de la cellule, quelques twi'leks, deux wookiees et un farghul. Il y avait une place au bout d'un banc, à côté d'un vieillard qui oscillait de droite et de gauche comme un bateau bercé par l'océan, et Isil alla s'y asseoir. Elle regretta aussitôt son choix compte tenu des relents aigres de vin qui émanaient du vieil ivrogne. Les conversations qui s'étaient arrêtées un instant à son arrivée avaient repris en sourdine. Vu les regards furtifs qu'elle attirait, on parlait d'elle. Isil frotta ses poignets endoloris en fermant les yeux, cherchant à se retrouver dans la Force pour recommencer à méditer et à réfléchir sur la dernière heure.
Qu'avait-elle fait ?
Ou, que n'avait-elle pas fait ?
Comment pouvait-elle clamer son innocence quand elle-même ne savait pas quel geste elle avait pu accomplir ?
Les paroles du Conseiller Darillian lui revinrent en mémoire. "Kaldor est un adversaire redoutable. Il se défendra âprement lorsque vous irez l’arrêter. Ce sera de la légitime défense." Avait-elle reçu un coup à la tête pour avoir cette absence pour le moins inopportune ?
- … c'te salope de Jedi, j'vous l'dis moi… on devrait tous les éliminer…
Les paroles d'une femme un peu plus loin la tirèrent de sa réflexion. Elle avait une cinquantaine d'années et vu sa tenue et son maquillage outrancier, ce devait être une prostituée. Elle parlait d'une voix rauque à deux autres personnes qui devaient être des collègues de travail : une humaine décolorée, plus jeune mais tout aussi fardée qu'elle, et une twi'lek à la peau bleue, au visage doux et magnifique de corps. Toutes trois jetaient de fréquents coups d'œil vers elle tout en discutant. La twi'lek semblait vouloir la retenir par le bras.
- Lâche-moi ! s’écria la femme en haussant un ton agressif. J'veux aller lui dire c'que j'ai dans les tripes ! C'est pas une Jedi qui va me foutre les foies !
- Abill, non, laisse-la tranquille, murmura la twi’lek, tu vois bien que c'est qu'une gosse !
La femme se dégagea le bras.
- Fous-moi la paix !
Elle marcha d'un pas claudiquant, juchée sur des hauts talons pointus, vers Isil qui faisait mine de ne pas prêter attention à elle. Puis elle se campa devant la Padawan, les mains sur les hanches, dans une attitude de défi.
- Alors, vrai ? T'es une putain de Jedi ? Des mêmes salauds qu'ont laissé les Sith massacrer les gens de Coruscant et qui se sont barrés sur leur saloperie de planète mère ?
Isil ne bougea pas. Elle sentait irradier dans la Force tant de souffrance se dégageant de toutes les personnes recluses dans les cellules de ce hall de transit, que cela lui faisait mal jusque dans ses entrailles. Elle voyait des images confuses selon qu'elle se concentrait sur telle ou telle personne. Le vieil ivrogne avait perdu sa femme, assassinée pour une pièce de monnaie et s'était réfugié dans l'alcool bon marché. Le géonosien qui la regardait discrètement avait volé de la nourriture et les zabraks vendaient de la drogue depuis qu'ils n'avaient plus d'emploi pour nourrir leur famille. Mais la plus grande souffrance, vrillant comme une pluie d'épingles transperçant un corps, émanait de la prostituée qui se trouvait devant elle.
- Hé, j'te cause pouffiasse ! T'es trop huppée pour me regarder ? P'têt que des Jedi ça cause pas aux filles de mon genre ? J'suis pas assez bien pour toi ? Tu crois que parce que tu portes une putain de tunique de Jedi de mes fesses et une putain de bure à la noix ça te donne le droit de pas me répondre ?
Tant de souffrance. La Force en était remplie. Autant de souffrance ici que de richesses étalées dans les zones supérieures de la ville planète. Un abîme de classe et d'incompréhension séparait les personnes autour d'elle des riches hommes d'affaires et des hommes politiques qui gravitaient au sommet des buildings. Isil leva ses grands yeux remplis de compassion vers la prostituée.
- Putain de Jedi ! s'écria la femme en crachant au visage de la Padawan.
Une gifle aurait fait moins mal à la jeune fille que la salive malodorante qu'elle reçut sur la joue. C'était du condensé de malheur, de tristesse, de chagrin et de douleur qui venait de la frapper de plein fouet. Le silence se fit dans la cellule barreaudée. Tous les regards avaient convergé vers les deux femmes, celle qui se tenait debout et la plus jeune qui était assise devant elle. Le regard bleu profond comme l'océan plongea dans les yeux bruns de la prostituée pour y pénétrer jusqu'à son âme, cherchant à savoir ce qui la faisait aussi intensément souffrir. Là, au fond de l'abîme de son chagrin, elle vit un mari qui mourait sur le champ de bataille, coupé en deux par le rayon d'un canon Sith ; elle sentit les cris de ses quatre enfants écrasés par les murs de permabéton de leur appartement durant le saccage de la capitale ; elle fut bouleversée par les cris d'une mère tenant dans ses mains tremblantes un enfant mort-né au fond d'une ruelle sordide des bas quartiers empuantis par les rejets d'une population trop importante. L'intensité de ce qu'elle ressentait à présent dans la Force était telle qu'elle dut se maîtriser pour contenir le cri de souffrance qui crispa ses entrailles. L'affliction la submergea et ses yeux se troublèrent, se refusant à laisser échapper des larmes que les Jedi avaient toujours considérées comme incongrues et faiblesse dans la maîtrise de leurs émotions. Sans ciller, elle murmura.
- Je suis désolée…
Les épaules de la prostituée s'affaissèrent soudain et elle se mit à pleurer sans bruit. Isil se leva lentement et la prit dans ses bras sans rien dire. Puis, les deux autres femmes qui l'accompagnaient s'approchèrent d'elle pour la prendre à leur tour par les épaules et l'emmenèrent dans un recoin de la cellule en lui murmurant quelques paroles de réconfort. Dans un silence pesant, un homme s'approcha de la Padawan et lui tendit un mouchoir immaculé. Tandis qu'Isil s'essuyait la joue, des murmures réprobateurs reprirent tout doucement, comme au ralenti. La twi'lek revint alors vers elle, la tête basse.
- Il ne faut pas lui en vouloir, mademoiselle, Abill a tellement souffert qu'elle rend l'univers entier responsable de ses malheurs.
- Je sais, murmura Isil, je sais… je voudrais tant pouvoir faire quelque chose pour chacun de vous… je me sens désarmée, impuissante…
La twi’lek lui adressa un sourire et posa la main sur son épaule.
- Que pouvez-vous y faire ? Vous n'êtes pas la Force à vous toute seule. Je suis sûre que vous faites simplement de votre mieux.
Isil lui rendit son sourire et posa une main sur celle de la twi’lek.
- J'essaie en tout cas.
Elles restèrent ainsi une poignée de secondes, se parlant avec les yeux, puis la twi'lek réitéra son sourire avant de s'en retourner vers son amie Abill qui pleurait dans les bras de la troisième femme.
Isil rendit le mouchoir en remerciant l'homme qui hocha la tête en marmonnant un ce n'est rien désolé puis elle se rassit et retourna dans la Force en se demandant ce qu'elle pouvait y trouver pour aider tous ces pauvres gens.
Elle fut tirée de sa méditation quelques heures plus tard par deux policières qui vinrent la chercher pour l'emmener dans un bureau après lui avoir repassé une paire de menottes dans le dos. Au moment où elle sortait de la grande cellule commune, la prostituée s'était avancé vers elle et lui avait murmuré un pardon presque inaudible qui était allé droit dans le cœur de la Padawan. Un nouveau silence avait accompagné son départ, mais à la différence de son entrée, ce n'était plus un silence hostile. Isil avait ressenti tant de choses dans la proximité de ces gens qu'une certaine partie de ses certitudes en avait été bouleversée.
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