StarWars-Universe.com utilise des cookies pour faciliter votre navigation sur le site, et à des fins de publicité, statistiques, et boutons sociaux. En poursuivant votre navigation sur SWU, vous acceptez l'utilisation des cookies ou technologies similaires. Pour plus d’informations, cliquez ici.  
Entretien
 
Les ordres de Maître Melvar avaient été modifiés juste avant son départ. Il devait au final mettre au courant le Chancelier Suprême Janarus du complot qui se tramait contre lui et ainsi avoir son appui pour une opération de police qui demanderait également l’aval du procureur. Le but était toujours d’arrêter les membres du complot, identifiés à l’aide du datapad volé par Isil au capitaine Sazkaer. Les arrestations devaient avoir lieu dès lors qu’elles pourraient s’accomplir discrètement, sans risque de donner l’alerte aux autres membres de ce Cercle Sombre. Dans le cas contraire, une action de plus grande envergure, en simultané sur plusieurs points, serait envisagée.
Il faut dire que, depuis le départ des Jedi pour Tython - départ qui avait suivi le traité de Coruscant et le désaveu d’une partie de la population et de la classe politique pour l’Ordre, rendu responsable de ce qui pouvait apparaître comme une défaite militaire - les Jedi se comptaient. Pour la plupart dispersés à travers la Galaxie dans les foyers d’interminables troubles qui semblaient ne jamais devoir prendre fin, les quelques Jedi regroupés sur la planète Tython étaient occupés à former une nouvelle génération de Chevaliers et consacraient une grande partie de leur temps à rechercher des enfants sensibles à la Force pour les former.
Adol Bruck avait décidé de faire un détour par Balmorra pour qu’Isil récupère le vaisseau de son ancien Maître ainsi que le droïde P2-A2 qu’une vieille et riche amie avait confié au Jedi avant de mourir, il y avait bien longtemps de ça. Ils étaient ensuite convenus de se retrouver sur Coruscant deux jours plus tard.
Le droïde astromech salua son retour avec ses éternelles modulations de bips stridents.
- Oui, moi aussi je suis heureuse de te revoir P2-A2, lui confia Isil en montant dans le vaisseau, suivie par Hiivsha.
Le droïde émit de nouveaux sons dans lesquels il était facile de discerner de la curiosité.
- Qui c’est ? Un ami. Un très bon ami, se reprit Isil en souriant et en adressant un clin d’œil au contrebandier. Il s’appelle Hiivsha.
P2-A2 tourna le dôme qui lui servait de tête vers le nouveau venu qui lui en tapota le sommet en disant.
- Salut toi !
Le chef astromécanicien de l’atelier qui avait pris en charge le vaisseau de Beno Mahr, avait affirmé que tout était parfaitement en fonction et Babur Hatar avait lui-même supervisé les réparations en bon balmorien méfiant qu’il était. De fait le voyage vers Coruscant se passa sans problème. La Padawan semblait sereine et la présence de Hiivsha à ses côtés ne semblait nullement la perturber. Quant au contrebandier, il n’en demandait pas plus. Être près d’elle lui suffisait amplement. C’était comme un accomplissement qui donnait à sa vie un parfum de complétude. Chacun des gestes de la jeune fille était pour lui une grâce qui embellissait l’espace dans lequel elle se mouvait. Chacune de ses respirations était un air pur qui dégageait un parfum subtil, vivace et régénérateur. Chacune des paroles qui s’envolaient de ses lèvres pulpeuses était une douce mélodie ensorceleuse comme un chant de sirène entraînant les marins au fond de l’océan. Quant à ses sourires, chacun d’eux lui réchauffait le cœur avec la puissance d’une supernova illuminant l’espace sombre et froid. Bref, il était tout simplement heureux d’être à ses côtés.
Que pensait la jeune fille à l’inverse ? Il n’en savait rien. Elle était le plus souvent impénétrable, sans froideur ni distance. Toujours gentille et douce, calme et réfléchie. La proximité qu’elle dégageait semblait naturelle, sans passion, sans élan, mesurée à l’aune de celle qu’on manifeste pour un ami, un frère, un Maître, mais non point celle qu’on exalte pour un amant. Cependant, Hiivsha l’avait d’ores et déjà accepté sans réserve. Il s’était d’ailleurs juré que, si sa présence devait un jour devenir dangereuse pour la jeune fille, s’il devait par son amour la perturber, déséquilibrer son rapport à la Force et son engagement dans l’Ordre Jedi, il s’éloignerait d’elle, dusse-t-il en souffrir éternellement.
Pourtant, secrètement, il espérait que le destin leur permettrait à l’avenir de vivre leur passion normalement. Comment ? Il n’en avait aucune idée mais cette pensée ne le quittait pas. Un jour, peut-être ?
- Nous arrivons en vue de Coruscant, Isil ! annonça-t-il pour la tirer de sa méditation profonde dans laquelle elle était plongée.
Elle se releva et gagna le fauteuil du copilote.
- Nous devons retrouver Maître Melvar demain matin au Sénat.
Une demi-heure plus tard ils se posaient sur le spatioport de la ville planète. Hiivsha souriait. La nuit était à eux.
*
* *
Leurs pas résonnaient dans l’immense hall du Sénat à travers lequel sénateurs et visiteurs déambulaient en conversant parfois de façon animée, de temps en temps à voix basse, comme des comploteurs. Isil portait sa tunique et sa bure de Jedi. Elle jouait distraitement avec la tresse qu’elle s’était refaite grâce à ses longs cheveux, pour remplacer celle que le professeur Xandor lui avait coupée à son arrivée sur Korba, acte qu’elle avait ressenti très durement et qui représentait le viol de son état de Padawan. Ce n’était malheureusement que le début de tout ce qu’elle avait enduré durant cette semaine d’enfer. Parfois, elle se demandait ce qu’il serait advenu d’elle si cet enfer s’était prolongé et comment elle aurait géré son passage dans l’arène, face à des enfants. Cette question la torturait, bien qu’elle essayât de refouler de son mieux ces douloureux souvenirs ainsi que son Maître le lui avait enseigné.
Un droïde protocolaire s’avança vers eux en gigotant.
- Vous êtes la Jedi Isil Kal-Andil et messire Hiivsha Inolmo ? s’enquit-il pompeusement.
- Je ne suis que Padawan, répondit-elle, mais oui, c’est bien nous.
- Alors, veuillez me suivre, je suis chargé de vous amener auprès du Conseiller à la Sécurité Jaster Darillian.
Isil esquissa un geste d’acceptation et tout deux se mirent à suivre le droïde vers les ascenseurs.
Ils traversèrent un grand salon dont le sol était recouvert d’une épaisse moquette feutrée, puis un long couloir orné d’œuvres d’art mises en valeur par l’encadrement de riches tentures colorées. Hiivsha ne put s’empêcher de penser que l’argent dépensé dans la décoration somptueuse qui s’étalait ostensiblement devant leurs yeux aurait été mieux employé pour soulager la misère qui régnait dans les bas quartiers de la ville. Ils arrivèrent enfin dans le bureau du Conseiller et le droïde protocolaire fit les présentations d’usage avant de se retirer. Maître Melvar était déjà présent. Isil s’inclina respectueusement tandis que le contrebandier donnait un signe de tête poli avant de serrer les mains qui lui étaient offertes.
Le Conseiller à la Sécurité Jaster Darillian était un homme grand, à la silhouette épaisse, âgé. Il portait beau de longs cheveux blancs et une barbe immaculée taillée en pointe. Mais ses yeux noirs, perçants comme ceux d’un oiseau de proie, dénonçaient un dynamisme et une puissance hors du commun. Il était vêtu d’une toge noire qui le faisait ressembler à quelque immense corbeau. C’était un homme puissant, redoutable, sans doute l’un des ministres les plus proches du Chancelier Janarus. On disait de lui qu’il tenait dans ses mains toutes les forces de l’ordre de la Galaxie, excepté l’Ordre Jedi.
- J’espère que nous ne sommes pas en retard ? dit Hiivsha en les regardant tous les deux.
- Non, répondit le Conseiller, Maître Melvar était en avance… j’en ai profité pour lui dire combien le Chancelier Suprême était affecté par la trahison de son ami Kaldor en qui il avait placé toute sa confiance. Le Chancelier m’a par ailleurs chargé de régler cette sinistre affaire avec vous et regrette de ne pouvoir vous recevoir pour le moment car il est souffrant.
- Rien de grave, j’espère ? s’enquit le contrebandier qui pensa que le Chancelier pouvait fort bien souffrir d’une sorte de maladie diplomatique qui lui évitait de recevoir un Maître Jedi.
- Non, ne vous inquiétez pas, capitaine Inolmo. Mais en attendant, nous devons nous occuper de ce… complot que le regretté Maître Mahr a découvert. Soyez, assuré de ma sympathie pour vous qui étiez sa Padawan, Isil, ajouta-t-il en s’inclinant devant la jeune fille la main sur le cœur.
- Merci Conseiller. Maître Mahr a rejoint la Force. C’est le but ultime de tout Jedi et c’est ce qui nous attend tous… un jour.
- Je sens dans vos paroles toute la sagesse de l’enseignement de l’Ordre. C’est bien. Asseyez-vous tous et dites-moi ce que vous comptez faire à présent ?
- Vous avez pris connaissance de la liste des conjurés, Conseiller, commença Maître Melvar. Nous avons ordre de les localiser et de les mettre en état d’arrestation… à moins que vous ne soyez d’un avis contraire ?
Le Conseiller à la Sécurité balaya l’air d’un revers de la main.
- Non, non… cependant… il y a parmi eux des gens fort influents et de riches industriels puissants qui travaillent avec la République. Ce n’est pas si simple que cela, Maître Melvar. Certains se sont sans doute laissés entraînés dans cette… aventure… par dépit.
- Par dépit ? s’exclama Hiivsha.
- Oui, voyez-vous, le traité de Coruscant n’a pas fait que des heureux. Par ailleurs, la guerre nourrit l’industrie de l’armement…
- Au détriment de la population qui doit faire des sacrifices, ne put s’empêcher d’objecter Isil, avant que Maître Melvar ne la remette à sa place d’un regard impérieux.
- C’est un fait, jeune fille. La guerre coûte cher et l’argent qu’elle engloutit serait mieux dépensé pour le bien-être collectif.
Hiivsha se mordit la langue pour ne pas faire de remarque désobligeante sur la décoration du palais sénatorial. Le Conseiller Darillian continua.
- Mais en revanche, l’industrie fait également vivre nos concitoyens. Les chantiers navals et les usines d’armement emploient des millions de personnes. C’est quelque part un cercle vicieux, le serpent qui se mord la queue. Et la guerre rapporte de l’argent aux actionnaires de toutes ces industries… C’est pourquoi certains industriels ont intérêt à ce que le conflit reprenne. De plus, quelques hommes politiques préféreraient quant à eux une victoire franche de la République à l’état ambigu dans lequel le traité nous a plongés et qui n’empêche pas l’Empire Sith de continuer sournoisement son expansion. Ainsi, maintenir cette fragile paix relève d’un exercice d’équilibriste bien délicat. Il me parait donc plus judicieux de couper juste la tête du poulet plutôt que de procéder à des arrestations en nombre qui pourraient poser plus de problèmes à notre République qu’apporter de solutions.
- J’ai du mal à vous suivre, Conseiller… si vous me permettez… Ces gens-là ont tout de même projeté d’éliminer le chef de la République, intervint Adol Bruck.
- J’en suis conscient, Maître Melvar. Toutefois, il y a parfois plus à gagner dans un acte de mansuétude que dans une répression forcenée. Arrêtez les chefs de ce complot et je manderais le procureur pour qu’il fasse un exemple avec ce capitaine Sazkaer… Quant au sénateur Kaldor… c’est un homme puissant qui a des amis… d’ailleurs, le Chancelier le croyait également son ami, ce qu’il était pour lui jusqu’à ce que vous veniez nous apporter la preuve de sa forfaiture. Il connaît beaucoup de choses… trop de choses…
Il hésitait à continuer. Son regard noir était devenu glacial et les traits de son visage s’étaient durcis. Les coins de sa bouche s’affaissèrent en un rictus sinistre sous le poids des rides qui le firent soudainement paraître encore plus âgé qu’il ne l’était.
- Évidemment, le mieux serait qu’il se fasse tuer lors de son arrestation, laissa-t-il tomber dans le silence en se rejetant au fond de son fauteuil.
Isil sentit le Maître Jedi se crisper quand il répondit.
- Tué ? Vous voulez dire, assassiné ?
Le Conseiller eut un geste d’agacement.
- Quel vilain mot, Maître Jedi ! Je dis que le sénateur Kaldor fera plus de mal vivant que mort. Sa… disparition donnera à réfléchir à ses amis et il nous sera d’autant plus aisé de les convaincre d’abandonner le chemin dans lequel ils se sont fourvoyés s’il n’est plus là.
- Il est hors de question que je me fasse le complice d’un meurtre, même sur la personne d’un criminel !
- La peine pour la haute trahison est la mort, dois-je vous le rappeler ?
- C’est au juge d’en décider, Conseiller, tout homme a droit à une justice équitable, objecta tranquillement Adol Bruck. Est-ce la position du Chancelier Janarus ?
Le Conseiller tapota nerveusement le bord de son bureau.
- Il est hors de question d’offrir une tribune à Kaldor ! lança-t-il d’un ton tranchant. C’est un redoutable orateur qui mettra à mal la République et le Traité que nous avons signé voilà presque dix ans, si nous le poussons dans ses derniers retranchements. S’il a agi dans l’ombre jusqu’à présent, c’est simplement parce qu’il jugeait cela plus efficace, mais si demain il doit se battre au grand jour, rien de bon n’en sortira, croyez-moi.
Sans se départir de son calme, Obi Melvar se pencha légèrement vers lui pour répondre doucement.
- Et vous, Conseiller, avec tout le respect que je vous dois, comprenez que les principes de l’Ordre interdisent ce genre d’acte.
Jaster Darillian se leva et grinça en contenant une colère sourde.
- L’Ordre… l’Ordre et ses principes… Moi je dois être réaliste, je ne peux pas me payer le luxe d’avoir des principes. Nous avons besoin que Kaldor soit retiré de la circulation. Trouvez-lui donc un lieu de détention à votre convenance mais évitez-nous un procès public dans lequel il pourra prêcher ses dangereuses convictions…
- Et peut-être faire quelques révélations embarrassantes ? acheva le Jedi avec une pointe d’ironie. Je suis désolé, Conseiller, je suis mandaté pour l’arrêter, pas pour le juger. Je le remettrai entre les mains du procureur.
Jaster Darillian fit quelques pas dans la pièce avant de revenir vers eux. Son visage s’était détendu et il paraissait plus calme.
- Soit ! fit-il. Je vais, avec le Chancelier, contacter le Conseil Jedi et Maître Shan pour en discuter avec elle. Je pense qu’on peut trouver une solution médiane consistant à placer le sénateur Kaldor sous la surveillance des Jedi le temps que cette histoire soit réglée. Sans leur chef, nous pensons pouvoir ramener la plupart de ces comploteurs à de meilleurs sentiments. Quand ils verront que leur plan est éventé, ils abandonneront leur folle entreprise. Alors, Kaldor ne sera plus un problème.
- Je n’y vois pas d’inconvénient, approuva Adol Bruck en se levant. J’attendrai donc la décision du Conseil avant d’intervenir. Dois-je ajouter que s’il ne faut appréhender que le capitaine Sazkaer et le sénateur Kaldor, notre tâche n’en sera que plus simple ?
- Vous m’en voyez ravi Maître Melvar, conclut le Conseiller en lui serrant la main avant qu’il ne prenne congé.
Alors que ses trois visiteurs s’en allaient, il héla Isil.
- Jeune fille ?
Elle se retourna.
- Conseiller ?
- Peux-tu m’accorder quelques minutes par faveur, je te prie… J’ai bien connu Maître Mahr et cela me ferait plaisir d’en discuter un peu avec toi.
Isil hésita et consulta Maître Melvar et Hiivsha du regard avant de revenir sur ses pas tandis que ses amis sortaient du bureau.
- Assieds-toi donc Isil, invita Jaster Darillian chaleureusement. Veux-tu boire quelque chose ?
- Merci non, Conseiller, refusa la jeune fille en faisant un petit geste de la main. Ainsi, mon Maître ne vous était pas inconnu ?
- C’était un très bon ami. Quelle chance tu as eue de l’avoir comme enseignant ! Je suppose qu’il représentait beaucoup pour toi ?
- Oui, en effet. Je ne l’ai pratiquement jamais quitté depuis qu’il a fait de moi son apprentie.
- Tu avais douze ans alors ? Un peu vieille pour cela non ? Tu n’avais reçu aucun enseignement de novice.
- Vous avez raison. Cependant, je ne sais pas pourquoi, Maître Beno a tenu à me prendre comme Padawan et il a tenu tête au Conseil pour y arriver.
- Il savait être très têtu… et persuasif en effet. Que te rappelles-tu de cette époque… celle qui a précédé ton apprentissage auprès de Maître Mahr ?
- Je… pas grand-chose, répondit Isil en hésitant, je… j’ai conservé bien peu de chose de mon enfance…
- Sais-tu pourquoi ?
La jeune fille baissa la tête et regarda ses bottes pensivement.
- Maître Mahr m’a dit que j’avais reçu un choc traumatique et que cela m’avait rendu amnésique.
- Mais il n’a jamais essayé de te soigner ?
- Il ne me parlait pour ainsi dire jamais de mon passé… je pense qu’il souhaitait que cela me revienne naturellement…
- Ou que cela ne te revienne pas du tout, formula le Conseiller d’une voix empreinte de gravité. Ma foi, peut-être faudrait-il provoquer en toi un autre choc qui permettrait à ta mémoire de reprendre le dessus ?
Ce disant, il conservait les yeux rivés sur le visage de la Padawan avec un regard impénétrable. La jeune fille commençait à se demander où les amenait cette conversation. Elle se sentait mal à l’aise sans trop bien savoir pourquoi.
- Maître Beno, murmura-t-elle, m’a enseigné qu’un Jedi ne vit pas dans le passé mais se projette sans cesse vers l’avenir. Le passé est chargé d’émotions, parfois de regrets. Seul l’avenir compte.
Les yeux de son interlocuteur brillèrent.
- C’est bien, jeune Padawan. Tu raisonnes comme un Chevalier – il insista sur le mot – Jedi ! Pourquoi ne l’es-tu pas encore ?
- Je ne sais pas, Conseiller. Sans doute que les Maîtres pensent que je ne suis pas encore prête.
- Et Maître Mahr, qu’en pensait-il ?
- Il… il m’a dit que j’étais prête, que cette mission serait mon épreuve finale… mais j’ai échoué.
Elle baissa la tête, les épaules basses.
- Tu n’as pas échoué, protesta le Conseiller, puisque tu as réussi à préserver ces preuves jusqu’à nous.
- Oui mais, c’est Maître Melvar et Hiivsha qui les ont apportées, moi j’ai été…
Jaster Darillian se leva lentement de son fauteuil et fit le tour du bureau pour s’approcher de la Padawan. Doucement il posa une main sur son épaule, geste qui la fit se redresser.
- Maître Melvar m’a rapporté ta douloureuse mésaventure. J’imagine ce que tu as pu subir entre les mains des Sith. Le courage dont tu as fait preuve n’en est que plus grand et le mérite de la réussite de cette mission te reste acquis, ma jeune amie. Sais-tu, Isil, que je te connais depuis bien longtemps ?
Elle frissonna. Il avait enchaîné les idées d’un ton naturel.
- Comment cela ? demanda-t-elle.
- Je t’ai connue quand tu n’avais que quelques mois… sur Corellia.
La jeune fille sursauta.
- Sur Corellia ? Vous connaissiez mes parents ?
Il lui lâcha l’épaule et fit silencieusement quelques pas à travers la pièce vers les immenses fenêtres qui surplombaient la capitale. Le regard perdu au loin, il continua comme s’il se parlait à lui-même.
- Ton père était également un ami… c’est d’ailleurs par lui que j’ai fais la connaissance du Chevalier Jedi qu’était Beno Mahr…
Isil resta un instant bouche bée.
- Vous étiez un ami de mon père ? finit-elle par articuler non sans mal.
- Oui, jeune fille, et de ta mère… tu te souviens de ta mère ?
Le sens de la conversation échappait toujours à la jeune fille qui subissait malgré elle un fort ascendant de la part de cet homme puissant et redouté qui dégageait un réel magnétisme. Elle ferma les yeux un instant, désemparée, tentant de reprendre le dessus comme il se devait pour un Jedi. Son Maître n’aurait pas manqué de la tancer pour sa faiblesse s’il avait été là ! Elle se racla la gorge, histoire de reprendre un peu de contenance et chercha au plus profond d’elle les ressources pour puiser dans la Force de quoi retrouver son équilibre afin de chasser les émotions qui s’emparaient d’elle.
- Non, fit-elle d’une voix plus calme. Non, je n’en ai pas de souvenir, vous ai-je dit.
Il se retourna comme surpris du changement de ton, puis il esquissa un léger sourire paternel pour reprendre d’une voix douce.
- Quel regret cela doit-il être de ne pas se souvenir du visage de celle qui t’a mise au monde, qui t’a allaitée, balancée dans ton berceau, qui t’a chérie, aimée. Ta mère avait une grande beauté. Mon enfant, laisse-moi t’aider à retrouver ton passé.
Il était revenu près d’elle en s’emparant au passage d’une chaise qu’il posa tout près, en face d’elle et sur laquelle il s’assit. Posant ses mains sur les genoux de la jeune fille, il continua d’une voix pleine de charme.
- Elle s’appelait Jaina… ce prénom évoque-t-il quelque chose en toi ?
Elle secoua la tête avec un air contrarié.
- Non, Conseiller, non, cela ne me dit rien… Jaina, vous dites ? C’est possible… De toute façon, je n’ai pas d’autres choix que de vous croire. Franchement, je ne vois pas pourquoi…
- Pourquoi je te parle de tes parents ? Parce que c’est l’essence même de ta vie. Personne ne peut souhaiter ne plus se souvenir de ses parents. Tu es le fruit de leur amour et même si je comprends que l’enseignement Jedi apprend à ne pas ressasser le passé pour éviter les regrets qui engendrent des émotions néfastes, le passé fait partie de toi. Parfois pour comprendre ses actes, pour assumer ses choix, il faut savoir se référer à ce qu’on a été, à ce qu’on a fait. On n’en est que plus clairvoyant pour l’avenir. Je sais que ton Maître voulait un jour ou l’autre te parler de ce que tu avais été… il me l’a confié un jour que nous parlions de toi. Mais il n’en a pas eu le temps. C’est donc à moi qu’il revient de le faire.
Sa voix s’était adoucie comme si le souvenir de Maître Mahr agissait en lui comme un apaisement. Il continua, d’un ton grave.
- Je peux te faire retrouver ta mémoire perdue, Isil, j’en ai les moyens…
- Comment ? interrogea-t-elle.
- En faisant renaître en toi l’étincelle qui fera jaillir la lumière dans l’obscurité de l’oubli. Mais pour cela, il faudra que nous travaillions ensemble, longuement…
- Cela ne sera pas possible, Conseiller, je suis aux ordres du Conseil !
- Conseil qui ne t’a pas nommé Chevalier comme ton Maître l’aurait souhaité, susurra Darillian les yeux mi-clos en l’épiant du coin de l’œil.
- Les Maîtres ont leurs raisons, je dois leur faire confiance et leur prouver que je peux devenir une vraie Jedi.
- Tu veux embrasser la carrière de Consulaire, c’est cela, si je me souviens bien ?
- Oui, en effet. Je veux me consacrer à la diplomatie et à la médiation.
- Dans ce cas, je peux t’aider. Le Chancelier ne peut rien me refuser. Il peut te nommer agent de liaison permanent avec l’Ordre, attaché à mes services. Tu t’occuperas des médiations liées à la sécurité.
- Mais je ne suis qu’une Padawan, souligna Isil qui avait l’impression de perdre pied dans un jeu qu’elle ne comprenait pas.
- C’est pourquoi je suis prêt à parier que le Conseil se résoudra à te donner le rang de Chevalier… au besoin le Chancelier Suprême insistera pour cela.
Elle écarquilla de grands yeux interrogateurs qu’elle leva vers l’homme en noir qui la fixait si intensément.
- Je… je ne sais pas si…
Le Conseiller coupa court aux protestations de la jeune fille en lui posant un doigt sur les lèvres.
- Écoute Isil, Maître Beno m’a affirmé à moi aussi, que tu étais prête à voler de tes propres ailes. Je pense que le Conseil n’a pas oublié comment Mahr les a obligés à t’accepter comme apprentie. Ils ne voulaient pas de toi. À douze ans, tu étais trop âgée pour être formée et ils ont toujours refusé de considérer les dons exceptionnels que tu as dans la Force, cette symbiose si particulière que ton Maître sentait en toi. Mais ton handicap… le néant de ton amnésie, te rend fragile. C’est toute une partie de toi qui est plongée dans l’obscurité. Une fois ce vide comblé, tu seras plus forte. Tu deviendras un grand Chevalier Jedi Consulaire, je le sens.
Il effleura du bout des doigts l’arrondi d’une joue en souriant.
- Mais pour cela, tu dois me faire confiance mon enfant. Laisse-moi m’occuper de toi comme je l’ai promis à Beno Mahr au cas où il lui arriverait malheur.
- Vous lui aviez promis de… balbutia Isil, un peu perdue dans l’ascendant que le Conseiller avait pris sur elle en évoquant son ancien maître.
- Oui, Isil.
S’il y a une chose qu’un homme politique apprend très tôt dans sa carrière, c’est mentir avec l’accent de la vérité. Jaster Darillian était passé maître dans cette discipline qu’il avait cultivée avec art. Cette faculté lui avait été d’un grand secours pour grimper les échelons d’une société très particulière qui comptait parmi elle, les personnalités les plus corrompues de la République. Le mensonge étant la seconde nature d’un tel homme, Isil, qui s’enfonçait de plus en plus dans un abîme d’incompréhension, ne pouvait le déceler si toutefois c’en était un. Malgré son enseignement, sa jeunesse ne faisait pas le poids face à l’âge de son interlocuteur et à l’expérience qui s’en dégageait.
- Mais pour cela, il faut que toi aussi tu m’aides mon enfant, souffla-t-il à l’oreille de la Padawan en se levant.
Une étrange lueur chargée d’ambiguïté avait éclairé l’espace d’une seconde ses prunelles obscures. Lueur, chassée aussitôt par un sourire qu’il essaya de rendre le plus naturel possible.
- J’ai besoin que tu prouves ta loyauté à la République si tu veux pouvoir la servir.
Isil le suivit du regard tandis qu’il s’éloignait de nouveau vers les baies vitrées du bureau.
- Qu’attendez-vous de moi ?
- Que tu mettes fin à la carrière du Sénateur Kaldor… l’assassin de ton Maître.
La jeune fille se leva d’un bon comme mue par un ressort et se tourna vers son interlocuteur qui lui tournait le dos.
- Quoi ? s’étonna-t-elle. Vous me demandez de tuer délibérément un sénateur ?
Le regard froid du Conseiller se fixa sur l’horizon et un rictus déforma sa bouche. Quand il se retourna, il avait retrouvé un masque d’humilité.
- Pas délibérément, mais je connais très bien l’homme et je sais que Kaldor est un adversaire redoutable. Il se défendra âprement lorsque vous irez l’arrêter. Ce sera de la légitime défense. Je sais qu’on peut estimer que ce n’est pas bien, jeune Isil, et je sais que je te demande quelque chose de difficile. Mais…
Il fit trois pas qui l’amenèrent tout près d’elle puis il la saisit par les épaules.
- … je ne peux pas penser que tu souhaites la perte du Chancelier Suprême et la déstabilisation de la République et de tout ce qu’elle représente. La situation est critique et le scandale que pourrait provoquer Kaldor aurait des répercussions immenses… des conséquences irréparables, crois-moi mon enfant. Il s’agit d’une nécessité d’État absolue !
- Tuer quelqu’un sans défense… sans chercher d’autre chemin… c’est contraire au principe de l’Ordre, se défendit-elle. Maître Melvar vous l’a bien dit à l’instant ! Tuer sans raison mène au côté obscur de la Force et…
- L’Ordre a des principes qu’il proclame, coupa-t-il, mais qui ne sont pas toujours d’une totale vérité. La Force est bien plus complexe qu’on ne veut parfois l’affirmer. Je comprends bien la nécessité de simplifier son approche pour former des novices et les rendre malléables afin de modeler de bons petits Padawan à l’image de ce que leurs Maîtres souhaitent. Mais il faut se rendre à l’évidence : l’Ordre Jedi n’est qu’une organisation qui tente de centraliser l’exclusivité de la Force dans la Galaxie pour se l’approprier. Et tant mieux s’il y parvient après tout. Son efficacité n’en sera que plus grande… quoique ces derniers siècles aient plutôt montré ses limites dans la réussite des missions qu’il s’est lui-même arrogées. Ces protecteurs des mondes connus n’ont pas empêché la République de pratiquement s’effondrer et Coruscant d’être sauvagement attaquée. C’est ainsi que les rapports de la République avec l’Ordre se sont un peu racornis depuis qu’ils sont partis se réfugier sur Tython… si je puis employer un doux euphémisme.
Sa longue tirade exposée, il se tut un instant pour laisser ses idées pénétrer l’esprit de la jeune fille qui l’écoutait sans bouger.
- Quoiqu’il en soit, Kaldor a tué ton Maître Isil, ton Maître et aussi mon ami. Un grand Jedi ! Et personne ne pourrait se faire le bras armé de la justice ? S’il y a une justice inhérente, c’est celle qui châtiera ce misérable. N’oublie pas qu’en matière d’État, nécessité fait Loi, Isil. Je ne te demanderai pas d’accomplir ce geste, si ce n’était pas primordial que quelqu’un le fasse.
- Mais je… commença la jeune fille.
- Non, ne dit rien maintenant mon enfant. Je te demande juste de réfléchir à ma supplication. Considère tout ce que je t’ai dit et tout ce qui est en jeu. Aide la République à sortir de ce mauvais pas en considérant que c’est une guerre que Kaldor veut lui livrer… une guerre qui fera nombre de morts innocents si la Chancellerie est déstabilisée… les loups n’attendent que cela pour en profiter. Aide-moi et en retour, je t’aiderai. Je te guérirai de ton absence de passé.
Tout en lui parlant avec un accent sincère, il la poussa doucement vers la porte du bureau.
- Au revoir, Isil… Je sais que tu prendras la bonne décision le moment venu.
La porte se referma derrière elle.
Le Conseiller verrouilla la double porte avant de se hâter d’un pas vif vers une autre porte qui donnait à extrémité opposée du bureau. Il pénétra dans une petite pièce sombre dont il alluma la lumière. Au centre se trouvait un holonet de grande taille. Dans une penderie, il s’empara d’une longue cape noire qu’il revêtit et dont il prit soin de rabattre la capuche pour dissimuler ses traits. Puis, il alluma l’ordinateur qui le pilotait et prononça en détachant les syllabes.
- Demande communication en fréquence chiffrée. Contact deux deux trois un.
Une colonne de lumière bleutée se posa au centre de l’appareil, au-dessus d’un disque gris. Au bout de deux minutes, une silhouette apparut. Elle ressemblait étrangement à l’aspect qu’offrait ainsi vêtu le Conseiller à la Sécurité de la République.
- Seigneur Dal-Karven ? commença ce dernier.
<< Page précédente
Page suivante >>