StarWars-Universe.com utilise des cookies pour faciliter votre navigation sur le site, et à des fins de publicité, statistiques, et boutons sociaux. En poursuivant votre navigation sur SWU, vous acceptez l'utilisation des cookies ou technologies similaires. Pour plus d’informations, cliquez ici.  
 
Sous-sol. Foule. Agitation. Micro. Un journaliste tenait le micro. Une jeune femme aux cheveux d’ébène s’adressait au journaliste.

Le journaliste demandait :

- Commandant Ettyk, vous avez été nommée juge d’instruction dans cette affaire : pouvez-vous nous dire ce qu’il en sera du Grand Moff Nesta après sa capture ?

La jeune femme répondit :

- Bien sûr. Je viens de l’inculper pour meutres, tortures, actes de barbarie constitutifs de crimes contre la civilisation. La défection de plusieurs systèmes planétaires nous a permis de mettre la main sur de nombreuses archives secrètes susceptibles de conforter les chefs d’accusation. Par ailleurs, les témoins ne manquent pas.

Le journaliste demandait :

- Le Grand Moff Nesta a-t-il fait des aveux ?

La jeune femme répondit :

- Pas encore. Mais il parlera. Il faisait partie du cénacle de Palpatine et connaît bien des aspects méconnus de l’histoire de l’Empire.

Le journaliste demandait :

- Vous êtes en train de nous dire qu’il s’agit là de la plus grosse prise de la Justice rebelle ?

La jeune femme répondit :

- Tout à fait. C’est pourquoi…





- … nous ne passerons pas à côté d’une telle occasion…

Le commandant venait de baisser le son des Holonews lorsque Virgilio entra dans son bureau. Formalités d’usage (garde-à-vous-rompez-asseyez-vous-je-vous-en-prie), puis discussion.

- Bienvenue, lieutenant, sourit le commandant. Je vois que vous tenez la forme !

Virgilio acquiesça d’un simple hochement de tête. Il avait été récupéré assez rapidement, par bonheur – mais d’autres n’avaient pas eu cette chance.

Beaucoup d’autres.

- Vous avez brillamment servi, de même que votre escadron, reprit le commandant.
- Les pertes ont été lourdes, répliqua Virgilio d’une voix blanche.

Le sourire du commandant disparut. Plus de la moitié des pilotes engagés dans la bataille de Naboo avaient péri – pire encore qu’Endor. Les deux tiers des vaisseaux lourds avaient été détruits ou endommagés. La seule consolation provenait du fait que les Impériaux avaient eux-aussi morflé : onze destroyers perdus sur vingt-et-un, ainsi que deux supercroiseurs, et les trois quarts de leurs TIE…

Sans parler du sort fait à la planète qui était censée devoir être libérée…

Naboo avait été une véritable boucherie. Et les Sobres en avaient également payé le prix.

- Effectivement, fit le commandant. Trois pilotes abattus sur six, et un en… « réparation »… sacré droïd, pas vrai ?
- C’est le cas de le dire.

Le commandant n’était pas tranquille. Virgilio était inhabituellement calme, aujourd’hui. Ses yeux reflétaient du vide total. Comme s’il était ailleurs, dans les Régions inconnues .

- Néanmoins, vous avez abattu un nombre considérable de chasseurs ennemis, et vos gars ont, à eux tous seuls, détruit un supercroiseur, sauvant ainsi la Flotte de l’anéantissement.
- Si je puis me permettre, Kir… enfin, l’un de mes ailiers, a relaté que deux Rogues avaient…

Le commandant eut un geste d’impatience.

- Oui, oui, nous savons cela, rassurez-vous : tout le monde aura droit à son lot de médailles.
- J’en suis convaincu, sourit étrangement Virgilio.

Le commandant avala sa salive, s’efforçant de se mettre à l’aise.

- Alors voilà… Je… J’ai deux nouvelles à vous annoncer. Tout d’abord, le Haut-Commandement, tenant compte de vos mérites, a décidé de vous attribuer le grade de capitaine.

Silence de Virgilio. Regard toujours ailleurs. Le commandant fronça les sourcils.

- Cela n’a pas l’air de vous faire plaisir, capitaine ?

Le regard de Virgilio parut s’illuminer.

- Vous disiez, commandant ?
- J’aimerais un peu plus d’attention, capitaine. La seconde nouvelle est que le Conseiller Fey’lya a plaidé en votre faveur pour que vous preniez le commandement de la corvette Quenfis. Personne n’ignore que vous vous y connaissez, en maniement de vaisseau, outre d’être un as du pilotage.
- Et l’Escadron Sobre ?

Le commandant se ramena en arrière, comme pour étouffer un bâillement.

- Son existence est maintenue – on ne dissout pas un groupe de héros. Skywalker voudrait que votre Ewok le rejoigne pour amorcer sa formation de Jedi, mais l’Ewok répond, en substance, qu’il n’y a pas le feu au lac. La dénommée Cocktail prendra le commandement de l’Escadron, avec le droïd comme ailier.
- Très bons choix, murmura Virgilio.
- Est-ce à dire que vous acceptez la proposition du Conseiller Fey’lya ?
- Cette offre m’enchante, répondit Virgilio. Laissez-moi cependant y réfléchir.
- Naturellement. Le Conseiller a déclaré que vous aviez tout votre temps en ce but.
- Le Conseiller est bien aimable.
- Je vous conseille de ne point négliger un tel appui, capitaine.
- Merci, commandant.
- Vous pouvez vous retirer.

Virgilio ne se le fit pas dire deux fois. Il se leva, salua, tourna les talons et sortit se saoûler la gueule.





Le journaliste allait achever son interview. A côté d’eux, le sous-sol grouillait de monde : flics, journalistes, holocameramen… On préparait le transfert de Nesta dans une prison où sa sécurité serait mieux assurée. Dès que la nouvelle de sa capture avait été diffusée, des gars avaient fait connaître leur point de vue. Pas amical, leur point de vue. Pas du tout amical, même.

- Le Grand Moff Nesta a-t-il trouvé un avocat ?
- Beaucoup se sont présentés. Il aura droit au défenseur de son choix.

Seul, affalé sur une chaise, le torse près de s’allonger sur la table, Lando se tapait des images projetées par l’holo-écran du bar miteux où il avait trouvé refuge – il s’en tapait profond. Son ambition du moment était d’achever son énième verre de whisky corellien. C’était au moins ça.

Il était dans le gouffre, environné de noir. Il était immergé dans la carbonite. Il était perdu.

Yan, Chewie et les autres avaient bien tenté de lui remonter le moral, ces derniers jours, mais eux-mêmes étaient encore sous le choc de la destruction de Naboo – Leia, en particulier, même si elle tenait à n’en rien montrer. Telle était d’ailleurs l’ambiance qui prévalait, chez les Rebelles : au mieux, des sourires crispés, et au pire des yeux rougis.

Mais pour Lando, Naboo n’était qu’une goutte d’eau. Il avait déjà tout perdu.

Il ne dormait plus. Il ne faisait plus rien. Il était dans le gouffre.

Lando avait silencieusement enterré Nora, seul, sur cette planète qui servait de quartier-général provisoire de l’Alliance, laquelle deviendrait incessamment sous peu la Nouvelle République… « Nous aurions tort de penser qu’un chapitre de notre Histoire vient de se terminer, avait dit Mon Mothma. La folie sanguinaire d’un Empire terrassé ne saurait faire oublier ceci : la République n’a jamais cessé d’être. »

Mon Mothma avait prononcé un discours particulièrement émouvant à l’issue de la bataille de Naboo – que nul n’osait qualifier de victoire. Ces mots, en particulier, avaient remué Lando : « Le combat contre la tyrannie est le combat de l’Alliance, mais c’est aussi un combat qui oblige chacun à effectuer des choix qui marqueront à jamais sa destinée. Ces choix nous amèneront à nous engager, ainsi que notre famille, nos amis, ceux qui nous sont chers, dans une aventure qui pour beaucoup sera un chemin de croix. Je sais que rien ne remplace la douleur que constitue la perte d’un proche. Oh oui, je ne le sais que trop. Nous vivons malheureusement une époque extraordinaire dans laquelle le moindre de nos actes revêt une importance insoupçonnée, et où la mort fait partie de nos vies. Le mieux que nous puissions faire est de continuer à lutter jour après jour pour assurer à l’Univers un avenir meilleur et plus juste ; de se battre pour éviter que tous ceux que nous aimons soient morts en vain. »

Mon Mothma avait achevé ainsi : « La bataille de Naboo a opposé des Humains et des Non-Humains. L’horreur de Naboo a frappé des Humains et des Gungans. Ne soyons donc pas aveuglés par nos differences – mais prêtons notre attention a nos intérets communs et aux moyens de regler nos divergences. Car notre lien le plus élémentaire est que nous habitons tous cette galaxie, nous respirons le même air, nous chérissons l’avenir de nos enfants, et nous sommes tous mortels. »

Ces mots avaient heurté Lando. Lando essayait de s’y raccrocher. Lando voulait y croire. Lando n’y arrivait pas.

Mais il finirait bien par y croire de nouveau. Ce n’était pas possible autrement.

« Il est là. »
« C’est lui. »
« C’est lui. »

Lando redressa la tête, presque réveillé par les cris des journalistes qui se trouvaient à l’intérieur de l’écran d’Holonews, dans cette espèce de sous-sol merdique…

Nesta venait d’apparaître dans l’étroit couloir laissé par la presse. Petit, tout de noir vêtu (noir taulard ?), rien de commun avec son ancien uniforme impérial. Son visage livide affichait un mince rictus ironique dessiné sur ses lèvres. L’œil torve luisait à l’écran façon diamant. Menottes aux poignets, il était escorté par deux gars, dont un humain de grande taille en uniforme beige d’officier rebelle à sa droite et Acritt, à sa gauche, en civil, plus sombre. Même Acritt était plus grand que lui…

… Lando cligna de l’œil… Lando se souvenait. Acritt avait fait coffrer Nesta dès leur arrivée en territoire ami. Il voulait tout savoir sur Caamas mais Nesta se la bouclait. Et maintenant, la Justice s’en occupait. Devait pas être forcément joyeux, Acritt.

… Lando bâilla…

Brouhaha. Flashes. Lumières. Les journalistes hurlaient leurs questions, hâchaient leurs compte-rendus.

« C’est Nesta. »
« Mesdames-messieurs… »
« Il arrive. »
« Il est là. »
« C’est lui. »

L’ex-Grand Moff Nesta marchait sur la piste, sous l’œil de Lando Calrissian. Une vedette de cinéma.

A ses côtés, Acritt affichait un air mi-stressé mi-satisfait. Le Document de Caamas avait disparu mais les Impériaux ne l’avaient pas publié. Et Nesta en savait apparemment fort long sur ce dossier : Acritt ferait jouer de ses relations pour obtenir de lui quelques aveux et une relative discrétion au cours de son procès. En échange, il lui offrirait la prison à vie ou, au pire, le suicide, histoire d’éviter le supplice de la peine de mort…

Lando re-cligna de l’œil. Il allait se remplir le gosier quand…

… son verre – enfin, la main qui tenait le verre – s’arrêta net, à quelques centimètres de ses lèvres.

Mais qui est ce type ?

Un individu, de dos, assez lourdement charpenté, s’était faufilé entre les journalistes. Pas assez discret pour échapper à l’œil acéré de Lando – on était bon pilote ou on ne l’était pas. Il se dirigeait vers Nesta, main droite sur la cuisse…

Mais que fait-il ?

Et Nesta marchait, tranquille. Et Acritt ne remarquait rien.

Bon sang mais bougez !

Tout se déroula en moins de trois secondes. Le type s’élança de la masse des journalistes. Le type brandit un petit objet – un micro ? – vers l’abdomen de Nesta. Le type cria quelque chose à Nesta – « salopard d’Impérial » ? Et une détonnation éclata, en même temps qu’un léger flash illuminait le corps de l’ex-Grand Moff.

Le regard de Nesta étincelait d’incrédulité. Puis ses yeux se fermèrent. Comme au ralenti, son visage se congestionna, sa bouche se tordit ridiculement pour former une espèce de « O » – Oh le salaud il m’a eu il m’a eu il m’a eu je meurs… Son corps se détentit soudainement, sembla perdre l’équilibre, chuta sur Acritt qui affichait un air de totale consternation – c’est pas vrai c’est pas possible c’est pas vrai c’est qui ce type c’est quoi ce truc…

Plusieurs soldats s’étaient jetés sur le tueur, l’écrasant de leur masse, l’étouffant, l’empêchant de crier sa haine.

Le corps de Nesta tombait.

Acritt essayait de le rattraper.

Le corps de Nesta heurta le sol – sans bruit.

Les journalistes hurlaient.

« Il a été abattu ! »
« Nesta a été abattu ! »
« Nesta a été descendu ! »
« C’est incroyable ! »
« C’est… »
« Il est mort ! »

Lando, hypnotisé, ne ratait rien. Ne raterait rien. Il ne voulait pas arrêter le flux d’images. Il ne cherchait pas à s’en défaire. Il était aspiré par elles. Acritt essayait de ramener Nesta à la vie, lui pratiquait un massage cardiaque. Lando regardait, Lando ne s’en remettait pas. Les journalistes criaient.

Non…

Lando se perdait dans les images.

Dans la salle, à côté de lui, les gens gueulaient et braillaient. Une symphonie désordonnée de beuglements et d’exclamations – joie, peur, adoration. « Bien joué. » « L’ordure. » « Ce mec est un héros ! » « Y a pu d’Justice ! »

Et puis, comme dans la minute qui avait suivi la mort de Nora – « c’est toi qui m’as sauvée » –, tout devint très clair. Tout s’illumina, comme le coup de feu tiré sur Nesta.

Lando se perdit dans la lumière.

Lando comprit.

Cette guerre, cette violence, cette horreur, ce n’était pas fini. Ca ne finirait peut-être jamais. Peut-être.

Ce « peut-être » faisait la différence.

Il avait sauvé Nora. Elle l’avait trahi et elle s’était rachetée. Elle savait qu’elle allait mourir et ne recherchait qu’à gagner son pardon. Et il lui avait pardonné. Elle était morte en l’ayant toujours aimé. Elle était morte pour qu’il vive.

Il y aurait encore des morts, encore des larmes, encore des drames. Mais Lando pouvait contribuer à l’empêcher. Il contribuerait à l’empêcher. Il se battrait pour ça.

Les yeux secs, Lando reposa calmement son verre. Il se leva, paya, et quitta la salle. Quelques heures plus tard, ayant fauché une navette, il s’envolait pour Bespin. Il avait un monde à libérer. Et il s’en sortirait très bien tout seul.

La bataille d’Endor avait fait de Lando Calrissian un général. Sa mission sur Coruscant en avait fait un Rebelle.






Assis dans son bureau du vaisseau Alliance, Borsk Fey’lya se vida les poumons, et, rassemblant ses forces, acheva de taper le code d’accès de son lecteur de transmission holographique. La forme d’un Bothan en uniforme de général surgit, au dixième de taille, sur sa console.

- Conseiller Fey’lya ? fit le général.
- Nesta est mort, déclara sèchement Fey’lya.

Acritt et le toubib venaient de le confirmer.
- J’ai assisté à la scène, commenta glacialement son interlocuteur. C’est un désastre.
- En effet, approuva Fey’lya en essayant de se remettre les idées en place. Général, je suis au regret de vous dire que je n’ai plus de dossier à vous remettre.

Le général hocha la tête.

- Ne dites pas cela, Conseiller, répliqua-t-il d’une voix qui se voulait compatissante. Nous enquêterons sur l’entourage de Khi’mel et Mek’Thra. Nous trouverons forcément…
- J’ai déjà enquêté sur eux, l’interrompit Fey’lya. Vous ne trouverez rien de plus.
- Vous avez… murmura le général, l’air surpris. Bel esprit d’initiative, Fey’lya.

Le ton reflétait certain agacement. Mais il était comme ça, Fey’lya : il ne pouvait s’empêcher de chercher la petite bête.

- Et l’individu qui a tué Nesta ?
- D’après les premiers relevés, il s’agit d’un tenancier d’une obscure Cantina de Tatooine, un certain Ja’crubi, qui serait en rapport avec les Hutts ou les restes du Soleil Noir.
- Ce serait donc une vengeance ? Nesta faisait partie du Soleil Noir…
- C’est possible, encore que l’individu – un humain – clame avoir agi pour éviter à la Conseillère Organa d’avoir à affronter la douleur d’un procès relatif à Caamas et surtout Alderaan.
- Pas crédible une seule seconde, opina le général. Mais si le type est un desaxé, pourquoi pas ?

Le museau de Fey’lya se tendit.

- Que voulez-vous dire, général ?
- Nous n’avons aucun intérêt à enquêter sur une éventuelle conspiration, répondit-il. L’image de la Rébellion risquerait d’en souffrir : rendez-vous compte, elle est infestée de conjurés assoiffés de pouvoir, etc. Et cela attirerait l’attention sur nous, sur Caamas. Nous ne pouvons, à l’heure présente, nous le permettre.
- Je comprends, mais…
- Je parle au nom des Clans de Bothawui, Conseiller, trancha le général. L’homme qui a abattu Nesta devra passer pour un malade mental et portera le chapeau.
- Ne devrait-on tout de même pas enquêter ?
- Et où cela vous mènerait-il ? rétorqua le général avec un air désespéré. Vous pensez bien que les éventuels commanditaires auront pris soin de brouiller les pistes. Non, jouons le jeu, et patientons.

Fey’lya réfléchissait. Logiquement, du moins si la logique avait encore une quelconque pertinence dans l’univers parano qui était celui de la Politique et du Renseignement, la stratégie du général se tenait. Mais le Conseiller n’était pas entièrement satisfait, et il savait pourquoi.

- Vous êtes donc en train de me suggérer de laisser tomber cette piste ?
- Non, Conseiller : vous avez la possibilité d’enquêter. Mais je ne fais que vous exposer les désagréments qu’une telle enquête – si elle venait à être mise à jour par la presse, et vous serez sous le feu des projecteurs tôt ou tard – pourrait créer à notre égard.

Fey’lya voulut répondre. Mais les mots se coincèrent dans sa gorge.

Le général avait raison. Fey’lya avait réussi à agir de manière discrète à propos de Caamas, toutes ces années. Il avait été à un cheveu de gagner la partie. Mais tout n’était pas terminé. Il reconstituerait patiemment, lentement, sa toile : et il coincerait tous ces traîtres qui avaient servi Palpatine. Pas aujourd’hui. Pas maintenant. Mais plus tôt que ces salauds ne le pensaient.

- Je crois que je vais me rallier à votre point de vue, général, reconnut amèrement Fey’lya.
- Notre marge de manœuvre est très étroite, Conseiller. Avancer à petits pas dans le brouillard est encore la meilleure manière d’en sortir.

Vieux proverbe bothan. Ou klingon ?

- Je dois vous laisser, conclut le général avec un pâle sourire. Mon fiston est primé à l’école, aujourd’hui, et il tient à ce que je participe à la cérémonie.
- Attendez un peu qu’il devienne adolescent ! gloussa Fey’lya.
- Je ne m’en fais pas pour ça, répondit son interlocuteur sur un ton enjoué. C’est un peu le meilleur ! Bon, je vous laisse… Mes hommages, Conseiller.
- Mes hommages, général Braki.

Fin de communication.

La silhouette disparut. Fey’lya désactiva le lecteur holocom. Puis il consulta son agenda pour la journée. La mention « Faire chier Ackbar – Défendre Bothawui » revenait à toutes les dates. Un bref instant, il se remémora cette époque pas si lointaine où il était encore persuadé que l’idéalisme menait à tout.

En ce sens, Caamas avait tout changé. Caamas avait flingué sa putain d’enfoirée innocence. Et jusqu’à l’heure de sa propre mort, Borsk Fey’lya traînerait un lancinant complexe de culpabilité qui lui dévorerait lentement le cerveau… Il s’efforcerait d’agir au mieux des intérêts de la galaxie – donc, entre autres, les siens – mais savait qu’un jour, lui aussi finirait par expier. Peut-être au fond ne rechercherait-il que ça.











* * *










Un couloir mal éclairé – on manquait vraiment de moyens pour les installations courantes… Au-delà, une lourde porte en duracier, gardée par deux soldats non-humains à la peau bleue et l’uniforme bordeaux qui se raidirent à son approche.

- Rompez, ordonna l’amiral Parck d’une voix douce.

Le passe qu’il sortit et inséra dans le lecteur adjoint à ladite porte n’avait été édité qu’à trois exemplaires. L’endroit où Parck se rendait constituait l’un des repaires les plus secrets de l’Empire – ou des territoires chiss, question de point de vue.

Ouverture de porte. Mugissement étouffé.

Ledit endroit se présentait sous la forme d’un banal entrepôt souterrain, éclairé de manière tout aussi faiblarde que le couloir. S’étendaient à perte de vue des piles de caisses anonymes posées à même le sol ou sur des dizaines d’étagères. Il y en avait tant que le rangement finissait par en devenir anarchique…

La porte se referma derrière Parck. Il se retrouva seul dans cette pièce démesurée.

D’autres que lui, il le savait, auraient ressenti des frissons, voire une bouffée d’orgueil, en ayant ne serait-ce que le privilège de tenir entre leurs mains une simple image du local. Car Parck se trouvait dans la cave aux secrets que protégeait la base connue sous le nom de code de Main de Thrawn. Cette base avait été bâtie sur Nirauan, monde perdu aux frontières des territoires chiss, et improvisé grand quartier-général impérial du front des Régions inconnues. Mais cette base était une rumeur. Cette base n’existait pas. Cette base n’avait jamais existé. Cette base était un trou noir.

Toutes les données officieuses, toute l’Histoire interdite, le compte-rendu intégral des coulisses de ces quarante dernières années étaient parqués sur cette planète, dans cette base, dans cette salle – dans ce trou noir. La plupart de ces dossiers – fichés sur tous les supports imaginables – avait été amenée ici voici des années. Mais les arrivages récents étaient fréquents, suite à un accord passé avec Isard pour la décentralisation des archives jugées sensibles. Le classement restait encore à faire – et le Grand Amiral était certes très occupé, pour cause de guerre à gagner. Parck se rappela alors que certaines rumeurs avaient laissé supposer que le général Kutchann possédait une documentation semblable… Rien d’étonnant à cela : le pouvoir passait par l’information. Comme le disait une philosophe qui avait rallié la Rébellion, « plus est visible le pouvoir du totalitarisme, plus ses véritables desseins deviennent secrets ».

Vachement bonne phrase, indéniable .

L’amiral impérial marcha entre les étagères, se faufilant entre des caisses recouvertes d’une couche de poussière, longea le rayon « Vol Extérieur » qui voisinnait celui intitulé « Comte Dooku – Dark Tyrannus », jeta un œil à celui consacré à la jeunesse de Palpatine, ne prêta aucune attention aux caisses estampillées « Guerres Cloniques – Séparatistes », un peu vieillottes d’allure, et s’arrêta enfin devant un échaffaudage de bric et de broc qui fleurait bon la constitution récente, à côté d’une rangée de datacartes « Décision Alderaan – Etoile Noire ».

A demi-effacés, le mot « Bothawui » trônait sur deux cartons grisâtres.

Deux cartons, seulement, sur les centaines présents ! Les Bothans étaient réellement des obsédés du secret. Mais le document que Parck s’apprêtait à ranger dans l’une de ces boîtes comblait largement ce manque…

Sa main droite se glissa dans le revers de son uniforme, en saisit précautionneusement la datacarte baptisée « Protocole Caamas », et alors que sa main gauche soulevait le couvercle d’un des cartons, elle déposa lentement la pièce à conviction dans le réceptacle. La main gauche laissa retomber le couvercle sans un bruit.

Dans quelques mois, voire plus tard, il serait nécessaire de stocker toutes ces données sur un fichier central – afin de se simplifier la vie. Mais cette ambiance poussiéreuse ne déplaisait point à Parck, sans doute parce qu’elle laissait fleurir certain côté nostalgique. Pas le souvenir des périodes fastes de l’Empire, non, mais celui des manipulations antérieures, de l’intéraction des réseaux de conspirateurs, des succès et des échecs d’agents ou de leaders conscients ou inconscients… Les régimes se succédaient, les chefs d’Etat mouraient, mais les manipulations prospéraient, mais les structures demeuraient. Le Nouvel Empire, la Nouvelle République, les Jedi n’y changeraient rien. Personne n’y changerait rien.

Tout aboutissait ici. Tout aboutirait ici.

A cette pensée, Parck esquissa un mince sourire, puis tourna les talons et sortit de la salle d’un pas léger.
<< Page précédente
Page suivante >>