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Dès qu’ils s’attachent à raconter le déroulement des batailles ayant ravagé cette galaxie, les historiens suivent une démarche relativement claire et admise par tous. Au commencement est le « contexte » (anciennement appelé destin : ce qui a amené les adversaires à se flinguer), puis suit la « rencontre » – en l’occurrence : les plans militaires, les vaisseaux, les flottes, les mouvements engagés par ces dernières, les percées, les encerclements, les retraites –, le tout s’achevant sur les pertes en hommes et en matériel. Il arrive que des chercheurs plus rigoureux analysent les « conséquences » militaires, politiques, économiques induites par le résultat de l’affrontement. « La 7e escadre a fait ci, le 111e escadron a fait ça », « le plan de Z. était parfait, à la condition de… », « La bataille s’est révélée décisive en ce que toute la Flotte ennemie a été annihilée ». Parfois, on agrémente ces offensives, ces replis, de quelques considérations du genre « tel pilote s’est comporté avec bravoure, telle escadrille se sacrifia pour sauver le reste de l’escadre »… Ca, c’est pour le côté « humain », individuel, destiné à rappeler au lecteur que l’on ne s’intéresse pas seulement aux unités, mais également aux gars qui les composent.

Une bataille semble ainsi se résumer à un genre de « touché-atomisé », un match où chaque vaisseau perdu est comptabilisé comme un point concédé à l’adversaire. A ce stade de description, le nombre de morts n’est guère évoqué, préférence étant accordée à l’état du dispositif étudié à tel instant du combat – en bref : les capacités offensives, défensives, de chaque camp. Au fond, tant que la balance n’a pas définitivement penché, la masse des victimes ne revêt aucune réelle importance, comme si l’historien préférait porter son attention, non point sur les cadavres carbonisés, troués, découpés en morceaux et entassés dans les couloirs d’un destroyer endommagé, mais sur un enjeu bien plus important, à savoir l’identité du vainqueur.

Tout au plus les morts sont-ils invoqués à l’appui d’une recension des forces encore disponibles chez l’un et l’autre protagoniste. A l’occasion, ils sont appelés à la barre pour participer à un genre de comparaison comptable servant à fonder une opinion de stratège en chambre, laquelle ne rechigne pas à intégrer l’uchronie pure et simple – « A la sixième heure de la bataille, l’armée X n’avait perdu que 14.000 hommes, tandis que l’armée Y en laissait le double sur le terrain. Pourquoi l’armée X n’a-t-elle pas exploité son avantage en relançant une offensive qui aurait valu l’anéantissement total de l’adversaire ? Il n’est pas difficile d’imaginer ce qu’il serait advenu d’Y en pareille hypothèse… », etc.. Les cadavres, les blessés, sont extraits de leurs cercueils de métal pour être regroupés, divisés en plusieurs sections et enrégimentés dans les cases d’un tableau statistique. La profanation sert ici de règle d’étude. Et, parfois, de prétexte à querelle d’épicier sur la véracité des chiffres retenus. Des chiffres. Des numéros. Des unités. La déshumanisation militaire atteint ici son paroxysme. Elle est pour ainsi dire achevée. Même mort, le soldat conserve l’uniforme, fait partie d’un ensemble, ne quittera plus jamais ce champ de bataille où il est réduit à une base de calcul mathématique.

En fait, les morts n’intéressent pas, ou pas assez – sauf si la boucherie dépasse évidemment tout ce que l’on peut imaginer, pulvérisant tous les records nécrologiques. Dans l’ensemble, ces rejetons honteux d’une bataille, ces bâtards de la gloire, ces oubliés de la victoire, on les laisse aux survivants, aux témoins, à leurs souvenirs, à leurs mémoires édités sous forme d’holofilms…

Parce qu’au fond, ce qui fascine, c’est le duel, c’est le choc des cerveaux. Faut l’avouer, c’est tripant, carrément bandant. Quel pied extraordinaire peut-on ressentir en étudiant, en découvrant l’affrontement opposant deux capitaines, méthodiques ou passionnés, racés ou vulgaires, flamboyants ou ascètes, visionnaires ou techniciens ! Des noms comme Ackbar, Tarkin, Thrawn, Bel Iblis, Zaarin, Vador, et plus tard Kre’fey, Tsavong-Lah, Nas Choka ne peuvent qu’attirer le regard et engendrer l’obsession. Yavin, Hoth, Endor, Naboo, Brentaal, Borleias, Coruscant, Thyferra, Sluis Van, Ukio, Generis, Bilbringi, Sernpidal, Ithor, Fondor, Duro, Coruscant (encore), Ebaq : ces charniers ne sont pas ainsi présentés, ils sont à la fois décortiqués et résumés, disséqués et effleurés, réduits à leur plus simple expression, transformés en dates obscures à retenir pour tracer les limites temporelles d’une période, d’un conflit, d’une phase militaire, mutés en grands épisodes biographiques, du style « Palpatine contre les Séparatistes », « la Rébellion contre Palpatine », « Thrawn contre la République »… Le massacre de masse devient un huis clos, une partie de déjarik à la fois immense et intimiste. Il finit par être assimilé à un modèle enseigné dans les Académies militaires, le rêve des jeunes cadets désireux de marcher sur les traces de leurs aînés… Bilbringi, an V de la République, Bel Iblis vs. Thrawn : quel choc, quel film !

La tragédie ? Oui, elle se produit – la guerre, c’est pas toujours joyeux. Mais les pilotes, les équipages, les troupiers ne sont pas conviés à la pièce. Cette dernière porte davantage sur les commandants en chef. Pour un bilan mortuaire de Bilbringi, pour ces milliers de corps projetés dans l’espace intersidéral, combien de lignes, combien de phrases, combien de vers même, sur l’assassinat de Thrawn ?

C'est une bataille où chante une grande guerre,
Dévorant follement de glorieux bataillons,
L’instant où le vaisseau, de cette escadre fière,
Luit : c'est une mécanique qui crache des rayons.

Un Grand Amiral, bouche ouverte, tête nue,
Le visage baignant dans cette lueur bleue,
Dort ; scellé sur le trône, unique sous la nue,
Pâle comme son uniforme où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

L’air vicié n’effleure pas même sa narine ;
Il dort face aux Rebelles, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a un trou rouge au côté droit.

Peut-être s’agit-il de la seule manière de retranscrire l’horreur ? En associant le lecteur au terrible sort fait à ces héros de l’historiographie ? Une bataille mettant aux prises des milliers d’hommes, il est presque impossible de se familiariser avec eux, de s’inquiéter pour eux, de ne faire qu’un avec eux, de réfléchir sur leur vie, sur leurs familles, sur leurs joies et leurs peines, leurs espoirs et leurs malheurs. Comment le pourrait-on ?

Il arrive cependant que le chroniqueur cède à la tentation de l’épique, à la joie furieuse de décrire les plaies creusées dans un vaisseau à l’agonie. Par la même occasion, les corps des membres de l’équipage dispersés aux quatre coins de l’espace sont avalés par le trou noir de l’Histoire. Car les ouvrages ne seront jamais capables de retranscrire la puanteur dégagée par les cadavres, le grignotement des vers à l’intérieur d’un moignon de jambe, l’ultime seconde de vie de ces condamnés, cette terrible fracture que constitue la perte d’un proche, d’un ami, d’un frère, le chaos régnant au sein des hôpitaux de campagne, sur terre ou dans l’espace, pour les soins de première nécessité…

La guerre reste indescriptible. Malgré la bravoure, l’héroïsme, il n’y a rien de glorieux, rien de mémorable. Il n’y a que la mort. La mort, laquelle accouche du désespoir, laquelle accouche de la haine, laquelle accouche de la guerre : le cycle est d’autant plus parfait que ses acteurs n’en réalisent pas l’existence. Nul besoin de parler de « mal », de « Côté obscur », de « connerie cérébrale » : il s’agit en vérité d’une loi aussi naturelle que la chaîne alimentaire. Tout était déjà consommé dès le premier instant où l’un entreprendrait de tuer l’autre. Peut-être parviendra-t-on à enrayer un cycle aussi vieux que l’intelligence elle-même. Peut-être pas. Ce n’est pas le problème de l’historien. L’historien décrit une bataille.

La bataille reste indescriptible. Un tableau, un résumé mentent. Seul le chaos est vrai. La bataille, ce sont des milliers d’expériences aussi uniques que la vie. C’est un artilleur qui charge les obusiers en attendant qu’un laser percute sa tourelle. C’est un pilote qui échappe de justesse à un tir de missile. C’est un officier de fosse d’équipage qui assiste sur son écran de contrôle aux affrontements entre TIE et vaisseaux rebelles. C’est un troufion courant dans une coursive et qu’un trou béant a aspiré dans la congélation spatiale…

La bataille abolit l’individualité et la consacre.

Sanglant paradoxe.




A bord de l’Epouvante, face au carnage, le Grand Amiral Takel réfléchissait. Cet officier de haut rang était assez surpris. Quoique durement bombardés par les destroyers d’Hiffrig, les vaisseaux d’Ackbar s’étaient mis à avancer vers sa propre escadre. De toute évidence, ils avaient renforcé leurs boucliers, et Ackbar souhaitait mêler ses engins à ceux de Takel dans le but éclatant de gêner Hiffrig…

Le coup était risqué. Bien avant la bataille, l’Impérial avait estimé qu’il était possible qu’Ackbar y recourût, mais il pensait pouvoir venir à bout de la flotte adverse à cette occasion. En ce sens, j’ai sous-estimé la puissance des écrans déflecteurs rebelles… Il se ravisa, se moquant de sa propre inquiétude. Ce n’était pas grave : Ackbar ne ferait que retarder l’inéluctable. Il suffisait de faire tonner le canon, et les portes de l’immortalité historique s’ouvriraient toutes seules.

- Excellence ! s’incrusta le capitaine du vaisseau. Le destroyer Conquête signale de très graves avaries et l’impossibilité pour lui de poursuivre le combat. Ses escadrilles de TIE ont été pareillement décimées.
- Transmettez lui tous mes regrets, répondit Takel, sèchement. Et ajoutez qu’il doive se battre jusqu’à la mort. Toute évacuation du vaisseau est interdite.

Le capitaine se racla la gorge. Impressionné. Ou…

- Est-ce bien clair ? répéta Takel sans quitter la bataille des yeux.

Le capitaine claqua les talons et fit demi-tour, exécutant l’instruction reçue.

Cela faisait le troisième destroyer à être pratiquement mis hors de combat. L’un, le Geonosis, avait explosé. L’autre, l’Agresseur, avait été trop gravement endommagé et Takel n’avait concédé l’abandon du navire qu’à la dernière minute, avant de faire déclencher le sabordage. Les pertes étaient décidément bien trop élevées, pour ce qui n’était que le début de cette bataille. Takel ne pouvait guère se permettre de sacrifier un trop grand nombre de destroyers, d’autant que la moitié des six cents TIE qui constituaient sa première escorte manquaient à l’appel, sans parler de l’érosion affectant le potentiel combatif des trois destroyers rescapés.

Le Grand Amiral se dit qu’il serait peut-être judicieux d’imiter Ackbar. Et de foncer à sa rencontre, pour traverser les lignes rebelles et rejoindre Hiffrig. Ses destroyers étaient rapides, bien armés, bien protégés. C’était possible.

Il donna l’ordre.




- Amiral, l’avertit un officier calamari. Les destroyers de l’escadre-appât ont entamé un mouvement suivant les coordonnées induites par le vecteur KL-025.
- Autrement dit, grommela Ackbar, ils foncent sur nous.

La bataille risquait de tourner au désastre. Takel venait de piger les projets d’Ackbar et agissait en conséquence.

- Concentrez vos tirs sur les destroyers de Takel ! ordonna ce dernier.

C’était la seule chose à faire, avec ces molosses dans leur dos.




Ils avaient perdu le contact avec Fel à la seconde où des centaines de TIE avaient déferlé de l’escadre nouvellement apparue, façon sauterelles.

- Je ne peux pas croire les nouvelles d’aujourd’hui ! chantait Kir, flippé à mort. Peux pas fermer les yeux et me casser away ! Poney, sanglant poney ! Poney, sanglant poney !

Whisky s’était remis de sa dépression et pétait même plutôt la forme, passant d’un extrême à l’autre et étant devenu un incurable optimiste. C’était pourquoi il croyait fermement que les gentils allaient gagner. C’était le scénar’, qui voulait ça. Il fallait un happy end.

Même si face à cet énorme essaim de bestioles tueuses, une telle fin était limite pas crédible.

- L'être humain, en général, dans la vie, réacte, philosopha Vandam. On réacte, c'est à dire qu'on fait ce qu'on est supposé faire. Travailler, manger, je m'excuse de l'expression : chier, mais je trouve qu'un être humain doit créer. Ma devise, c'est toujours : se recréer. Il faut se recréer... pour recréer... a better you. Et ça, c'est très dur ! Et… et… et… et.... c'est très facile en même temps !

Peut-être que Vandam avait raison, songea Whisky. Peut-être que tant qu’il y avait de la vie, il y avait de l’espoir. La faculté de tuer encore plus de connards impériaux.

- Eh, Vandam ! le contacta-t-il alors qu’il balançait une flopée de rayons sur un TIE. Y a quoi, après la mort ? Est-ce que notre corps n’est rien d’autre qu’une enveloppe corporelle à la con ?

Vandam prit son temps pour répondre. Puis sa voix retentit dans le comlink de Whisky :

- Le spirit et l’enveloppe ? Ah non mais attention quand je parle de l'enveloppe tu vois, je parle pas l'enveloppe que tu envoies par la poste. Je parle de l'enveloppe que tu vois. Celle qui enveloppe tout. Les paquets de biscuits, les sachets de cocaïne, ton esprit, etc. ... Non, l'enveloppe c'est vraiment global. Mais uniquement liée au spirit généralement. Oui alors un biscuit tu me diras ça n'a pas de spirit, c'est juste un biscuit. Mais avant, c'était du lait, des oeufs. Et dans les oeufs, il y a la vie potentielle... Le potential life dans une coquille, une enveloppe ... qui elle même était contenue dans la poule, eh oui... Non vraiment tout ça c'est une question d'awareness... et puis même si le biscuit est physiquement différent d'une bouteille de lait, d'une poule ... il subsiste le spirit de la bouteille et de la poule dans le biscuit ... et ça toi tu le ressens quand tu le manges. Et que parfois c'est bon parfois c'est pas bon. C'est pour ça que j'ai fais des films avec des réplicants. Pour montrer que parfois tout se ressemble physiquement (l'enveloppe), mais que le spirit est totally différent ... il y a le mec gentil, le mec pourri... et tout ça c'est moi. Et oui ... Et en plus, c'est moi ! Car moi je suis acteur ! Alors quand je joue un rôle, il y a le personnage, son répliquant… et moi. Donc, on est deux plus un, et c'est moi. Donc un. Donc quand il y a un gentil, un méchant, il y a aussi moi avec mon caractère ... quand tu fais le calcul tu obtiens ce que je suis. Alors après il faut intégrer tout ça dans LES environnements et alors ça se complexifie. Car quand je suis dans ma Meyr’cede’zh je suis un violent roader ! Ou un dead drunk driver ! Mais sur le tournage je suis parfois répliquant. Alors quand je remonte dans ma Meyr’cede’zh je ne suis plus un répliquant. Il ne faut pas se tromper .... Tu comprends ?
- Euh… hésita Whisky.
- De leader à Vandam, intervint foireusement Virgilio. Dites-moi que je rêve ! Vous pouvez vraiment pas vous en empêcher ?

La réponse du pilote fut on ne peut plus prévisible :

- Pour moi le rêve - et pour tout le monde, même si les gens ne le savent pas (et même s'ils ne le savent pas, ils le savent), le rêve, it's a feeling, c'est une sensation, une sensation réelle qui se produit si on veut.

Whisky éclata de rire. Même si de plus en plus de TIE les cernaient, ou se mettaient à leur poursuite.

- Dispersons-nous, ordonna Virgilio, on se recontacte à mon ordre !

Les six Ailes X rompirent la formation – enfin, ce qui pouvait passer, de loin, avec un peu de pitié, pour une formation –, chacun fonçant dans une direction différente.

Whisky remarqua qu’un TIE le filait… Il survola à pleine vitesse un croiseur calamari, mais la DCA rata le chasseur adverse, qui… lui lâchait rafale sur rafale… Les senseurs de son cockpit se mirent à beugler comme un bovidé violé par un régiment de taureaux… Whisky tapa du poing pour faire taire cette saleté d’électronique. Mais il restait encore l’unité R-2, qui risquait ses circuits, elle aussi…

Whisky plongea le manche vers la gauche, passant sous une corvette rebelle… Le TIE ne lâchait pas prise…

… nouveau beuglement machiniste… L’avertisseur missiles…

… un missile…

… deux missiles !!!

Le rythme cardiaque de Whisky passa de « pas calme » à « total délire ». Le TIE avant d’abandonner la traque, lui avait balancé des missiles têtes chercheuses…

Whisky avait branché à donfe les générateurs, accélérant comme un malade. C’était à celui qui serait le plus rapide. Bordel, les missiles rappliquaient trop proche…

Whisky exécuta un virage brutal vers la droite, amorçant un tonneau vers une autre frégate rebelle tirant de toute la force de ses turbolasers… Les missiles le loupèrent, firent brusquement demi-tour… Whisky plongea dans le vide… les missiles le rattrapaient… Dégage, dégage ! hurlait sa voix intérieure. Allez hop, au standard !

Nouveau virage brusque, en pleine nuée de bombardiers TIE… Les TIE cherchèrent à l’éviter, furent pris sous le feu des batteries de chaque vaisseau rebelle… Whisky remarqua que l’un des missiles avait décroché et se dirigeait vers un… Impérial !? Trop tard pour l’éviter… Une seconde plus tard, il n’en restait plus rien…

… mais ses senseurs braillaient encore et toujours, et pas la peine de les réduire au silence… Le seul moyen de niquer cette cacophonie était d’échapper à cette saloperie de tueur qui lui collait au cul…

… tiens, « niquer », « cul »… la guerre, c’était peut-être avant tout une affaire sexuelle…

Whisky se dirigea vers une énormité technologique, qu’il reconnut comme étant un destroyer interstellaire… L’un de ceux qui se trouvaient en orbite de Naboo lorsque la Flotte de l’Alliance avait rappliqué… Mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?

Ledit destroyer était en train de passer entre deux croiseurs rebelles, chacun se tabassant à qui mieux mieux à coups de turbolasers dans les superstructures… Des millions de faisceaux laser de toutes les couleurs s’échangeaient de par et d’autre, passant tout autour de l’Aile X… Cette dernière grimpa pour éviter les tirs… Le missile…

… traversa un faisceau laser…

… disparut…

Whisky se maintint en trajectoire ascendante, se retrouvant bientôt à hauteur de la passerelle ennemie… d’où jaillit une gerbe de lumière et de flammes… Ne restons pas ici…




L’Intercepteur TIE qui servait de chasseur personnel au Major Sonntir Fel avait déjà pris plusieurs coups, et ses panneaux solaires laissaient apparaître diverses fissures… encore assez bénignes, hein…

- De Sabre 2 à Sabre Leader ! lui dit Thur Phennir. J’en suis à mon troisième fumier abattu…
- J’en suis heureux pour vous, Sabre 2 ! répondit Fel, avec déplaisir. Leader, terminé.

Les destroyers de Takel s’infiltraient à travers la ligne de bataille rebelle afin de rejoindre Hiffrig. Ils encaissaient les coups et les rendaient bien. Par contre, l’écran tactique de Fel lui révélait que les TIE étaient fauchés les uns après les autres… Si le 181e escadron n’avait perdu que deux gars, il n’en était pas de même des autres, parfois purement et simplement anéantis…

Le corps en nage, Fel sélectionna une cible, une Aile A – oui, ce serait bien. Cette dernière finit par se matérialiser dans son écran de visée… L’inconscient n’avait probablement rien remarqué, ou bien ses senseurs étaient défectueux, car le chasseur ne chercha pas à se dégager…

Réticule jaune.

… désolé, camarade…

Il pressa le bouton de mise à feu. Quatre laser verts atteignirent l’Aile A… Boule de feu…

Et une bande rouge supplémentaire, une… Mais Fel n’en ressentait aucune joie. Et une atroce migraine lui martelait les tempes…






* * *






Le ciel de Theed – enfin, la « Cité Principale », mais bon… – était rempli de vaisseaux de transport. Pour un temps, se dit le colonel Keel Rylos, l’endroit serait à même de rivaliser avec Coruscant – enfin, le Centre impérial, mais bon…

Il était assis près d’une table de style précieux antique – c'est-à-dire datant de l’avant-Guerre des Clones – dehors, sur la terrasse du Palais principal qui servait de siège du gouvernement impérial sur Naboo. Le soleil était absolument radieux, le ciel resplendissait d’un bleu à la pureté presque absolue. Rylos, tout en admirant cette splendeur divine, se versa un verre de cognac, le porta à ses lèvres. Le doux nectar ne fut pas sans susciter en lui certaine douceur de vivre…

Il regretterait cette planète. De tous les mondes qu’il avait eu l’occasion de visiter, c’était Naboo qui remportait incontestablement la palme du splendide. Quel dommage que ses habitants se fussent révoltés contre l’Ordre Nouveau. Et quel dommage – pour eux – que Keel Rylos eût été envoyé les mater.

A côté de lui, des Soldats de Choc, des Impériaux en uniforme vert olive ou noir total, des droïds transportaient des caisses de matériel, de crédits, d’œuvres d’art. Les musées, les caves, les bibliothèques avaient été pillés depuis des jours, et les trésors de Naboo étaient embarqués sous scellés pour des bases impériales où leur sécurité serait mieux assurée – quoique Rylos se soit fait une raison quant à l’intégrité des conservateurs militaires chargés de recueillir ces richesses artistiques et culturelles.

Rylos restait indifférent à l’agitation alentours, à ces véhicules périmés que les Stormtroopers abandonnaient, faute de temps, ou à ces membres des ligues collaboratrices qui se pressaient autour des zones de décollage pour embarquer dans les navettes, ou à ces officiers qui allaient et couraient pour gueuler aux sous-fifres d’aller plus vite. Partout, sur la planète, le même spectacle s’était répété, depuis que l’ordre avait été donné voici plusieurs heures, lorsque le départ pour Naboo de l’escadre rebelle avait été annoncé. L’opération avait été menée avec efficacité et rapidité, et Theed était le dernier bastion impérial à être évacué, le tout étant supervisé par Rylos – le général en chef ayant été parmi les premiers à quitter l’endroit…

La station de détection mobile qui demeurait dans le jardin du Palais principal venait d’ailleurs de détecter plusieurs mouvements de troupes, lesquels convergeaient lentement vers la capitale. Troupes, ou civils ? Les récentes découvertes de stocks d’armes incitaient Rylos à penser que les Rebelles gungans et humains avaient été fort bien capables de se constituer de véritables armées de guérilléros. Il se souvenait de cet exemple fameux datant d’il y a trente-six ans déjà, la défaite des forces robotisées de feu la Fédération du Commerce face à d’innombrables brigades gungans surgies de nulle part en quelques heures… Les mouchards électroniques laissés dans certaines zones habitées révélaient que les Rebelles avaient parfois pris la place des unités mobiles impériales immédiatement après leur départ. La « libération » de Naboo serait donc l’une des plus courtes de l’Histoire.

… la Libération…

A ce mot, Rylos crut bon d’esquisser un sourire lugubre.

Ces crétins s’imaginaient avoir gagné ? Ils ne comprendraient jamais que l’évacuation des troupes impériales suivait un plan préétabli et ne résultait absolument pas d’un quelconque succès militaire de la Rébellion. Bien au contraire. Le retrait de l’Empire était inscrit noir sur blanc dans la directive impériale n° 0021548, connue sous le nom de code « Expiation », laquelle avait servi de fondement décisionnel et juridique aux activités de « nettoyage » effectuées par Rylos et ses hommes ces jours derniers.

« Expiation » se subdivisait en deux volets. En premier lieu, des divisions impériales accompagnées de compagnies de Propagande devaient parcourir les territoires de Naboo et en « extraire » – quel mot adéquat ! – les résidents. L’unité de Rylos avait ainsi « extrait » un peu moins d’un demi-million d’hommes, femmes et mioches en quatre ou cinq jours. Les autres unités avaient obtenu des scores similaires. A faire un rapide calcul, une trentaine de millions de personnes avaient été soumises aux « procédures particulières » ordonnées par la directive « Expiation ». C’était assez peu, au fond, quand on se rappelait que la population de Naboo comptait un demi-milliard d’âmes.

Mais l’on pouvait rattraper le score… Les zones rurales avaient été entièrement nettoyées et Rylos avait appris il y a deux jours que ce choix ne résultait pas du hasard. Certaines grandes villes avaient certes été annihilées par les turbolasers des destroyers ou les bombardiers TIE, mais la majorité d’entre elles tenait encore debout – et n’avaient point été désertées par les populations, barrages impériaux aidant.

Cet élément ne pouvait que favoriser la seconde phase d’« Expiation ». Laquelle nécessitait l’usage de six cents détonateurs thermonucléaires de soixante mégatonnes chacun, répartis un peu partout sur la surface planétaire de Naboo, et en particulier, bien évidemment, dans les zones considérées comme étant les plus peuplées.

Autant l’avouer, et Rylos devait concéder que ça le décevait un peu : ce n’était pas l’Etoile Noire. Utiliser des armes aussi archaïques, périmées, pouvait a priori faire injure à la modernité dont se vantaient les adeptes de l’Ordre Nouveau. Dans le même temps, outre d’être dévastatrices, elles étaient peu coûteuses et faciles d’accès. En effet, lorsque Palpatine, proclamant l’Empire, avait procédé au désarmement général des planètes de la galaxie, ces vieilles armes de destruction massive avaient été emportées par l’intendance impériale et stockées dans de lointaines et frileuses bases militaires. Au lieu de les laisser pourrir dans des hangars paumés des systèmes militarisés, le Haut-Commandement avait jugé bon de les employer une dernière fois.

Un expert avait décrit à Rylos les effets qu’aurait l’explosion simultanée de ces trente-six mille mégatonnes sur la planète. Toute vie prendrait fin sur plusieurs dizaines de kilomètres à partir du fameux « point zéro », l’endroit précis où avait été enterré chaque bombe. Mieux encore : la couche d’ozone de Naboo cesserait rapidement d’exister – et ne se recomposerait pas de sitôt. La radioactivité ferait le reste. Les nuages atomiques, chargés de poussière contaminée, s’assembleraient dans la stratosphère, et encore plus haut, à plus de vingt kilomètres d’altitude. L’hiver nucléaire en découlant achèverait en quelques mois tous les éventuels survivants, les espèces animales et végétales ne subsistant pas plus de deux ans.

Certaines civilisations s’étaient éteintes de cette manière, il y a des lustres – les connes. Mais d’après les relevés historiques, il n’avait pas fallu plus de dix mille mégatonnes pour parvenir à ce résultat. La seconde phase d’« Expiation » en engageait plus du triple. Et il ne resterait rien de ce monde rebelle. Rien qu’une carcasse froide, vide et à jamais silencieuse. C’était tout aussi meurtrier qu’une Etoile Noire, mais beaucoup plus économique, quoique peut-être, selon les points de vue, moins impressionnant.

Le regard de Rylos se promena aux alentours. Sur les immeubles de Theed, les maisons de Theed, les avenues, les rues… Du haut de la terrasse, il jouissait d’une vue imprenable sur la ville. La bombe chargée de rayer Theed de la carte avait été installée en bas, dans un souterrain isolé et introuvable…

- Mon colonel, s’amena un Stormtrooper. Votre vaisseau vous attend.

Rylos se leva sans mot dire, laissant sur la table le verre et la bouteille, suivant le Stormtrooper. Un autre Soldat de Choc venait de ramener à lui l’étendard officiel de l’Empire, l’avait détaché du poteau figé au-dessus de la terrasse. Il le repliait de manière à former le triangle réglementaire de taille manuelle…

En d’autres circonstances, un tel détail aurait vexé Rylos – il ne parvenait pas à se défaire de l’idée qu’une évacuation restait souvent synonyme d’échec. Mais ce qui le déplaisait vraiment, c’était qu’il ne serait pas le tout dernier Impérial à quitter cette planète… Cependant, l’instruction personnelle qu’il avait reçue d’Ysanne Isard, hors du canal hiérarchique, était très ferme : il avait pour mission de se rendre à bord du destroyer Epouvante auprès du Grand Amiral Takel, pour déclencher la dernière partie du plan… Il se demandait pourquoi il avait été choisi spécifiquement pour cette action. Sans doute avait-on parlé de lui auprès des dirigeants de l’Empire.

Car si l’on pouvait reprocher nombre de choses au colonel Keel Rylos, ce n’était certainement pas une tendance à désobéir aux ordres.
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