StarWars-Universe.com utilise des cookies pour faciliter votre navigation sur le site, et à des fins de publicité, statistiques, et boutons sociaux. En poursuivant votre navigation sur SWU, vous acceptez l'utilisation des cookies ou technologies similaires. Pour plus d’informations, cliquez ici.  
 
La passerelle de commandement du Chimaera fut tout à coup secouée comme un vulgaire prunier. Un des membres de l’équipage qui venait de faire son rapport à Pellaeon fut projeté dans la fosse… Le coup n’était pas passé loin. Pellaeon s’était agrippé à l’un des hublots au bon moment…

- Commandant ! se mit à crier l’officier des boucliers. Nous sommes dans une situation critique ! Le Chimaera risque de perdre ses écrans déflecteurs d’une minute à l’autre !
- Que le Judicator et le Bellicose nous couvrent… grommela le capitaine sans quitter le chantier spatial des yeux. Augmentez la cadence de tir de 15 % !

Pellaeon en aurait ri intérieurement : il savait bien qu’un tel ordre était inexécutable. Mais la situation était telle que l’impossible devait être accompli.

Les Katana bothans s’étaient comportés exactement comme Pellaeon l’avait redouté : profitant de leur rapidité, ils avaient très vite rompu la barre du T et, en dépit de la puissance de feu des destroyers d’attaque, étaient parvenus à reconstituer une ligne de défense qui s’avançait inexorablement vers eux. Le Relentless avait été contraint à la retraite et s’était réfugié à l’arrière avec le Péremptoire, les deux vaisseaux se contentant de décocher des missiles sur les diverses bases spatiales du chantier d’Ho-D’Oacr’, commettant, ma foi, de fort beaux dégâts…

Mais Pellaeon était bien forcé de reconnaître que l’offensive décrétée par Isard risquait de tourner au désastre. A présent, tout dépendait de la capacité de résistance des vaisseaux engagés, et de leur armement de destruction massive.

Le capitaine impérial contempla par les baies vitrées le Judicator et le Bellicose qui étaient sur le point de dépasser le Chimaera. Des poches d’incendie s’étaient déclarées en quelques endroits de leurs superstructures. Mais leur artillerie continuait, imperturbable, son œuvre mortifère.

Au loin, un autre Katana venait d’être noyé dans une marée de flammes.





Le Ca’rix, d’après le dernier rapport, était mal en point. Ses boucliers lâchaient les uns après les autres, et ses turbolasers étaient devenus quelque peu défectueux depuis le début du combat…

- Commandant, le Zor’ya déclare avoir été sérieusement avarié ! gémit un officier bothan.
- J’ai constaté ça, répliqua Kre’fey, qui ne perdait pas le dénommé Chimaera de vue.

En fait, comme l’ajouta l’officier, le Zor’ya était totalement fichu et…

… un autre éclair de lumière illumina la passerelle du croiseur katana…

Le Zor’ya, songea Kre’fey avec une fureur mal contenue.

- Attention, nouvelle salve à mon ordre sur la cible sélectionnée au cadran 4-B ! gueula-t-il de toutes ses forces, arrosant l’équipage de postillons mal placés.

Le Chimaera était l’objectif. On savait que c’était le vaisseau amiral. Commandé par un illustre inconnu – paraîtrait que son Commandant était mort au cours de la bataille d’Endor…

Kre’fey lança le compte à rebours, avec une hâte fébrile…

… Trois…

… deux…

… un…

… FEU !...

Le Ca’rix cracha une dizaine de stries de laser sur le destroyer visé… mais ce fut un autre qui récolta la Mort Bothane. Ledit destroyer s’était ramené pour le couvrir, en compagnie d’un autre… Et avait tout pris sur lui…

Mais les rayons bothans n’avaient pas réussi à entamer la superstructure dudit destroyer. La rencontre entre les deux escadres ne serait plus qu’une question de minutes…

La dèche, en somme.





Piggy parvint à faire atterrir la navette Lambda dans le hangar de la base 14-3, lequel hangar était quelque peu saccagé par les explosions de missiles qui heurtaient le blindage du complexe. En sortant, lui et Fey’lya durent réprimer une pénible et irrépressible envie de tousser du fait de la fumée qui commençait à partout se répandre. La piste était jonchée de cadavres de Bothans déchiquetés ou écrasés par des dalles de ferrobéton, cadavres déjà envahis par les vers qui pullulaient dans les recoins des bases spatiales parsemant l’Univers, cadavres lourds d’une puanteur ignoble. Le Conseiller, à la vue de ce repoussant spectacle, faillit déglutir… Sa fourrure se hérissa, et de beige passa au livide.

- Saloperie de guerre… marmonna Piggy, avant d’entraîner Fey’lya à sa suite.

Une explosion éclata non loin, projetant des dizaines de fragments de métal aussi coupants que du rasoir. Piggy jeta Fey’lya à terre, mais ce dernier se releva de suite, regard méprisant.

- Allons, de la tenue ! intima-t-il au pilote gamorréen. A-t-on jamais vu un Fey’lya craindre la mort ?

Piggy ne s’était à vrai dire jamais posé la question, mais quitte à s’interroger… Le Gamorréen se releva à son tour, et ce fut lui qui suivit Fey’lya vers un couloir de sortie du hangar d’atterrissage. L’éclairage allait clamser d’un instant à l’autre, mais Fey’lya semblait n’y accorder aucune espèce d’importance. L’essentiel était de faire vite.

Le rythme des explosions ne faiblissait pas… Des bruits sourds… Saccadés… Chocs inexpressibles… Des filins électriques surgissaient de partout, crachant leur venin luminescent… Les murs se fissuraient…

- Y a-t-il des survivants ? hurla Piggy.
- Des survivants ? renchérit Fey’lya d’une voix de stentor. Y a-t-il quelqu’un de vivant ?

Bôm… Nouvelle explosion… Nouveau séisme… Le sol se souleva, fut soudainement parcouru de zébrures… Piggy se colla au mur… Fey’lya marchait droit, hurlant à qui voulait l’entendre : « Vous m’entendez ? Y a-t-il des survivants ? »

C’était surréaliste, songea Piggy avec une épouvante mêlée d’admiration. Tout s’écroulait autour d’eux, la base bothane menaçait de s’en aller en morceaux avant quelques minutes, et Fey’lya marchait, imperturbable, dans ce couloir qui ne semblait pas avoir de fin, à la recherche de chimères…

- Est-ce que quelqu’un m’entend ? cria de nouveau Fey’lya. Y a-t-il quelqu’un de vivant ?

Piggy se décolla du mur… Ressentit le choc d’une détonation supplémentaire… Manqua de se crasher au sol… Contempla Fey’lya, insensible au choc…

- Conseiller ! l’appela-t-il. Je vous ai envoyé dans un cimetière ! Il n’est pas nécessaire de demeurer ici ! Partons où nous serons désintégrés en même temps que la base !

Le visage de Fey’lya se retourna, sèchement. Le regard fey’lyen brillait d’hostilité.

- J’y suis, j’y reste, répliqua-t-il en bombant le torse.

C’est ça, pauvre malade ! voulut lui balancer Piggy. Et salue le Grand Concepteur de…

Sa pensée ne put s’achever. Car une porte venait de s’ouvrir, à quelques mètres de Fey’lya… Des types sortirent de là, toussant et geignant, l’uniforme constellé de suie et de déchirures… Fourrures… Bothans !

- Nous sommes venus vous sortir de là ! leur dit Fey’lya sur un ton chaleureux. Savez-vous s’il y a d’autres survivants ?

L’un des Bothans, qui en transportait un autre plutôt mal en point, désigna ses voisins d’un geste las :

- A ma connaissance… ceux qui n’ont pas été… évacués… avant votre… arrivée sont… sont morts. Vous ne pourrez pas… aller plus loin, Monsieur… le couloir est bloqué… le reste de l’édifice s’est effondré.

Fey’lya voulut insister mais l’autre le retint par le bras, regard contre regard :

- N’en faites rien, Monsieur… J’ai assisté à cette tragédie…

De la fumée de plus en plus épaisse se dégageait du couloir, lequel virait à l’obscurité complète au bout de quelques mètres.

- Eh… fit le type que l’autre aidait à tenir debout, en désignant Fey’lya. Je vous connais ! Vous êtes le Conseiller Fey’lya !

Ce dernier lui adressa un regard désespéré. Hocha la tête en signe d’approbation. Les Bothans se jetèrent à ses pieds, éperdus de reconnaissance, prêts à lui manger dans la main… Piggy n’en croyait pas ses yeux.

- Merci, Conseiller, merci d’être intervenus pour nous, merci de nous avoir sauvés, merci, merci, Conseiller…
- Euh, ouais, fit Fey’lya, ton oscillant entre la gêne et la réjouissance. Ecoutez, on passera à la rédaction de vos Mémoires plus tard, en attendant, nous devons quitter cet enfer ! (se retournant vers Piggy) Préparez le vaisseau pour le décollage !
- A vos ordres ! gueula le Gamorréen en fonçant à la navette.

Les Bothans se relevèrent et, pleins d’admiration pour leur sauveur, entreprirent de le suivre.

Il était temps : les parois du couloir lâchaient prise. Les structures s’effondraient l’une après l’autre, dans un terrifiant fracas mortuaire. Fey’lya pressa à ses gars d’accélérer le pas. Piggy avait déjà réintégré la cabine de pilotage. Les Bothans, bien que mal en point, purent le rejoindre à l’intérieur du vaisseau. Fey’lya tint à être le dernier à embarquer… Caprice de star.

La Lambda décolla au milieu de la furie, alors que le plafond partait en morceaux, que le sol prenait des allures nagasakistes, que toute la base était sur le point de disparaître dans les flammes et le cosmos… Piggy ne chercha pas à réfléchir, positionna la navette vers la sortie du hangar, et mit les gaz… La Lambda bondit du chaos à une vitesse folle… Encore quelques secondes et ils seraient hors d’atteinte…

- Bordel, mais accélère ! grogna Piggy à son engin. C’est pas le moment de me dire adieu…

Derrière lui, derrière la navette, les missiles du Péremptoire et du Relentless avaient accompli leur œuvre. Ravagé par les explosions, le chantier 14-3 ne fut bientôt plus…

… lueur éblouissante…

… qu’une étoile de lumière qui se dissipa bien vite, colossable boule de feu tuée par le vide spatial…

- Mes félicitations, lui assura Fey’lya par l’intercom. Vous avez réussi.
- Je n’en suis pas certain, répondit Piggy, pas joyeux. La bataille n’est pas encore terminée.

Et bien malin qui pourrait en prévoir la fin, tant la hargne combative de chaque camp était inépuisable…






* * *








Le duel était anormalement long, ce qui confirmait l’intuition de Mara Jade : C’Baoth voulait s’exercer aux joies procurées par l’utilisation du sabrolaser. Le vieil homme était avant tout un vétéran du genre patient, alternant avec brio les phases de brutalité et de prudence, comme s’il tenait à faire durer le plaisir, à mener cet affrontement jusqu’à ce point d’orgue où leurs puissances respectives ne feraient plus qu’une dans la Force, où Mara se laisserait totalement subjuguer par l’incroyable pouvoir du Jedi, se laisserait abandonner à l’ultime révélation qui donnerait un sens définitif à cette vie qui lui échappait. Le corps en nage, la respiration lourde, Mara Jade sentait peu à peu l’ivresse la saisir, mais il lui fallait résister le plus longtemps possible… et qui sait, elle pourrait retourner la situation à son avantage et retrouver une position dominante, comme elle en avait l’habitude.

C’Baoth multipliait les frappes, sans avoir l’air le moins du monde épuisé. Mara, elle, était au bord du gouffre, saoule de fatigue. Elle réussit à dévier une nouvelle fois la lame du Jedi, mais ce fut pour se retrouver à découvert, à la merci d’un geste de ce dernier…

… qui se contenta de l’envoyer bouler en élevant la main sur elle…

Affalée sur le sol, Mara aurait voulu que cessât cette torture, que… qu’elle sortît de là…

- Mara Jade…

Une voix sortie d’outre-tombe : c’était C’Baoth… C’Baoth allait encore se lancer dans un plaidoyer pour l’appeler à lui… C’Baoth s’insinuait en elle… S’emparait lentement mais sûrement de son cerveau…

- Mara Jade, reprit le vieux Jedi. N’as-tu pas été au service de l’Empereur ? Pourquoi ne te sers-tu pas du Côté obscur pour me terrasser ?

Il demeurait immobile, à quelques mètres d’elle, sabrolaser désactivé.

- Parce que… répondit-elle, haletante, toujours à terre. Je n’en sais rien…

Et c’était vrai : elle ignorait pourquoi elle n’avait pas fait appel au Côté obscur – à la puissance et la gloire. Mais le plus curieux n’était pas là…

- As-tu jamais rallié le Côté obscur, Mara Jade ? poursuivit C’Baoth, sans que Mara ne sût où il voulait en venir.

En proie à une émotion indéfinissable, Mara essaya de se relever – échoua.

- J’ai servi l’Empereur Palpatine ! répondit-elle, le visage baigné de larmes. J’ai été la…
- … Main de l’Empereur, certes ! acheva C’Baoth. Je sais cela, je connais ton titre et tes fonctions. Ce n’est pas là ce qui m’importe.

Il croisa les bras, adoptant la stature du professeur fier de sa rhétorique.

- Ma question, Main de l’Empereur, est la suivante : t’es tu soumise, à un quelconque instant de ta bien courte vie, aux bienfaits du Côté obscur ?

Cette fois, la réponse sortit toute seule des lèvres de Mara. Et C’Baoth put entendre, put ressentir cette voix qui disait : « Non ! »

- C’est étrange, tu ne trouves pas ? ajouta-t-il, sans se départir de son expression ironique. Tu as servi le pire criminel de cette galaxie, tu as accompli les mille et une volontés inavouables du dernier grand Seigneur Noir de Sith, et tu n’aurais jamais, jamais été tentée par cette variante sombre de la Force ? Permets-moi de m’étonner.

Mara essaya de nouveau de se relever. Echoua.

- Je… J’ai forcément servi le Côté obscur… s’expliqua-t-elle. J’ai obéi à Palpatine, ou Sidious, comme vous dites…

Elle se mordit les lèvres, non pour le contenu de ses paroles, mais pour son ton, celui d’une élève essayant de s’en sortir au grand oral… Trop tard.

- Non, Mara Jade, lui répondit le Jedi sur un ton cette fois posé, paternel. Tu le sais au fond de toi-même : tu n’as jamais rejoint le Côté obscur.

Jamais… Jamais… Jamais… Le mot se répéta à l’infini dans l’esprit tourmenté de Mara Jade… Elle adressa à C’Baoth un regard presque suppliant.

- Mais… pourquoi ?

Elle avait honte. Honte d’elle-même. Honte de souffrir. Honte d’avoir peur. Honte de succomber davantage à cette ordure.

- Sidious ne pouvait pas te pousser à rallier le Côté obscur, reprit C’Baoth, ce pour une raison très simple…
- Et laquelle ?

C’Baoth marqua une pause, ses yeux cessant de mater la jeune femme pour se porter vers le ciel.

- Qu’est-ce que la Force, Mara Jade ? demanda-t-il sans apparemment chercher à répondre à la question posée.

La Force ? Mais que se passait-il donc dans la tête de cet abominable taré ?

- L’Empereur te l’a forcément appris, Mara Jade… insista doucereusement C’Baoth. Allons, qu’est-ce que la Force ?

Mara réfléchit un bref instant avant de se lancer :

- La Force est ce qui fonde et régit l’Univers. La Force est une énergie à l’origine de la vie et de la mort. La Force est ce qui constitue l’unique et le tout. La Force est ce qui anime un être et le relie à la galaxie.

Sourire de C’Baoth, qui applaudit lentement, narquois.

- C’est ce que Sidious, ton maître, t’a appris ? fit-il. Cet « homme » m’étonnera toujours… Sais-tu que de tels propos t’auraient valu, avec les lois impériales (il désigna du doigt Sate Pestage, qui ne sortait pas de sa léthargie tétanisée), la déportation à Kessel ou la fusillade pure et simple ? Et le responsable de tout ça contredit sa propre doctrine officielle. A mourir de rire.

Le regard de C’Baoth revint sur Mara, qui gisait encore au sol.

- C’est une bien belle définition, commenta-t-il, qui ne souffre hélas que d’un défaut : elle est théorique. De la pure théorie. Du baratin.

Ce fut au tour de Mara d’afficher – avec effort – un sourire.

- Tiens donc, et qu’est-ce que la Force, en ce cas ? s’enquit-elle, faussement curieuse.
- Vois.

Les bras de C’Baoth se dressèrent brusquement vers le ciel. Le visage du Jedi parut se congestionner, ses yeux brillant d’un éclat de possédé. Cette posture eût été grotesque si…

… si le vent ne s’était pas mis à souffler de plus en plus fort…

… si la terre ne s’était pas mise à trembler…

… si une… non… Une véritable tornade… Une tornade hurlante, invincible, venait de prendre forme autour d’eux… Les cadavres noghris furent emportés l’un après l’autre… Mara ne sut si Pestage était parvenu à s’accrocher… Mais son sabrolaser s’envola… loin… très loin… trop loin…

Le sol se fissura… se scinda… Mais Mara ne bougeait toujours pas, comme statufiée. Elle pouvait percevoir, de loin, toute la puissance du cyclone, et pourtant elle était épargnée par cette explosion d’énergie…

Les bras de C’Baoth se baissèrent – et le vent retomba aussi brutalement qu’il était surgi. Pestage s’était tant bien que mal agrippé à la rampe de la navette Lambda, non loin d’eux. Mara, quant à elle, était trop impressionnée pour se mouvoir, pour réagir.

- Ce à quoi tu viens d’assister n’est qu’une des mille extrémités de ce à quoi mène ce que l’on nomme le Côté obscur ! lui apprit C’Baoth, sans que ses traits ne révélassent la moindre trace de fatigue apparente. Une « tempête de Force ». Certes, j’ai volontairement réduit l’ampleur destructrice de celle que je viens de déchaîner.

Il aurait pu obtenir bien pire – bien pire. Mara expulsa cette sombre pensée de son esprit… Résister… Je dois résister…

- Comme tu peux le constater, dit C’Baoth, la Force est également source de puissance. Les premiers Jedi l’avaient perçu – et l’avaient redouté. Une maîtrise parfaite de la Force permettrait de détruire des mondes, des étoiles, des galaxies entières – l’Univers même ! Une maîtrise parfaite de la Force offrirait à son détenteur la possibilité incroyable de refaçonner la vie, de recomposer l’espace et le temps.
- Et vous estimez y être parvenu ? marmonna Mara.

C’Baoth lui répondit par un sourire rusé.

- Non, bien sûr. Je n’en ai pas besoin. Sidious n’y a pas plus réussi, d’ailleurs, même si tel était son désir, au final. Mais les anciens Jedi ont cru que certains d’entre eux voudraient s’y essayer… Ce qui a déterminé tout leur enseignement futur. Tout ce qui a fondé les préceptes du défunt Ordre Jedi. Tout ce qui a abouti à ce que tu viennes m’affronter ici, sur Wayland.

Mara Jade en eut presque le vertige… Ce type était décidément un mégalo fini…

- Que voulez-vous dire par « tout ce qui a fondé les préceptes du défunt Ordre Jedi » ?

Gagne du temps… Gagne du temps… Flatte-le… Excite sa vanité… Surtout, ne rien révéler, ne rien laisser paraître…

- Les anciens Jedi étaient terrifiés par leur propre pouvoir, déclara C’Baoth. Ils estimaient qu’il ne pouvait être confié à n’importe qui. Il était nécessaire de canaliser ce potentiel, pour éviter que certains de ses dépositaires n’en usent dans le but de satisfaire leurs propres pulsions.
- Il n’y a pas d’émotion, il n’y a que la paix, murmura Mara Jade à elle-même.
- D’où l’éducation, poursuivit le vieux maître. Les Jedi fondèrent l’Académie, ou le Temple Jedi si tu préfères, afin de contrôler ce mouvement.
- Il n'y a pas d'ignorance, il n'y a que le savoir.
- Tu vois que tu saisis vite ? ricana C’Baoth. Ce savoir dispensé aux Padawans était, aux yeux du Temple, la meilleure manière de les empêcher d’agir inconsidérément. Il suffisait de les transformer en sages…
- Il n'y a pas de passion, il n'y a que la sérénité.
- … et de leur faire admettre que la Force n’avait rien de commun avec les bassesses du monde réel.
- Il n’y a pas de mort, il n’y a que la Force…

C’Baoth ne quittait pas son sourire, jouissant de cette situation pour ainsi dire presque inédite.

- Tu l’auras compris : les Jedi n’ont pas cherché à transformer leurs successeurs en philosophes, mais en continuateurs du dogme, le dogme de la Force unificatrice. La Raison, la Restriction, la Soumission à la Civilisation, ces composantes du dogme, sont devenues des règles de vie. Rends-toi compte, Mara Jade… (son ironie s’accentua) Le célibat lui-même était obligatoire… Et qu’a-t-on obtenu ?
- Des moines frustrés. Des sages frustrés. Incapables de changement. Incapables de se réaliser.

Ces mots, Mara Jade les avait prononcés sans le réaliser, comme ça, la chose allant de soi…

- Parfaitement exact, la félicita C’Baoth. Une véritable castration intellectuelle, issue d’une honte et d’une culpabilité inconscientes, la honte et la culpabilité de se savoir détenteur d’un pouvoir réservé à peu et susceptible de tout détruire. Et l’interdit, le tabou ont régné des millénaires. Le problème est que, comme tu le sais, il n’en a pas toujours été ainsi. La censure est le meilleur agent de la contestation. Et il y eut des contestations. Des insurrections. Des guerres civiles.
- Les Sith, soupira Mara Jade entre ses dents.
- La source de ces conflits est vieille comme la vie elle-même. Elle repose sur l’envie, la curiosité dont accouche tout interdit. Reconnais-le, Mara Jade, il n’est rien de plus plaisant que de violer une règle. Le péché n’existe que par le biais de sa prohibition : le plaisir qu’il procure est démultiplié par les règles censées en bloquer l’accès…
- J’ai toujours chapardé la confiture des cuisines impériales, reconnut Mara sur un ton aigre.

C’Baoth éclata de rire, avant de reprendre :

- Or, les Jedi, pour prévenir toute volonté des Padawans de se laisser aller à leurs émotions, ont eu l’idée de créer un concept, celui de « Côté obscur », pour les en dissuader. Toute une série de théories a été élaborée en ce but : leur faire peur, les empêcher d’aller plus loin dans leur apprentissage de la Force. Le Côté obscur était le meilleur des garde-fous. Mais il n’était rien d’autre qu’un panneau d’interdiction. « Obéissez aux moindres de mes ordres, mon jeune Padawan, ne vous laissez jamais dominer par vos émotions, auquel cas vous serez dévoré par l’ogre qu’est le Côté obscur ! »

Quoi ? Mara prêta une attention plus soutenue aux propos tenus par son interlocuteur… Qu’était-il en train de raconter sur le Côté obscur ? Etait-il en train de…

Comme s’il lisait dans ses pensées, C’Baoth hocha la tête en guise d’approbation.

- Je vais y venir, Mara Jade. Un peu de patience… As-tu entendu parler de l’expérience du professeur Ha’sh ?
- Bien sûr, s’agaça Mara. J’ai fait un peu de socio, à une époque…

Quelques années avant la prise du pouvoir par Palpatine, un ingénieux universitaire d’Alderaan avait eu l’idée de rassembler sept personnes dans une même pièce, leur signalant qu’ils allaient participer à une expérience sur les perceptions visuelles. En réalité, un seul individu n’avait point été mis au courant du véritable objet de ce test – les six autres types étant des assistants du professeur.

Ce dernier avait dessiné deux lignes parallèles sur un mur : une de vingt-cinq centimètres, l’autre de trente centimètres. La seconde, de vue – et bien sûr de logique – était évidemment la plus longue. Pourtant, sur ordre d’Ha’sh, les six assistants prétendaient invariablement que la première ligne était plus longue, quoique inférieure de cinq centimètres. Et de manière proprement hallucinante, c’était le cas de le dire, 60 % des sujets de l’expérience déclaraient à leur tour que la ligne de vingt-cinq centimètres était plus longue que celle de trente. Mieux encore : 30 % d’entre eux, raillés par les assistants pour avoir prétendu que la première ligne était plus courte que l’autre, finissaient par changer d’avis sous la pression de leur entourage. Et les chiffres ne variaient pas : neuf personnes sur dix, à force de se rallier à l’avis des autres, prétendaient que la ligne de vingt-cinq centimètres dépassait l’autre.

- Le Côté obscur n’est qu’une expérience Ha’sh grandeur nature, échelonnée sur des milliers d’années, sourit C’Baoth. Les Padawans avaient d’autant plus raison de croire à l’existence du Côté obscur qu’elle était constamment proclamée par leurs Maîtres.
- Attendez, fit Mara, de nouveau prise de vertige. Vous dites que le Côté obscur…
- Je dis que les anciens Jedi étaient pareils aux autres, Mara Jade. C'est-à-dire qu’ils étaient des êtres vivants, imparfaits, mais se grisant de leur recherche de la perfection. Et de purs phantasmes ont fini, à force d’être répétés à l’aide d’un endoctrinement sclérosé, par devenir davantage qu’une idée : la réalité elle-même.

Mara fit « non » de la tête… Ferma les yeux, les rouvrit…

- Non, vous vous trompez, objecta-t-elle. Le Côté obscur existe. J’ai été formée par Palpatine, je le sais : il était possédé par le Côté obscur. Il était le Côté obscur.
- Si Sidious avait été possédé par le Côté obscur, la contredit C’Baoth, il n’aurait jamais réussi à prendre le pouvoir et créer l’Empire. On t’a dit que le Côté obscur est le lieu de la facilité, celui où prospèrent les passions et les désirs. A suivre les définitions séculaires que l’on a sermonnées aux Jedi, le Côté obscur ne peut connaître la patience, il ne peut connaître la moindre soumission. Le Côté obscur est la voie ouverte au mal, au chaos, au désordre. Le Côté obscur est l’antithèse de la Force unificatrice. Là où cette dernière dit : « Tu ne dois pas », le Côté obscur réplique : « Fais-le ». N’est-ce pas ?

L’ancienne Main de l’Empereur tenta d’échapper à son regard… C’Baoth n’en avait cure.

- Alors comment expliques-tu que Palpatine ait attendu des années pour s’emparer de la galaxie ? Comment expliques-tu que ses prédécesseurs n’aient pas cherché à accomplir leurs volontés au lieu de rester discrets, comme ils l’ont fait ? Comment expliques-tu que l’Apprenti, tel que ce concept résultait du dogme de Dark Bane, ait toujours fait preuve d’une fidélité absolue à son Maître ?
- Dark Vador n’était pas fidèle à l’Empereur, contre-attaqua Mara Jade. L’Empereur le savait.
- Vador était un cas particulier, ma chère amie, rectifia le Jedi. C’était un ancien Jedi ravagé par l’ambition, une ambition d’autant plus terrible qu’elle reposait sur un idéalisme perverti : Vador croyait être l’Elu, ce fameux Jedi qui ramènerait l’équilibre dans la galaxie. Et pour parvenir à cet objectif fort louable, il a considéré que tous les moyens étaient bons. D’autant que le destin ne l’a malheureusement pas épargné : tous les gens qu’il a aimés sont morts l’un après l’autre sous ses yeux.
- Où voulez-vous en venir ?

C’Baoth fit un pas en avant. Deux pas. Trois…

- Mais c’est pourtant simple… Car telle est la vérité, telle est ma conclusion : il n’y a pas de Côté obscur. Ce n’est qu’un pur produit de l’imagination d’anciens Jedi désireux de conceptualiser l’hypothèse selon laquelle un être vivant utiliserait la Force de manière inconsidérée, destructrice et meurtrière. Leurs successeurs ont tellement été convaincus de la justesse de cette théorie, et si désireux de contrôler leurs Padawans, qu’ils l’ont reprise sans grand esprit critique, à tel point que la théorie est devenue vérité incontestable. Les Sith, les « Jedi noirs » ont poussé plus loin leur réflexion en acceptant d’explorer cette zone interdite par l’Académie, mais n’ont pas remis en cause l’existence du dogme lui-même. Leurs passions les ont aveuglés : ils ont réellement cru se soumettre au Côté obscur et de fil en aiguillé s’est propagée, s’est imposée l’idée saugrenue que le Côté obscur était une entité qui prenait le contrôle des esprits. Les Sith ont été jusqu’à élaborer des théories compliquées, telles que le Triangle de la Subversion, pour justifier son existence. C’était, au fond, assez confortable : mieux vaut se proclamer mentalement irresponsable que de reconnaître que nos actes ne sont que la conséquence directe de notre personnalité.

… il n’y a pas de Côté obscur… La phrase avait suscité un boum cérébral chez Mara… Mais elle n’était pas capable d’y croire… C’Baoth la baratinait… Ce n’était que de la manipulation mentale… Il mentait, il mentait, il mentait…

- Vous mentez… clama-t-elle, bien faut et fort. Vous mentez…
- Vraiment ? ironisa C’Baoth. Alors pourquoi n’as-tu jamais rallié le Côté obscur ?

Mensonge… Tout n’était que mensonge… Tout ce que disait cet homme n’était que mensonge… Il déformait la vérité aussi sûrement que le climat de Wayland il y a peu…

- Tu n’as jamais rallié le Côté obscur parce qu’il n’existe pas, tout simplement. Tu prétends que Sidious rayonnait d’obscurité : Sidious était un être d’une puissance phénoménale, totalement habité par le Mal. C’était lui, et non le Côté obscur, que tu ressentais…

Il était proche d’elle. Vraiment très proche. Elle voulut reculer. Ne pouvait pas bouger.

- Toi, Mara Jade, dit-il en la pointant du doigt, tu n’as été qu’un instrument. Et les mains ne réfléchissent pas, c’est bien connu.

Elle serra les dents, fort, très fort… Il mentait… C’était sa seule manière de résister : se raccrocher à l’idée que C’Baoth mentait.

- Et aujourd’hui encore, tu n’es qu’un instrument. Tu ne sers pas le Côté obscur mais si tu devais l’emporter contre moi, tu contribuerais à répandre les ténèbres sur cette galaxie (il désigna Pestage du regard). Moi, je te propose une autre voie, une voie où tu t’épanouirais, une voie qui ne présenterait aucun rapport avec cette parodie d’enseignement que t’a délivrée Sidious. Nous devons reconstituer l’Ordre Jedi, et sur des bases nouvelles qui le rendront à tout jamais invincible !

La voix du vieux Jedi enfla, son ton empreint d’exaltation :

- Cette nouvelle philosophie de la Force rendra aux Jedi toute cette puissance qu’ils refusaient de connaître, d’assumer et d’utiliser ! Nous redeviendrons les Maîtres de l’Univers ! Nous deviendrons la Force elle-même, rien ne pourra nous être refusé. Nous serons tout : les autres s’écraseront. L’Univers pourra enfin être régulé de la plus parfaite manière qui soit…
- Utopiste de mes deux, n’avez-vous jamais songé que vous pouviez vous planter ? lui cracha Mara.

Un rire strident lui servit de réponse.

- Je sais que c’est vrai, Mara Jade. Et rien ne pourra m’en faire démordre. Le Côté obscur n’est qu’un mot, la Force ne l’est pas, elle, elle forme un tout indivisible. Le reste n’est que vue de l’esprit.

Il rit de nouveau – Mara en eut froid dans le dos.

- Tu vois, ma jeune amie, l’important n’est pas de savoir à quel « côté » de la Force il faut prêter allégeance. Non, c’est l’esprit qui est important… Là réside le vrai pouvoir : dans le contrôle de l’esprit d’autrui.

C’était donc cela. Le Côté obscur n’était qu’une invention – et C’Baoth avait compris que tout se jouait aux tréfonds de notre personnalité. Que celui qui posséderait le pouvoir posséderait l’esprit de son prochain.

Et il avait fallu que cette révélation fût le produit des réflexions d’un Jedi fou.

- Si tu refuses de devenir mon alliée, répéta C’Baoth, tu seras ma chose.

Se concentrer… Récupérer des forces…

… son sabrolaser pend à son ceinturon…

… il ment…

- Je ne serai jamais votre alliée ! cria-t-elle, de toute son âme. Et…

… maintenant !!!

… elle brandit sa main vers C’Baoth… Le manche du sabrolaser de ce dernier se détacha de sa ceinture, fendit les airs pour se réfugier entre les doigts de Mara… Elle se releva, l’enclencha, faisant surgir un faisceau laser… Pour la première fois, le visage de C’Baoth affichait de la surprise qu’elle ne savait pas feinte.

Mara allait plonger la lame sur le corps du Jedi lorsque une pression terrible la fit décoller du sol…

… oh non…

C’Baoth venait de déclencher une nouvelle tempête de Force… Et elle n’était pas en mesure de s’y opposer… Ne pouvait plus… Mara referma ses paupières, se laissant entraîner par la tornade…

Sa vie déferla sous ses yeux. Et elle réalisa qu’elle s’était trompée en pensant avoir tout perdu lorsque Isard l’avait fait arrêter… Il lui restait alors encore quelque chose qui ne valait rien mais que rien ne valait…

… et elle finirait par le perdre à son tour…

… Pardonnez-moi, Maître… j’ai échoué…

Mais il n’y avait que le silence. Il n’y avait que la paix. Il n’y avait que la Force. Au-delà, il n’y avait…





Le corps sans vie de Mara Jade retomba quelques mètres plus loin. La violence du cyclone de Force avait été telle qu’elle n’y avait pas survécu. C’Baoth avait perdu tout contact avec elle.

Il s’en voulait d’avoir agi ainsi. Il avait perdu une élève des plus prometteuses. Elle aurait fini par comprendre, à son tour, que tout ce qu’on lui avait dit sur la Force n’était que mensonges.

… aurait…

- Adieu, jolie jeune fille… marmonna-t-il dans sa barbe.

Mara Jade était parvenue à le prendre par surprise. Elle avait rassemblé ses dernières énergies pour s’emparer de son propre sabrolaser et le découper en deux. Elle avait été bien près d’y réussir… C’Baoth n’avait pas cherché à comprendre, avait immédiatement paré au plus pressé en invoquant une tempête de Force…

… et elle n’y avait pas survécu.

C’Baoth jeta au ciel un regard terrible. Mais le ciel restait désespérement silencieux.
<< Page précédente
Page suivante >>