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Pestage en était médusé. C’Baoth paraissait presque assommé, en proie à la plus intense des douleurs cérébrales. Qu’est-ce qui lui était arrivé ? A quoi rimait ce délire ?

Quoique perclus de rhumatismes, il en profita pour se relever… Il fallait saisir l’occasion – et Pestage, en bon vétéran de la politique politicienne, était doué pour ça.

- Grand Chancelier… prononça une voix lugubre.

Pestage réprima un geste de consternation. Un Noghri se ramenait vers lui en claudiquant, le corps marqué de brûlures…

Dhagr. Blessé, mais vivant. La résistance de ces animaux était extraordinaire.

- … nous devons emporter la jeune fille avec nous, murmura le guerrier d’une voix usée.

Le Chancelier jeta un coup d’œil au corps de Mara Jade. Ce fut alors que la voix de C’Baoth retentit de nouveau… La voix geignit :

- Partez… Partez…

C’était étrange – Pestage et Dhagr le remarquèrent instantanément : le timbre de C’Baoth s’était comme affadi. Il y manquait ce soupçon d’arrogance ou d’exaltation dont il les avait habitués depuis leur arrivée sur Wayland… En fait, pour tout avouer, on eût presque dit que… c’était la voix d’un autre…

- Il… y a eu… un grand trouble dans la Force, reprit C’Baoth, toujours à genoux, ses mains formant un étau dans lequel était coincé son crâne. Des mil… des millions, des centaines de millions de… morts… J’ai réussi à reprendre le contrôle… je le contrôle… mais je n’y parviendrai pas longtemps… Alors : fuyez !

… la voix d’un autre…

… des millions de morts…

Que s’était-il donc passé ? Pestage avait entendu parler de cette capacité des Jedi à ressentir les catastrophes d’ampleur… catastrophique survenant dans cette galaxie – telles que les disparitions de planètes, par exemple. Le Chancelier se demanda tout à coup si la phase finale d’« Expiation » n’avait pas été mise à exécution… Ce qui signifiait que la Flotte impériale avait été vaincue, car ladite phase ne devait résulter que de cette seule et unique condition – à moins qu’Isard n’eût pété les plombs, mais Kutchann était là pour la surveiller, non ? Tout cela ne lui disait rien qui vaille et l’incitait à revenir sur Coruscant au plus vite.

- Maître C’Baoth…

C’était Pestage. Il avait décidé de tenter la chance une dernière fois.

- Maître C’Baoth, reprit-il, vous n’allez pas bien, nous pouvons vous faire soigner !

Le vieux Jedi balaya l’air de sa main, les invitant à ne pas insister.

- Il s’est libéré… lorsque l’Empereur est mort… poursuivit C’Baoth, cloué au sol par la souffrance. Je le retiens, mais il vous faut partir… Il vous tuera sitôt qu’il m’aura tué…

Mais de qui parle-t-il ? Etait-ce donc cela ? L’Empereur contrôlait mentalement le clone de C’Baoth : sa disparition avait-elle abouti à cette espèce d’implosion schizophrène ? Cette guerre civile mentale ?

C’Baoth poussa un terrible hurlement… ponctué d’un long gémissement…

- Nous pourrions l’achever, fit Dhagr en désignant le vieillard à l’agonie.
- Ne racontez pas d’histoires, le sécha Pestage, et aidez-moi plutôt à ramener le corps de Mademoiselle Jade dans la navette…

Ce n’était qu’une question de minutes, peut-être moins. On ne pouvait plus courir le risque d’attiser la fureur de C’Baoth. Ou de l’esprit qui s’agitait en lui.

Ils s’emparèrent du corps de Mara, la transportèrent jusqu’au vaisseau. Tandis que le Noghri se chargeait de réactiver les droïds médicaux, Pestage gagnait le cockpit pour assurer le décollage de l’engin, priant intérieurement que ce dernier fût encore en état de marche…

Au soulagement du Chancelier, le système entier était fonctionnel. Pestage fit remonter la rampe et déclencha le dispositif de décollage. La Lambda s’éleva légèrement en soufflant moul jets de vapeur, puis se propulsa vers les cieux à la manière d’une libellule argentée. En quelques secondes, ils franchissaient l’atmosphère de Wayland. De bleu, le ciel devint noir d’encre – percé de milliards de lueurs infimes. Le cosmos.

Derrière eux, la planète verte rapetissait – lentement, mais sûrement. Ce lieu de mort redevenait une boule flottant le vide intersidéral.

Pestage n’avait point encore choisi de sauter dans l’hyperespace. Tout dépendait, au fond, de l’état de Mara Jade. Il brancha le pilotage automatique, se rendit dans la cabine qui avait été spécialement réservée pour elle.

Dhagr l’avait allongée sur une couchette, et un droïd médical se chargeait des premiers examens.

- Comment va-t-elle ? demanda le Chancelier d’un ton neutre.
- Elle est vivante, répondit le droïd d’une voix monocorde. Mais elle a subi une forte commotion et son rythme cardiaque demeure faible. Certaines brûlures sont à signaler, mais de manière surprenante, ces blessures paraissent se régénérer plus rapidement que la normale. En revanche, ses os ont été considérablement affaiblis du fait d’un nombre impressionnant de décharges électriques. D’après mes fiches mémorielles, j’ai l’impression qu’elle a été prise à partie par un Sith. Me trompé-je ?
- Pas vraiment, maugréa Pestage.
- J’en étais sûr.

La froideur des robots l’agaçait, parfois…

- Survivra-t-elle ? s’enquit-il.
- Oui. Mais elle a besoin de repos. Et de bacta.

Pestage était prévoyant : une cuve pleine se trouvait à l’intérieur de la navette. Il n’était pas devenu conseiller de Palpatine pour rien…





C’Baoth ne les avait même pas vus s’enfuir – mais il le savait, il l’avait perçu.

C’Baoth s’était relevé.

C’Baoth se tenait droit.

C’Baoth se sentait mieux.

C’Baoth affrontait une voix.

La voix hurlait. La voix tempêtait. La voix disait :

Espèce de fou sanguinaire ! Ta mégalomanie te mènera en Enfer !

Il répondait :

- Je suis libre, à présent, et tu ne pourras plus rien contre moi !

Tu n’es pas libre ! Tu as quitté la domination de Sidious pour embrasser la tyrannie de ta démence !

- Cesse donc tes jérémiades, sourit le Jedi fou. Après tout, tu devrais être content, non ?

Content ? Que racontes-tu ?

- Tu as réussi à reprendre le contrôle de mon corps au moment où j’allais achever cette jeune fille…

Tu allais commettre un acte de trahison envers Sidious, il ne t’aurait jamais pardonné…

- Sidious est mort, répliqua-t-il. Nous sommes entrés dans une ère nouvelle.

Une ère nouvelle ? Que veux-tu dire ?

C’Baoth éclata de rire.

- Une ère où je me serai définitivement débarrassé de toi…

N’y compte pas trop !

- Je reconstituerai l’ordre Jedi, et les Jedi domineront l’Univers ! Les mondes plieront sous notre volonté. Nous contrôlerons les esprits de tous les peuples vivants, ces misérables pantins qui nous haïssaient… Ils seront à notre botte, et le sourire aux lèvres.

Je ne te laisserai pas faire, je…

- Tu vas disparaître, assura C’Baoth. A tout jamais.

Non, tu ne peux pas faire ça !

- Au contraire. Ce combat avec Mara Jade m’a grandement revigoré, alors que tu as usé tes dernières ressources dans le stupide but de la sauver. Tu n’as pas l’air de t’en rendre compte, mais l’affrontement qui nous oppose tourne chaque seconde à mon avantage.

Tu dis n’importe quoi !

Un sourire cruel plissa le visage du Jedi.

- Tu aimerais bien, n’est-ce pas ?

Il ferma les yeux. En quelques secondes, son corps ne fut plus qu’ébullition. Chaleur. Puissance. Force.

La voix s’agita. La voix gémit. La voix pleura. La voix avait peur.

Non, ne commets pas l’irréparable, non… Nooooooooooooooooooooon…

Le cri fut aussi déchirant que celui poussé par Sidious peu avant de mourir – le hurlement d’un homme qui plongeait dans un abîme sans fin… Les échos ne se dissiperaient pas facilement…

Mais le résultat était là : la… présence… s’était tue.

Une émotion indéfinissable se répandit en son esprit purgé de ce génie malfaisant. C’Baoth pensait à Mara Jade, dont le souvenir s’estompait déjà… Il la retrouverait… Ou plutôt, non, elle reviendrait. Il le savait. Il l’avait prédit. Leurs chemins se croiseraient de nouveau, et il ferait d’elle son apprentie – qu’elle le veuille ou non. Ce n’était pas un fantasme : c’était une promesse.

Cette pensée le réjouissait. Non, il n’y avait pas qu’elle. C’Baoth se sentait en fait incroyablement bien. Son corps vieilli ne lui faisait même plus mal. L’émotion le submergeait, franchissait tous les barrages qu’il s’était fabriqué mentalement depuis toutes ces années. L’émotion était son être. L’émotion était tout.

Le visage baigné de larmes, C’Baoth se laissa emporter par le torrent de joie qui se déversait en lui. Il réalisa enfin ce que l’instant présent signifiait, et le bonheur induit par cette révélation l’irradiait d’une nouvelle puissance.

Au terme du plus formidable combat de son existence – celui qui avait fait de son esprit un champ de bataille – il avait vaincu le Jedi sombre de Wayland, le Gardien de la Montagne, celui qui devait protéger les merveilles du Mont Tantiss, l’Adepte de Sidious.

Jorus C’Baoth avait remporté la victoire contre lui-même. Il était… libre, à présent. Il était un Jedi. Tout devenait enfin possible.

Wayland n’était qu’une première étape, il ne l’ignorait pas. L’heure viendrait bien assez tôt. Et tout irait alors pour le mieux, dans l’ordre naturel des choses. Un Jedi devait être patient – et la patience était toujours récompensée. C’Baoth le savait pour l’avoir mis en pratique. Ici, sur cette planète nommée Wayland.










* * *









Les p’tits gars qui avaient conçu la Flotte Katana n’étaient décidément pas des amateurs. Le croiseur amiral Thei’pel avait beau avoir été coupé en deux par les tirs adverses, la partie avant n’avait point explosé, et dérivait lentement dans l’espace… Les senseurs avaient détecté plusieurs formes de vie : il y avait donc des survivants. Et il fallait les sauver.

Mais ce n’était pas pour cette raison que Borsk Fey’lya avait pénétré à l’intérieur du vaisseau sinistré, en compagnie de plusieurs équipes de sauveteurs et de son pilote Piggy. Il avait une mission à remplir, et il n’y renoncerait pas.

Au bout de plusieurs heures d’effort, ils venaient de libérer plusieurs dizaines de Bothans et étaient arrivés à la passerelle de commandement du navire. Les explosifs eurent raison de l’épaisse porte blindée qui leur barrait l’entrée de la salle.

Fey’lya y entra le premier, arme au poing, suivi de Piggy et de deux soldats bothans. Son premier geste fut de voir. Son second geste fut de vomir.

La salle de commandement n’en était plus une et tenait davantage de la charcuterie mal tenue qu’autre chose. Les moniteurs étaient réduits à l’état de ruines électroniques incendiées, débordant de fils et de circuits… Des poutrelles de duracier s’étaient effondrées, le sol était rouge de sang et fendu en maints endroits, et… non, c’était horrible… Il n’y avait que des cadavres… atrocement mutilés…

Fey’lya effectua quelques pas, avec prudence – on ne savait jamais. Il manqua de trébucher sur un corps sévèrement brûlé... Le visage, en revanche, était intact, hormis une ultime déformation faciale engendrée par la douleur de l’agonie – ou la peur de la mort ? Le Conseiller le reconnut sans peine – d’autant que les galons étaient encore assez visibles. Même mort, Khi’mel avait failli le faire tomber.

L’esprit analytique de Fey’lya fit le reste. Si Khi’mel était là, Mek’Thra ne devait pas être loin.

Et effectivement…

- Bienvenue à bord, Borsk…

La voix – que l’on eût crue sortir d’outre-tombe – venait d’un peu plus loin, devant la baie vitrée. Fey’lya aperçut le corps – le cadavre ? Il gisait au sol, immobile. Fey’lya s’approcha. Fut bientôt en mesure de contempler le visage de celui qui avait été le Conseiller Mek’Thra et partirait bientôt au cimetière.

Le Bothan était dans un état aussi encourageant que Messala à l’issue de la course de chars l’ayant opposé à Ben-Hur dans le film du même nom – ce qui m’épargne ainsi de bien scabreuses et répétitives descriptions sur l’état de la peau et le reste, etc. etc. (ouais, j’ai un bouquin à finir, merde !). Sa poitrine se soulevait par intervalles de plus en plus rapides en produisant un long sifflement. Pas besoin d’être médecin pour conclure qu’il allait bientôt passer à la trappe.

- Al… alors ? fit Mek’Thra en amorçant une espèce de sourire. Le destin vous a favorisé, Fey’lya. Vous êtes un héros, et je suis presque mort. (son visage se congestionna – du sang se mit à jaillir de sa bouche – il se calma)
- Vous n’avez plus rien à perdre, déclara froidement Fey’lya. Je veux les noms de vos complices dans le génocide de Caamas, je veux savoir où vous avez planqué votre inévitable documentation, je veux tout.

Une pâle lueur d’ironie brilla dans le regard de Mek’Thra.

- Vous… vous inquiétez… pour moi, hein ? haleta-t-il. Vous n’êtes pas si direct… habituellement…

Fey’lya s’assit en tailleur, le visage dur.

- Il est temps de soulager votre conscience, Mek’Thra.
- Vous… n’êtes pas mon aumônier, Fey’lya.
- En effet. Je représente Bothawui, et s’il vous reste une once de patriotisme, utilisez-là maintenant.

Le regard de Mek’Thra dévia vers la baie vitrée. Vers l’espace. Vers l’infini.

- Je… suis un patriote, murmura-t-il. J’ai, à ma manière, sauvegardé… les intérêts de mon peuple. (son débit s’accéléra) J’ai agi pour le bien de Bothawui… Palpatine avait besoin de gages, nous les lui avons fournis… Caamas aurait été détruite avec ou sans nous… Nous avons collaboré à l’inévitable… Et nous avons acheté la confiance des mêmes Impériaux qui creuseront la tombe de leur régime des années plus tard… Caamas a mené à Endor.

Fey’lya écoutait sans rien dire.

- Nous n’avions pas le choix, reprit Mek’Thra. Palpatine était au pouvoir. Il nous aurait détruits s’il ne nous faisait pas confiance. Nous devions survivre.
- Quitte à ce que Caamas meure.
- Quitte à ce que Caamas meure.

Fey’lya hocha la tête. Tout à coup, les aveux qu’il attendait de Mek’Thra avaient perdu toute importance.

- Vous êtes une pourriture, admit-il soudain.

Les yeux de Mek’Thra s’agrandirent.

- Qu… quoi ?
- Vous êtes une pourriture, répéta calmement Fey’lya. Une larve, si vous préférez. Vous recherchiez le pouvoir absolu et vous n’avez pas hésité à sacrifier des milliards d’innocents sur l’autel de votre délirante ambition. Vous dites avoir agi par patriotisme : vous n’êtes qu’un minable gangster, un lâche prêt à toutes les compromissions les plus ignobles pour sauvegarder votre position sur l’échiquier politique. Loin d’avoir voulu sauver Bothawui, vous l’avez traîné dans la boue comme jamais notre peuple n’a été souillé dans toute son Histoire. Vous vouliez vous sauver : rien d’autre n’avait d’importance à vos yeux. Et laissez-moi vous dire ceci : vous n’avez rien à voir avec notre victoire à Endor. Plusieurs Bothans sont morts pour dérober les plans de l’Etoile Noire. Plusieurs Rebelles sont morts pour la détruire. Là réside la vérité.

Mek’Thra produisit ce qui pouvait passer pour du rire.

- Je savais… que vous ne m’aimiez pas… soupira-t-il. Mais… vous êtes comme moi… Au fond de vous-même, vous le savez. Tous les deux, nous sommes des politiciens. Tous les deux, nous sommes détestés. L’Histoire nous jugera avec sévérité, mais nous aurons agi avec la conscience d’avoir bien fait. Nous ne vivons que pour le pouvoir, et par conséquent vivons hors de l’humanité. Car le pouvoir est inhumain.
- Je ne suis pas comme vous, répondit Fey’lya.
- Vous êtes beaucoup moins lucide que je ne l’imaginais…
- Je n’irai pas exterminer une planète pour mon bénéfice personnel.

La main de Mek’Thra se redressa, aggrippa le poignet de son rival. Ses yeux se vrillèrent dans les siens.

- Vous verrez, Conseiller… Vous verrez… Votre carrière vous mènera très loin – je le sais.

La main de Mek’Thra se raidit. Son regard devint vitreux. Sa tête se reposa en arrière, sur le sol.

Fey’lya lui tâta le pouls. Ne ressentit rien.

Les derniers mots de Mek’Thra lui revenaient en leitmotiv, comme une bande folle… Vous verrez, Conseiller… Votre carrière vous mènera très loin…

Ces mots lui avaient fait mal. Ces mots lui avaient fait peur. Ces mots étaient vrais.
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