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Les Ruines
 
En descendant de l’appareil, Isil gardait en mémoire la vue aérienne du long ruban de plus de quatre-vingt kilomètres de sable doré formé par les Plages d’Or entre Coronet et Tyrena. L’air était doux et le ciel azur, parcouru de quelques moutons blancs inoffensifs, invitait à des vacances de farniente au bord de la mer.
Une haie de militaires en grande tenue leur rendit les honneurs tandis qu’ils avançaient sur le tapis rouge vers le speeder de luxe qui les attendait. Isil marchait légèrement en retrait, dans l’ombre de l’imposante silhouette du Conseiller à la Sécurité de Coruscant, la main sur la garde de son sabre laser, prête à toute éventualité. Tous ses sens en éveil, elle scrutait chaque visage et chaque geste que faisaient les personnes présentes. Au fond d’elle-même, elle sentait un trouble dans la Force, quelque chose qui pouvait éventuellement indiquer un danger potentiel, sans qu’elle sache trop l’interpréter.
Près de l’airspeeder, un petit homme rondouillard à tête de fouine les attendait avec un sourire protocolaire. Il s’inclina devant Darillian.
- Bonjour, Conseiller, dit-il en lui serrant la main. Vos visites sur Corellia sont toujours les bienvenues.
- Merci, Monsieur le Ministre, répondit poliment Darillian en s’écartant pour présenter Isil. Voici mademoiselle Isil Valdarra, annonça-t-il en scrutant attentivement le visage de son interlocuteur qui trahit une légère surprise. Mademoiselle Valdarra est la Chevalier Jedi en charge de ma protection rapprochée.
- Valdarra… murmura l’homme.
Darillian fit mine de ne pas entendre et continua imperturbablement.
- Isil, je te présente Monsieur le Ministre de la Sécurité Territoriale, Ganner Panaka.
L’homme lui tendit la main puis serra longuement la sienne. Le contact avec la peau moite et grasse de l’homme fut désagréable à la jeune fille qui inclina légèrement la tête.
- Le Conseiller Darillian a bien de la chance de vous avoir comme garde du corps, susurra le Ministre avec un sourire fat tout en promenant son regard sur Isil. Un Chevalier Jedi, quel honneur !
- Enfin, je suis encore Padawan, rectifia la jeune fille en retirant sa main tout en réfrénant l’envie de l’essuyer à sa tunique.
- Valdarra… répéta pensivement pour la deuxième fois le Ministre en la fixant dans les yeux.
Darillian intervint.
- Vous vous rappelez du général Valdarra, Monsieur le Ministre, Jann Valdarra, précisa-t-il, le héros de Bothawui.
- En effet, répondit Panaka sur un ton mielleux. Notre Padawan est-elle de la famille de notre regretté général ?
Darillian sourit en prenant le Ministre par l’épaule pour l’inviter à monter à l’arrière du speeder tout en faisant signe à la jeune fille de s’installer à l’avant.
Le cortège officiel s’ébranla. Deux speeders armés de la police corellienne ouvraient la marche et trois autres la fermaient. Quatre motojets se tenaient de chaque côté du véhicule noir. Assis confortablement dans la banquette moelleuse, Darillian se pencha lentement vers l’oreille de Panaka.
- Isil est la fille de Jann Valdarra, dit-il sur un ton de confidence, un sourire malicieux aux lèvres.
Il fut largement récompensé par l’effet de surprise qu’il avait visiblement souhaité. Le Ministre fit un bon sur son siège et tourna vers le Conseiller un visage blême.
- Hein ? Quoi ? Sa fille ? Mais… c’est impossible ! Je… Sa fille a été déclarée morte dans l’incendie qui a suivi l’attaque de leur domaine par des mercenaires liés au parti opposé au traité de Coruscant !
- Déclarée morte seulement, commenta Darillian d’une voix douce.
- Vous êtes sûr que…
Le Ministre hésita avant de reprendre.
- Ce doit être vrai si vous le dites, évidemment. Mais par quel miracle cela a-t-il été possible ?
- L’enfant a été sauvée par un Maître Jedi du commando républicain arrivé sur les lieux… hélas trop tard pour sauver le général et sa femme. Il a recueilli l’enfant qu’il a déclarée morte pour sa tranquillité et l’a prise comme Padawan.
- Vraiment ? s’étonna Panaka. Extraordinaire ! Ainsi cette jeune fille est l’unique héritière des familles Zilar et Valdarra ? Voilà qui est plutôt… inattendu.
- Et je vous demanderai de ne pas vous en entretenir avec elle, trancha Darillian en levant une main impérieuse. Lorsque j’ai appris que l’enfant était vivante, j’ai fait mettre tous les biens des deux familles sous tutelle, étant donné qu’elle était leur seule héritière mais elle n’en sait encore rien. J’attends le bon moment pour le lui dire. Il faut que vous sachiez, monsieur le Ministre, que la jeune Isil est amnésique et ne se souvient pas de son passé… quoique depuis quelques jours, elle ait fait de gros progrès là-dessus, ajouta-t-il à mi-voix.
Le cortège arriva au bord des plateformes aériennes du palais. De nouveau, un piquet d’honneur d’uniformes rutilants les attendait. Isil admirait avidement les magnifiques témoignages de l’architecture corellienne qui éblouissaient ses yeux. Arrivés devant une haute porte à deux battants sculptés d’or, Jaster Darillian se tourna vers elle.
- Tu dois me laisser ici, Isil. J’ai rendez-vous avec le souverain et certains de ses ministres pour discuter de politique. Ce n’est pas ta place. On va te conduire à notre suite où tu m’attendras sagement et si tu veux te promener un peu, n’hésite pas. Tu ne dois pas te souvenir de Coronet, peut-être que quelque chose ici pourra contribuer à raviver ta mémoire. Mais ne t’éloigne pas trop et sois prudente. Je pense en avoir pour trois ou quatre heures, on se retrouve après.
Et sans qu’elle ait eu le temps de répondre quoi que ce soit, il disparut derrière les grands vantaux accompagné du Ministre.
Isil haussa les épaules et redescendit l’interminable escalier d’honneur sous l’œil attentif des gardes qui s’échangèrent quelques sourires complices qui en disaient long sur leurs pensées.
*
* *
Un airspeeder survolait les prairies en fleurs en direction de la mer vers l’une des innombrables petites criques qui dentelaient la côte à l’opposé des Plages d’Or. Il n’y avait à bord que le Conseiller à la Sécurité de Coruscant et la jeune Jedi. Le vieil homme n’avait pas voulu lui dire vers quelle destination ils se rendaient mais pour l’heure, Isil contemplait le paysage paradisiaque et elle sentait se bousculer en elle, nombre d’images confuses et brouillées qui remontaient à la surface de sa mémoire défaillante. L’engin perdit de l’altitude en direction d’une prairie boisée qui descendait en pente douce vers la mer, formant une cuvette entre deux falaises crayeuses et au centre de laquelle on commençait à distinguer les ruines de ce qui avait dû être une grande et belle maison domaniale. La destruction du domaine semblait remonter à bon nombre d’années car la végétation avait repris son droit, y compris parmi les pierres entre lesquelles des ronces et des buissons avaient repoussé de façon anarchique.
La Padawan jeta un regard interrogateur au pilote, mais Jaster Darillian garda le silence. Elle admira au loin la magnifique côte et d’autres constructions dont les colonnes et les dômes blancs étalaient les richesses. Enfin, le Conseiller consentit à faire un commentaire.
- C’est la côte des Mille Étoiles ! Ici, tous ceux qui comptent quelque fortune sur Corellia ont un domaine. Cette région rassemble les plus belles maisons, les plus beaux manoirs de la planète.
- C’est curieux, j’ai l’impression de connaître cet endroit ! répondit Isil.
- Sans doute parce que tu y as vécu, insinua Darillian.
Les sourcils blonds se levèrent légèrement.
- C’est ici qu’habitaient mes parents, n’est-ce pas ?
L’airspeeder se posait sur une pelouse d’un vert tendre et accueillant. Ils en descendirent à une centaine de mètres de la maison en ruine. Un peu plus loin, s’élevaient des dépendances abandonnées, sans doute celles de la domesticité ainsi que des restes d’écuries.
- Ma mère adorait les equines, fit-elle le regard fixe, elle en possédait de différentes races. Elle m’avait appris à en faire lorsque j’étais encore toute petite. Papa ne voulait pas que je monte. Il avait peur que je tombe et me fasse mal. Mais il m’avait quand même offert un gaupa blanc d’Endor pour mes six ans.
Elle fit un effort de mémoire intense qui lui fit froncer les sourcils avant de continuer avec un air inspiré.
- Piny, il s’appelait Piny… je m’en souviens… il avait une très longue crinière à laquelle je m’agrippais quand il partait au galop !
Darillian sourit. La thérapie du pèlerinage semblait porter des fruits sur un terrain qu’il avait doucement préparé à cet exercice. Il ne faisait aucun commentaire et se tenait trois pas derrière la jeune fille, peut-être pour ne pas troubler sa réflexion ni influencer ses pas.
La Padawan avançait au hasard, tantôt à droite, tantôt à gauche, comme un animal errant, perdu dans un monde inconnu. Elle désigna du doigt un gros arbre chenu. Sous une branche torturée, une petite fille à la longue chevelure dorée faisait de la balançoire en riant aux éclats. À ses côtés se tenait une femme très belle, aux cheveux d’une blondeur presque blanche, comme la robe à dentelles qu’elle portait. Toutes deux riaient à présent.
- Maman, murmura Isil tandis que les silhouettes s’effaçaient tout doucement à sa vue.
Elle se mit à courir vers l’arbre dans les hautes herbes sauvages. S’arrêtant à ses pieds, elle fouilla le sol des yeux. Soudain elle se pencha et ramassa quelque chose.
- Qu’as-tu trouvé, Isil ? demanda Darillian.
Elle lui montra un bout de corde rongée par le temps.
- Je faisais de la balançoire sous cet arbre, expliqua-t-elle. Ma mère adorait me pousser pendant des heures, et je n’en avais jamais assez.
- Ta mère t’aimait beaucoup. Tu étais tout pour elle !
- Pourquoi l’a-t-on tuée ?
La question resta sans réponse. Un peu plus loin se dressaient les ruines de la grande maison. On en devinait encore aisément les contours même si le cœur semblait avoir été dévoré par un violent incendie. Isil marcha jusqu’aux pieds d’un grand escalier qui montait vers un immense perron de pierres blanches. Elle monta lentement les marches au milieu d’images qui remontaient du plus profond de sa mémoire et se bousculaient dans sa tête de façon désordonnée. Des images s'imposèrent à elle.
Elle a cinq ans et trébuche sur une marche. Une main secourable la relève.
- Tu t’es fait mal ? demande une voix masculine toute chaleureuse.
Elle se redresse toute fière et regarde son père en répondant malgré la douleur qui lancine son genou.
- Bah non papa ! Je suis bien trop forte pour me faire mal !
- Et bien trop courageuse pour pleurer, répond l’homme avec chaleur.
La main du père caresse ses longs cheveux blonds et frotte sa tête de droite à gauche. Isil reçoit en elle une chaleur bienfaisante, rassurante. Quand un père vous aime, il ne peut rien vous arriver de néfaste.
À présent, elle a presque douze ans et se tient debout sur le perron. Une peur s'insinue en elle, sans qu'elle sache pourquoi. Son monde d'enfant paraît sur le point de s'écrouler… en tout cas, c'est un sentiment très fort qui l'envahit en ce sens, sentiment qu'elle ne peut expliquer. Ses parents parlent fort et semblent se disputer. Ils crient. Il y a d’autres hommes avec eux, des gens du domaine et un militaire qui fait de grands gestes. Le ciel est noir et des éclairs zèbrent l’encre des nuages. L’atmosphère est lourde. Que disent les adultes ? Ils sont armés. Son père tient un sabre dans une main et un pistolet dans l’autre. Isil est terrorisée à présent car jamais elle n'a vu son père armé et dans cet état-là. Elle a peur qu'il ne veuille faire du mal à sa maman et elle veut crier mais aucun son ne passe le cap de sa gorge d'enfant. Alors les yeux écarquillés, elle observe et essaye de comprendre. Non, ils ne se disputent pas. Il semble simplement se passer quelque chose de grave. Sa mère a de la peur dans la voix. Un grondement se fait entendre. Toute tremblante à présent, la fillette regarde le ciel et voit un vaisseau qui se pose sur la pente herbeuse à un jet de pierre de la maison. De loin et dans son imagination de petite fille, la forme biscornue du vaisseau lui fait penser à un dragon à trois têtes. Des hommes en sortent. Jann Valdarra crie quelque chose à sa femme Jaina qui prend l’enfant par le bras et la fait rentrer dans la maison. Tout va très vite. Des hommes se précipitent dans la demeure, d’autres dehors, tout autour. Ceux qui sont sortis du vaisseau arrivent en courant. Des cris fusent puis des tirs de blasters retentissent. Un éclair éblouissant tombe sur la cime du vieil arbre accompagné d’un coup de tonnerre qui éclate violemment en claquant comme un coup de fouet. Isil, qui est rentrée dans la maison avec sa mère, monte sur une chaise pour regarder dehors, pétrifiée par la peur, cachée derrière une fenêtre aux côtés de Jaina.
Darillian posa sa main sur l’épaule de la jeune fille en murmurant.
- C’est ici que ça s’est passé, Isil. C’est là que tes parents ont été assassinés. Ils n’ont jamais été vengés. C’est à toi de le faire… pour eux !
La Padawan se retourna vers le Conseiller. Il y avait de la buée au fond de ses yeux. De l’incertitude également. Elle enjamba une grande poutre noircie pour entrer dans les décombres de la maison dans laquelle avaient poussé des ronces et des petits arbrisseaux. On devinait ici et là des restes de mobilier. Elle avança vers ce qui était sans doute la fenêtre derrière laquelle elle avait observé la scène et les images revinrent devant ses yeux.
Elle est de nouveau enfant et se tient à genoux sur un fauteuil de velours rouge, ses petites mains enfoncées dans sa bouche pour ne pas crier. Sur le perron elle peut voir son père qui tire ainsi que ses hommes, vers les assaillants. Des hommes à lui sont montés sur le toit de la maison et font feu sur ceux qui sortent du vaisseau. Jann se bat à présent au sabre contre un homme vêtu de noir. Les lames luisent à la faveur d’un nouvel éclair et la pluie commence à tomber lentement, sous forme d’énormes gouttes d’eau tièdes. Tout à coup, le sabre de l’homme en noir décapite le général Valdarra. Jaina pousse un hurlement et sort de son refuge pour se précipiter dehors. Un assaillant la vise avec un long fusil blaster. Du milieu du groupe d’agresseurs l’homme habillé de noir dont la tête est dissimulée par une capuche crie : « Ne tirez pas sur elle ! » Mais le coup est parti. Au même moment, l’homme en noir a tendu la main vers Jaina et celle-ci est projetée par une force invisible vers le haut de l’escalier. Elle tombe. Le tireur l’a manquée mais elle reste allongée, immobile, la nuque brisée. L’enfant mord son poing pour retenir un cri de désespoir. Un flot de larmes brûlantes coule sur ses joues rougies. L’homme en noir s’avance vers sa mère. Il tient dans une main la tête dégoulinante de sang de Jann qu’il dépose dans les bras de la morte. On dirait qu’une aura invulnérable le protège des tirs des défenseurs qui ont monté une arme lourde et tirent à présent vers le vaisseau depuis une tour de la maison. Apeurée, Isil est descendue de son fauteuil et a reculé vers le centre de la pièce pour se cacher sous une lourde table en bois massif. Soudain le vaisseau riposte puissamment. Un lourd rayon rouge frappe la maison qui explose sous l’impact. Elle s’écroule et prend feu. L’homme en noir se retourne vers le vaisseau et hurle : « Non ! Non ! » Il monte précipitamment les marches et arrive à l’entrée de la maison en feu. Il crie de nouveau : « Isil ! Isil ! » Cachée sous la table ensevelie sous les décombres, la fillette peut apercevoir d’un œil à travers un interstice, la silhouette qui la cherche du regard, hésitant à pénétrer dans le brasier. Elle peut voir ses yeux. Dehors on entend crier : « Les Jedi ! Retirons-nous ! » Un commando des forces républicaines entraîné par plusieurs chevaliers Jedi dont Beno Mahr a en effet débarqué à son tour d'un nouveau vaisseau qui vient de se poser en catastrophe non loin de la. L’homme en noir hésite et crie une dernière fois d’une voix cassée, désespérée : « Isil ! » Dehors les forces assaillantes refluent vers leur vaisseau protégeant la fuite de leur chef qui s’enfuit à son tour.
Isil, le dos tourné au Conseiller silencieux, se sentit tressaillir, là au milieu de ces ruines. Quand elle se retourna son visage s’était durci. Ses yeux bleus luisaient d’un étrange éclat rappelant le froid de l’acier. Sa main se porta à sa ceinture et ses doigts se glissèrent autour du manche de son sabre laser qu’elle dégagea lentement de son support. Son bras s’abaissa. Son doigt appuya sur le bouton de marche libérant dans un crissement électrique la lame verte tendue vers le sol. D’une voix glaciale elle s’entendit dire comme dans un rêve.
- Ainsi c’était vous !
Jaster Darillian recula d’un pas instinctivement, sans même en avoir conscience. Il grimaça et osa un sourire crispé.
- Je m’étais toujours demandé si tu avais pu voir mon visage ce jour-là. J’espérais bien que non, pour tout t’avouer.
Dans le silence, on entendait gémir d'impatience la lame verte du sabre laser.
- Vous êtes l’homme en noir, reprit Isil de la même voix glacée. Vous avez tué mes parents !
- Pour ta mère, je ne voulais pas… répondit tranquillement Darillian d'un ton presque détaché. J’ai voulu la sauver d’un tir… c’était un accident… je l’aimais, je ne voulais pas lui faire de mal ! Crois-moi mon enfant !
La jeune fille grinça des dents, les mâchoires serrées à s’en faire mal.
- Ne m’appelez pas comme ça.
La lame verte se releva et s’avança menaçante vers le Conseiller.
- Je vais vous tuer, reprit la Padawan, c’est tout ce que vous méritez.
Jaster Darillian émit un petit rire.
- Mériter ? Depuis quand un Jedi est-il juge et parti ? Tu veux me tuer ? Et ton Code ?
Sa voix se fit dure et cassante.
- Tu laisses parler ta colère – il huma l’air – bien, bien… Il est enfin temps de laisser parler tes sentiments, jeune Padawan. Tu as raison. Frappe-moi ! Finissons-en et venge tes parents. Viens me rejoindre sur ces sentiers dont tu ignores encore tout. Frappe-moi !
Il avait écarté les bras et offrait ainsi sa poitrine à la lame grésillante, ses yeux plantés dans le bleu de ceux de la jeune fille. Isil restait immobile comme hésitante, des sentiments inondant toute son âme. Ses pensées étaient brouillées. Elle ne parvenait plus à les ordonner correctement.
- Êtes-vous un Sith ? questionna-t-elle d’une voix blanche.
Darillian ricana.
- Pourquoi vouloir à tout prix tout cataloguer ? Être ceci ou bien être cela ? Est-ce que cela te faciliterait la tâche si j’en étais un ?
Il pinça ses lèvres minces et froides.
- Ni Jedi, ni Sith… une sorte d’apatride de la Force. J’ai pris ce qu’il y avait de mieux d’un côté comme de l’autre. Les Maîtres Jedi n’y connaissent rien. Ce ne sont que des fous d’idéalistes ! Quant aux Sith, ils ne vivent que dans la haine et la colère. Tout cela est à jeter aux ténèbres ! Il faut tout recommencer et tu es là pour cela.
Isil plissa les yeux et inclina légèrement la tête de côté.
- Recommencer quoi ? Vous êtes complètement cinglé ?
Le Conseiller ricana de nouveau.
- Tu es encore loin de la vérité, ma belle… Allons !
Sa voix claqua.
- Tu as un parti à prendre ! Tes parents ne peuvent attendre. Ton indécision est pitoyable et le résultat flagrant des mièvreries que ton Maître t’a enseignées !
Les yeux bleus se rouvrirent en grand.
- Maître Beno… Pourquoi n’a-t-il jamais pu lire dans votre petit jeu ? murmura-t-elle, pourquoi… n’ai-je jamais senti…
- Ah ! s’exclama Darillian en levant la tête.
Il ramena ses bras vers sa poitrine pour écarter légèrement les pans de sa robe sombre, découvrant un bijou formé d’une unique pierre bleutée qui pendait au bout d’une grosse chaîne en or.
- L’artefact de Dark Vitus, dit-il d’un ton grave avec une nuance de moquerie dans la voix. Cette pierre annihile les vibrations de la Force autour d’elle. Impossible de la sonder, impossible de ressentir quelque chose, aucune menace, aucune pensée… rien…
Il referma son vêtement.
- Alors, jeune Padawan, cracha-t-il, tu te décides à franchir les limites que t’ont imposées tes Maîtres ? Tue-moi, venge tes parents !
Un éclat de colère passa dans les yeux bleus et subitement le sabre laser se leva en arrière et s’abattit sur Jaster Darillian.
Au même moment, une puissance invisible lançait littéralement la jeune fille à travers la pièce. Le coup était venu de sa droite. Elle s’envola et fut projetée violemment contre un mur qui s’écroula sur elle. Isil sombra dans un trou noir sans fin.
Une silhouette apparut à l'opposé, à travers un pan de mur effondré. Les yeux de Jaster Darillian lancèrent des éclairs de colère.
- Qu’avez-vous fait ?
Le nouveau venu abaissa la capuche de sa cape noire découvrant une tête à la peau ocre. Ses prunelles jaunes brillèrent.
- Elle allait vous tuer ! Comment pouvez-vous risquer ainsi votre vie ? À quoi jouez-vous donc avec cette fille ?
Le Conseiller eut un geste d’agacement.
- Imbécile ! Vous êtes intervenu trop tôt ! Vous ne pouvez juger de ce que je fais, Seigneur Dal-Karven, le but que je poursuis avec cette enfant ne regarde que moi et je ne vous permets pas de vous mettre ainsi en travers de mes projets !
Le ton était claquant. Le Sith grogna.
- Excusez-moi, Seigneur Dalius, j’ai pensé que…
De nouveau Darillian leva la main pour couper court.
- Que faites-vous ici ?
Tandis qu’il parlait, le Conseiller s’était rapproché du corps de la jeune fille auprès duquel il s’agenouilla en écartant les débris du mur qui la recouvraient en partie. Il posa deux doigts sur son cou pour s’assurer qu’elle était toujours en vie. À son front, elle portait une entaille qui saignait légèrement, mais à première vue, elle allait bien.
- Je suis venu vous dire que les préparatifs sont terminés. Nous évacuons le centre. Il nous reste une heure.
Darillian regarda le Sith sans ménagement.
- Qu'attendez-vous ? Allez-y donc, évacuez ! Laissez ma navette, je vous rejoindrai à bord du croiseur en temps utile, j'ai encore quelque chose à accomplir.
Il se baissa vers le corps inanimé d'Isil et la prit délicatement dans ses bras puis se releva. La tête de la jeune fille dodelinait doucement.
- Que comptez-vous en faire ? reprit le Sith en replaçant sa capuche sur sa tête.
- Cela ne regarde que moi. L'affaire entre cette enfant et moi n'a rien à faire avec notre projet commun. C'est juste le destin qui l'a replacée de façon opportune sur ma route justement en ce moment. Mais tôt ou tard, ce moment serait venu… un peu plus tard… un peu plus tôt.
Le Sith grogna en renonçant à comprendre et fit volte face en lançant.
- Ne tardez pas trop en vous amusant avec cette fille, le croiseur ne vous attendra pas indéfiniment. Les opérations se terminent, ici et sur nos deux autres objectifs. Demain, la guerre entre la République et l'Empire reprendra pour le bien des Sith !
- Et de leurs amis ! répliqua Darillian d'une voix sèche qui fit se retourner Dal-Karven.
- Et de leurs amis… répéta le Sith en regardant fixement le Conseiller.
Puis il ajouta en repartant.
- Cela va de soi !
Il quitta les ruines tandis qu'embarrassé par son fardeau dont les membres oscillaient à chacun de ses pas comme ceux d'un patin désarticulé, Darillian retournait vers son airspeeder.
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