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L'Attentat
 
Les yeux mi-clos, plissés comme ceux d’un prédateur attendant patiemment de bondir sur sa proie, le menton posé sur le dessus de ses deux mains jointes, les coudes sur le bureau, le Conseiller à la Sécurité Jaster Darillian observait la jeune fille devant lui. Elle se tenait les mains croisées sur ses genoux, tête baissée sur sa poitrine, dans un confortable fauteuil qu’il lui avait désigné en entrant dans la pièce. Elle portait une bure d’un brun rouge sur une tunique blanche serrée à la taille par une ceinture de cuir noir à laquelle pendait son sabre laser. Ses longues jambes nues plongeaient dans de hautes bottes noires et moulantes. Immobile, elle semblait presque dormir dans son siège mais l’homme qui l’observait savait qu’elle méditait, plongée dans la Force.
- Les services de renseignements républicains pensent qu’il y a des risques d’attentats contre la personne du Chancelier et la mienne, expliqua-t-il à mi-voix. Le Conseil Jedi a proposé de détacher deux Chevaliers pour assurer notre sécurité rapprochée en plus de la garde personnelle du Chancelier. J’ai fortement proposé ta candidature pour assurer la mienne.
Lentement, le visage de la jeune fille se releva et ses yeux bleus plongèrent dans les siens.
- Je ne suis pas Chevalier, dit-elle d’une voix neutre et basse.
- Je le sais, Isil, répondit l’homme politique d’une voix suave. Je sais aussi que ta formation est achevée et que tu as l’étoffe d’un vrai Chevalier Jedi. Maître Beno me l’avait dit la toute dernière fois que nous nous sommes rencontrés. Soit, tu n’as pas passé d’épreuve formelle et je sais que le Conseil hésite à te nommer. Mais pour ma part, je te considère comme telle.
- Votre confiance m’honore, Conseiller, continua Isil toujours à voix basse. Et je vous sais gré de m’avoir sortie de détention même si je ne comprends pas très bien pourquoi.
Darillian exhala un long soupir en se rejetant au fond de son fauteuil.
- Voyons, jeune fille, la place d’un Jedi n’est pas en prison. Quel gâchis de maintenir une personne de ta valeur derrière des barreaux alors que nous avons besoin de toutes les forces vives de la Galaxie. Et puis je suis persuadé que la mort de Kaldor n’est qu’un accident ou une légitime défense de ta part.
La Padawan ne fit aucun commentaire et se tint coite. Elle-même ne connaissait pas la vérité que Hiivsha et Laslo allaient découvrir quelques heures plus tard. Le silence de la jeune fille parut rendre le Conseiller perplexe. Il reprit sa pose initiale, le menton sur ses mains croisées. Il s’écoula plusieurs longues minutes avant qu’il ne reprenne la parole, comme s’il s’était plongé à son tour dans une intense réflexion.
- Toujours est-il que le Conseil a donné son accord provisoire à condition que tu acceptes toi-même de remplir cette fonction. Il te laisse le choix. Je dois dire que tes Maîtres semblaient soulagés de te voir sortir de détention. Aussi, je serais ravi, Isil, que tu acceptes de me servir de garde du corps… ainsi peut-être pourrais-je trouver le temps de te parler de ce passé qui te fait tant défaut ?
Le ton presque mielleux du Conseiller ne pouvait paraître inaperçu. Un frisson parcourut l’échine de la jeune fille sans qu’elle puisse mettre un nom sur la crainte qu’elle sentait s’insinuer en elle. La Force était muette. Elle ne voyait rien lorsqu’elle s’y plongeait. Aucune image, aucune pensée ne lui venait pour guider son choix, comme si dans ce bureau, elle ne pouvait la sonder.
Isil prit une longue inspiration pour se donner le temps de réfléchir une dernière fois. Les battements de son cœur s’accélérèrent un peu et elle dut faire un effort sur elle afin de rejeter les émotions contradictoires qui entraient en collision dans son esprit.
- J’apprécie votre prévenance à mon égard, Conseiller… commença-t-elle.
- Voyons mon enfant, coupa Darillian, cette prévenance n’est que l’expression de mon humanité. Je ne supporte pas l’injustice et en tant que politique, je me dois d’utiliser au mieux les ressources de notre République.
- Cela vous honore, Conseiller… et puisque vous me parlez d’humanité et d’utiliser au mieux les ressources disponibles, je… j’ai… une faveur à vous demander.
L’espace d’un instant, les yeux de Darillian se mirent à briller et un très léger sourire fit soulever le coin de ses lèvres.
- Une faveur ? Je serai ravi de te l’accorder, Isil. Je suis persuadé que tout ce que tu peux me demander ne peut être que juste et dicté par la sagesse dont tu fais déjà preuve. Que puis-je faire pour toi ?
De nouveau elle fixa son regard dans le sien mais ne put rien y lire.
- Il y a quelqu’un… une femme… une excellente pilote, détenue à la centrale six pour avoir rendu elle-même la justice qu’on lui a refusée… pour avoir puni un meurtrier trop riche pour être condamné par une justice défaillante… elle est malade et en prison on ne soigne pas les gens…
Elle s’exprimait lentement, sans passion. Darillian qui se tenait aussi immobile qu’elle, ne la perdait pas du regard.
- Je me suis servie de la Force pour la soigner…
- C’est un geste de compassion, Isil, c’est très bien… je suis sûr que tu seras une grande guérisseuse Jedi.
- Je ne sais pas si j’ai pu la guérir, mais je lui ai redonné du temps à vivre.
- En prison… ce n’est pas forcément un cadeau que tu lui as fait. Y’avais-tu songé ?
- Oui Conseiller. J’ai pesé le pour et le contre avant de le faire. J’ai eu la vision de mon amie aux commandes d’un transport de fret au profit des troupes républicaines éparpillées sur les postes avancés de la bordure extérieure. Il m’a semblé que c’était une vision de l'avenir…
- Maître Beno m’avait dit que tu avais une très grande affinité avec la Force et que ta clairvoyance était grande.
- Sans doute, pensa Isil, mais ici, je ne vois rien dans la Force.
- Je serai votre débitrice, reprit-elle, si vous consentiez à faire réexaminer son dossier en considérant les services qu’elle pourrait rendre à la République comme pilote plutôt que de la laisser mourir derrière des barreaux.
Le sourire de Darillian s’accentua derrière des mains toujours croisées devant son menton.
- Pourquoi pas en effet, surtout si c’est toi qui le demande. Je pense que tu as su sonder son cœur et son âme et que si tu suggères de lui faire accorder une remise de peine, c’est qu’elle ne représente aucun danger pour la société et qu’elle le mérite.
- Je vous garantis que c’est le cas, Conseiller, murmura Isil.
Darillian se redressa dans son fauteuil et posa les mains à plat sur le bureau comme quelqu’un qui vient de prendre une décision importante.
- C'est entendu, je te permets de déposer les dossiers que tu souhaiteras auprès de mes services et je tâcherais de les faire suivre vers mon collègue de la Justice avec mes recommandations pour qu’ils soient étudiés avec sérieux et bienveillance. Je sais que tu n’abuseras pas de cette faveur.
- Non, Conseiller, concéda Isil modestement. Je vous suis reconnaissante de la confiance que vous placez en moi et si mon sabre laser peut vous être utile, je le place à votre service pour autant de temps que le Conseil Jedi le jugera nécessaire.
Darillian se leva avec un geste d’enthousiasme.
- Bien, ma jeune Jedi ! Parfait ! Avec toi à mes côtés, je suis sûr qu’il ne pourra rien m’arriver de fâcheux, et je ne pouvais pas rêver d’un plus joli garde du corps.
La jeune fille se leva à son tour. Il la prit familièrement par le bras pour l’entraîner vers la double porte du bureau.
- Tu vas t’installer sans tarder dans mes appartements. Tu auras ta chambre à côté de la mienne. Ainsi, tu pourras veiller sur moi le jour comme la nuit et je me sentirai en sécurité. Va rassembler tes affaires, je vais te faire accompagner. Nous nous verrons plus tard, quand tu auras pris possession des lieux. Mon secrétaire général t’expliquera tout ce que tu souhaiteras savoir, notamment sur mon emploi du temps, qui, tu t'en doutes, est bien chargé.
- Bien, Conseiller, répondit docilement Isil en s’éloignant.
*
* *
- Cette mission est ennuyeuse, se plaignit Isil en implorant des yeux son Maître qui continuait à afficher un demi-sourire. Cette femme est exécrable et hautaine. Elle me parle comme si j’étais une chienne !
Maître Beno Mahr ne souhaitait pas discuter des qualités – ou plutôt de l’absence de qualité – de la Diva Maa’Tropo, riche héritière de la maison Ral’Kassan. Son milliardaire de père avait fait fortune comme armateur avec des fonds dont certains prétendaient la provenance plus que douteuse. À sa mort, elle avait hérité de l’empire financier paternel et s’était lancée dans une carrière de cantatrice, compensant son piètre talent par des dons généreusement distribués aux critiques chargés de l’encenser partout dans la Galaxie.
- La Diva est l’invitée de la République et le Sénat a demandé au Conseil d’assurer sa protection.
- Mais pourquoi moi ? protesta Isil. Ce ne sont pas les Padawan qui manquent !
- Maa’Tropo a décidé que ce serait toi. Elle souhaitait une femme et non un homme et lorsqu’elle t’a aperçue, elle a de suite demandé ton détachement à ses côtés. Je n’y peux rien.
Maître Mahr leva les yeux au ciel. Isil s’entêta avec l'aplomb de ses dix-sept ans.
- Mais enfin, pourquoi ça tombe sur moi ce genre de corvée ?
- La Diva est bien connue pour aimer s’entourer de jeunes filles toutes blondes… du coup, c’est un début d’explication.
Isil fronça le nez ce qui fit apparaître deux fossettes sur ses pommettes rosées et tordit la bouche de façon boudeuse. Son Maître reprit.
- Le premier devoir d’un Jedi est d’obéir aux ordres sans discuter. Toutes les missions ne sont pas forcément gratifiantes, mais elles doivent être accomplies. La Diva est une amie intime du Chancelier Suprême et quel que soit son caractère, nous nous devons d’assurer sa sécurité ce qui implique que tu restes à ses côtés tant qu’elle résidera sur Coruscant. Mais rassure-toi, son tour de chant de devrait pas durer plus d’une quinzaine.
- Une quinzaine ? s’exclama la jeune fille. Quinze jours avec ce… cette… matrone ? Je vais mourir ! Autant plonger de suite dans le Côté Obscur de la Force et l’étrangler avant de rejoindre les Sith !
- Isil ! la tança son Maître. Mesure tes propos ! Non seulement la Diva est une personnalité connue dans toute la Galaxie, mais elle est également ici comme ambassadrice de Kult. La République souhaite améliorer ses rapports avec les Kultiens en espérant que cette planète rejoigne ses rangs. Tu dois comprendre que, aussi désagréable que puisse te paraître cette mission, elle n’en est pas moins de la plus haute importance !
Isil baissa la tête comme une enfant qu’on réprimande.
- Oui, Maître Beno, pardonnez-moi, je m’acquitterai de cette mission de mon mieux.
- Bien ma petite Padawan. C’est mieux. La Diva va arriver. Je te conseille d’être respectueuse avec elle. Moi je m’éclipse… j’ai horreur de quand elle chante et ce concert va être interminable je le sens… j’ai mieux à faire que d’écouter sa voix de crécelle.
Il tapota l’épaule de sa Padawan avec un sourire faussement compatissant avant de rabattre la capuche de sa bure sur la tête, et de se glisser par la sortie de secours de l’immense opéra. Comme il disparaissait, Isil grommela, mécontente.
- Ben voyons ! Mon Maître se barre et moi je reste. Pfff !
Elle soupira fortement d'un air malheureux. À l'autre bout du couloir, la haute et grosse silhouette de la Diva s'approchait entourée de toute sa cour. Elle apostropha Isil sans attendre, d'une voix forte et désagréable.
- Ah te voilà, ma pauvre fille ! Où étais-tu donc encore passée ? On aurait pu m'enlever dix fois sans que tu puisses lever le petit doigt ! Je te rappelle que tu dois me suivre partout où je vais… sauf sur scène, ajouta-t-elle avec un rire énervant.
Elle tenait dans sa main un éventail en broderie d'or avec lequel elle tapota les joues de la Padawan.
- Mais enfin, ma pauvrette, que ton visage est fade ! On ne vous apprend pas à vous maquiller à l'école des Jedi ? Un peu de couleurs à ces joues, un rien de rouge à lèvres, un peu de bleu sur ces paupières et tu serais presque présentable. Ce n'est pas ainsi que tu plairas aux hommes. Regarde-moi et prends exemple !
Elle se désigna le visage d'un air pompeux tandis qu’Isil invoquait la Force pour ne pas lui répondre. Le devoir d'un Jedi était d'obéir sans discuter avait dit Maître Beno. Les deux prochaines semaines allaient être les plus longues de sa vie !
Elle leva les yeux au ciel et suivit Maa'Tropo en soupirant de nouveau.
*
* *
Ces souvenirs remontaient de sa mémoire tandis qu'elle essayait de méditer pour ne plus penser à rien et notamment à Hiivsha dont elle n'avait pas de nouvelles. La nuit était tombée et elle s'était retirée dans sa chambre. En sous-vêtements, assise en tailleur au milieu de la pièce, vêtue d’un simple bustier court qui s’arrêtait en bas des côtes et d’un short collant blancs, elle se tenait les yeux fermés et respirait lentement, le torse droit et tendu, la tête haute.
On frappa à la porte.
- Isil ? appela Jaster Darillian.
La jeune fille se releva vivement. Elle étendit la main vers la table de chevet sur laquelle était posé son sabre laser et celui-ci traversa la pièce en un éclair pour venir se loger entre ses doigts tandis qu'elle ouvrait la porte.
- Oh pardon, s'excusa le Conseiller en apercevant l'arme allumée, je ne voulais pas t'alarmer. Je… j'ai quelque chose pour toi.
Il portait dans ses bras une longue boite plate qu'il posa sur le lit.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Isil.
- C'est ce que tu vas porter à la réception demain soir.
- La réception ?
- Oui, je prononce un discours devant le gratin de Coruscant… grande réception, repas et bal dans les jardins terrasse du Millénium Plaza.
Isil souleva le coin du couvercle de la boite d'un air soupçonneux.
- C'est… une robe ? fit-elle après une hésitation.
- Oui, répondit Darillian, d'un rose pâle absolument merveilleux. Une robe de soirée.
Il se racla la gorge d'un air apparemment gêné.
- Tu ne peux y assister simplement vêtue avec ta tunique et ta bure de Jedi.
- Pourquoi ? interrogea Isil avec une pointe d'agressivité.
- Parce que c'est une réception mondaine ! Tous ces gens seront plus élégants les uns que les autres, surtout les femmes. De quoi aurai-je l'air si tu es habillée en…
- En quoi ? insista Isil légèrement agacée.
- Mais en… en Jedi, tout simplement. Je n'ai rien contre vos tuniques et vos bures mais dans une soirée… ni cela ni même une armure ! J'ai besoin que mon garde du corps soit…
- Oui ? continua Isil alors qu'il cherchait ses mots.
- Que tu sois… sur le même ton que tout le monde, acheva-t-il prudemment.
Isil posa son sabre laser à côté de la boite qu'elle ouvrit complètement pour en extirper une longue robe taillée dans un somptueux tissu fin et soyeux d'une délicate teinte rose pâle.
- En effet, difficile de porter une armure là-dessous, marmonna-t-elle en considérant le profond et large décolleté finement brodée qu'offrait la robe devant et derrière.
- Ne t'inquiète pas, le service d'ordre est tel lors de ces soirées que tu n'auras pas à t'occuper particulièrement de ma sécurité. Maintenant, comme je sais que tu ne te sépareras pas de ton arme de Jedi, j'ai fait confectionner ceci comme accessoire.
Il sortit de la poche un petit étui de la même étoffe que la robe auquel pendaient de fins cordons en tissus.
- J'imagine que si tu noues cela autour d'une cuisse, personne ne remarquera que tu es armée.
Isil fit une moue. Darillian reprit.
- Elle ne te plait pas ?
- Si, répondit la Padawan, elle est très jolie. Je n’aurais jamais pu m’en acheter une aussi belle.
- Il est vrai que les Jedi renoncent à posséder des biens matériels et de l’argent, observa le Conseiller.
- Surtout ce genre de choses bien superflues, ajouta Isil. Quand je pense aux gens des bas quartiers qui ont du mal à se nourrir…
- Ne sois pas trop dure avec ceux qui sont aisés, le monde est ainsi fait qu’il y a des riches et des pauvres et personne ne peut rien y changer… C’est ainsi sur toutes les planètes.
- C’est peut-être moins criant ailleurs que sur Coruscant.
Darillian soupira.
- Si tu le dis… Je ne suis pas venu pour participer à un débat politique sur les injustices de classes, ma chère enfant.
- Pardonnez-moi, Conseiller. Je ferai ce que vous souhaitez… mais je vous fais humblement remarquer que cette robe n’est pas taillée pour combattre.
- Pourquoi combattre ? C’est une soirée mondaine, je te l’ai dit. Pour une fois, pense à autre chose. Le seul combat que tu risques devoir livrer, c’est de danser à mes bras… car je suis piètre danseur et j’ai la mauvaise habitude d’écraser les pieds de mes partenaires si elles n’y prennent pas garde.
- Méfiez-vous que ce ne soit pas les vôtres qui pâtissent de mon inexpérience de la danse, répliqua Isil avec un léger sourire tandis que le Conseiller prenait congé.
*
* *
Les abords du Millénium Plaza étaient noirs de monde. Les soirées mondaines étaient très courues sur Coruscant et de nombreux badauds se pressaient pour apercevoir les personnalités qui débarquaient de luxueux véhicules rutilants. Personnages politiques, artistes en vogue dans la Galaxie, hommes d’affaires tous plus riches les uns que les autres, engraissés par la guerre ou par des trafics parfois douteux, défilaient sur le long tapis rouge qui courait de la plateforme d’atterrissage du palace, jusqu’à sa majestueuse entrée. Des droïdes de sécurité assuraient un cordon de protection étanche pour séparer les invités de la foule de curieux.
Avant de quitter ses appartements, Jaster Darillian avait passé au cou de sa jeune protégée un collier de diamants étincelants qu’Isil avait été obligée d’accepter compte tenu de l’insistance dont il avait fait preuve.
- Ces pierres illuminent merveilleusement ton cou, avait-il commenté en admirant le résultat. Ses feux scintillent sur ta peau comme les rayons du soleil font briller la rosée sur des pétales de fleurs. Tu es magnifiquement jolie, Isil !
Elle n’avait rien répondu, regrettant d’avoir accepté le rôle que le Conseil lui avait dévolu après du Conseiller à la Sécurité. Elle n’aimait pas la tournure que prenaient les choses et suspectait Darillian d’avoir des arrière-pensées qu’elle ne parvenait pas à décoder.
Et maintenant, elle avançait, sous le feu des projecteurs, sur ce long tapis rouge au bras d’un Jaster Darillian radieux, conscient de l’effet que cette superbe jeune fille produisait à ses côtés. Il avançait, d’une démarche altière, raide et droit, ses longs cheveux blancs impeccablement répartis sur ses épaules recouvertes d’une cape violette brodée d’or. Un murmure avait parcouru la foule de badauds lorsqu’ils étaient sortis du somptueux airspeeder de luxe qui venait de les déposer au pied des marches menant au palace. Dans sa longue robe qui ne cachait rien de ses courbes, Isil avait l’air préoccupée. Elle sentait de façon diffuse un danger imminent mais encore une fois, elle avait du mal à explorer la Force pour tenter d’en percer le mystère. C’était ainsi, à chaque fois qu’elle se trouvait en présence du Conseiller, comme si sa personne constituait une sorte d’obstacle entre elle et la Force. À cet instant précis, elle aurait aimé pouvoir en parler avec Maître Beno, mais il n’était hélas plus présent dans son monde.
Ils avançaient à présent dans la galerie des glaces qui faisait la réputation du Millenium Plaza, collection unique de miroirs éblouissants qui étaient tous d’authentiques œuvres d’art venues de toute la Galaxie. Le Conseiller avançait en tête d’un cortège de personnalités, Isil toujours à son bras, au milieu d’invités avides du moindre sourire de l’homme le plus puissant de Coruscant après le Chancelier Suprême. Des mauvaises langues prétendaient même que, dans l’ombre, sa puissance était absolue et que le Chancelier n’était au final qu’une sorte de prête-nom bien pratique pour servir ses ambitions. Des gardes les escortaient de chaque côté.
Ils approchaient des grandes portes feuilletées d’or qui permettaient d’accéder au salon d’honneur lorsque, d’un petit groupe situé à une dizaine de mètres devant eux, un homme se retourna et leur fit face, un pistolet blaster au poing. Il tira. Avec une rapidité foudroyante, Isil extirpa, à travers la longue fente latérale de sa robe, son sabre laser de l'étui lacé le long de sa cuisse tandis qu’elle bousculait de l’épaule le Conseiller qui s’effondrait contre un garde. Elle sentit le feu du plasma en fusion lui labourer l’épaule gauche tandis qu’elle levait la lame verte de son sabre pour parer le coup suivant. L’homme tira plusieurs fois sans succès. Chaque coup fut intercepté par la Padawan avec une extrême agilité. La scène s’était déroulée en quelques secondes ne laissant pas aux gardes le temps d’intervenir. Le dernier renvoi d’Isil blessa l’homme à un bras et il rompit le combat, s’élançant à travers une porte fenêtre qui explosa sous son impact. Isil jeta rapidement un œil vers le Conseiller entouré à présent par le service d’ordre. Il n’était pas blessé.
- Rattrape-le ! ordonna-t-il à la jeune Jedi qui ne se le fit pas répéter deux fois.
Elle s’élança vivement à la poursuite de l’homme. Dans l’agitation de la foule qui patientait à l’extérieur du palace, elle repéra sa cible qui courait vers des véhicules stationnés un peu plus loin. La jeune fille se débarrassa en un éclair des souliers à hauts talons avec lesquels elle n’aurait pu courir, et s’élança pieds nus à la poursuite de l’homme qui montait dans un speeder et démarrait en trombe. Un regard circulaire autour d’elle l’amena jusqu’à une motojet qu’elle enfourcha d’un bond pour s’élancer à la poursuite du fuyard dans la circulation tumultueuse de la ville planète.
Le speeder fonça à tombeau ouvert à travers les innombrables files de véhicules qui sillonnaient en permanence l’espace aérien de Coruscant, longs serpents sinuant entre les immeubles interminables qui montaient à l’assaut des nuages. Soudain, il plongea à travers les rails de circulation, zigzagant adroitement pour éviter toute collision en espérant se fondre dans la masse mouvante de la myriade d’engins qui allaient et venaient. Isil tourna la manette des gaz à fond et plongea à sa poursuite, concentrée dans la Force pour suivre sa trace. Avec n’importe qui d’autre qu’un Jedi à ses trousses, le fuyard n’aurait eu aucun mal à s’échapper. Mais dans la Force, la Padawan visualisait le fil invisible de sa trajectoire même lorsqu’il était hors de vue. Elle s’engouffra dans un tunnel en réfection, mélange de poutres de duracier et de permabéton entrelacées, en faisant danser sa motojet de droite et de gauche pour éviter les obstacles. Petit à petit elle regagnait du terrain sur sa cible qui manœuvrait son speeder avec une précision digne d’un champion de racer. Conscient d’être talonné, le fuyard se retourna et tira plusieurs fois vers sa poursuivante, sans succès. Au détour d’un virage, il abattit alors son véhicule contre une série d’échafaudages qu’il déstabilisa en provoquant leur chute dans un grand fracas. Isil eut l’impression que le tunnel s’effondrait sur elle. Elle tendit la main et l’enchevêtrement métallique se mit à flotter dans l’air, comme suspendu à quelque fil invisible tiré par un marionnettiste divin. Couchant son engin sur le flanc, elle se glissa entre deux plaques de métal en provoquant une gerbe d’étincelles avec les côtés de son bolide. Dès qu’elle eût franchi l’obstacle, elle se redressa et les décombres achevèrent leur chute dans un bruit assourdissant. Mais elle était déjà loin !
Le speeder était sorti du tunnel. Le fuyard se remit à tirer vers la Padawan qui sortit de nouveau son sabre laser d’entre ses cuisses. Ses longs cheveux flottaient comme un étendard doré tandis qu’elle repoussait les jets lumineux de plasma en fusion. Un moment plus tard, l’individu se faufila à contresens d’une impressionnante file de véhicules arrivant vers eux tous feux allumés. Un concert d’avertisseurs sonores se mit à résonner sur leur passage. La motojet oscillait de droite et de gauche, parfois plongeant sous une navette, parfois sautant par-dessus un transport, provoquant la frayeur des conducteurs désemparés par cette course poursuite suicidaire. Finalement, le speeder quitta l’espace encombré pour plonger vers le brouillard permanent qui stagnait au pied des gratte-ciels.
- Je vais le perdre ! pensa la jeune fille comme il recommençait à lui tirer dessus.
Ce fut une erreur de la part du fuyard. En effet, l’arme de prédilection du Jedi est une arme de corps à corps et ne peut servir à distance que par un lancer difficile à maîtriser, ou par le renvoi des rayons de blasters à l'aide de sa lame. À la vitesse à laquelle ils évoluaient, Isil n’avait aucune envie de projeter son sabre au risque de le perdre. La Padawan comprit vite qu’il lui fallait mettre un terme au plus vite à cette poursuite qui n’avait que trop duré, avant de perdre le speeder dans le brouillard des bas quartiers. La lame verte du sabre se ralluma en crépitant pour intercepter les tirs qui montaient vers elle mais au lieu de les écarter, elle les concentra en retour vers le fuyard. Soudain, le speeder fit un écart et de la fumée commença à s’échapper de ses propulseurs.
- Touché ! se dit Isil en jubilant. Maintenant, tu es à moi !
Voyant qu’il perdait de la vitesse, l’individu plongea à la verticale vers le sol. Quelques secondes plus tard, Isil entrait dans la brume des bas quartiers, survolant une avenue animée, où clignotaient une multitude d’enseignes lumineuses multicolores. Elle vit que le speeder avait stoppé sa course folle et, qu’après un dérapage plus ou moins contrôlé, il était allé s’écraser contre un mur de permabéton. À son tour, elle arrêta sa motojet, sous le regard ahuri des badauds qui s’arrêtèrent pour observer cette curieuse jeune fille en tenue de soirée qui bondissait de sa machine, pieds nus, un sabre laser au poing. Elle s’approcha du véhicule accidenté, prête à toute éventualité. Le speeder était vide ! Une petite goutte de sang frais à ses pieds lui rappela qu’elle avait blessé l’homme au bras au moment de sa tentative d’assassinat.
Isil ferma les yeux pour visualiser la trajectoire que l’homme avait suivie dans la foule, et se mit à courir sur ses traces en bousculant les passants. La poursuite recommença. Plusieurs centaines de mètres plus loin, elle s’arrêta, à peine essoufflée et regarda tout autour d’elle. Elle ne distinguait plus aucune trace de lui. Remontant sur son épaule une des bretelles de sa longue robe bien inopportune dans ce genre de situation, elle se concentra de nouveau dans la Force. Elle tourna sur elle-même jusqu’à être certaine d’être dans la direction que le fuyard avait prise. Rouvrant les yeux, elle se retrouva devant l’entrée du Club Galatix, une boîte de nuit réputée des bas quartiers de Coruscant. Évidemment, c’était l’endroit idéal pour se cacher ! Observant le sol d’un regard perçant, elle nota d’autres gouttes de sang qui la confortèrent dans son intuition.
La Padawan remit son sabre laser dans l’étui lacé autour de sa cuisse sans se soucier d’une bande de jeunes qui la regardaient en souriant.
- Putain, t’as vu la meuf ? lança l’un deux d’une voix volontairement forte.
Des exclamations fusèrent. Une fille aux cheveux bleus répondit.
- Ouah, la robe ! Elle sort d’où c’te pouffe ?
- Merde, t’as vu le collier de ouf qu’elle porte ? Il doit valoir une fortune !
- T’es fou, ça doit être des faux !
- Eh, toi, la blonde ! cria un garçon à la peau garnie de tatouages, viens nous voir, t’as besoin d’aide ?
Il allait s’avancer vers elle quand un autre le retint par le bras.
- Oh mec, t’as pas vu ce qu’elle vient de ranger contre sa cuisse ? Un sabre de Jedi ! J’en ai déjà vu… Fais gaffe ! J’ai comme l’impression que cette fille n’est pas pour toi !
Quelques approbations accompagnèrent sa judicieuse remarque. Le garçon tatoué haussa les épaules en remontant son pantalon trop grand.
- Bah ! Une Jedi ? Ben… sait pas ce qu’elle perd avec moi la frangine.
- Ouais, c’est ça, pouffa une autre fille à la peau rougeâtre, vante-toi ! Chaapie m’a dit que justement t’avais rien dans ton froc !
Le groupe éclata de rire au grand dam du garçon qui laissa tomber en haussant les épaules.
Isil avait traversé l’avenue et monté les quelques marches qui menaient vers l’arche éclairée du Galatix où le videur la laissa entrer avec un grand sourire. Il y avait foule sur les différentes scènes de danse concentriques qui descendaient en gradin vers le centre de l’immense boite de nuit où se situait un comptoir formant un cercle au milieu duquel les serveurs s’activaient. De nouveau Isil ferma les yeux pour ne plus rien voir et fouilla la Force pour retrouver ce fil ténu qui l’avait guidée jusqu’à présent. Dans l’obscurité de ses paupières elle entrevoyait une trace qui sinuait de l’extérieur de la vaste pièce vers le centre. Avançant au milieu de la foule qui trépignait au son d’une musique déjantée, elle eût vite fait d’être bousculée de droite et de gauche par des danseurs et danseuses enfiévrés. Les percussions étaient assourdissantes et résonnaient à l’intérieur du corps de façon quasi enivrante. Les gens criaient, chantaient et hurlaient pour se parler. Elle traversa le premier cercle et descendit quelques marches pour plonger dans la marée du suivant. Il y avait là toutes les races de la galaxie qui s’agitaient de façon presque uniforme. Quelqu’un lui écrasa un pied, lui rappelant douloureusement qu’elle ne portait pas de chaussures.
La Padawan retint un cri de souffrance. Elle avait beau être une Jedi, se faire marcher sur les pieds nus par un talon aiguille restait excessivement douloureux ! Maudissant la jeune fille qui s’excusa vaguement en riant avant de reprendre sa danse effrénée, elle continua son périple en jouant des coudes pour avancer. Elle franchit un cercle de danse, puis un autre. Soudain, elle sentit des mains chaudes se poser autour de sa taille et fut légèrement déséquilibrée en arrière jusqu’à se poser contre le torse d’un individu qui lui cria à l’oreille.
- T’es seule ? Ça tombe bien, moi aussi ! On va danser ensemble si tu veux !
Elle se retourna du mieux qu’elle put et se retrouva face à un jeune homme sympathique, au sourire éclatant. Il était joli garçon et avait de très beaux yeux clairs, portait des cheveux longs avec une mèche rebelle sur le front.
- Je m’appelle Ben et toi ?
Le nommé Ben la tenait fermement et elle dut faire pression contre son torse avec ses avants bras pour desserrer un peu l’étreinte.
- Moi c’est Isil et… heu… je suis pressée là… on dansera une autre fois si tu veux bien.
L’étreinte ne se relâcha pas pour autant. Visiblement le jeune homme semblait plutôt excité, stimulé sans doute par l’absorption d’une certaine quantité d’alcool et de substances illicites. La raideur qu’elle sentait chez lui contre son bassin lui commandait de se dégager au plus vite de cette situation. Elle hésita. Si elle se servait de la Force pour le repousser, elle risquait fort de blesser d’autres personnes tant la foule était dense.
- Je te trouve très mignonne. T’es sûre que tu ne veux pas danser avec moi Isil ? continua-t-il à son oreille pour couvrir le vacarme ambiant. Tu vas quand même pas me laisser passer la soirée seul ?
Tout en parlant, il se trémoussait au rythme de la musique et essayait de la forcer à onduler des hanches, tout en se frottant contre elle lascivement.
- Allez quoi ? T’aimes pas danser ? Je suis sûr que t’es faite pour ça !
La Padawan soupira. Que pouvait-elle faire d’autre ? Elle lança avec regret mais non moins vigoureusement, son genou en l’air, dans l’entrejambe rigide du garçon qui se plia instantanément de douleur en relâchant son étreinte.
- Vraiment, je suis désolée, cria Isil à ses oreilles, mille pardons !
Un sourire au coin des lèvres, elle reprit sa difficile progression vers le bar central en recommençant à jouer des coudes pour se frayer un passage au milieu de cette jeunesse frénétique. Enfin elle parvint à s’extirper du dernier cercle de danse et se retrouva dans une zone de calme relatif, garnie d’une multitude de divans organisés en petits cercles sur lesquels flirtaient des couples et buvaient des bandes d’amis. Elle scruta attentivement les gens autour d’elle, cherchant dans les regards, sur les visages, un indice qui trahirait l’homme qui avait tenté de tuer le Conseiller Darillian. Sur le sol, elle remarqua une nouvelle trace de sang frais en direction du comptoir circulaire. Prudemment, elle attrapa le manche de son sabre laser qu’elle tint le long de ses jambes le plus discrètement possible tout en avançant lentement autour du bar central, le regard aux aguets. Les petites gouttes de sang à peine visibles étaient plus rapprochées. Elle arriva ainsi à quelques mètres du comptoir. Il y avait devant elle, un groupe de consommateurs, mais celui qui attirait le plus son regard, était l’homme qui portait un long et ample vêtement. À ses pieds, il y avait trois petites gouttes de sang qui étaient tombées de son bras gauche qui pendait mollement le long de son corps. Elle tenait son homme !
Au même instant, elle eut une sorte de flash. La vision de gens qui se tortillaient en criant. Des danseurs ? Non, ils ne dansaient pas, ils se tordaient de douleur. Il y avait du feu autour d’eux. Certains avaient le visage brûlé, d’autres des membres arrachés. La Padawan eut un hoquet d’horreur puis la vision disparut. Une sueur froide parcourut son échine. Elle hésita un instant avant de se placer derrière l’individu, à environ un mètre. Levant lentement son sabre à hauteur de son visage, elle appuya sur le bouton pour l’allumer. La lame verte surgit dans un grésillement caractéristique. Quelques personnes autour d’elle s’exclamèrent en reculant instinctivement de quelques pas. L’homme qui lui tournait le dos n’avait pas bougé.
- Jedi en mission, proclama Isil à haute voix, retournez-vous lentement sans geste brusque !
L’individu pivota tout doucement sur lui-même. C’était bien le même homme qui avait tiré sur le Conseiller.
- Vous êtes en état d’arrestation, continua-t-elle, au nom de la République et pour avoir tenté d’assassiner le Conseiller à la Sécurité !
L’homme souriait sinistrement. Isil nota qu’il tenait le bras droit replié contre son corps, le poing fermé. Elle sentit ses muscles qui se tendaient, comme ceux d’un félin avant qu’il ne bondisse sur sa proie. Quelque chose n’allait pas. Ce sourire. Pourquoi donc l’homme souriait-il ?
Lentement, il tourna son poing et ouvrit sa main, la paume vers le haut. Une petite boite apparut. Elle était dotée en son centre d’un bouton et d’un voyant rouge qui clignotait. Des fils en sortaient pour disparaître dans les vêtements de l’individu au niveau de sa ceinture. Une femme parmi les curieux qui s’étaient attroupés hurla.
- Il a un détonateur !
Un autre cria.
- C’est une bombe !
Des cris fusèrent parmi les gens tout proche qui commencèrent à se bousculer pour refluer vers la salle. Isil ouvrit de grands yeux horrifiés et plongea son regard dans celui de l’homme qu’elle comptait appréhender et ce qu’elle y lut la glaça d’effroi. Elle n’eut aucun doute sur la suite des événements : il allait se faire sauter en plein milieu de cette boite de nuit !
- Non, fit-elle en tendant la main gauche vers lui, non, ne faites pas ça !
Et pour joindre le geste à la parole, elle éteignit son sabre laser et le laissa tomber au sol.
- Voyez, je lâche mon arme. Restez calme… ne faites pas de geste inconsidéré. Nous allons sortir d’ici vous et moi, tranquillement.
Elle risqua trois pas en arrière tandis que le tumulte commençait à le disputer à la musique. L’agitation gagnait les pistes de danse sans que les gens n’en comprennent la véritable raison. Le sourire de l’homme disparut. Son regard paraissait à présent étrangement vide. Soudain il cria.
- Arak mala Corellia !
Puis il appuya sur le bouton.
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