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L'Explosion
 
Le feu crépitait doucement dans l’âtre, consumant lentement les bûches rougeoyantes qui embaumaient le chalet d’une odeur parfumée et sucrée. Dehors, la neige recouvrait la forêt d’un épais tapis feutré et la plongeait dans un mutisme reposant. Le blizzard qui avait soufflé toute la nuit était tombé d’un coup et le silence qui avait suivi en était devenu presque oppressant.
La jeune fille s’étira voluptueusement sous la couverture. Le matelas sur lequel elle paressait avait été jeté à même le sol devant la cheminée pour mieux les protéger du froid. Elle jeta un coup d’œil sur son compagnon qui dormait toujours à poings fermés. Sans bruit elle se leva et traversa la pièce en tenue d’Ève, frissonnant au fur et à mesure qu’elle s’éloignait de la douce tiédeur du foyer. Elle atteignit la porte de bois et leva la planche qui la barricadait pour l’entrouvrir. L’aurore naissante levait un voile diffus d’un mauve pâle presque rose sur les montagnes de l’autre côté du lac scintillant. Les grands sapins se taisaient, comme engourdis par la folle nuit de tempête. Une à une, les étoiles disparaissaient dans le ciel. Le silence était total. De derrière le tronc d’un des majestueux pères de la forêt, un petit lapin blanc pointa une tête prudente dans sa direction, les oreilles levées comme pour mieux capter le moindre signal de danger. Il tenait dans ses pattes avant un cône qu’il grignotait assidûment en regardant fixement la jeune fille qui se tenait debout dans l'embrasure de la porte, les bras croisés sur sa poitrine.
- Comme tout est tranquille, pensait-t-elle en observant le rongeur.
Elle fit trois pas dehors et ses chevilles disparurent dans la neige. L’animal considéra d’un œil méfiant la bizarre créature à deux pattes dépourvue de pilosité - si l'on exceptait la longue touffe dorée qui tombait en cascade de son crâne sur les épaules - et qui, malgré sa taille, ne semblait pas représenter un quelconque danger. L’air était sec et vivifiant. Le contact de la poudreuse sur sa peau nue était doux et elle résista à l’envie de s’y rouler dedans. Battant en retraite, elle rentra dans son antre et retourna près de la cheminée pour se réfugier sous la couverture afin de se blottir contre le corps chaud de l’homme qui commençait à se réveiller. Elle lui caressa lentement le flanc provoquant chez lui un soupir d’aise qui s’échappa de sa gorge.
- Mmm… Isil…
Il se retourna, un sourire apaisé sur ses lèvres, les yeux clos.
- C’est donc ici le paradis ? murmura-t-il tandis qu’elle déposait un doux baiser sur sa bouche.
Il l’enlaça et roula sur elle. Elle le laissa remonter ses bras au-dessus de sa tête en geste de soumission, un sourire illuminant son visage presque encore enfantin. Ses lèvres entrouvertes, sa respiration rapide qui soulevait sa poitrine haletante, réclamaient leur lot de tendresse et d’amour.
- Viens en moi, supplia-t-elle le regard trouble.
Le lapin blanc entendit les petits cris qui montaient de l’étrange abri de bois dans lequel la créature s’était réfugiée. Décidément, ces voisins étaient bien bruyants en cette calme matinée d’hiver ! Ayant achevé la dégustation de son cône, il se mit à la recherche d’une nourriture plus consistante à ramener au terrier où l’attendait sa femelle et ses lapereaux.
La jeune fille ouvrit les yeux. Le souvenir de l’étreinte passionnée à laquelle elle s’était abandonnée était encore présent sur sa peau. Elle regarda à côté d’elle, cherchant des yeux la présence de l’homme qui un instant auparavant l’avait fait crier de plaisir, mais il n’y avait personne. Levant un sourcil perplexe, elle embrassa la pièce vide du regard. Redressant son torse, elle appela sans obtenir de réponse. Enfin, elle se leva, s'emmitouflant dans la couverture.
- Hiivsha ?
Il n’y avait aucun endroit pour se cacher. Il était donc sorti. Revenant à la porte d’entrée, elle constata avec perplexité que la barre de bois en travers du battant était en place, sur les crochets de fer.
- Impossible, se dit-elle en regardant l’unique fenêtre fermée de l’intérieur.
D’une main peu assurée, elle ôta la barre et ouvrit la porte. Sur la neige immaculée, elle retrouva les seules empreintes de pieds qu’elle avait faites au petit matin. Il n’y avait aussi loin que portait la vue, aucune autre marque sur le tapis blanc. Sans se soucier du froid qui mordait sa peau, elle fit le tour du petit chalet jusqu’à revenir à son point de départ, mais elle ne décela pas la moindre trace de pas hormis la sienne sur le manteau poudreux. Elle frissonna.
- Impossible, se répéta-t-elle en cherchant une réponse à sa question.
Mettant ses mains en porte voix devant sa bouche, elle cria plusieurs fois.
- Hiivsha !
Seul le silence de la forêt lui répondit.
Elle rentra, grelottante, à l’intérieur de la cabane de bois et en arpenta l’unique pièce comme un fauve en cage, jusqu’à ce qu’enfin elle puisse admettre y être seule.
- Je deviens folle, fut la seule pensée qui vint à elle.
Subitement une autre pensée s’insinua dans son esprit. Où était-elle ? Comment était-elle arrivée dans cet endroit ? Promenant son regard alentour, force lui fut de constater qu’hormis une table et une chaise, un buffet de sapin apparemment vide, il n’y avait aucune trace de vie dans la pièce excepté le matelas devant le feu et la couverture qu'elle portait sur les épaules. Frénétiquement, elle ouvrit les portes et les tiroirs du meuble. Ils étaient tous vides. Pas la moindre trace de nourriture, de vaisselle, d’habits ! Et d’ailleurs, où étaient ses habits ? Il n’y avait rien ! Ni par terre, ni sur la chaise, ni dans le meuble, ni rien d’accroché au mur.
- C’est stupide, pensa-t-elle, je ne suis pas arrivée ici complètement nue ? On m’y a amenée ? Mais où est Hiivsha ? Comment a-t-il pu disparaître sans laisser de trace ? Et qui est ce Hiivsha ?
Lentement elle commença à douter de la réalité du moment qu’elle venait de vivre. Qu’elle pensait avoir vécu. Le souvenir des caresses sur son corps avait disparu, faisant place à une troublante incertitude. Que faisait-elle avant d’arriver dans ce lieu ? Elle eut l’impression qu’il n’y avait pas d’avant.
La question suivante fut : que faire ?
Oubliant le froid, elle sortit en serrant la couverture autour d'elle, de la neige jusqu'aux jambes et avança jusqu’au bord du lac. Tout autour, la forêt. De l’autre côté de puissantes montagnes qui se dressaient en de hautes falaises. Pas une âme qui vive. Pas un signe de vie.
- Hormis le lapin ! pensa-t-elle malgré elle.
Elle revint devant le chalet dans un silence oppressant avant de pousser un cri de désespoir qui retentit alentour tout en se laissant tomber à genoux dans la neige. Elle saisit sa tête entre les mains et la serra fortement. Une autre question venait de l’envahir.
Qui était-elle ?
L’homme à côté de qui elle s’était réveillée, réel ou pas, l’avait appelé Isil. Qui était cette Isil ?
Il n’y avait que le néant au fond de ses pensées. Elle essayait de se rappeler de quelque chose mais hormis cet endroit, elle ne voyait rien. Aucun souvenir ne remontait en elle.
Soudain, d’un pas décidé, elle s’éloigna dans la direction opposée au lac, droit devant elle.
Depuis combien de temps marchait-elle ? Elle n’en avait aucune idée. Il n’y avait rien. Rien que des sapins qui n’en finissaient plus. Curieusement, elle ne sentait plus le froid. Elle ne ressentait rien. Et puis, une silhouette se détacha entre les arbres. Une maison ! Elle se mit à courir. Enfin de la vie, quelqu’un avec qui parler, qui pourrait sans doute lui dire où elle se trouvait ! Elle trébucha sur une racine, se releva, continua sa course et s’arrêta. C’était un petit chalet en tout point identique à celui qu’elle avait laissé derrière elle. Un peu plus loin, il y avait un petit lac au pied de hautes montagnes enneigées. Elle poussa la porte et entra sur le seuil de l’unique porte, regardant d’un air perplexe le matelas jeté devant un feu de cheminée. Elle resta un moment immobile, sans comprendre, la bouche ouverte, l'air hébété puis la réalité s'imposa à son esprit : elle était revenue à son point de départ ! De nouveau elle se mit à hurler, sortit en courant et s’affala de tout son long dans la neige, le corps secoué par de profonds sanglots.
- Folle ! Je suis devenue folle !
Elle ne sentait même pas la morsure du froid que la neige aurait dû produire sur son corps nu.
- Non, pas folle !
Une autre vérité s’imposait à présent.
- Morte ! Je suis morte !
Pourquoi ? Comment ? Elle n’en avait aucune idée, mais c’était la seule explication. Elle se redressa sur ses genoux, n’ayant aucune idée de ce qu’elle devait faire.
- Isil ?
La voix venue dans son dos la fit sursauter. Elle pivota vivement sur ses genoux. Un homme aux longs cheveux blancs attachés en queue de cheval se tenait devant elle, drapé dans un ample vêtement brun dans les manches duquel ses bras croisés disparaissaient et dont la capuche s’étalait sur les épaules. La jeune fille entrouvrit ses lèvres tremblantes mais aucun son ne sortit de sa gorge.
- Isil, répéta l’apparition, il faut que tu plonges dans la Force. Tu dois sortir d’ici !
Elle ouvrit de grands yeux implorants, comme si elle voulait trouver le sens de ces paroles sans pouvoir y parvenir. L’homme répéta.
- Isil, plonge dans la Force ! Tu dois faire une avec elle !
La jeune fille baissa les yeux et une larme tomba sur la neige en y creusant un petit trou. Quand elle les releva, elle était de nouveau seule.
- Maître Beno ! cria-t-elle.
Interloquée, elle écouta ses propres paroles retentir à ses oreilles. Qui était ce Maître Beno dont elle venait de crier le nom ?
À présent, elle en était sûre. Elle était morte et ce lieu n’était pas réel. Et on ne s’échappe pas d’un lieu qui n’existe pas. Devait-elle passer l’éternité enfermée dans cet endroit ? Machinalement elle se releva, laissant sur place la couverture qui ne lui servait à rien. Ses pas la portèrent vers le rivage duquel partait un long ponton de bois qui s’avançait au-dessus des eaux. Arrivée au bout du ponton, elle regarda l’eau sombre, insondable. Plonge dans la Force, avait dit l’homme qu’elle avait appelé Maître Beno.
*
* *
- C’est difficile, Maître Beno ! se plaignit la jeune fille en essayant de parer au mieux les tirs du robot d’entraînement qui pivotait autour d’elle.
Elle portait un bandeau noir autour de ses yeux et agitait son sabre laser pour parer les coups.
- Concentre-toi Isil, répondit sèchement Beno Mahr et apprête-toi à te protéger d’un danger bien plus grand. Le robot va cracher un jet de flammes et si tu tiens à tes cheveux, fais en sorte que ton bouclier de Force soit solide !
- Je ne sais pas si je suis prête, Maître, implora Isil.
- Si tu ne l’es pas maintenant, tu ne le seras jamais, jeune Padawan. Allez ! Maintenant !
La sphère en suspension s’écarta d’elle pour prendre du recul. Isil la voyait parfaitement à travers la Force, dans une sorte de brouillard monochromatique qui faisait penser à un rêve éveillé. Elle eut la vision du jet de flammes qui allait en sortir et tendit sa main gauche en avant, la paume dirigée vers le robot. L’agglomérat des molécules de l’air transformées par la Force se mit à former devant elle un cercle bleuté translucide quasiment invisible aux yeux de toute autre personne qu’elle. Elle s’efforça de concentrer toute son énergie psychique sur ce cercle qui se mit à grandir pour former un bouclier devant elle. Les flammes sortirent du robot d’entraînement, puissantes, brûlantes. Elles se heurtèrent de front au bouclier invisible et dévièrent tout autour de la jeune fille légèrement recroquevillée comme sous l’effet d’un effort intense. Elle en sentit la chaleur mais pas la morsure. Le feu passa autour de sa bulle de protection. Tout son corps était à présent crispé par l’incroyable concentration qu’elle avait réussi à produire. Puis le robot arrêta le jet de flammes et se mit en veille en laissant échapper un métallique : Entraînement terminé !
Isil souffla et ôta son bandeau tout en remettant son sabre laser au fourreau. Maître Beno s’était approché d’elle en souriant.
- C’est très bien, ma jeune Padawan ! Tu maîtrises parfaitement la Force pour ton âge, aussi bien que certains de nos Chevaliers.
La jeune fille se sentit rougir de plaisir sous l’effet du compliment. Maître Beno fit voleter ses longs cheveux blonds du bout des doigts.
- Il eût été regrettable que tu échoues à cette épreuve. Je suis persuadé que la coupe cheveux roussis et crâne rasé, ne te va pas du tout !
Isil se laissa aller à un petit rire. Elle se sentait gaie et heureuse d’avoir satisfait à l’entraînement ordonné par son Maître. Elle savait que maintenant, elle allait pouvoir l’accompagner dans de vraies missions de Jedi qui la changeraient du train-train de l’entraînement entre Padawan et contre les robots.
- Maître Beno, je peux vous poser une question ?
Occupé à déprogrammer le robot, le Jedi répondit sans se retourner.
- Non, Isil, tu ne peux pas !
La jeune fille ouvrit de grands yeux, l’air interloqué, la bouche ouverte.
- Tu ne peux pas, reprit le Jedi, tu dois poser la question ! Tu es ma Padawan et mon rôle est de t’enseigner !
Elle ne vit pas son sourire malicieux mais elle continua, rassurée.
- Voilà, Maître, je me demandais… ce bouclier de la Force… peut-il servir à protéger quelqu’un d’autre que moi ?
Le Jedi interrompit ce qu’il faisait et se retourna. Son visage était empreint d’une certaine gravité.
- Tu veux dire, générer le bouclier à distance pour protéger quelqu’un ?
- Oui, Maître ! répondit Isil. Se protéger c’est bien, mais ne m’avez-vous pas enseigné qu’il fallait aussi protéger les autres ? Supposons que ce jet de flammes n’ait pas été dirigé vers moi mais vers une autre personne… aurais-je pu la protéger de la même façon ?
Le Jedi resta un moment silencieux avant de répondre.
- Bien sûr, Isil, si ton affinité avec la Force est assez puissante pour cela. Mais certains holocrons nous enseignent que cette utilisation de la Force peut rapprocher dangereusement du Côté Obscur. Surtout si tu te sers d’Elle pour enfermer quelqu’un dans un bouclier de Force dans le but de le vaincre… ou le tuer. Aussi, mieux vaut-il éviter de le faire.
- Bien, Maître Beno, fit Isil d’une voix douce qui ramena un tendre sourire chez le Jedi.
*
* *
L’eau était pareille à un miroir sombre, comme un œil insondable qui la regardait fixement. Subitement, elle eut froid et se mit à grelotter. Elle croisa ses bras, et frotta ses épaules. L’instant d’avant elle ne ressentait rien au bout de ce ponton, et maintenant, elle souffrait de la morsure du froid vif sur son corps. Qu’est-ce que cela signifiait ?
Maître Beno… l’enseignement Jedi… la Force… Hiivsha…
- Isil ! Isil, tu m’entends ?
Elle ne connaissait pas cette voix. Ce n’était ni son Maître, ni son amant. La voix provenait du trou noir qui la fixait, de l’eau sombre du lac. Maîtrisant mal les tremblements qui la secouaient, elle baissa la tête vers la surface obscure. Il lui sembla y discerner un point lumineux, une sorte de lumière plongée dans les profondeurs de l’onde.
- Isil ! Isil !
La voix provenait de cette lumière. Y’avait-il quelqu’un au fond du lac ? Absurde ! Il n’y a personne au fond d’un lac. Du moins tant que ce lac en est un. Mais ici, qu’y avait-il de réel et d’imaginaire ? Avait-elle rêvée avoir fait l’amour avec Hiivsha auprès du feu ? Ses caresses lui avaient semblé tellement réelles ! Et son Maître ? Non, Maître Beno était mort, elle s’en rappelait à présent. Lui parlait-il à travers la Force ? Il voulait qu’elle plonge dans la Force pour ne faire qu’un avec Elle. Il voulait…
… qu’elle plonge dans le lac !
Devait-elle donc se noyer dans l’eau froide pour sortir de là ? Elle secoua la tête. L’idée de sentir ses poumons se remplir d’eau, de mourir privée d’air en convulsant fit s’arrêter son cœur dans sa poitrine. Un frisson glacé parcourut son échine. Et puis sans savoir pourquoi, elle fit un pas en avant, les bras toujours croisés, et elle se laissa tomber dans l’onde sombre qui l’engloutit.
*
* *
- Arak mala Corellia ! avait crié l’homme en appuyant sur le bouton rouge.
Les deux mains en avant, Isil avait sollicité la Force avec toute l’énergie qu’elle avait pu puiser au plus profond de son être. Elle avait essayé de construire un bouclier non pas autour d’elle, car c’était condamner les personnes les plus proches à mourir dans le feu dont elle avait eu la vision, mais autour du porteur de la bombe. Une vie contre cent. Avait-elle le choix ? Dans le même temps où l’engin explosait, le bouclier s’était formé et la boule de feu qui s’était constituée se retrouva prisonnière d’une bulle invisible qui semblait l’avoir figée dans le temps et l’espace.
Les gens s’étaient mis à courir en direction de toutes les sorties de secours, contaminés par la panique qui avait envahi le premier cercle de clients ayant assisté à l’interpellation. Un vide relatif s’était formé autour de l’individu et d’Isil qui, les yeux fermés, essayait de ne pas perdre sa concentration pour retenir le plus longtemps possible le monstre qu’elle tenait provisoirement prisonnier. Elle était consciente qu’elle n’aurait probablement pas le temps d’échapper à l’explosion lorsqu’elle libèrerait la boule de feu mais son sacrifice devait sauver le maximum de personnes. Elle sentait dans son corps la sourde vibration qu’elle tentait de contenir et la douleur qui lui vrillait les entrailles. En même temps, un sentiment étrange de puissance s’emparait d’elle. Quelque chose qu’elle n’avait jamais ressenti auprès de son Maître, ni à l’entraînement, ni au combat. C’était quelque chose de nouveau, entre une euphorie de pouvoir et la conscience orgueilleuse d’être bien au-dessus du commun des mortels. Elle avait la sensation de toucher du doigt ce que la Force pouvait être et qu’on ne lui avait jamais enseigné durant sa formation. Qu’on n’avait sans doute pas voulu lui enseigner ! Pourquoi ? Pourquoi les Jedi refusaient-ils d’utiliser pleinement la Force ? Pourquoi cette peur du Côté Obscur alors qu’il pouvait être si puissant, si utile à sauver des vies… si utile à détruire l’ennemi ! Comme cet homme qui avait tenté d’assassiner le Conseiller à la Sécurité et qui venait de périr, victime de son engin explosif, dans cette bulle dans laquelle elle venait de l’emprisonner !
Ses mains se mirent à trembler sous l’effort qu’elle produisait. Elle se demanda s’il lui était possible de retarder l’explosion tout en plongeant derrière l’abri relatif des divans tout proches ou même si elle pouvait renverser le bouclier autour d’elle pour se protéger. Jamais elle n’avait été dans une telle situation. Comme elle aurait voulu que son Maître fût là en ce moment précis !
La Padawan savait qu’elle ne pourrait tenir plus longtemps, que la monstruosité contenue dans la sphère télékinésique allait lui bondir dessus d’un instant à l’autre comme un fauve assoiffé de sang. Peut-être pouvait-elle entrouvrir le bouclier pour canaliser l’onde destructrice vers le comptoir déserté par les clients ? Mais elle n’avait aucune idée de comment elle pouvait le faire. Soulevant une paupière, elle avisa du coin de l’œil un divan qui, quelques minutes plus tôt, servait d’abri à de jeunes tourtereaux en mal d’amour. Une douleur intense perfora son cerveau. Le bouclier céda. Elle tenta tant bien que mal de se projeter à l’abri tandis que la sphère éclatait de toute la puissance de sa rage. Puis elle sombra dans un trou noir.
Elle était à présent au fond de l’eau. Elle avait froid et sentait ses poumons au bord de l’explosion. Il fallait qu’elle respire mais il n’y avait pas d’air. Il lui fallait ouvrir la bouche mais c’était de l’eau qui envahirait son corps et alors tout serait fini. La lumière au fond du lac se fit plus intense et semblait absorber le lac tout entier. Isil continuait à couler en se rapprochant de la clarté.
- Isil ! cria la voix plus près, plus forte.
Elle ouvrit la bouche. L’air s’engouffra dans ses poumons. Il avait une saveur âcre, chargée de fumée, un goût de feu, mais c’était bel et bien de l’air et non de l’eau qu’elle respirait à présent. Un contact chaud lui pressait la poitrine. Elle se mit à tousser et souleva difficilement ses paupières. Plusieurs visages étaient penchés vers elle dont celui du jeune homme qui voulait danser avec elle un moment auparavant. Ben. Il lui souriait.
- Isil ! Vous êtes vivante !
Elle jeta un coup d’œil autour d’elle. Il y avait beaucoup de fumée et des gens qui allaient et venaient, la plupart en uniforme des services d’urgence et de police. Le contact chaud qu’elle ressentait, c’étaient les mains du jeune homme, croisées sur son sternum. Il l’avait massée pour la forcer à reprendre une respiration coupée par le souffle violent de l’explosion qui l’avait projetée sur plusieurs mètres après qu'elle eût sauté derrière un divan pour se protéger du feu. La tempête l'avait ensevelie sous quelques fauteuils déchiquetés et partiellement calcinés qui lui avaient probablement sauvé la vie. Ben suivit son regard et ôta ses mains d’entre ses seins en rougissant un peu.
- Je suis médecin, dit-il en guise d’excuse tout en essayant de réajuster le haut de sa robe déchirée sur sa poitrine. Je…
Isil s'efforça de sourire.
- Pas grave, murmura-t-elle, vous faites ce qu’il faut, c’est tout. Aidez-moi à me relever si je n’ai rien de cassé.
- Vous ne voulez pas attendre votre évacuation ? protesta Ben. Je viendrai avec vous jusqu’à l’hôpital !
- Pas si je peux m’en passer, répondit la jeune fille en tâtant ses membres pour s’assurer qu’elle était intacte.
Elle avait quelques ecchymoses rougeâtres sur les cuisses et une épaule, et des cloches résonnaient encore violemment dans sa tête. Son cou était douloureux, des suites sans doute de sa projection sur le sol, mais rien qui ne semblait fracturé. Ben lui tendit la main pour l’aider à se remettre debout et, dans un geste préventif, passa un bras sous ses épaules pour prévenir un malaise.
- Appuyez-vous sur moi, invita-t-il sans cacher un certain plaisir de la sentir contre lui.
- C’est vous qui étiez au fond du lac ? murmura la Padawan entre ses dents.
- Pardon ? Que dites-vous ?
- Non rien…
- Un lac ? Vous êtes sûre que vous allez bien ? s’inquiéta le jeune docteur.
Progressivement Isil retrouvait ses sens. À l’endroit de l’explosion, tout était noirci et calciné. Une grande partie du comptoir avait volé en éclats. Des équipes d’incendie éteignaient les dernières flammes qui brûlaient encore sur les décors et le mobilier. Il semblait n’y avoir que très peu de blessés, la plupart dus sans doute à la panique qui avait prévalue à l’évacuation à présent terminée de la boite de nuit. De l’homme qui avait tenté d’assassiner le Conseiller Darillian, il ne restait aucune trace. Il avait été consumé dans la sphère que la Padawan avait construite autour de lui.
- J’ai vu ce que vous avez fait, dit Ben. C’était extraordinaire ! Comment avez-vous pu réaliser un tel prodige ? Je savais que les Jedi étaient puissants mais je n’avais jamais rien vu de tel !
- En fait… je… je n’en sais rien moi-même, avoua Isil à voix basse.
Un homme en uniforme s’approcha d’eux avec un objet cylindrique dans les mains. Il avisa la jeune fille.
- C’est vous la Jedi ?
Comme Isil hochait la tête il lui tendit le sabre laser.
- J’ai trouvé ça là-bas, je suppose que c’est à vous ?
- Oui merci, fit-elle en prenant l’arme.
- Je viens de recevoir l’ordre de vous ramener au Millenium Plaza où vous attend Monsieur le Conseiller à la Sécurité… si votre état vous le permet, naturellement.
La jeune fille jeta un coup d’œil à sa robe déchirée et partiellement brûlée à plusieurs endroits.
- Moi ça va, mais je ne suis plus guère présentable, maugréa-t-elle … c’est pas faute d’avoir dit que c’était pas une tenue pour se battre !
- Cette jeune fille a reçu un fort traumatisme, protesta Ben, je suis docteur et je recommande de lui faire subir quelques examens avant toute chose !
- Moi, vous savez… commença le policier en écartant les bras dans un geste d'impuissance, je suis pas médecin… mais j'ai juste reçu des ordres… bien entendu, si mademoiselle veut aller à l'hôpital…
Ben regarda Isil avec insistance.
- Suivez mon conseil, lui dit-il, venez avec moi aux urgences, que je puisse vous examiner…
Isil sourit en le regardant avec malice.
- Je ne doute pas que votre proposition soit purement… professionnelle, mais je vous assure que je vais bien à présent. Ce ne sont pas quelques bleus ni quelques égratignures qui m'empêcheront de reprendre ma mission.
Tout en parlant, elle s'était dégagée des bras du jeune médecin. Celui-ci fit une moue.
- Bon, comme vous voulez… je ne peux tout de même pas vous y emmener de force, surtout si vous êtes attendue.
- Je vous remercie de m'avoir sortie de l'endroit où je me trouvais tout à l'heure, déclara-t-elle avec un sourire énigmatique.
Ben la contempla avec un mélange d'admiration et de curiosité. Avant qu'elle ne suive le policier qui l'invitait à sortir à travers des cordons de sécurité mis en place pour contenir la foule des curieux, il la prit par la main.
- Alors c'est tout ? Merci et adieu ? J'aurais aimé en savoir plus sur cet endroit !
- Quel endroit ?
- Celui où il y avait un lac. Vous m’avez vu au fond…
Isil haussa les sourcils.
- Nous avons chacun notre vie... la mienne m'appelle ailleurs… mais merci pour m’avoir sortie de ce lac…
Il l’attira à lui et l’embrassa du bout des lèvres en murmurant.
- Quatre-vingt-dix-neuf, quarante-quatre, cent deux, zéro zéro deux !
- Ce qui veut dire ?
- Mon numéro privé de comlink… Appelez-moi, je vous en supplie, au moins pour prendre un verre… jour ou nuit !
La jeune fille ne répondit rien et se mit à suivre le policier vers l’extérieur. Avant de sortir, elle se retourna et leva la main vers Ben dans un petit geste amical.
- Que la Force soit avec vous, Isil ! cria ce dernier. J’attendrai votre appel !
La Padawan sortit de la boite de nuit derrière le policier qui fendait la foule de curieux en poussant les badauds pour lui frayer un passage.
- Allons, circulez, circulez, laissez passer !
Elle se laissa tomber en soupirant sur la banquette arrière du speeder de la police qui s'éleva aussitôt dans les airs toutes sirènes hurlantes.
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