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Chapitre VIII
 
Plusieurs heures durant, les Chiss errèrent entre les gigantesques algues rouges et violettes, perdus dans ce labyrinthe aquatique, mais ils ne s'en inquiétèrent à aucun moment tant ils étaient heureux d'être toujours ensemble et vivants ; finalement, ils parvinrent à sortir de la forêt, et après environ une heure de nage, la somptueuse majesté de Fayg s'imposa à nouveau à leur vue, toute d'imposantes formes noires et de rapides éclairs lumineux. Cette vision était vraiment réconfortante, c'était la fin du cauchemar dans la forêt des Ômus, la fin d'un monde qui échappait tant à leur compréhension qu'il en devenait irréel, la fin des hallucinations, de la présence sinistre, de la peur inexplicable...
Même Valdie en eut le souffle coupé, elle qui semblait pourtant toujours tout prendre avec distance.
« Wahou... Alors c'est ça, Fayg ? C'est... incroyable qu'une chose pareille puisse exister ici, sous les océans... Et dire que personne ne le sait... Mais on en profite mieux comme ça ! Que sont ces lumières qui circulent partout ?
-Un réseau de communications, je crois... répondit Telin. Il est sans doute lié aux Ômus, d'ailleurs.
Safera haussa les épaules.
-Wogorn m'a dit qu'ils avaient donné quelque chose aux Hynors pour les aider à construire leurs cités... Je n'en sais pas plus...
-En tout cas, c'est magnifique, commenta Valdie.
Wyntar eut un sourire sarcastique.
-Attends de voir les habitants... Bon, allons-y maintenant, ils doivent se demander si nous sommes encore vivants. »

Les Chiss pénétrèrent en nageant dans la cité, l'éclairage de leurs casques devenant brusquement superflu face au déchaînement de lumière et de vie qui couvrait les géants noirs ; rencontrant quelques Hynors surpris qui devaient avoir un effet impressionnant sur Valdie, ils s'enfoncèrent dans la cité jusqu'à retrouver le dôme aux veines bleues du siège du gouvernement. Là, quelques gardes qui ne parlaient apparemment pas leur langue les emmenèrent jusqu'au bureau de Varulg Fayg-Jehd auquel ils expliquèrent manifestement la situation en Hynor.
« Général, comme vous le voyez, nous avons réussi, annonça Telin. Safera est parvenue à emmener notre amie jusqu'à un seigneur Ômu nommé Wogorn, et celui-ci a accepté de guérir Valdie, que voici.
Les Chiss ne pouvaient ni lire l'expression de leur interlocuteur ni entendre son ton, celui-ci étant masqué par le traducteur, mais il répondit :
-Parfait, je suis content de vous revoir, tous les quatre... Ravi de vous rencontrer, Valdie, j'espère que vous vous plairez parmi nous. C'est donc Safera qui a atteint les Ômus ?
-En effet, Wyntar et moi... avons été victimes d'hallucinations, et nous... euh...
-C'est normal, rassurez-vous, ceux qui veulent quelque chose de façon assez désintéressée pour continuer jusqu'aux Ômus sont extrêmement rares... Vous pouvez vous féliciter d'avoir emmené Safera avec vous... En revanche, je suis étonné qu'ils aient accédé à votre requête... Il est déjà rare qu'ils exaucent les souhaits d'un Hynor, alors ceux d'étrangers, qui plus est d'étrangers en guerre...
Safera se força à prendre la parole pour expliquer:
-L'Ômu a exigé de pouvoir fouiller mon esprit afin de savoir si j'étais digne de confiance ou non et ce qu'il se passait dans le monde des êtres de la surface... Je l'ai laissé faire, et à mon réveil, Valdie était toujours vivante.
-Les Ômus agissent parfois ainsi lorsqu'ils ne sont pas sûrs de savoir quelle décision prendre... Vous pouvez être fière de vous, Safera, seuls les plus généreux et les plus tolérants trouvent grâce auprès des Ômus.
À présent que Varulg en parlait, Safera repensa aux souvenirs qu'elle avait eu le temps de discerner parmi la masse de tous ceux que l'Ômu fouillait ; qu'est-ce qui avait bien pu la sauver ? L'Ômu avait-il été impressionné par sa lutte contre les massacres perpétrés par les Kryshzlas ? Avait-il été pris de pitié devant sa fragilité ? Ou était-ce son refus de haïr les Kryshzlas ? Ou encore... L'amour qu'elle vouait à Sev'rance tout en sachant que la jeune femme était dangereusement peu équilibrée ? Elle ne le saurait probablement jamais... Quoi qu'il en soit, Safera trouvait profondément gratifiant que l'Ômu ait accepté de l'aider... C'était... C'était comme la reconnaissance de toute une vie à lutter pour devenir celle qu'elle devait être et non celle qu'elle pouvait être, tout cela n'avait pas été vain...
-Il y a autre chose, informa Safera, respirant difficilement alors qu'elle s'apprêtait à dire quelque chose de si important, comme si elle risquait d'oublier quelque chose ou d'être dramatiquement mal comprise. J'ai aussi demandé à l'Ômu de vous laisser essayer de chasser les Kryshzlas si vous le souhaitiez, je lui ai dit de quelles exactions ils étaient coupables, et c'est aussi pour les lui montrer que je l'ai laissé sonder mon esprit... Il a accepté de sauver Valdie, mais j'ignore totalement ce qu'il va décider à ce sujet...
Varulg se tut quelques secondes avant de répliquer :
-C'est... du plus haut intérêt, je ne sais pas quoi dire d'autre... J'imagine que les Ômus nous informeront de leur décision... Il serait assez étonnant qu'ils changent d'avis, cela fait des décennies qu'ils considèrent notre volonté de chasser les Kryshzlas comme un désir de vengeance stupide ; ils acceptent d'aider les Hynors qui le souhaitent à gagner Fayg, ils nous ont donné les Voolthergas pour construire cette ville, mais ils ne veulent pas voir le sang couler tant que les Kryshzla n'auront pas été assez bêtes pour nous massacrer les premiers... Et ils ne le feront pas, ils connaissent les Ômus des cités Hynors sous leur coupe... Mais vous avez bien agi, Safera... Et qui sait ? Gardons espoir... Peut-être les Ômus accepteront-ils pour aider les êtres de la surface... Mais c'est peu probable, ils considéreront sûrement que le monde des êtres de la surface vu par vos yeux n'est pas un élément suffisant pour juger les Kryshzlas ; par ailleurs, ils n'accordent probablement pas la même valeur aux êtres de la surface qu'à leurs créations... Enfin, nous verrons cela en temps utile. Venez nous voir demain, nous essaierons de vous trouver du travail ; pensez aussi à aller voir le docteur Fayg-Eka, nous pourrons vérifier que Valdie est tout à fait guérie.
-Nous y allons tout de suite... affirma Telin. Au revoir, Général. »

Comme prévu, les Chiss passèrent à l'hôpital Hynor informer le docteur Iblir de leur réussite et vérifier que plus rien ne menaçait Valdie ; alors, seulement, ils purent nager vers la périphérie de Fayg et chercher la maison en forme de cône coupé que leur avaient donné les Hynors.
Malgré l'euphorie dans laquelle elle se trouvait à présent que Valdie était sauvée, Safera se sentit encore plus soulagée en apercevant leur maison ; c'était la confirmation qu'il y avait un point fixe dans leur nouvelle existence, ils avaient quelque chose à retrouver au-delà des horreurs qu'ils avaient affrontées dans la forêt des Ômus... C'était fini. Le rêve reprenait le dessus sur le cauchemar. Et mieux que tout, ils revenaient avec Valdie, elle n'était pas restée à la porte du monde des profondeurs, elle avait échappée à la guerre comme eux... Sauf si les Ômus donnaient finalement leur accord aux Hynors, bien sûr.
Safera se surprit à penser qu'elle en serait en fait très triste... À présent que Valdie était guérie, plus rien n'empêchait les Chiss de commencer une nouvelle vie ici, loin de la violence du monde des êtres de la surface... Excepté lorsqu'elle était seule avec Sev'rance, Safera s'était même rarement sentie aussi bien qu'à présent, alors qu'elle envisageait paisiblement leur avenir, l'ombre de la mort et de la violence ne pesant plus sur elle...
Et ironiquement, la seule chose qui risquait de compromettre ce futur attrayant, c'était ce qu'elle avait elle-même demandé : la possibilité pour les Hynors d'entrer en guerre contre les Kryshzlas...
Mais si cela se produisait, alors il serait indéniablement de son devoir d'agir.
« Voilà, on arrive... Il y a un sas de l'autre côté de la porte, expliqua Telin à Valdie alors qu'ils poussaient la porte de la maison. Tu vas voir, l'intérieur est assez bizarre... Mais vivable...
-Bizarre mais vivable, ça veut dire qu'on s'éclaire avec des méduses mais qu'elles veulent bien s'éteindre pour la nuit si on leur demande gentiment ?
Telin et les autres éclatèrent de rire.
-Je t'assure que non, assura joyeusement l'ex-Lieutenant. Ceci dit, n'hésite pas à m'appeler si les requins qui dorment dans les chambres ne sont pas gentils avec toi cette nuit...
Wyntar ouvrit la porte suivante et entra dans le sas suivi de Safera, tandis que Valdie rétorquait d'un ton lourd de sous-entendus :
-Comment ça, « n'hésites pas à m'appeler cette nuit » ?
-Ce n'est pas ce que je voulais dire ! se défendit Telin avec un nouvel éclat de rire. Enfin, quoique...
-Bien sûr... Allez, avance, la muette et le nouveau nous attendent.
Tandis que Wyntar et Safera retiraient leur combinaison, Telin et Valdie entrèrent à leur tour et commencèrent à enlever leur casque ; Safera intervint aussitôt :
-Valdie, attention, c'est...
-Ah! Ah, je... Je... Au secours, je... Ah... Non, ça va, je...
-Si tu m'avais laissée terminer ma phrase, je t'aurais dit que tu aurais du mal à respirer de l'air à nouveau...
-Oui, mais je ne serais pas moi-même si j'écoutais quelqu'un...
Wyntar leva ses yeux rouges au ciel, ou plutôt à la surface.
-Tu pourrais au moins écouter une muette...
-C'est vrai... Bon, vous me le montrez, cet intérieur bizarre mais vivable ?
-Tout de suite, viens... »
Les Chiss entrèrent dans le salon ; Valdie détaillait tout de son regard comme pour mieux ancrer dans son esprit l'idée qu'elle habiterait désormais ici, que cette imitation aquatique d'un appartement Chiss remplacerait dorénavant les vaisseaux de guerre et les bases militaires.
« Ça pourrait être pire... fut son verdict final. Au moins, on ne s'éclaire pas avec des méduses...
-Je te l'avais bien dit, rappela Telin en se laissant littéralement tomber sur le canapé. Pour dormir, installes-toi à l'étage, dans la chambre en face de celle de Safera... À gauche de l'escalier... Jusqu'à nouvel ordre, en tout cas ! En attendant, ne comptez plus sur moi, je vais dormir au moins un millénaire...
-Moi pas, j'ai trop faim pour dormir ! rétorqua Wyntar. À propos, il va falloir que les Hynors nous apprennent à nous servir de leur système de communication...
-Comment peux-tu penser à manger alors qu'on sort d'une histoire aussi dingue... soupira Safera.
-Justement, on en est sortis ; je peux penser à mon estomac, maintenant...
-Eh bien, pense à ton estomac ; moi, je vais me laver. »
Safera commença à monter l'escalier, se sentant agréablement vide ; que lui restait-il encore à penser, après tout ? Pourquoi devrait-elle encore s'inquiéter ? Sev'rance appartenait à un autre monde, à présent, c'était comme ça, même si Safera chérirait à jamais son souvenir... Ils étaient tous vivants, ils étaient en sécurité à Fayg, et il leur restait toute une nouvelle vie à découvrir ; que demander de plus ? Safera ne se débattait plus dans l'eau glacée d'Hautemer, elle nageait tranquillement dans un océan calme et rafraîchissant...

Deux heures plus tard, le docteur Iblir vint chercher les Chiss en compagnie d'un autre Hynor ; ensemble, ils traversèrent Fayg jusqu'à un bâtiment aux formes arrondies, adossé à une montagne sous-marine, étrangement bas suivant les critères que semblaient avoir les Hynors. Safera supposa que l'endroit était important pour eux, car plusieurs patrouilles de soldats semblaient nager dans les environs ; lorsqu'ils entrèrent, cette impression fut renforcée par la présence de plusieurs gardes dont les silhouettes sombres se découpaient d'une façon mystérieuse et délicieusement inquiétante sur les murs parcourus de lumières vertes et bleues. Ils semblaient travailler sur ces espèces de consoles que Safera avait déjà remarquées dans le bureau du Général Fayg-Jehd, les excroissances de minéral noir terminées par des sphères blanches.
Safera comprit que ce n'était pas ce bâtiment qui était vraiment important, plutôt ce que renfermait la montagne ; ils devaient être dans une sorte de poste de garde pour y accéder. L'hypothèse de Safera se vit confirmée lorsque le docteur Iblir échangea quelques mots avec les gardes avant de franchir la lourde porte au fond de la pièce.
« Suivez-moi, les invita-t-il, vous allez découvrir le cadeau des Ômus à notre peuple. »
Les Chiss et l'autre civil Hynor passèrent à leur tour la porte ; lorsque Iblir l'eut refermé, ils se retrouvèrent dans le noir le plus complet. Safera était de plus en plus curieuse de voir ce que le docteur Iblir voulait leur montrer...
« Je crois que vous ne voyez plus ici, mais avancez droit devant vous, il y a un couloir.
-Très bien. » répondit Telin sans s'émouvoir plus que cela de l'obscurité.
Safera commença à marcher dans les ténèbres, la lumière de son casque ne lui révélant que la roche sombre dont était vraisemblablement faite la montagne ; ils marchèrent probablement une demi-heure ou plus d'après Safera. Malgré sa confiance en les Hynors, la jeune femme ne put empêcher son imagination de se remplir de serpents monstrueux vivant dans les cavernes sous-marines, guettant les rares visiteurs... Allons, c'était idiot, elle avait affronté tant de choses dans la forêt des Ômus...
Safera réalisa avec un retard que la lumière revenait progressivement... Non, ce n'était pas son imagination, il y avait bien des lueurs qui apparaissaient au fond de la caverne, de petits soleils verts et bleus semblaient repousser les ténèbres par endroits... Les visiteurs s'immobilisèrent et, comme si elles gagnaient en confiance, les lueurs redoublèrent d'intensité, révélant une partie de plus en plus importante de la caverne... Ils étaient arrivés au bout du couloir, dans une sorte de salle d'où partaient d'autres passages... Les murs noirs devenaient visibles...
Et soudain, les lueurs semblèrent se doter de bras ou de tentacules qui progressaient si bien que les Chiss purent bientôt embrasser toute la salle du regard... Il s'agissait tout simplement de veines de lumières sur les murs, identiques à celles sur les bâtiments Hynors; les Chiss et leurs guides étaient maintenant au cœur d'une salle aux murs parcourus de lumières vertes et bleues... À présent que l'obscurité n'était plus qu'un souvenir, Safera reporta son attention sur les endroits d'où était partie la luminosité, les « soleils »... C'étaient des sortes de perles lumineuses, vertes ou bleues, une cinquantaine au moins, qui semblaient incrustées dans les murs ; c'était donc de là que partait le réseau sur lequel circulaient toutes ces lumières dans les bâtiments de Fayg...
Safera n'avait aucune idée de ce que pouvaient être exactement ces perles de lumière, c'était si différent de ce qu'elle connaissait... Mais puisque le docteur les avait décrites comme « le cadeau des Ômus », ce devaient être les... Quel nom avait donné Wogorn, déjà ?
« Nous y sommes, annonça le docteur Iblir.
-Ce sont les... Les Voolthergas ? demanda Safera, sa curiosité prenant le pas sur sa timidité. Le seigneur Wogorn m'a dit qu'il vous avait données quelque chose de ce nom pour construire Fayg...
-Exactement cela, répondit le deuxième Hynor. Nous commander ces choses, elles construit tout un réseau dans nos bâtiments qui nous permet de communiquer d'un bout à l'autre de la cité et de stocker nos informations... Autrefois, ces réseaux reliaient même toutes les cités Hynors, mais Fayg est à présent nous seule cité libre, les Voolthergas que donné les Ômus pour édifier le réseau initial sont tombées entre les mains des Kryshzlas, c'est pourquoi le seigneur Wogorn a accepté de nous en donner de nouvelles pour que nous puissions bâtir Fayg...
-Comment les contrôlez-vous ? demanda Telin.
-Par la pensée, répondit le docteur Iblir.
-Comment ça ? demanda Wyntar, devançant les trois autres Chiss.
-Ça sérieux, c'est sérieux... Essayez d'en toucher une... Même à travers les combinaisons, elles sentiront votre présence. »
Telin, Valdie et Wyntar se retournèrent spontanément les uns vers les autres, comme si chacun voulait vérifier que les deux autres prenaient le médecin au sérieux avant d'essayer ; Safera, elle, se dirigea directement vers les sphères. Après tout, n'avait-elle pas parlé avec l'Ômu par le biais de sa seule pensée ? La créature n'avait-elle pas pu fouiller sa mémoire pour explorer le monde des êtres de la surface par ses yeux ?
Tandis que ses trois compagnons se décidaient à se diriger vers les sphères, Safera tendit sa main gantée vers une perle à l'éclat bleuté... Lorsqu'elle la tint entre ses doigts, elle sentit effectivement une autre présence dans son esprit, elle ressentit quelque chose de psychique qui ne lui appartenait pas... Ce n'était pas du tout la présence écrasante de l'Ômu, non, la chose était à ses ordres, elle le sentait ; peut-être même n'avait-elle aucune volonté propre, peut-être n'était-ce qu'un fragment du pouvoir de l'Ômu mis à disposition des Hynors...
Safera tendit son attention vers la chose qu'elle sentait dans son esprit... Et soudain, il n'y eut plus une présence étrangère, mais des centaines, elle sentait des centaines de choses lointaines, chacune avec son éclat particulier... C'était... C'était tout simplement incroyable... Il lui semblait sentir de son esprit toutes sortes de voies où faire passer un message jailli de sa conscience... Par ces voies, elle pourrait peut-être intercepter des messages surgis d'autres esprits que le sien... C'était réellement un réseau de communication à l'échelle d'une ville, mais entièrement télépathique... Cependant, elle n'avait pas la moindre idée de la façon de s'en servir, elle ne savait pas à quoi correspondaient tous ces chemins ; lorsqu'elle fut sûre de ne rien pouvoir faire de plus, elle reporta son attention sur sa présence physique et retira sa main de la sphère lumineuse.
Instantanément, elle se retrouva toute seule dans sa tête, et l'impression lui paraissait déjà étrange.
« C'est fascinant... murmura-t-elle.
Telin et les autres coupaient à leur tour le contact avec leurs sphères ; Valdie fut la première à prendre la parole :
-J'ai senti des centaines de choses dans mon esprit... C'est... C'était vraiment dans mon esprit...
-Comment faites-vous pour vous y retrouver ? demanda Wyntar. Ça vient peut-être de moi, mais j'ai eu l'impression d'avoir un véritable labyrinthe dans la tête...
-Cela nécessite des années d'apprentissage, expliqua le docteur Iblir. Mais nous apprenons peu à peu à reconnaître la signature des endroits les plus importants et à demander à la Vooltherga de nous trouver ceux que nous ne connaissons pas ; nous pouvons même y stocker des informations directement à partir de nos souvenirs, et c'est par elles que les Ômus nous informent lorsqu'ils ont quelque chose à nous dire.
-À vous niveau, vous pouvez effleurer seulement le pouvoir véritable des Voolthergas, assura le deuxième Hynor. Mais nous pourrons vous apprendre le plus simple, pour que votre maison plus coupée du reste de la cité si vous avez besoin de quelque chose.
-Merci, ce serait parfait, approuva Telin.
-Il faut bien que vous compreniez ce que sont les Voolthergas... affirma Iblir. L'existence de notre cité toute entière ne tient qu'à elles, cela fait des siècles que nous ne nous en servons plus seulement pour communiquer entre nous, mais aussi pour faire pousser nos bâtiments ; ce serait bien plus lent sans cela, il nous faudrait réimplanter les réseaux une fois les bâtiments construits... Ainsi, nos bâtiments sont construits avec les Voolthergas, notre ville n'existe pas sans elles. Nous sommes aussi dépendants des Voolthergas que les civilisations industrielles de la surface de leurs sources d'énergie.
Telin reprit la parole :
-Mais puisque les Kryshzlas détiennent les Voolthergas des cités occupées... Que se passerait-il s'ils décidaient de s'en servir contre votre peuple ?
-J'y viens... Les Kryshzlas peuvent tout simplement ordonner l'effondrement de toutes nos cités occupées quelques minutes ; c'est aussi pour cela que nous n'avons jamais essayé de braver l'interdiction des Ômus d'attaquer... Et si par miracle ils nous donnent finalement la permission de tenter un assaut, nous aurons probablement besoin de vous quatre : il nous faudra nous emparer des Voolthergas rapidement, et s'ils ne sont pas idiots, ils ont dû les cacher hors de l'eau... Nous autres Hynors pouvons nous aventurer à l'air avec un équipement, vous le savez, mais nous y serions aussi désavantagés que vous par rapport à nous ici... Votre aide nous éviterait de lourdes pertes.
-Si vous attaquez les Kryshzlas, vous pourrez compter sur nous, déclara Safera avec conviction. Pour libérer votre peuple et pour aider nos compatriotes, nous serons là. »

« Voilà, nous y sommes... » murmura Safera, cessant de nager pour s'installer au sommet de la montagne sous-marine, aussitôt imitée par Valdie.
Les deux jeunes femmes se retournèrent : en contrebas s'étendait à perte de vue un immense ensemble de lumières qui dansaient à toute vitesse sur d'énormes masses noires aux formes sophistiquées ; de cette montagne surplombant Fayg, elles apercevaient presque toute la ville, qui paraissait moins une cité abritant un million d'habitants qu'un magnifique spectacle en leur honneur témoignant de la vie et de la beauté du fond des océans... Safera et Valdie restèrent un laps de temps indéfinissable sans rien dire, parce qu'aucun mot n'aurait su décrire ce qu'elle voyait, parce qu'elles se sentaient trop humbles pour oser parler.
Safera se félicita d'être montée ici... Dommage que Telin et Wyntar aient préféré rester à la maison étudier dans le réseau des Voolthergas les informations laissées par les Chiss qui avaient vécu ici...
Ce fut Valdie qui brisa le silence la première :
« J'ai l'impression d'être dans un rêve, Safera... Je croyais tout connaître de la Galaxie, mais... Enfin, tu vois...
Safera hocha la tête.
-Je me suis fait la même réflexion un nombre incalculable de fois...
-Tu sais, quelque part... Je suis vraiment morte quand les Kryshzlas m'ont abattue au-dessus d'Hautemer... Nous sommes tous morts, parce que nous sommes à jamais dans un autre monde, et nous ne serons donc plus jamais les mêmes...
L'esprit un peu confus comme souvent dans une conversation personnelle, Safera chercha ce qu'elle voulait dire exactement :
-Le monde des êtres de la surface te manque ?
-Je ne sais pas... C'est... différent. De toute façon, nous n'y reviendrons probablement pas... En tout cas, je suis heureuse d'être en vie. Peu importe dans quel monde. Et c'est surtout grâce à toi, Safera...
-Euh, merci, balbutia Safera.
Elle devina le sourire de Valdie lorsque celle-ci répondit :
-Tu es incorrigible... Tu as été capable de foncer vers Hautemer en ignorant totalement au moins un escadron entier de chasseurs ennemis, tu es allée trouver les Ômus en ignorant toutes leurs menaces et leurs promesses, mais dès qu'on parle avec toi...
-Désolée si je...
-Arrête, Safera... Je t'aime comme tu es. On a du mal à te parler parce que tu es distante, mais je ne connais personne qui en aurait fait autant pour moi... Tu n'en as pas l'air, je pensais que tu appréciais simplement d'être à l'écart, mais je ne connais personne qui soit capable d'aimer autant, et ça, pour moi, ça mérite énormément de respect.
Safera sentait son cœur menacer de la faire exploser, martelant ses coups sourds dans son corps avec un rythme de batterie turbolaser... Elle n'avait pas l'habitude qu'on lui parle ainsi, d'autant que Valdie était finalement à peine plus encline à dire ce qu'elle pensait que Safera, malgré les apparences...
-Merci, murmura-t-elle lorsqu'elle se fut un peu reprise. Vraiment. Mais tu sais, ce n'est pas tout à fait faux, j'aime trop être à l'écart aussi...
-Peu importe, je suis contente de t'avoir avec moi... Qu'allons-nous devenir, maintenant ?
-Ça dépendra des Ômus... Comme tout ce qui se passe dans ce monde, apparemment. En tout cas, si les Hynors passent à l'attaque, moi, je ne resterais pas les bras croisés... Ça me fait mal de penser que je vais sans doute y perdre tout cela, mais...
-Non, je te demande cela parce que... Suppose que nous l'emportions sur les Kryshzlas : je ne me vois pas revenir dans le monde des êtres de la surface... Pas définitivement, du moins.
-Je vois ce que tu veux dire, oui... Mais si je choisis de rester ici, il faudra que j'emmène au moins une personne avec moi...
-La fantassin de Tehirahs, c'est ça ?
-Oui, Sev'rance Tann... Mais elle n'acceptera jamais de cesser de servir l'Ascendance Chiss. Je crois que moi non plus, d'ailleurs... Si je peux repartir d'ici, j'ai un devoir ; aussi longtemps que l'Ascendance Chiss aura besoin de moi, je la servirais de mon mieux... Ce n'est pas ce que je veux, mais c'est ce que je dois faire, et je veux faire ce que je dois.
-Oui... On ne peut pas non plus laisser les autres se débrouiller sans nous contre les Kryshzlas, c'est sûr, même si notre aide n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan... Mais si ça ne tenait qu'à moi, je resterai ici. (Elle rit) Je préfère ne même pas chercher à savoir par quels paumés l'escadron Main Bleue a pu nous remplacer...
-La dernière fois, c'est Wyntar qui est entré ! remarqua Safera, riant à son tour.
-Justement, ça promet ! Enfin... De toute façon, ce n'est que de la fiction, les Ômus ne nous donneront peut-être pas leur accord, et nous ne survivrions probablement pas à une attaque contre la base Kryshzla...
Safera embrassa un instant du regard les milliers de lueurs qui persistaient à s'agiter en tous sens dans les ténèbres avant de répondre.
-Franchement, on s'est tous lancés dans tant de folies depuis notre arrivée dans ce système que nous pouvons déjà nous féliciter d'être encore en vie... Alors quoi qu'il puisse se passer maintenant, ça ne me fait plus si peur.
-Euh, tant mieux pour toi, mais tu es vraiment bizarre !
-Je sais !
-Bon... Bonne idée d'être montées ici, mais, si on rentrait ?
Safera pensa qu'il serait très simple de repartir avec Valdie et elle ne put s'empêcher de s'inquiéter de ce que celle-ci allait en penser, mais elle répondit :
-Rentre avant moi... Je vais rester ici encore un peu. Ce n'est pas que...
-C'est bon, comme tu voudras. À tout à l'heure.»
Safera observa son amie repartir à la nage jusqu'à ce que celle-ci devienne une simple petite silhouette noire qui se découpait sur les lumières de Fayg... La compagnie de Valdie ne l'avait pas dérangée, bien au contraire, mais elle était aussi heureuse de se retrouver à nouveau seule avec elle-même pour réfléchir et rêver... Elle s'allongea sur la montagne noire, contemplant l'océan au-dessus d'elle comme elle aurait contemplé le ciel nocturne... Sauf que là, la lumière émise par Fayg était suffisante pour lui permettre d'apercevoir les ombres intimidantes de ce qu'elle supposait être des animaux marins... Ils auraient aussi bien pu être des vaisseaux spatiaux dans l'atmosphère...
Elle s'imagina vivant ici, à Fayg, au fond des océans, elle envisagea cette existence entre les algues et les Pashagas, à la lumière des Voolthergas, le soleil des abysses ; elle et ses trois compagnons paisiblement unis ici, parmi un peuple étrange mais hospitalier... Découvrant chaque jour un peu plus des merveilles d'Hautemer...
Mieux, elle se rêva aidant les Hynors à chasser les Kryshzla de la planète... À aucun moment elle ne rêva de terrasser des légions de Kryshzla avec ses compagnons au terme d'un combat héroïque, nul rêve de gloire sanguinaire ne vint frapper à la porte de son esprit, elle n'avait jamais compris comment on pouvait vouloir ce genre de choses quelle que soit la fierté qu'on en tirait, c'était justement la face sombre de ce qu'elle avait à faire ; non, elle pensa plutôt à la reconnaissance des Hynors, à la joie qu'elle et ses amis éprouveraient s'ils étaient toujours en vie après cela, à cette menace muette venue du monde des êtres de la surface sur Hautemer qui aurait disparu, et surtout... Et surtout, elle ne serait plus condamnée à finir ses jours loin de la personne qu'elle aimait dans un endroit comme celui-là, car d'une certaine façon, qu'elle puisse être heureuse ici rendait la chose encore pire.
Après, que feraient-elles, elle et Sev'rance... Reviendraient-elles ici ? Continueraient-elles à combattre jusqu'à la défaite des Kryshzla ? Elle joua mentalement avec plusieurs hypothèses, se repassant le film qu'elle aimerait vivre... Elle en oubliait la réalité et l'instant présent, mais c'était peut-être mieux ainsi...
Oui, l'instant était même parfait ainsi.
Elle ne devait pas penser aux autres façons dont les choses risquaient de se passer, surtout pas...
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