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Prologue
 
L’Enfer dût-il porter un nom, ce devait être – sans conteste – Endor.

Pouvait-on résumer Endor ? Pouvait-on décrire Endor ? Endor tenait du duel, de la fresque et de l’opéra. Un immense duel d’Ailes X et de chasseurs TIE, de destroyers impériaux et de croiseurs calamari, de cuirassés Strike et de frégates Nebulon, de torpilleurs Carrack et de corvettes Corelli, tout autour de cette monstruosité absolue qu’était l’Etoile noire. Une fresque incommensurable de traits de lumière striant la noirceur du cosmos pour semer la mort et les larmes, agrémentés ça et là de tâches de feu et de fumée, de vaisseaux flambants neufs et d’épaves sinistrées. Un tonitruant concert de cris déformés par les transmetteurs de bord, cris de joie, cris de soulagement, cris d’horreur, cris d’agonie, cris ultimes. Rapports. Ordres. Contre-ordres. Regroupements. Encerclements. Piqués. Dérobades. Poursuites. Destructions. Le chaos des machines résumait le choc de deux conceptions politiques.

C’était fort simple. D’un côté, l’Empereur, l’Ordre nouveau, l’arbitraire, la corruption, les privilèges, le népotisme, la police secrète, la terreur, la contrainte, le fichage universel, le mépris de l’être, les complots de palais, les syndicats du crime, les uniformes verts et les armures blanches, la standardisation des esprits et des armements, la totalité en Un, le Côté obscur. De l’autre, cette chose toute simple : la Rébellion.

Il suffisait d’évoquer son nom pour nier l’Empire. Qu’était-ce au juste que la Rébellion ? Ce n’était pas l’Empereur, ce n’était pas l’Ordre nouveau, ce n’était pas l’arbitraire, ce n’était pas la corruption, ce n’étaient pas les privilèges, ce n’était pas le népotisme, ce n’était pas la police secrète, ce n’était pas la terreur, ce n’était pas la contrainte, ce n’était pas le fichage universel, pas davantage le mépris de l’être, ni même les complots de palais, encore moins les syndicats du crime, pas plus que les uniformes verts voire même les armures blanches, ni la standardisation des esprits et des armements. C’était le pluralisme, c’était la Force, c’était l’espoir. Surtout, ce n’était pas l’Empire. Il était toujours plus facile de se mobiliser contre un ennemi que pour un projet d’avenir.

Mais l’avenir était encore trouble.

Il ne le fut pas longtemps.

Car quelque chose se produisit.





A bâbord : un essaim d’Intercepteurs TIE traquait une poignée de chasseurs adverses. A tribord : un volumineux croiseur de classe Mon Cal était aux prises avec deux destroyers impériaux. Au devant : une frégate de type Nébulon se rapprochait dangereusement, dans l’intention suicidaire d’éperonner sa cible. Debout sur la passerelle de commandement du destroyer Chimaera, le capitaine Pellaeon ne perdait pas une miette du spectacle, hésitant sur la qualification du geste : méprisable ? Ou admirable ? Ces médiocres insoumis allaient donc refuser une reddition somme toute honorable et mourir pour une cause particulièrement abjecte ? Des Rebelles, se sacrifier ? Ce n’était pas le genre de ces lâches…

Des lâches qui, tout de même, avaient gagné avec force pertes à Yavin, cinq ans plus tôt…

- L’ennemi n’a pas modifié son cap, reprit l’officier chargé des capteurs.
- Parfait, sourit le Commandant. Turbolasers à mon signal…
- Artilleurs turbolasers : tenez-vous prêts ! ordonna Pellaeon, suspendu aux lèvres du Commandant…

Un ordre, et la mort s’abattrait sur cette damnée frégate.

- Frégate hostile au point 2-3-0, annonça l’officier des capteurs.

Autrement dit… sur eux… Le vaisseau ennemi, qui n’avait pas l’envergure du Chimaera mais pouvait malgré tout s’avérer une menace, était presque en mesure de tenir l’intégralité de la coque du destroyer impérial sous ses tirs. Encore quelques secondes et…

- Turbolasers, dit le Commandant, posément. Feu à volonté !

Un ordre, et la mort s’abattit sur cette damnée frégate.

Les batteries du destroyer Chimaera pilonnèrent furieusement la superstructure du Nébulon, déchaînant un ouragan de laser multicolores. Désemparée, dévastée, la frégate ennemie se laissa aller sur le côté, progressivement dévorée par les flammes. Ses boucliers avaient rendu l’âme presque immédiatement… Elle dériva encore un instant puis…

… vola en éclats, réjouissante boule de feu et de lumière.

- Ces idiots vont accomplir un magnifique suicide collectif, ricana le Commandant en parlant des Rebelles.

Le Commandant souriait. Le Commandant rayonnait. Le Commandant prenait du plaisir à écrabouiller les vermisseaux rebelles. Des années que Pellaeon servait sous ses ordres, et il ne l’avait jamais vu d’humeur aussi joviale.

Pellaeon répondit par un pâle sourire. En tant que capitaine en second du Chimaera, il était loin de partager l’optimisme de son supérieur, conséquence de sa formation d’autodidacte – il avait gravi les échelons de la hiérarchie à la force du poignet et aux réflexes du cerveau, comme on disait, rien à voir avec ces blancs-becs qui gagnaient leurs galons grâces aux relations de papa et maman, non, rien à voir. Il avait pu assister à de nombreuses batailles. Il avait pu assister à de spectaculaires retournements de situation, de l’ordre de quelques secondes.

Et ici, Pellaeon n’était pas totalement enthousiaste, pas totalement détendu. Les Rebelles, tout suicidaires qu’ils fussent, étaient tout de même parvenus à détruire quelques vaisseaux lourds. Dans l’ensemble, les pertes n’étaient pas des plus réduites. Et les chasseurs adverses restaient incroyablement efficaces…

- Commandant ! brailla l’officier chargé des senseurs. Un escadron de chasseurs rebelles, quatre types Ailes X, cinq Ailes Y…

Il n’eut pas le temps d’achever sa phrase. Une dizaine de chasseurs rebelles piqua sur le vaisseau, l’aspergeant de multiples rafales de laser… et de missiles protoniques.

Le central de commandement vibra, alors qu’une vague de feu déferlait sur les superstructures du Chimaera. Les laser antiaériens du destroyer se déchaînèrent. Les Ailes parvinrent à se dégager. Les Ailes rompirent la formation. Les Ailes se dispersèrent. Les Ailes retournèrent à l’attaque des chasseurs TIE ou d’autres destroyers encombrant l’espace planétaire d’Endor.

- Rapport des dégâts ? interrogea le Commandant, glacial.
- Dommages mineurs, Commandant, répondit un officier en poste dans la fosse bâbord. Boucliers opérationnels à cinquante pour cent. Sept batteries hors d’usage, ainsi que quatre systèmes de visée détruits dans les Quadrants Un et Deux.

Il n’y avait pas à dire, songea Pellaeon avec une fierté rétrospective : les vaisseaux impériaux, ce n’était pas du fer-blanc. Ni même les équipages. Les officiers, le personnel, tous demeuraient à leur poste, froids, disciplinés, efficaces. L’Empire nous a fait passer de l’état d’humain à celui de soldat.

Ailleurs, le chaos, les explosions, les flammes, les laser. Ici, une machine superbement huilée, parfaite. Spectacle magnifique. Pellaeon en était fier, fier d’accomplir son devoir sur une des meilleures unités de la Flotte, fier de servir son Empereur, fier de participer à cette bataille, la plus grande bataille de tous les temps, la bataille décisive, celle qui ramènerait enfin l’ordre et la paix dans la galaxie. Il était fier de contribuer à ce que les manuels d’Histoire appelleraient « la victoire d’Endor », fier de contribuer à l’Histoire, tout simplement. Fier, oui. Mais pas entièrement rassuré.

- Quelles nouvelles de nos escadrons TIE ? demanda le Commandant.

Pellaeon se tourna vers un officier qui vérifiait les informations défilant sur l’un des récepteurs de la fosse tribord. L’officier, achevant sa lecture, avait blêmi.

- Les 154e, 309e et 217e escadrons ont… cessé d’exister, Commandant… annonça-t-il. Les 854e et 661e escadrons signalent soixante-quinze pour cent de pertes. Le 352e escadron est encore pleinement opérationnel, mais le 351e rend compte avoir perdu la moitié de ses effectifs.

Nom de… Pellaeon, la mâchoire serrée, croisa les mains nerveusement. Leur couverture aérienne avait été sacrément réduite… Le Chimaera n’alignait plus que l’équivalent de deux escadrons de chasseurs, sur sept à l’origine.

- Voilà qui est fâcheux, observa le Commandant, assombri.
- Commandant, intervint un officier de la fosse bâbord, la voix tremblante. Je décèle une anomalie concernant la position de l’Etoile noire.

C’est à ce moment là que tout s’est joué, devait se dire Pellaeon des années après la bataille. Le Commandant fronça les sourcils…

- Que voulez-vous dire, lieutenant Jayl ?
- Il me semble… que l’écran déflecteur de l’Etoile noire…

La voix de Jayl en était presque inaudible.

- Eh bien ? s’impatienta le Commandant.
- L’écran déflecteur de l’Etoile noire a cessé de fonctionner, répondit Jayl brutalement, comme pour se débarrasser de cette énormité.

Pellaeon réalisa que le Commandant avait accompli un effort surhumain pour s’empêcher de laisser éclater sa surprise. Lui-même, d’ailleurs, se sentit soudainement… vidé.

- Ce doit être un défaut des senseurs, bégaya Jayl, fébrile.

Au dehors, les batteries du Chimaera multipliaient les tirs de barrage. Une Aile A, touchée à mort, se volatilisa près du central de commandement – spectaculaire. Au même moment, un officier s’approcha du Commandant et de Pellaeon, se planta au garde-à-vous.

- Commandant, l’on nous signale de l’Exceutor qu’une partie des chasseurs rebelles a rompu la formation d’attaque générale et est repartie à l’assaut de l’Etoile noire !

Le Commandant n’y tenait plus. Il se dirigea vers la fosse bâbord à pas rapides, arrêtant d’un geste nerveux Pellaeon qui s’apprêtait à le suivre. Une fois en bas, le Commandant repoussa Jayl négligemment, contempla l’écran qui surmontait la console informatique, déchiffra les données qui s’y amassaient. Il ne dit pas un mot, immobile, comme hypnotisé par ce qu’il lisait. Et… le teint de son visage avait viré au blafard.

- De l’Etoile noire, annonça un autre membre de l’équipage. Le Grand Moff Jerjerrod nous informe que le bouclier déflecteur a été détruit par les Rebelles.

Pellaeon n’y croyait pas. Le générateur de bouclier construit sur Endor était particulièrement défendu. Du moins le supposait-il jusqu’à maintenant. Il se retourna vers les hublots. Et ce qu’il vit…

… lui coupa le souffle.

… l’Executor…

L’Executor, le plus grand vaisseau de guerre jamais construit, s’était approché de l’Etoile noire pour la couvrir… Il fut pris sous le feu de plusieurs vaisseaux rebelles, dont des croiseurs calamari. Quelques incendies avaient éclaté sur la superstructure du supercroiseur, mais il répondait par autant de salves meurtrières.

D’autres incendies se déclenchèrent sur… Non… Pas la tour de commandement… Laquelle s’effaça sous une tempête de flammes…

… de flammes… la tour de commandement… l’Executor… Pellaeon réfléchissait à toute vitesse. Mais ces données visuelles, curieusement, ne signifiaient plus rien.

Le supercroiseur – non, non, non, c’était impossible – tangua majestueusement, sa proue piquant vers la surface de l’Etoile noire… Non !

- Non ! cria Pellaeon, le cœur massacré.

Des officiers redressèrent la tête. Pellaeon s’en foutait – au diable les trente-cinq années de service au sein de la Flotte impériale… L’Executor… Le vaisseau-amiral de la Flotte, battant pavillon personnel du Seigneur Vador et comptant à son bord 280 000 officiers et membres d’équipage parmi les meilleurs de tout l’Empire, allait s’écraser sur la station spatiale de l’Empereur…

… non…

La chute du supercroiseur à l’agonie ne fut l’affaire que de quelques secondes… Sa proue, telle un poignard immense, éventra la superstructure de l’Etoile noire… Le géant, la fierté de la Flotte, se consuma en une titanesque boule de feu… Images d’apocalypse, de fin des temps. Destruction totale, perte irrémédiable, catastrophe innommable, les mots se bousculaient dans son esprit. Mais il n’y avait pas de mot pour décrire… ça…

280 000 officiers et membres d’équipage… Le vaisseau personnel de Vador… L’orgueil de la Flotte… C’était… Non, la propagande saurait les trouver, les mots. Une fin glorieuse pour un supercroiseur héroïque, voilà ce qu’elle dirait. Mais Pellaeon avait vu, Pellaeon avait su… L’Executor était mort, à présent, annihilé, ses restes épars voguant dans l’espace ou trouant les superstructures de l’Etoile noire…

Il n’appartenait plus qu’à l’Histoire, bain de sang infini parmi les souvenirs…

… orgueil… Flotte…

… tout est mort…

Pellaeon, anéanti, resta là, immobile, considérant le désastre. Et il n’entendit pas…

… Commandant, les chasseurs rebelles reviennent à l’assaut, vecteur 4-5-3…

… Commandant, nos écrans déflecteurs sont à trente pour cent de leur puissance…

… Commandant, un croiseur calamari…

Et il ne vit pas…

… les Ailes Y qui survolèrent en trombe la poupe du Chimaera, larguant leurs projectiles… le croiseur calamari faire feu de toutes ses batteries… torrent d’explosions qui ébranla l’entier vaisseau de guerre. Une déflagration secoua la passerelle de commandement. Pellaeon s’écrasa sur l’un des hublots, manqua de perdre connaissance, allait s’effondrer au sol…

Non… Un officier impérial ne s’effondre pas…

Le visage en sang… son corps lui faisait mal… il se redressa, laissant une mince empreinte de liquide carmin et baveux sur le hublot… Son regard cibla la fosse de l’équipage… Deux ou trois moniteurs avaient éclaté au visage de leurs servants, projetant une gerbe d’étincelles… L’éclairage avait viré au rouge sombre, ce qui donnait à la scène une ampleur quasi-infernale…

Une équipe de sauvetage s’amena en quatrième vitesse, éteignant les incendies, tandis que d’autres membres de l’équipage traînaient hors de la fosse leurs camarades blessés ou tués. Des gémissements, des hurlements retentissaient de l’endroit…

Ce fut alors qu’il vit… la fosse bâbord… le sang… la fumée… le corps du Commandant gisant à terre, la chair dévastée par les flammes, l’uniforme noirci… A côté, le lieutenant Jayl trônait sur son siège, la face brûlée, les yeux fondus, les dents apparaissant au grand jour pour former un abominable rictus au milieu d’une peau qui partait en lambeaux…

Le Commandant est mort…

Non, son prédécesseur était mort, mais le Commandant ne l’était pas. Pellaeon allait prendre la relève et…

- Rapport des dégâts ? toussa-t-il.
- Graves, mon capit… Commandant ! répondit un lieutenant qui tabulait comme un malade sur l’une des consoles intactes de la fosse tribord. Trente pour cent de nos batteries laser sont hors service. Nous avons perdu nos boucliers et quelques avaries sans gravité sont à signaler. Les générateurs de propulsion et la plupart de nos systèmes de visée sont en revanche intacts.

Générateurs intacts…

- Intensifiez le feu des postes avancés ! cria Pellaeon. Je veux que personne ne passe !

Il n’était pas certain que ça marcherait – mais avait-il le choix ? Il fallait surtout montrer aux hommes qu’il était en mesure de prendre des initiatives. Quelqu’un glapit un « à vos ordres », il ne sut qui c’était.

- Trois moniteurs de la fosse bâbord ont été sévèrement touchés, poursuivit le lieutenant. Sans doute un court-circuit généré par une explosion à la surface de la tour de contrôle. Le… Commandant est mort…

Le Commandant est mort…

Pellaeon était… admiratif. C’était cela, admiratif – presque consolé. La tour de commandement avait été touchée, quelques membres de l’équipage supérieur avaient été tués, dont le Commandant. Mais les survivants assuraient la relève, étaient encore à leur poste, prêts à se battre, non à se rendre. Déjà, les communications étaient rétablies avec les autres unités de la Flotte… S’il n’y avait pas cette odeur… fumée… et… oui, de la chair brûlée…

- Message de l’Etoile noire ! cria un jeune type du trou bâbord, au mépris de toutes les règles, mais Pellaeon était disposé à lui pardonner, au vu des circonstances. Le Grand Moff Jerjerrod nous signale qu’il compte ouvrir le feu sur Endor.

Quoi ? Pellaeon n’en crut pas ses oreilles. L’Executor avait été pulvérisé, la Flotte en prenait à présent plein la gueule, et lui, Jerjerrod, ce crétin d’administrateur civil en uniforme qui ne se tenait plus depuis qu’on lui avait confié cette superarme à la con, allait retourner cette dernière contre une planète entière ?

- C’est de la folie, murmura-t-il. De la folie pure.

Il n’eut pas l’occasion de prolonger plus loin ses réflexions.

Car l’événement se produisit.





L’éblouissant flash de lumière illumina l’entière passerelle de commandement du Chimaera, aveuglant l’équipage. Ni Pellaeon, ni d’ailleurs aucun des membres survivants du personnel navigant ne comprirent immédiatement ce que cette parodie de big-bang signifiait.

Pendant un moment, tout demeura comme figé. Ces moments où les secondes prenaient des allures de siècles. Un vide terrifiant, un silence atroce, à peine troublé par les carillons étouffés des moniteurs et le ronronnement de la ventilation et des filtres à air.

Et puis il y eut une phrase, une phrase toute simple :

- Cela venait de l’Etoile noire…

Pellaeon ne sut jamais qui, le premier, avait constaté le fait. Mais il s’était automatiquement tourné vers l’Etoile noire. Et n’y trouva rien d’autre qu’un halo blanc, de la poussière de métal.

Il ne réalisa pas ce qu’impliquait cette disparition aussi soudaine qu’inexplicable de la station spatiale impériale. Il ne voulut pas le réaliser. Son esprit refusait toute explication logique – refusait la seule explication logique. L’impossibilité était subjective…

Pellaeon se pétrifia.

Ainsi, ils y étaient parvenus.

Non, se dit-il. Ce n’était pas possible. Pas l’Etoile noire. Pas l’Empereur. Pas le Seigneur Vador. Un destroyer, soit. L’Executor… une catastophe – plus qu’une catastrophe, un crime. Mais l’Etoile noire !

- Commandant…

Une fois de plus, l’Empire investissait l’essentiel de ses forces vives dans une opération coûteuse, et une fois de plus, le désastre était au rendez-vous. Et l’Executor…

- Commandant…

On l’appelait. Quelqu’un l’appelait. Pellaeon se retourna, vit, par delà la rougeur sinistre de l’éclairage autonome, l’équipage tétanisé par le choc, attendant une réaction de la part du…

- Commandant…

Un lieutenant impérial le dévisageait. Livide, défiguré. Dégoulinant de sueur. Le lieutenant qui avait repris le contrôle de la fosse, se souvint Pellaeon.

- Lieut… Lieutenant Tnod ? articula Pellaeon, la gorge nouée.
- Le Pulsar et l’Adjudicator signalent des dégâts irréparables et ont annoncé leur reddition aux forces adverses. Nous serons bientôt pris sous le feu conjugué de plusieurs escadrilles rebelles ainsi que trois frégates d’assaut mon calamari.

Au loin, un autre destroyer interstellaire – le Prince Xizor – venait de s’allumer comme une torche. Des Ailes X, façon charognards, s’acharnaient sur lui. Et le Chimaera allait se retrouver isolé du reste de la Flotte – du moins des survivants de la Flotte. Lesquels semblaient livrés à eux-mêmes, paralysés, incapables de se défendre correctement.

Il y a encore quelques minutes… non, quelques secondes, ils étaient les maîtres de la galaxie. A présent… La fortune avait changé de camp.

- Il n’est pas question de nous rendre, murmura Pellaeon. Un destroyer impérial ne se rend pas. Nous allons nous battre.

Le lieutenant Tnod parut s’affaisser.

- Commandant, je vous suggère respectueusement de reconsidérer votre décision.

Pellaeon manqua d’en tomber à la renverse. Jamais encore un subalterne ne lui avait parlé de la sorte. Il fixa Tnod quelques secondes, envahi par une rage profonde, se demandant s’il devait mettre à mort cette pourriture.

- Commandant, répéta Tnod, nous avons reçu un ordre de repli.
- De la part de qui ? maugréa le capitaine, ulcéré.
- Il semble que plusieurs unités de la Flotte, d’un commun accord, aient eu à prendre cette décision.

Bravo, une collectivité d’officiers avait pris les commandes ! C’était vraiment trop. L’Ordre nouveau avait fait place à l’anarchie.

Tout est mort…

- Commandant, insista Tnod. La bataille est perdue. Il faut nous replier.

Ces mots résonnèrent à la manière d’un glas aux oreilles de Pellaeon. La bataille est perdue.

Nous replier.

Pellaeon jeta un dernier regard au Prince Xizor, dévasté par les flammes. Au vide cosmique où jadis se tenait l’imposante Etoile noire. Il chercha des yeux l’Executor. Puis il se souvint. Et ce souvenir, cette fois, lui fut particulièrement pénible.

Au loin, les frégates d’assaut rebelles se rapprochaient. Le regard de Pellaeon revint à l’équipage, ces hommes dont il était depuis peu responsable, ces hommes qui attendaient de lui la décision à prendre. Et d’un seul coup, la solution s’imposa, évidente.

- Lieutenant, lancez la procédure de repli hyperspatial. Cap sur le système Annaj, vecteur 14-K-25. Informez la Flotte de notre décision.

Annaj, la base militaire la plus proche d’ici – et l’une des mieux défendues. Les autres Commandants impériaux avaient dû avoir la même idée…

Tnod se figea et repartit multiplier les ordres en ce sens.

La bataille est perdue.

Les Rebelles avaient vaincu. C’était aussi simple que ça. Une simplicité démesurée.

Pellaeon se rappela que sa casquette d’officier supérieur traînait à ses pieds. Il la ramassa, se la vissa sur le crâne, époussetant son uniforme… S’efforça de conserver une allure digne, martiale, une allure de… Commandant…

Le Chimaera était sous sa responsabilité, désormais. Le seul maître à bord après… l’Empereur… Il devait se reprendre, montrer que, comme il y avait été entraîné, il savait diriger un équipage, même dans des circonstances aussi… difficiles… ignobles… que celles-ci…

Mais cet honneur n’était rien comparé à la douleur, la douleur de la défaite, cette affreuse douleur qui lui laissait penser que ce n’était pas la dernière fois qu’il donnerait l’ordre de la retraite…

Le capitaine Pellaeon revint à l’espace. L’immensité parsemée de lueurs scintillantes.

Le Prince Xizor avait disparu.
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