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Chapitre 21. Alternative
 
Une boule bleutée emmitouflée dans d’épaisses couches nuageuses blanchâtres venait d’apparaître au milieu de la pièce abritant le Conseil de Guerre rebelle, qui s’était installé à bord du croiseur rebelle dont le nom était tout un symbole : Alliance.

- Naboo, annonça le capitaine Acritt avec quelque modestie.
- Je connaissais cette planète, capitaine, rétorqua une femme assez âgée qui se trouvait en face de lui, de l’autre côté de la table.

D’une dignité reflétant une expérience politique guère comparable, Mon Mothma était revêtue de cette longue tunique blanche qui faisait désormais partie du personnage. Elle présidait cette séance impromptue du Conseil de Guerre, sans qu’Acritt pût deviner quel objectif elle recherchait.

L’officier du Renseignement décida de reprendre le fil de ses paroles :

- Depuis quelques jours, nos services ont pu constater que la présence militaire impériale s’était considérablement renforcée sur Naboo. De nombreuses unités de combat terrestres ont été envoyées de divers systèmes, y compris Coruscant, sur cette planète.
- Et vous n’avez pas été en mesure d’empêcher ces transferts de troupes ? demanda quelqu’un sur un ton soupçonneux, à la droite d’Acritt.

Acritt se tourna vers le Conseiller Fey’lya, représentant bothan au sein du Conseil. Il le haïssait, et l’autre le lui rendait bien, mais pour le moment, il faisait l’effort de sauvegarder les apparences. Il allait ouvrir la bouche, lorsqu’un autre le devança :

- Vous savez aussi bien que moi que le capitaine Acritt n’a pas les moyens de donner des ordres à la Flotte, répondit l’amiral Ackbar. Quant à la réponse à votre question, Conseiller, la Flotte n’était pas en mesure de se lancer dans des missions d’interception qui auraient abouti à disperser nos efforts.

Fey’lya toisa Ackbar – leur mésentente était presque légendaire… Elle datait de leur première rencontre, en fait, sans qu’on sût au juste pourquoi Fey’lya ouvrît les hostilités. Mais Ackbar était le penseur militaire de l’Alliance, son meilleur officier, tandis que jusqu’à Endor, Fey’lya pratiquait davantage ce métier méprisé qu’était l’espionnage. Ackbar, en somme, c’était la gloire militaire, le courage au feu, le génie tactique, le sens de l’honneur, le loyalisme, l’œil qui d’un seul regard perçait à jour le point faible de l’ennemi et le cerveau qui produisait le plan censé exploiter la faille.

Le Bothan, lui, était son antithèse. Fey’lya, c’était l’instinct de survie, l’opportunisme, le génie politique, les accords maintes fois déchirés, le clientélisme, la main qui saluait ou frappait dans le dos selon les instants et l’écheveau complexe des réseaux d’espions et de trafiquants, des amitiés éphémères et des maîtres-chanteurs.

En bref, Ackbar, c’était l’armée et l’héroïsme guerrier. Et Fey’lya, l’espionnage et la basse politique.

Ackbar serait la victoire, Fey’lya l’après-guerre.

Mais Fey’lya, avec Endor, avait contribué à la victoire…

Tragique renversement de perspective…

- La dispersion de nos troupes serait désastreuse, ajouta le Calamari. L’Empire meurt pour avoir commis cette faute capitale.
- Je vois, observa le Bothan.
- Heureuse de vous l’entendre dire, dit Mon Mothma. Capitaine, vous pouvez continuer.

Acritt émit un léger toussotement.

- Merci, Sénateur. Ces renforcements militaires nous ont laissé perplexes, jusqu’à ce nous interceptions un grand nombre de messages issus de Naboo et adressés à la Direction centrale de la Sécurité impériale de Coruscant. Ces messages révélaient que les troupes de l’Empire se livraient, et se livrent toujours, à une entreprise d’extermination des populations de la planète visée.

L’hologramme de Naboo se transforma lentement en une image beaucoup plus… crue. Dans la salle, quelqu’un déglutit. A la vue du charnier, Acritt lui-même eut un haut-le-cœur.

- Au demeurant, reprit-il en s’efforçant de camoufler sa nervosité, et comme vous pouvez le voir, la propagande ennemie ne s’en cache pas et s’en fait même gloire. Sans doute s’agit-il là d’une vaste opération de propagande destinée à impressionner les populations des autres systèmes asservis.
- Je ne comprends pas, objecta Cyg-Man-Rhe, Conseiller squeeg (sorte de fusion entre un Wookie et un Gungan), vieux de la vieille de l’Alliance rebelle. Il existe quantité de moyens de réduire à néant une planète. En l’occurrence, les Impériaux…
- … prennent leur temps, en effet, avoua Acritt. Ils ont fait usage avec parcimonie de leurs armes de destruction massive, même si nous pouvons considérer que plus de dix millions d’habitants de Naboo ont été exterminés.

Le chiffre était déjà connu. Pourtant, un silence pesant s’était soudainement abattu sur l’assemblée. Plus de dix millions de victimes. Et les stats promettaient de bondir dans les jours suivants…

- Ils « prennent leur temps » ? grinça Fey’lya.
- Il me paraît évident que les Impériaux ne visent pas seulement à faire régner la terreur par une campagne de propagande fondée sur un génocide, répondit Acritt. Ils veulent nous atteindre plus directement…
- Comment cela ?

Pourquoi me pose-t-il toutes ces questions ? Il connaît déjà toutes les réponses… A quoi joue-t-il ?

- Vous connaissez comme moi l’état de l’opinion. Au début, les massacres choquent, bien sûr. Puis, à force d’en voir les images et autres produits dérivés jour après jour, elle s’en lasse. La terreur aura fait place à la résignation. En fait, cette relative « lenteur » du génocide vise un double-objectif : le premier, faire cauchemarder les peuples de la galaxie ; le second, montrer à ces mêmes peuples qu’une extermination massive peut s’effectuer sans que l’Alliance rebelle soit à même d’intervenir. Ils montrent ostensiblement qu’ils prennent leur temps en vue d’insister lourdement sur notre… (il chercha le mot adéquat, ne le trouva pas) passivité.
- Notre passivité ? explosa Fey’lya. Nous avons perdu des centaines de milliers d’agents, de combattants, de sympathisants… Nous avons vaincu l’Etoile noire, tué l’Empereur, et vous appelez cela de la passivité ?
- Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, Conseiller, se défendit Acritt. Il s’agit là de l’impression que l’Empire veut donner. Les massacres de Naboo s’étendront sur des jours et des jours. Si nous n’intervenons pas, l’Empire pourra prétendre, soit que nous ne pouvons l’empêcher d’agir à sa guise, soit que nous ne voulons pas bouger. Dans les deux cas de figure, l’Alliance ne sort pas grandie.
- En bref, traduisit Cyg-Man-Rhe, l’Empire peut supprimer qui il veut, quand il veut, à l’endroit qu’il aura choisi. Et nous, pitoyables Rebelles, ne ferons rien…
- En somme, fit Mon Mothma, vous nous suggérez d’agir en vue de faire cesser cette situation intolérable.

Acritt se récria.

- Je ne suggère rien du tout, Sénateur, je me contente d’analyser les informations à ma disposition.

Un sourire entendu rajeunit le visage de Mon Mothma.

- Bien sûr, capitaine, où avais-je la tête… Conseiller Fey’lya, votre avis ?

Le Bothan affecta un air grave de circonstance.

- Le capitaine Acritt a accompli un excellent rapport, précis, documenté, et qui concorde avec ce que nous savions déjà. Quant à la décision à adopter, je serais plus sceptique. Il est patent que les Impériaux nous tendent un piège, qu’ils recherchent une action irréfléchie de notre part.
- Qu’entendez-vous par « action irréfléchie », Conseiller ? l’interrogea Ackbar.
- Une offensive militaire, amiral, répondit Fey’lya. J’ai cru comprendre que six destroyers impériaux se trouvaient en orbite autour de Naboo, une force non négligeable. De plus, il n’est pas exclu que la Flotte impériale y envoie des renforts. Bref, l’Empire nous tend un piège.
- Un piège subtil, opina Cyg-Man-Rhe.
- Un piège mortel, corrigea Fey’lya.
- Avouez, Conseiller, que nous sommes pris entre le marteau et l’enclume, fit remarquer Cyg-Man-Rhe. Si nous intervenons, nous risquons au mieux une bataille d’usure, au pire une défaite militaire. Si nous n’intervenons pas, nous sommes discrédités. Brillant…
- Dans mon milieu, nous avons un nom servant à désigner ce type de situation, intervint Acritt.
- Ah, et quel est-il ? demanda Cyg-Man-Rhe.
- L’alternative du diable, le devança Fey’lya, lugubre.

Le terme était bien choisi, même s’il avait été conçu par un ancien scribe de thriller politique à succès, du temps de l’Ancienne République…

Le Conseiller Cyg-Man-Rhe croisa les bras. Les décroisa. De toute évidence, même s’il n’en montrait rien, il désirait ardemment bouter l’Empire hors de Naboo. Sans doute était-ce lié au fait que sa famille entière avait été elle-même exécutée par l’ennemi en guise de représailles pour son adhésion à la Rébellion. Il avait réussi à fuir le Sénat impérial de Coruscant lors du coup de force de Palpatine qui avait immédiatement précédé Yavin – lui, mais pas ses proches, malheureusement…

Et malgré tout, Cyg-Man-Rhe s’était plu à jouer les éléments modérés du Conseil de Guerre. Acritt ne pouvait pas s’empêcher d’admirer ce comportement, qu’il avait pu retrouver chez la plupart des Alderaaniens. Ou les Caamasi.

- Dans quel état se trouve la Flotte, amiral ? fit Cyg-Man-Rhe en se tournant vers Ackbar.
- De nombreux vaisseaux ont été perdus à Endor, beaucoup d’autres ont été endommagés. Nos meilleurs éléments sont en train de repousser une invasion ennemie dans le secteur de Bakura.
- Et de combien de vaisseaux pouvons-nous disposer ?

Ackbar sembla réfléchir.

- Nous pouvons espérer lancer dix croiseurs calamari dotés d’une escorte appréciable de chasseurs, de frégates et de corvettes. Vous avez les détails dans le mémorandum que je vous ai fait distribuer.

Et, comme pour bien se faire comprendre, il précisa :

- Il s’agit là de notre réserve stratégique.
- Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ? estima Cyg-Man-Rhe.
- En effet, concéda Ackbar, non sans hésitation.
- Vous savez bien que la Flotte impériale pourrait rameuter d’autres unités ! contre-attaqua Fey’lya. Comment réagirez-vous lorsque vous verrez des dizaines de destroyers impériaux surgir de l’hyperespace et vous prendre à revers ?
- La Flotte impériale a subi un revers majeur à Endor, rétorqua Ackbar. Les autres escadres sont dispersées, certaines ont rallié les sécessionnistes et autres « Seigneurs de la Guerre ». Ils n’ont plus aucune réserve, seulement des fonds de tiroir. Et j’ose vous préciser qu’une intervention impériale telle que vous la décrivez est extrêmement compliquée à mettre en œuvre.
- Compliquée, approuva Fey’lya. Pas impossible.

Ackbar n’avait pas l’air à son aise. D’un côté devait brûler en lui le désir de venir en aide aux habitants de Naboo – après tout, ses compatriotes avaient été réduits en esclavage par les mêmes personnes qui exterminaient le peuple de cette planète… De l’autre, il y avait cette impression, évidente, celle de tomber dans un piège.

C’était pourtant Ackbar qu’Acritt était allé voir en premier. Et c’était Ackbar qui avait obtenu de Mon Mothma la convocation d’urgence du Conseil de Guerre.

- Je crois… commença l’amiral. Je crois que nous devrions tenter le coup.

Cette phrase lui avait coûté. Il se redressa, comme libéré d’un poids. Ackbar avait franchi le pas – et ne s’en portait que mieux.

- C’est grotesque, amiral, cracha Fey’lya. Grotesque. Nous courons droit à la catastrophe.
- A Endor, contra Ackbar, les risques étaient incommensurables. Et pourtant nous avons gagné.
- C’était alors, amiral. Nous vous avions fourni les plans de l’Etoile noire. Désolé de vous signaler que mes renseignements, cette fois, ne sont pas si optimistes.
- Vous vous désolidarisez du plan d’action ?
- Je répète qu’il est trop risqué. Je ne songe qu’à l’avenir de la République.
- L’avenir de la République ou le vôtre ? répliqua Ackbar.

Acritt adressa un coup d’œil désespéré à Cyg-Man-Rhe. Ce dernier répondit par un imperceptible mouvement de la tête. Une querelle pointait.

Mieux, elle venait d’exploser. La réponse de Fey’lya était teintée de mépris :

- Je n’ai fait que servir la République, depuis le début.
- Allons donc ! Vous, Fey’lya, ne nous avez ralliés qu’après Yavin, rétorqua Ackbar.
- Et vous, amiral, vous n’y étiez pas, susurra le Bothan.
- Vous avez continué de collaborer avec l’Empire.
- De même que les Calamari ont travaillé pour l’Empire et combattu pour la Rébellion.
- Fey’lya, vous ne vous êtes fait Rebelle que lorsque le vent a tourné.
- Je me suis fait Rebelle lorsque l’Empire est devenu Terreur.
- Vos pareils ont rejoint la Rébellion lorsque nous avons détruit l’Etoile noire.
- Et nous y sommes restés après Hoth.
- Fey’lya, le jour où le Conseil permanent du Sénat a été dissous, vous avez crié « Vive l’Empereur ».
- Et vous, amiral, lorsque Palpatine s’est proclamé Empereur, vous avez applaudi.
- J’ai cru qu’il nous apporterait la stabilité.
- Et moi j’ai rusé.
- Fey’lya, vous avez sacrifié des agents pour satisfaire votre intérêt personnel.
- Amiral, vous avez sacrifié des dizaines d’unités à Endor et finalement prévu de vous replier.
- Et vous, Fey’lya, vous n’étiez pas à Endor.
- Des agents de ma race sont morts pour faire d’Endor une victoire.
- Des soldats de ma flotte sont morts pour faire d’Endor notre victoire.
- Sans les plans volés de l’Etoile noire, il n’y aurait pas eu d’Endor.
- Sans l’habileté et le courage de nos pilotes, les plans n’auraient servi à rien.
- Arrêtez.

Mon Mothma n’avait pas haussé le ton, mais sa voix ferme savait imposer son autorité. Elle foudroya du regard Ackbar et Fey’lya.

- Ces disputes sont indignes de vous.

Cette remarque avait porté. Le feu s’était figé en glace. Ackbar présenta ses excuses à Mon Mothma, puis à Fey’lya. Ce dernier fit de même à l’égard de Mon Mothma. Il s’en abstint vis-à-vis d’Ackbar.

- Conseiller, il me semble que l’amiral a droit à des excuses de votre part, fit observer Cyg-Man-Rhe avec malice.

Fey’lya hocha la tête, en signe de mauvaise humeur.

- Amiral, veuillez m’excuser pour m’être emporté.
- Excuses acceptées, répondit Mon Mothma, coupant l’herbe sous le pied du Calamari. Pour ma part, je suis favorable à la proposition formulée par le Conseiller Cyg-Man-Rhe et l’amiral Ackbar.

Le Conseiller bothan se tassa dans son fauteuil… Mon Mothma s’éclaircit la voix :

- Notre victoire à Endor a scellé l’avenir de l’Empire. Une immense vague d’espoir a traversé la galaxie à l’annonce de ce triomphe. Notre tâche a toujours été de détruire cet ordre tyrannique que l’Empereur avait imposé par la ruse et par le feu. Rester passifs face au sort horrible fait à Naboo serait contraire à notre éthique et annulerait les effets positifs qu’a eu la destruction de l’Etoile noire sur l’opinion. Nous sommes la République : et la République ne repousse pas la main tendue. Une République qui sacrifierait tout un peuple à ses intérêts, une République qui préférerait laisser mourir une planète au nom de sacro-saints intérêts supérieurs de sécurité personnelle, une République aussi méprisable ne vaudrait pas mieux que cette dictature que nous nous efforçons de renverser. Nous devons dès lors agir conformément aux idées que nous défendons et à l’image qui est la nôtre. La victoire sur l’Empire est à ce prix.
- L’on ne gagne pas des guerres par les bons sentiments, grogna Fey’lya.
- Le cynisme n’est pas une option, trancha Mon Mothma.

Et elle ajouta :

- Yavin a été le point d’arrêt des succès de l’Empire, Endor a inversé le cours de la guerre. Naboo en sera le coup de grâce.
- Le coup de grâce ? murmura Fey’lya. Pour qui ?

Et Acritt devait reconnaître qu’en effet, il était loin d’être rassuré…

Fey’lya joua son va-tout.

- Sénateur, avec tout le respect que je vous dois, vous ne pouvez pas laisser vos sentiments personnels l’emporter sur vos capacités de jugement. Je conçois que Naboo représente un intérêt sentimental à vos yeux mais…
- Il ne s’agit pas de cela, Conseiller, rétorqua Mon Mothma, glaciale. Certes, mon cœur saigne à l’idée que la planète natale du regretté Sénateur Padmé Amidala soit victime d’une atrocité aussi démoniaque. Padmé Amidala, outre d’être l’une des figures de proue de l’Ancienne République, a joué un rôle non négligeable dans la naissance de la Rébellion. C’était aussi une amie très proche.

Elle avait prononcé ces paroles d’une voix presque égale. Presque.

- Mais ce n’est pas pour cette raison que j’approuve le principe d’une offensive destinée à chasser l’ennemi de Naboo. Y réussir consacrera la chute de l’Empire. Tel est notre objectif suprême, et tel était le souhait de Padmé Amidala.

Fey’lya avait tenté, avait échoué. Et se retrouvait dans une position intenable.

- Sénateur, je vous prie de croire que je ne cherchais pas à vous blesser en ravivant des souvenirs terribles.
- J’en suis convaincue, Conseiller, répondit-elle avec un sourire diplomatique. Bien ! La séance est levée.

Fey’lya fut le premier à se lever et à quitter la salle. Le Conseiller squeeg le suivit de loin, l’air navré par sa réaction.

- Je me suis emporté, Sénateur, s’excusa une nouvelle fois Ackbar.
- On en reparlera, amiral, sourit froidement Mon Mothma. Après la victoire.

Ackbar hocha la tête et sortit à son tour. Mon Mothma éleva gracieusement la main en direction d’Acritt, l’invitant à s’approcher.

- Capitaine, j’ai quelque chose à vous demander…
- Oui ?
- Vous êtes un excellent officier des services de Renseignements. Mais qu’en est-il de la mission que je vous ai confiée ?
- Nous… nous étions sans nouvelle de Calrissian, puis nous avons appris qu’il était arrivé sain et sauf sur Coruscant.

Mon Mothma poussa un bref soupir. Soulagement ?

- Nous n’avons pas eu d’informations depuis, acheva Acritt.
- Il le faudra bien, pourtant. Vous savez comme moi ce qu’implique le fait de retrouver un tel document.
- J’en suis conscient, admit Acritt à voix basse, comme pour se parler à lui-même. J’en suis conscient…
- Moi de même, capitaine. Tenez-moi au courant de chaque développement.
- Bien sûr.

Il claqua les talons et sortit de la pièce. Une ordonnance le chopa dans le couloir, alors qu’il se dirigeait vers ses quartiers.

- Nous avons reçu un message classé prioritaire, annonça le type.
- De qui ?
- C’est classé « opération Labyrinthe ».
- Je comprends…

Il s’empara de la datacarte de transcription que lui avait remise l’ordonnance. Fonça dans son bureau pour l’y insérer dans le databloc. Enclencha le logiciel de décodage.

Lut.

Etouffa un juron.

Par les branchies d’Ackbar ! Lando avait déjà été démasqué ? Comment pareille catastrophe avait-elle pu arriver ?

D’après le rapport, les Impériaux avaient tenté de mettre la main sur Calrissian alors qu’il se trouvait dans sa troisième planque. Il avait pu s’enfuir. Mais il était quelque peu grillé.

Sa troisième planque… Un frisson effleura la nuque d’Acritt.

Pas la première, ni la deuxième. La troisième.

Il était peu probable que Lando eût pu commettre une boulette. L’homme était un ancien contrebandier, et pas n’importe lequel. A ses talents de pilote s’ajoutait un don pour s’infiltrer dans n’importe quel endroit, fût-ce une base de l’Empire. Avait-il été reconnu ? Impossible, au vu de ses déguisements. Les messages de Coruscant avaient-ils été interceptés ? Pourquoi pas ? Mais il en doutait. Et puis ces messages ne révélaient rien de bien important…

Or, ils l’avaient appréhendé à la troisième planque…

Leur agent sur place avait-il trahi, s’était-il trahi ?

La troisième planque…

Difficile à admettre, au vu de son pédigrée. Et puis si tel était le cas, Lando n’aurait-il pas été arrêté dès son arrivée à Coruscant, ou le lendemain ? D’ailleurs d’après ce qu’il lisait, Nora Reeze avait aidé Lando à se tailler – on était sans nouvelle d’eux, depuis. Mais réfléchis, bordel !

Il y avait ce problème de la troisième planque… Que même Lando, à l’origine, ne connaissait pas. A dire vrai, le système était complexe. L’agent traitant de Lando, Nora Reeze, ne connaissait que la première et la troisième. Un membre du réseau de l’agent traitant était le seul à connaître la deuxième. Sécurité oblige.

Lando n’avait pas été visé à la première, ni à la deuxième. Mais à la troisième.

La troisième planque, merde !

Reeze n’était pas coupable – elle avait risqué sa vie pour le sauver –, ni l’autre agent, qui ne pouvait qu’ignorer l’emplacement de la troisième planque. Acritt en aurait mis sa main au feu, il n’y avait eu ni trahison, ni négligence de leur part. Ces agents comptaient parmi les meilleurs. Rien, parmi ses infos, n’indiquait qu’ils eussent effectué un séjour à Kessel ou au Lusankya.

Si l’on écartait les premières hypothèses, il n’en restait qu’une. Vieux proverbe intello : une fois éliminé l’improbable, l’impossible ne pouvait être que la vérité. Acritt aurait voulu se tromper, mais son intuition avait souvent vu juste. Et en l’occurrence, son intuition pointait vers une explication.

Le problème ne résidait pas au niveau des agents présents sur Coruscant. Autrement dit, il ne se situait pas en aval, mais en amont. Ici. Au sein de l’Alliance.

Quelqu’un venait d’avoir eu vent de l’opération, et avait collecté suffisamment de détails pour donner des renseignements sur mesure aux Impériaux. Ca ne pouvait être que ça. Et ce quelqu’un venait d’avoir accès aux données de l’opération – dans le cas contraire, les Impériaux seraient intervenus plus tôt. Tout tournait autour du Document de Caamas. Visiblement, certains, au sein de l’Alliance, ne souhaitaient pas que l’on y mît la main dessus. Et étaient prêts à négocier avec les Impériaux. Ce fameux chantage qu’il avait évoqué devant Lando était en marche…

- Si ce Document n’est pas rendu public, quel peut être son intérêt au point qu’il soit saisi par de braves satrapes impériaux ?
- Le chantage.
- Tout juste, général. Le chantage. Et contre qui ?
- Nous. Ou les Bothans.

L’inquiétude fit place à de la colère. Fou de rage, Acritt frappa la table du poing, réalisant les implications effroyables de cette découverte.

Il y avait un traître au sein de son équipe.

Un traître au service d’autres traîtres infiniment plus haut placés…
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