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Chapitre 19. Convergences
 
Ces Ewoks étaient immangeables…

Grodin Tierce acheva bien plus tôt que prévu son cinquième repas improvisé depuis qu’il avait échoué sur cette damnée lune forestière. Les autochtones étaient certes les plus faciles à attraper, et il n’y avait visiblement pas plus gros, en matière de gibier. Il ne s’était pas encore servi de son blaster, ayant récolté pas mal d’armes portatives de bonne qualité chez les Ewoks qu’il avait massacrés.

Cinq jours déjà qu’il traînait ici. Son uniforme de pilote était dans un état innommable. Attifé comme il était, couvert de feuillages destinés à le camoufler, le visage peint en noir, les cheveux hirsutes, il faisait vaguement penser à un homme des bois, comme le racontaient les légendes de sa planète natale. S’il pouvait à la rigueur tomber sur des Rebelles, il aurait la faculté de quitter cet endroit. Mais il semblait que seuls les Ewoks régnaient ici, avec la faune et la flore – Rebelles et Impériaux avaient visiblement du quitter ce champ de bataille.

Tierce laissa là les restes du dernier Ewok et, armé d’un couteau effilé et d’une lance, partit en quête d’un meilleur gibier. Si c’était un Ewok, il s’en ferait une énième peau de bête destinée à lui tenir chaud – les nuits sur Endor étaient très fraîches…

La forêt, immense, l’accueillit comme l’un des siens. Il en faisait partie, désormais. Il avait su triompher de ses pièges. On l’avait formé à survivre dans n’importe quelles conditions. Tierce était le guerrier parfait.

Et ce guerrier parfait s’arrêta. Il avait cru entendre un bruit. Non, il avait entendu un bruit. Un son qu’il reconnut comme étant un…

… gémissement.

C’était un gémissement.

Le Garde était figé, aux aguets. Il avait déjà fait le vide dans sa tête, se concentrant sur le son – le gémissement.

Un Ewok ? Un autre animal ? Le gémissement avait cessé.

Tierce, glacial, attendit. Le gémissement reprit.

Cela venait de la droite, devant. Tierce fouillait le moindre recoin.

- Je vais crever ici… grommela la voix. J’emmerde le… aaaarg…

La voix s’étouffa dans une toux particulièrement grasse. Ce n’était pas un Ewok, ce n’était pas un animal, mais un civilisé. Tierce continuait lentement son approche – était-il possible que les Ewoks lui tendissent un piège ?

Tierce s’arrêta de nouveau. Hors ce gémissement qui n’en finissait plus, il n’y avait rien d’autre, rien d’autre que le bruissement des feuilles légèrement caressées par le vent.

Il mit la main à son blaster. Et reprit sa marche.

Les gémissements étaient plus proches, à présent.

Vraiment très proches. Derrière cet arbre, à quelques mètres. Tierce ne cessait de jeter des regards alentours, prêtait l’oreille comme jamais – malgré l’éternel retour des cris de l’homme.

Rien à signaler.

Il était tout près, à présent.

- Qui… qui est là ? fit la voix, très affaiblie.

Un tic effleura légèrement les lèvres de Tierce. Il l’avait entendu venir. Or, aucune personne au monde ne pouvait entendre un combattant de la Garde impériale approcher dans son dos. Hormis un Jedi.

Ou un autre Garde impérial.

Tierce, lentement, contourna l’arbre. Une odeur pestilentielle lui agressa les narines. Et une vision sa mémoire.

L’homme était affalé, dos à l’arbre, son uniforme de Stormtrooper maculé de sang, de terre, de boue et d’une substance jaunâtre graisseuse… la même couleur que son visage considérablement amaigri et noyé de sueur. Ses yeux injectés de sang dévisagèrent Tierce.

Tierce le dévisagea.

- Jerto Hiag, dit-il froidement.
- Grodin Tierce, répondit l’homme entre deux hoquets qui lui déformaient la face. Salaud, je te croyais en perme dans un autre coin de la galaxie…

Tierce s’agenouilla, lui tendit sa gourde. Hiag n’avait pas la force de la prendre – Tierce la lui colla aux lèvres. Des lèvres desséchées, pourries, qui partaient en lambeaux. Hiag avala à petites gorgées, recrachait souvent le tout, mais Tierce s’aperçut qu’il se sentait mieux. L’homme trouva la courage d’afficher un très léger sourire qui en disait long sur son état.

- Je vais t’emmener avec moi, dit Tierce.
- Fais pas chier, laisse-moi crever ici… Tu vas être infecté, toi aussi, si tu me touches.
- Infecté par quoi ? Et puis je t’ai déjà touché, crétin…

Lentement, il installa Hiag sur son dos et le porta jusqu’à son propre campement. Hiag, vraiment mal en point, s’efforçait de ne pas gémir ni crier. Mais il n’y arrivait pas.

Tierce le mit à l’abri, sous une plaque de métal rongée par l’atmosphère lors de sa propulsion vers Endor suite à l’explosion de l’Etoile noire. Il s’en était déjà servi comme toiture, mais l’autre en avait davantage besoin.

- Il reste de… la viande que j’avais préparée, ajouta-t-il en regardant son feu de camp. Je vais te servir.
- Ouh là, ironisa l’autre, c’est Coruscant, ici…

Hiag se mit à tousser bruyamment, crachant de la bile. Tierce sortit une seringue remplie de védeïne, une drogue très puissante capable de calmer la douleur, à n’utiliser qu’en cas de pépin militaire – bien sûr, certains vivaient de son trafic… Il en injecta deux doses au bras inerte de Hiag.

Que lui est-il arrivé ?

Au bout de quelques minutes, le feu crépitait de nouveau. Encore quelques minutes, et Tierce lui tendit quelques orteils d’Ewok grillés. Il l’aida à mâchonner cette bouffe.

- Que t’est-il arrivé ? demanda-t-il alors.
- Il faut que… il faut que je dorme…

Il n’était vraiment pas en forme. Totalement détruit, il était. Même son moral. Hiag ferma les yeux. Et cessa de bouger. Tierce lui prit son pouls, constata qu’il vivait encore. La fièvre restait puissante.

Tierce se retourna d’un bloc, blaster au poing.

- Du calme, Garde impérial Tierce, nous sommes dans le même camp…

Deux types en tenue de Stormtroopers approchaient pacifiquement, la démarche traînante. Ils retirèrent leurs casques, de manière à ce que Tierce pût les reconnaître.

Leurs visages étaient aussi décolorés que celui de Hiag. Mais pas encore suffisamment bousillés pour que Tierce ne pût reconnaître ces chers…

- Joric et Guzmann… Décidément, c’est le grand rendez-vous de la Garde, ici…
- Tu m’as l’air en forme, pour un permissionnaire, dit Joric.

Son sourire avait l’air de lui coûter certain effort, remarqua Tierce. Mais les deux n’étaient pas dans un état aussi putréfié que Hiag.

- Je suis tombé sur Hiag, dit Tierce. Il était avec vous ?
- Etait, oui, répondit Joric sur un ton qui dissimulait mal son amertume. Comme Endofa et Harnaq, mais que Hiag va bientôt rejoindre.

En un sens, c’était surprenant. Hiag et les autres ne se trouvaient théoriquement pas sur l’Etoile noire, ni même sur Endor, au moment du désastre. Ils faisaient partie d’une autre mission que Tierce et n’avaient même jamais eu l’occasion d’accompagner l’Empereur au cours de son dernier voyage.

- Ca n’a pas l’air d’aller, pour vous, observa Tierce.
- Bien remarqué, Garde, ricana Joric en réprimant une quinte de toux. Ca ne m’a pas l’air contagieux, ne crains rien.
- Un Garde impérial ne craint rien ni personne.
- C’est ça le problème avec toi, Grodin Tierce, reprit Joric. T’es aussi coincé que si tu avais un sabro-laser dans le cul.

Ils éclatèrent de rire. Trouvèrent le moyen de rire.

Hiag dormait.





- Nous allons mourir, Grodin Tierce, constata Joric en rongeant les derniers restes d’un os d’Ewok. Ne me demande pas pourquoi, mais cela viendra.

La nuit était déjà tombée.

- C’est quoi, cette maladie ?
- J’en sais rien. Ca fait plusieurs jours qu’on a chopé ça. Je crois que les premiers symptômes sont apparus le lendemain de la destruction de l’Etoile noire – soit dit en passant un joli feu d’artifice.
- Et qu’étiez-vous censés faire ici ?

Joric et Guzmann se regardèrent avec des airs entendus.

- Ca, mon gars, c’est « très secret » ! Je n’ai pas le droit d’en parler, Guzmann non plus, et Hiag pas davantage.
- Arrête ton tétrapode, répliqua Tierce. Nous avons le même niveau de classement sécurité.
- Pas en l’occurrence.

Joric se coucha par terre, le long d’un arbre.

- Notre opération était si secrète qu’ils nous ont refilé un virus pour nous bouffer ici… C’est dire. D’ailleurs, tu ne nous as pas beaucoup parlé de toi. Que fous-tu donc sur ce grand territoire impérial ?
- J’étais en mission pour le compte du Grand Kutchann sur une planète désertique. J’ai appris la défaite et la mort de l’Empereur sur le trajet de retour. J’ai voulu m’en assurer par moi-même.
- Ah.
- Oui.
- Et pourquoi es-tu resté ?
- Une escadrille rebelle m’a pris en chasse. J’ai du faire un atterrissage en catastrophe.
- J’ai toujours pensé que j’étais meilleur pilote que toi, se marra Joric.

Tierce s’abstint de répondre. Il jeta un coup d’œil à Hiag, qui dormait toujours. Que voilà un spectacle ahurissant… Un Garde impérial, dévasté par la maladie, reposait en position fœtale…

- Et ton vaisseau, il est encore en état de marche ? demanda Guzmann.
- Autant que l’Etoile noire, répondit durement Tierce.
- Alors on maintient le plan A.

Tierce se tourna vers Joric, qui ouvrit un oeil.

- C’est quoi, le plan A ?
- Ouvre bien grand tes oreilles et laisse-toi bercer par ma si mélodieuse voix.





Le lendemain, Hiag était mort. Tierce et les autres l’enterrèrent non loin du campement. Puis ils effacèrent soigneusement les traces de leur passage et se dirigèrent vers l’ouest.

Le plan A était en route.








* * *






- Je sais que vous venez de sortir de l’Acamarbo, mais j’ai pensé à vous pour cette opération.

Assis en face de l’amiral, Traest Kre’fey se sentait flatté par cette remarque. L’amiral Khi’mel n’avait pas l’air particulièrement enthousiaste.

Jeune frais émoulu de l’Acamarbo, l’Académie Martiale de Bothawui, et accessoirement déjà vétéran d’Endor – entre autres – le capitaine Traest Kre’frey s’était forgé une sacrée réputation de pilote et de type pas trop bête en matière de stratégie spatiale. Il venait d’être affecté au Bureau des Opérations de la Flotte combinée bothane qui se rassemblait à Ho-D’Oacr… Et voilà que le commandant en chef le faisait amener dans son bureau personnel sur son navire amiral personnel, sous le sceau du secret le plus absolu, pour lui confier cette mission !

- Ce plan est dingue, Excellence, déclara tranquillement Kre’fey avec une assurance qui l’étonna. Je puis admettre que la Flotte prenne des risques – mais il ne s’agit plus de risques, ici, il s’agit de bon sens. Et chaque pilote possède malgré tout une certaine dose de bon sens.
- Même les casse-cou dans votre genre.

Khi’mel se servit un verre.

- Vous en voulez ?

Kre’fey accepta de bon coeur. L’amiral reprit :

- J’ai reçu l’assurance de nos maîtres-espions que les boucliers déflecteurs seraient abaissés. Je ne sais pas d’où ils sortent ce renseignement, mais ils ont l’air sûrs d’eux.
- Quelle est votre source d’information, Excellence ?
- Navré, je n’y répondrai pas, capitaine. Santé !
- Santé, Excellence.

Ils vidèrent leurs verres d’un trait. Tradition de la marine bothane. Leurs pelages en frissonnèrent de plaisir.

- De plus, leur flotte de couverture sera transférée ailleurs, poursuivit l’amiral en reposant son verre. Elle a été sévèrement amputée par la sécession de Drommel, qui a embarqué avec lui les meilleures unités, dont un modèle Executor.
- Et où sera-t-elle transférée, Excellence ?
- Nous l’ignorons encore. Mais dès que son départ nous sera annoncé, et dès que les boucliers seront abaissés, la Flotte combinée devra prendre ses dispositions pour un vol hyperspatial dont la destination finale sera Coruscant.
- En d’autres termes, nous n’aurons pas à combattre ?
- Non. L’armée de terre impériale est déjà débordée devant les insurrections populaires qui déchirent Coruscant. Et de nombreuses unités ont été transférées sur des systèmes en pleine révolte. A la vue de nos vaisseaux, ils évacueront ou se rendront.

Cette assurance surprit Traest Kre’fey. Comment pouvait-on faire l’impasse sur la réaction des Impériaux ? A moins que…

A moins que la situation sur Coruscant ne fût devenue à ce point incontrôlable pour l’Empire. En ce cas là, évidemment…

- Je veux donc un plan d’opérations de votre part. Premier projet demain. Nous pourrions en effet passer à l’offensive très bientôt. Dans deux, trois ou quatre jours.
- Comment ?

Traest faillit s’étouffer. Ils étaient malades ?

- Sauf votre respect, Excellence… Mais un tel délai pour regrouper une flotte de quatorze croiseurs et destroyers, sans compter les vaisseaux d’accompagnement, déterminer un vecteur d’approche et d’attaque d’une planète comme Coruscant à partir du… du trou où nous nous trouvons, le tout en évaluant les possibilités de fuite et autres impondérables, cela me semble particulièrement…
- Court ?

Le pelage de Khi’mel s’était tendu.

- Les pleurnichards trouvent un tel délai trop court. Nous autres, militaires, estimons là qu’il s’agit simplement d’un défi.

Il se leva, fit le tour de son bureau. Sa main se posa sur l’épaule de Kre’fey.

- Et je sais que vous saurez affronter ce défi. Je sais même que vous nous rendrez vos plans d’opérations avec une certaine avance. Je vous suis depuis votre entrée à l’Acamarbo. Vous êtes l’élément le plus brillant de votre promotion, et même de ce qu’a jamais pu produire l’Académie. Un jour peut-être, aurez-vous l’honneur de commander la Flotte bothane que nous nous sommes acharnés à reconstituer.

Ces paroles réconfortantes eurent l’effet souhaité. Traest se leva, les yeux brillants.

- J’y vais, Excellence, promit-il.
- Bien.

Pour la première fois depuis le début de leur entretien, l’amiral avait souri.

- Au fait, dit-il à Traest alors que ce dernier était sur le point de sortir de la cabine. Cessez de m’appeler « Excellence », bon sang… Nous ne sommes pas sur Bothawui ni au QGQ de l’Alliance…
- A vos ordres, Exc… A vos ordres.
- Ah, ces jeunes… grommela ironiquement l’amiral.

Ah, ces jeunes…

Moi aussi, j’ai été jeune. Mais Khi’mel préférait oublier ça.

Il activa l’holocom. L’image du Conseiller Mek’Thra se dessina, une belle forme bleutée et impalpable.

- Bonjour, amiral.
- Bonjour, Conseiller.
- Le plan est-il en route ?
- Il s’exécute selon les prévisions. J’ai mis le capitaine Traest Kre’fey sur le coup.

Mek’Thra fronça les sourcils.

- C’était une erreur. N’oubliez pas qu’il s’agit du cousin de Fey’lya.
- Je sais, Conseiller. C’est également notre meilleur stratège. Il saura tenir sa langue.
- Et dans le cas contraire ?

L’amiral Khi’mel haussa les épaules.

- C’est un officier discipliné.
- Et dans le cas contraire, amiral ? répéta Mek’Thra.
- Eh bien, il sera mis hors d’état de nuire.
- Parfait.

L’amiral avait encore une question à poser.

- Conseiller… Qu’en est-il du Document de Caamas ?
- Ne prononcez pas ce nom, inconscient ! fulmina son interlocuteur.
- Nous sommes sur une ligne protégée.
- Rien n’est jamais protégé.
- Vous n’avez pas répondu à ma question.

Mek’Thra conserva un instant le silence.

- Les choses suivent leur cours. Bientôt, nous serons enfin libérés de ce fardeau.
- Je l’espère.

Fin de communication.
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