StarWars-Universe.com utilise des cookies pour faciliter votre navigation sur le site, et à des fins de publicité, statistiques, et boutons sociaux. En poursuivant votre navigation sur SWU, vous acceptez l'utilisation des cookies ou technologies similaires. Pour plus d’informations, cliquez ici.  
Chapitre 2. Retours
 
Grodin Tierce avait un pressentiment. Mais rien n’aurait pu le préparer à ça.

Retour à Coruscant – enfin, le Centre impérial (le terme administratif n’était jamais parvenu à s’imposer). Le Cunaxa s’était installé en orbite de la planète urbaine dont la face épargnée provisoirement par le soleil resplendissait de milliards de lueurs artificielles – ce qui, toujours, suffisait à impressionner voire inquiéter les nouveaux arrivants. Tierce s’était embarqué, en compagnie de Kutchann et Wetzel, dans une navette de transport en route pour la capitale. Destination finale classique : un spatioport militaire inséré au Palais impérial.

C’était d’ailleurs plus qu’un palais – une montagne, en vérité, qui écrasait ses rivaux naturels situés plus au sud, les monts Manarai et leurs neiges perpétuelles. Sa taille, sa superficie en faisaient un des éléments constitutifs de l’Empire, au même titre que les Etoiles noires où la Flotte, sinon l’Empereur lui-même. Enorme et d’apparence inexpugnable : tel se présentait le palace, tel il incarnait l’Empire. Tierce détestait cet endroit.

Peu à peu, ce qu’il assimilait à une énorme bouse greffée à la face déjà hideuse de Coruscant s’agrandit.

- Nous sommes en approche, mon général, déclara l’un des pilotes.

Kutchann fit comme s’il n’avait pas entendu. Il connaissait ce paysage par cœur, songea le Garde impérial, il avait pu assister à l’évolution architecturale de l’endroit… Kutchann avait vécu l’Histoire. Kutchann avait fait l’Histoire. Tierce l’admirait. Tierce revint au paysage.

Tout, ici, était immense et surdimensionné. Le Palais, bien sûr. Mais aussi les surfaces d’habitation alentours. Chaque gratte-ciel s’était donné pour fantasme de battre des records d’altitude. Rares étaient ceux, parmi l’administration supérieure du… « Centre impérial », à avoir pu toucher le sol de cette énormité qualifiée de planète.

Le colossal édifice était vraiment très proche, à présent. Tierce en était malade, comme à chaque fois. Ce n’était pas simplement une question de goût, mais d’appréciation sécuritaire. Parce qu’énorme, le Palais était vulnérable à des incursions mineures qui pouvaient apporter quelque surprise désagréable. Parce que vaste, il favorisait les luttes intestines entre dirigeants impériaux et se faisait le complice involontaire des projets de coups d’Etat. Le Palais symbolisait l’Empire : un monolithe titanesque rongé de l’intérieur, lentement, mais sûrement. Endor avait sans doute accéléré le processus de pourrissement.

C’était à présent officiel – du moins au sein des forces militaires, et, force de la rumeur, chez les peuples de la galaxie. Le capitaine du Cunaxa avait ainsi annoncé à l’équipage et aux passagers, quelques heures avant leur arrivée, qu’une Etoile noire avait été détruite par les Rebelles à Endor. Il avait lu, d’une voix brisée, le message transmis par le Grand Conseil de l’Empire, à savoir que le divin Maître était mort à la tête de ses troupes, de même que le Seigneur Vador à bord de l’Executor. Tierce n’oublierait jamais la réaction de l’équipage : tous étaient demeurés muets, paralysés, durant l’allocution du capitaine, comme assommés. Aucun mot n’avait été échangé depuis, hormis les habituelles consignes destinées à assurer la bonne marche du vaisseau. Personne ne réalisait, personne n’admettait. Tierce lui-même refusait d’y croire.

C’était trop soudain, trop incroyable, trop invraisemblable. Il y a quelques jours encore, l’Empire dominait les mondes connus. A présent, tout était remis en question… Non, il résistait à cette idée.

Son retour à Coruscant fut un retour à la réalité.

De la navette, Tierce eut un aperçu de l’impact qu’avait eu l’annonce de la mort de l’Empereur sur la population. De nombreux immeubles étaient bondés de monde criant leur joie et brandissant des étendards de la Rébellion. Les milliers de terrasses reliant chaque gratte-ciel étaient parsemées de civils qui étripaient les quelques malheureux soldats impériaux tombés entre leurs mains. Ce n’était plus le peuple loyal et apathique de la Cité impériale qui s’exprimait là, c’était la populace dans ce qu’elle avait de plus bestial. Des années de tyrannie avaient abouti à ces explosions de joie sadique – cette libération des consciences. Tierce crut un moment entendre un vaste murmure. Non… pas eux… Les cris de cette foule vengeresse, atténués par l’isolation de leur vaisseau… Pas eux…

Au loin, certains quartiers étaient la proie des flammes. De la fumée se dégageait de nombreuses tours d’habitation ainsi que de diverses bases militaires et policières éloignées. Détail curieux : les artères étaient toujours remplies de véhicules terrestres et d’airspeeders. Comme si, en ces heures révolutionnaires, l’activité de Coruscant ne pouvait se ralentir, ne serait-ce qu’un instant.

- Regardez-moi cela, maugréa l’un des pilotes. Ils s’en prennent aux statues de l’Empereur, maintenant…

Tierce se tourna vers bâbord. Tierce se figea. Tierce assista à la tragédie. Une immense statue de Palpatine fut criblée d’éclairs. La statue laissa échapper de la fumée, beaucoup de fumée. La statue venait d’être dynamitée. La statue pencha vers l’avant. La statue s’effondra sur ses bases. Palpatine s’écrasa la gueule sur la grand place au milieu des masses en extase. Tierce avait envie de vomir.

Des explosions illuminèrent le ciel embrasé par les dernières lueurs du crépuscule. Non, Tierce ne rêvait pas. Ce n’était pas une bataille aérienne, mais simplement, bêtement, des feux d’artifice…

Une fête en hommage à la mort… Une fête en hommage au désastre…

- De toute évidence, fit remarquer paisiblement le général Kutchann sans prêter la moindre attention au spectacle, les nouvelles sont allées vite.

Oui, très vite…

La navette se posa enfin sur la base du spatioport qui lui avait été réservée. L’endroit était constellé de militaires. En sortant, Tierce remarqua que les autres aires d’atterrissage étaient également saturées de vaisseaux dans lesquels embarquaient des soldats sans doute destinés à écraser les révolutionnaires d’en bas.

Et il n’y avait pas que des soldats…

Des fonctionnaires, des officiers, tous lourdement chargés, se massaient dans d’autres vaisseaux de transport. Des caisses entières de matériel et d’œuvres d’art, d’archives et de crédits, étaient parfois laissées à l’abandon. Des militaires couraient dans tous les sens, s’époumonaient à hurler des instructions malgré ou à cause du tapage, tandis que des droïds essayaient de rendre service, au milieu de la fumée et des jets de vapeur des navettes en instance de décollage.

Un va-et-vient constant de vaisseaux recouvrait le ciel autour du palais et des autres secteurs névralgiques de la Capitale – le son des turboréacteurs était presque recouvert par le brouhaha de la foule qui manifestait ici-bas pour donner l’ultime coup de pouce qui renverserait l’Empire… Un bruit énorme, à la fois aigu et lugubre. L’Univers s’exprimait par leurs voix.

Ils évacuent, songea Tierce sans perdre des yeux ce flot de navettes, éprouvant tout à coup quelque difficulté à respirer. Wetzel, qui se trouvait à ses côtés, le remarqua. Le Garde impérial s’efforça de n’en rien montrer.

Un individu en tenue de haut-fonctionnaire impérial vint les accueillir, se dirigeant vers eux à pas rapides. Son visage portait les stigmates de la débâcle. Des poches sombres s’étaient formées autour de ses yeux – de véritables canyons. Son haleine puait l’alcool.

- Je suis l’agent Ritsevni, mandaté par le Directeur Isard, se présenta-t-il, presque haletant. Le Directeur tenait à prendre de vos nouvelles.
- Le Directeur est trop aimable, répondit calmement Kutchann. Dites à cette chère Ysanne que la mission a été parfaitement accomplie.

L’agent Ritsevni tressaillit. Kutchann avait toujours l’habitude d’appeler Isard par son prénom, preuve qu’il se moquait éperdument de la hiérarchie qu’elle s’efforçait d’imposer. D’ailleurs, Tierce n’était pas certain qu’Isard sût exactement en quoi avait consisté ladite mission…

- Nous allons regagner nos quartiers en attendant de commettre notre rapport, ajouta le général impérial. Colonel Wetzel, je peux compter sur vous ? Je le savais. Garde… ?

Tierce se tourna vers Kutchann, qui lui avait fait l’aumône d’un regard, signe d’une immense marque de respect – il s’en était abstenu à l’égard de Wetzel. Le vacarme des navettes n’en finissait pas.

- Je suppose que vous avez envie de faire un tour à Endor ? reprit le général, sur un ton lourd de sous-entendus. Histoire de vous assurer de la véracité de ce qui pourrait ressembler à une rumeur, toute crédible qu’elle soit ?

Les réacteurs hurlaient. La foule hurlait. Les officiers hurlaient. Tierce dévisagea Kutchann, cassé. Il se demandait parfois si le général n’était pas doté de dons télépathiques. Car c’était en l’occurrence ce à quoi il pensait, exactement. Pour une raison qu’il ignorait ou feignait d’ignorer, il devait se rendre à Endor. Cette vie n’était pas possible autrement.

- Vous ne rencontrerez aucune difficulté pour le plan de vol, renifla l’envoyé d’Isard, fébrile. Je… Je crois que la frégate d’observation Peleos doit se rendre sur les lieux, justement. Elle est sur le point de quitter Coruscant mais…

Tierce ne l’écoutait plus – il était déjà retourné à la navette, donnait ses ordres aux pilotes. Le vaisseau décolla majestueusement – ce dont pourquoi il avait été en partie conçu, il fallait l’avouer –, s’envolant vers les cieux ombragés de Coruscant que guirlandaient d’autres feux d’artifices et quantité d’aéronefs de tous tonnages fuyant la planète.

- Maudites soient ces larves ingrates, pesta Ritsevni. L’Empereur a tant fait pour eux. Et voilà…
- … comment ils nous remercient, acheva Kutchann en souriant. Il est parfois plaisant que le peuple se laisse aller à de tels débordements. Ces réactions nous aideront à distinguer le krystal de la contrefaçon.

Le fonctionnaire impérial eut une moue de surprise. Puis hocha la tête d’un air qui ne voulait rien dire.

- Je vais vous mener à vos quartiers, Excellences, ajouta-t-il.
- Le Palais a-t-il été attaqué ? demanda Wetzel.
- Non, mon colonel. Mais une bonne partie de la planète ne répond plus au pouvoir central. Nous avons perdu le contact avec de nombreux districts continentaux ainsi qu’un nombre plutôt inquiétant de bases militaires. Et je ne vous décris là que la situation sur Coruscant. J’ignore comment vont les choses sur les autres systèmes.

L’on sentait, au fur et à mesure qu’il parlait, de l’irritation croissante dans sa voix. La peur stimulait sa colère. Le désarroi nourrissait sa haine.

- En un sens, il fallait s’y attendre, observa Kutchann, sur un ton plus sombre qu’à l’accoutumée, au point qu’il surprit même Wetzel.
- Je ne sais pas, répondit Ritsevni. Tout est arrivé si vite…

Si vite, en effet. Trop vite. Aucun des trois Impériaux ne l’avoua, mais tous durent le ressentir: les Rebelles bénéficiaient là d’une occasion magnifique. La question était de savoir s’ils allaient la saisir. Le reste n’était que ramifications problématiques.

Alentours, le murmure des citoyens en révolte ne faiblissait pas.

La navette de Tierce n’était plus qu’un point lumineux dans l’atmosphère.






* * *







Prisonnière.

Mara Jade était prisonnière. Et tout s’écroulait autour d’elle. Même enfermée dans cette sombre geôle, quelque part au fin fond du trou du cul de la Capitale impériale, elle le sentait, elle pouvait ressentir les lézardes de l’édifice, l’agonie du système, l’effondrement de l’Empire.

Mara Jade avait été la Main de l’Empereur – celle par qui le leader de cette galaxie pourrie transmettait Ses volontés, celle à qui Il confiait Ses missions les plus difficiles, Ses tâches les plus ardues, Ses secrets les mieux enfouis. La Main de l’Empereur, Son agent personnel, Sa disciple, Son élève, Sa chose.

Et maintenant, elle n’était plus rien.

Cette garce d’Ysanne Isard l’avait fait arrêter – pour trahison – et l’avait parquée dans ce taudis pour moins-que-rien – elle, la Main de l’Empereur ! Sate Pestage, le Grand Chancelier de l’Empire, le fidèle d’entre les fidèles de Palpatine, l’avait laissée tomber – Mara Jade le savait, l’avait toujours su. Trahie et arrêtée, emprisonnée pour trahison, elle ! Sa vie d’agent impérial était foutue. Le titre de Main de l’Empereur, c’était de l’histoire ancienne.

Elle n’était plus rien.

Car son Maître était mort – Mara Jade l’avait vu mourir. Elle l’avait vu mourir ! Elle revenait d’une mission à exécuter pour le compte de l’Empereur, une « affaire urgente », comme on disait, concernant un type nommé Dequc, lequel voulait devenir super-Parrain à la place de feu Xizor en instaurant sa propre organisation, la Nébuleuse Noire. Dequc avait été retrouvé. Dequc avait été supprimé. Du moins c’était ce qu’elle croyait. Car, de retour sur Corus’, elle avait fini par découvrir que le type en question n’était pas Dequc – un imposteur, donc, bravo la déduction. Mais elle n’avait pu enquêter plus avant.

Parce que son Maître lui était apparue. Et elle L’avait vu mourir. Elle avait vu Vador et Skywalker, l’ex-humain bronchiteux et le garçon de ferme, se retourner contre Lui, L’abattre de toute la puissance de leurs sabrolasers, Le détruire. Choc atroce, horreur indicible, tuerie ignoble, crime sans pareil.

L’Empereur avait voulu qu’elle voie. Il avait voulu lui montrer l’ampleur de la trahison dont Il avait été la victime. Il l’avait secrètement conviée au spectacle. Mara Jade ne l’avait pas supporté. Mara Jade n’avait pas résisté. Mara Jade s’était évanouie.

VOUS DEVEZ TUER LUKE SKYWALKER !

Elle s’était réveillée avec cette pensée en tête – cette obsession, en réalité.

VOUS DEVEZ TUER LUKE SKYWALKER !

Le dernier ordre de l’Empereur. Sa dernière volonté, au-delà de la mort. Mara Jade devait venger l’Empereur, laver Son honneur dans le sang de ce misérable bouseux qu’elle aurait pu supprimer à Tatooine si Jabba n’avait pas refusé de la faire embarquer sur sa barge en partance pour le Gouffre de Carkoon… Si Jabba… Si…

Tout aurait pu être différent – si seulement elle avait su se montrer davantage persuasive, si seulement les Hutts étaient sensibles à la Force, si seulement elle avait pu trouver quelque chose, n’importe quoi… Si…

Des larmes coururent sur les joues de Mara Jade. Des larmes, non de tristesse, mais de rage, une rage folle, énorme, indescriptible. Rage contre la mort de son Maître, rage contre ces échecs qu’elle avait enchaînés – d’abord Tatooine, ensuite Dequc. Rage contre elle-même. Tout était question de volonté, lui avait dit l’Empereur : cet enseignement la hantait, à présent. Etait-ce bien à cause de l’esprit obtus de Jabba qu’elle n’avait pas accompli sa mission sur Tatooine ? Ou y avait-il autre chose ? Avait-elle échoué parce qu’il n’y avait pas d’autre solution que se plier à l’avis du Hutt, ou bien parce qu’au fond…

… elle n’avait pas souhaité exaucer la volonté de l’Empereur ?

Mara Jade n’en pouvait plus. D’un bond, elle se leva, fit les cents pas, sa longue crinière rousse flamboyant dans l’obscurité. Cette question lui ravageait l’esprit. Et à chaque fois, la réponse venait, toujours la même.

VOUS DEVEZ TUER LUKE SKYWALKER !

Le tuerait-elle ? Il fallait d’abord sortir de là. Après, on verrait. L’Empereur était mort, sa vie à elle était foutue. Tout était foutu. Il n’y avait plus qu’à tout recommencer. Reconstruire quelque chose, reconquérir ce pouvoir, cette considération qu’elle avait perdus. L’Empire mourait : était-il vraiment judicieux de chercher fortune et gloire de ce côté ? Non, elle irait voir ailleurs. Skywalker, dans ces calculs, ne tenait guère de place importante, si ce n’était ce cri lancinant… permanent…

VOUS DEVEZ TUER LUKE SKYWALKER !

Mara Jade interrompit sa marche, hocha la tête, pensive. Oui, elle parviendrait à s’évader – un jeu d’enfant. Elle referait sa vie, accomplirait quelques vengeances à titre accessoire. Contre Isard, et Pestage. Elle se débarrasserait de ce fumier de Dequc – pour le principe, histoire de parfaire le travail. Puis elle tuerait Luke Skywalker.

Et tout rentrerait dans l’ordre.






* * *






Libre.

Le Maître du monde était libre. Enfin.

Il y avait eu un grand trouble dans la Force. Comme si une puissance incommensurable avait culminé en un point de la galaxie, pour disparaître presque aussi brutalement. Un choc que l’on ne pouvait évaluer, quantifier – un désastre, ou une illumination.

Et depuis, le Maître du monde était libre. Le pouvoir de Maître Sidious s’était dispersé – et avait quitté son esprit. A présent, le Maître du monde était maître de ses propres pensées, de ses propres émotions, de ses propres pulsions. Il avait repris le contrôle de son âme. Comme tout Maître Jedi qui se respectait.

Les yeux du Maître du monde s’ouvrirent brusquement. Devant, derrière, autour de lui, l’obscurité – sauf une pâle lueur se profilant au-delà de ce qui pouvait ressembler à un couloir. Le Maître du monde se leva, avec une lenteur digne propre à son rang, et se dirigea vers elle.

La lueur grandit petit à petit au fur et à mesure de son approche. Elle grandit jusqu’à lui éclater au visage.

La lumière du jour. Elle l’irradiait, l’inondait de sa propre puissance. Certes, ce n’était rien en comparaison de la Force – la Force était tout ce qui faisait l’Univers. Mais le Maître du monde devait reprendre le contrôle de cet Univers.

Le regard du Maître conquit le paysage qui se profilait devant lui. Le ciel était d’un bleu limpide. Devant, en bas, sur la grand-place de cette cité nichée au pied de la montagne, le peuple s’était regroupé, s’était prosterné pour lui rendre grâce, pour le vénérer, lui, le Maître du Monde. Des humains, des Psadan, des Myneyrsh, des êtres à la morphologie si différente, aux cultures si divergentes, tous unis, pourtant, par sa propre volonté, tous rassemblés parce qu’il le leur avait ordonné.

A la vue de ce spectacle, le Maître du monde sourit.

Cela faisait des années qu’il se trouvait ici, à garder la montagne de l’Empereur – et ce qu’elle contenait. Il n’avait pas été en mesure de désobéir à Sidious – sa maîtrise du Côté obscur était telle que rien ne pouvait lui être refusé. Du moins le croyait-il jusqu’à ces jours derniers, jusqu’à cette seconde où retentit cet épouvantable hurlement qui lui hantait encore l’esprit, cette véritable explosion de Force qu’il avait ressentie. Et à cette seconde, il avait compris que plus jamais Sidious, ni même Vador, ne reviendraient.

Vador. C’était lui que Sidious avait conservé à ses côtés, laissant le Maître du monde ici, à garder la montagne et ses… trésors – telle était l’expression de l’Empereur. Vador s’était acquitté d’une tâche odieuse – mais ô combien plus stimulante : l’éradication de l’Ordre jedi. Le Maître du monde en avait eu des échos, avait pu avoir accès à certaines informations. Le Temple Jedi de Coruscant, anéanti. Les Maîtres et Chevaliers Jedi, exterminés. Les enfants Jedi, massacrés. Anéantis, exterminés, massacrés par Vador et par les assassins envoyés par cet homme qui agissait dans son ombre, ce général… Comment s’appelait-il, déjà ? Non, c’était sans importance. L’important, c’était ce qu’ils avaient fait, il y a… si longtemps, déjà… Si longtemps…

Le Maître du monde avait mis cette… réclusion… non, mission… à profit pour réfléchir sur lui-même, sur la Force, sur la véritable nature de cette dernière. Et il avait fini par comprendre ce qu’était le vrai pouvoir. Sidious s’était laissé emporter par ses délires mégalomanes, il n’avait jamais compris, n’avait jamais rien compris, n’avait jamais été l’Empereur qu’il prétendait être. Personne n’avait compris – ce jeune Adepte qu’était Vador moins que les autres.

La définition du pouvoir, le Maître du monde l’avait découverte grâce à ces gens qui lui rendaient hommage ici, devant lui, communiant en silence et en parfaite harmonie avec son esprit. Ces gens étaient ses gens. Ils n’appartenaient à personne d’autre que lui. Là était le pouvoir, tel était le pouvoir. C’était si simple, si évident, que cette simplicité, cette évidence avaient aveuglé Sidious – et Sidious avait payé le prix de cette formidable erreur.

Le Maître du monde méritait donc son titre de Maître du monde. Il le méritait d’autant qu’il était… libre… à présent.

Libre… Libre, vraiment ? Non, pas tout à fait…

… pas encore…

La disparition de Sidious avait coïncidé avec l’apparition d’un autre… d’autre… chose. Il ne savait pas quoi, au juste. Mais il sentait une…

… présence…

Il l’avait détectée. Mais elle était encore si vague et si… puissante à la fois… Il fallait rester sur ses gardes. Attendre que ce nouvel ennemi commette l’erreur de sortir de l’ombre. Et alors, il le terrasserait.

Et tout irait pour le mieux, dans l’ordre naturel des choses. Un Jedi devait être patient – et la patience était toujours récompensée. Le Maître du monde le savait pour l’avoir mis en pratique. Ici, sur cette planète nommée Wayland.






* * *






Fichu.

Lando Calrissian était fichu.

Son Aile X avait pris trop de laser, trop de missiles, les astéroïdes étaient bien trop nombreux, et l’adversaire était bien trop rapide… Un Intercepteur TIE dernière génération, aux mains d’un type pas trop idiot, ne pouvait faire que des ravages. Comme à l’heure présente.

Lando se cabra. Lando enfonça le manche vers l’avant. Lando tenta d’éviter une météorite… La météorite était sur lui. La météorite était trop proche. La météorite allait le percuter. Les voyants clignotaient de partout. L’ordinateur gueulait. Lando redressa. Lando jura. L’Aile X s’éclata sur la météorite.

Les lumières s’éteignirent et le cockpit du simulateur s’ouvrit en émettant un mugissement vieillot. Lando se leva, ôta son casque. Un homme mince aux cheveux bruns et en uniforme de lieutenant s’était extrait d’un autre simulateur au même moment.

- Bien joué, sourit Lando avec difficulté.
- J’ai eu de la chance, fit le type. Et vous êtes parvenu à abattre tous mes acolytes…

Le lieutenant se tourna vers quelques pilotes qui s’étaient réunis non loin et avaient assisté au dernier duel par holo-écrans interposés. Les gars n’avaient pas l’air très fiers… Beaucoup de p’tits jeunes, parmi eux. S’agissait de combler les vides laissés par l’holocauste d’Endor – et la fête qui avait suivi, chez les Ewoks, n’avait pas totalement dissipé l’amertume résultant d’une victoire qui se trouvait également être un carnage, autant l’avouer, hein. Eh… Oh.

Bon, d’accord, on s’était bien amusé sur Endor, après la victoire – les Ewoks possédaient indubitablement le sens de la fête. On avait dansé, on s’était raconté ses exploits, on s’était saoûlé, les mâles draguaient les femelles, les femelles draguaient les mâles. En bref, on s’était lâché.

- Je n’ai jamais piloté d’Aile X, reconnut Lando. Et un Intercepteur TIE qui nous colle aux fesses, ce n’est jamais bien agréable.

L’homme éclata de rire.

- Imaginez si c’était moi qui vous avait poursuivi lors de votre exploration de l’Etoile noire !

Lando rit à son tour – même s’il n’osait imaginer ce qui aurait pu se passer, dans cette hypothèse… Il s’en était vraiment fallu d’un cheveu. Leurs escorteurs avaient été abattus – sauf Wedge. Lando avait réussi à détruire le générateur central de la station spatiale de l’Empereur – avec Wedge. Lando – et Wedge – avaient vaincu l’Empire à eux tout seuls. Et ils avaient été décorés en conséquence, même si l’info sur le rôle respectif de chacun demeurait confidentielle. Quant à Wedge, à cette heure, il était déjà reparti au casse-pipes, à Bakura, une planète inconnue d’un système inconnu aux confins des Régions inconnues. Les autres, Yan, Leia, Luke et les droïds s’y trouvaient également, en vue de repousser de bizarroïdes envahisseurs extragalactiques.

Lando n’en était pas. Lando était coincé ici, sur ce croiseur calamari, à battre des records au simulateur, draguer, jouer aux cartes, draguer, subir des debriefings, jouer aux cartes, draguer, endurer des briefings, draguer, resubir des debriefings, jouer aux cartes, signer des autographes, draguer… La qualité de héros – et son charme légendaire – parvenaient à faire succomber tous les éléments féminins de l’équipage. Mais Lando perdait son temps. Lando s’emmerdait profondément. Lando en avait marre. Lando, surtout, attendait de pouvoir retourner sur Bespin.

La situation s’y était totalement détériorée depuis son départ… précipité. Les habitants – et les clients – n’en pouvaient plus. L’endroit était tombé aux mains d’un sadique doublé d’un incompétent, un certain capitaine Treece, bien connu du Bureau des Crimes de Guerre de l’Alliance pour ses tendances esclavagistes. Evidemment, Endor avait tout précipité : la Cité des Nuages s’était révoltée, le chaos et la confusion régnaient, Treece s’amusait à organiser des décimations par pendaisons pour rétablir l’ordre – sans succès, d’ailleurs… Non, il fallait qu’il y retourne. Et il devait recevoir certain soutien matériel de l’Alliance. Mais l’Alliance traînait. L’Alliance était débordée. L’Alliance humait le parfum de la victoire. L’Alliance commençait à saisir les fruits de la victoire. L’Alliance intégrait des dizaines de mondes en son sein à chaque heure qui s’écoulait, pour cause de triomphe à Endor. L’Alliance n’avait pas que ça à faire d’un coin comme Bespin.

- Euh… Général Calrissian ?

Lando revint au lieutenant.

- Oui ?
- C’est à dire que… vous fixez le vide sans rien dire depuis deux ou trois minutes… Vous nous faites une explication de contexte pour l’éventuel lecteur, un flash-back, ou quoi ?
- Ca doit être ça, sourit Lando. J’attends toujours le feu vert pour un coup de main, vous voyez… Ca finit par rendre irritable, nerveux.

L’homme afficha une moue compatissante.

- Nous avons tous hâte que nos peuples connaissent enfin la liberté. Mais il nous faudra encore un peu de patience, je le crains.
- Bonne réflexion, lieutenant…
- … Virgilio, mon général. Sarin Virgilio, de Masterra.

Ils se serrèrent la main – belle amitié virile et respect mutuel des pilotes mâles.

- Bon, vous êtes parvenu à m’abattre. Je vous paie un verre ?
- Avec plaisir, mon général.
- Ne faites pas tant de protocole ! rit Lando en l’emmenant vers la cantine de bord. C’est un ordre ! Dites-moi, vous qui êtes passé à l’infirmerie dernièrement, vous savez si elle est libre, la petite brune de Corellia ?

On s’était fait la Flotte de Dark Vador. On avait fait sauter l’Etoile noire. Les planètes viraient leurs garnisons impériales pour rejoindre l’Alliance. L’Empire s’écroulait. On pouvait bien en profiter un peu quand même, non ?
<< Page précédente
Page suivante >>