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Chapitre 11. Trajet
 
La navette Lambda décolla de manière sublime, transportant à son bord une flopée d’officiers de l’Empire. Direction : Coruscant.

Parmi les passagers, Lando Calrissian. Stressé, pas rassuré, mais 100 % Calrissian.

Acritt avait eu l’idée grotesque de le déguiser en major impérial. Mais vu que les faux papiers et l’uniforme ne suffisaient pas, il avait osé y ajouter un masque facial extrêmement désagréable à porter… Vraiment chiant. Ca n’aurait tenu qu’à Lando, il y serait allé comme ça, visage découvert. Mince, il avait déjà pris des risques, non ? Ce n’était pas la première fois qu’il se mesurait à la police impériale… Oh que non…

A cette pensée, il comprima immédiatement le sursaut qu’avait fait son cœur. Je me comprends…

Puis une voix robotisée en provenance du cockpit déclama :

« Mesdames et messieurs. Nous vous souhaitons la bienvenue à bord du vol VXI-45678 à destination de Coruscant. Nous sommes sur le point d’amorcer notre entrée dans l’hyperespace. Veuillez donc regagner vos places et attacher votre ceinture si ce n’est pas déjà le cas. Nous vous souhaitons un agréable voyage. »

Assis à côté d’un hublot, Lando Calrissian consulta son chrono. Dans quelques heures, leur navette, qui venait de partir d’un monde de la Bordure extérieure, ravagé comme bien d’autres par la guerre civile, atterrirait sur la Cité impériale, ainsi qu’on essayait de l’appeler. Mais pour Lando, comme pour tout le monde, Coruscant n’avait jamais cessé d’être Coruscant. C’est à dire un monde artificiel, dévoré par l’industrie et le ferrobéton, et dont on pouvait mesurer les inégalités sociales à la hauteur des gratte-ciels. Pour beaucoup de gens, Coruscant représentait la promesse d’un avenir meilleur que les travaux harassants dans le four naturel qu’était Tatooine ou la vie de malfrat à Ord Mantell. Coruscant, c’était une légende ayant accouché d’un mythe : celui de la réussite ou d’une vie moins minable à portée de main. Pour les étudiants, c’était une garantie de succès d’un CV. Pour les chômeurs, la certitude – pas toujours fondée – de trouver un logement et un travail. Pour les miséreux, la chance de s’en sortir enfin…

Et pour les vauriens, la possibilité de se faire des couilles en or.

« Ils » avaient décidé de le faire atterrir dans la capitale même – ce qui était risqué, mais compréhensible, vu que les autres districts planétaires avaient été mis en quarantaine. Jadis, quand il était contrebandier et qu’il faisait les quatre-cent coups avec Yan, Lando avait eu l’occasion de se rendre plusieurs fois dans ce royaume de débauche et de dépravation. Des salopards, il en avait affrontés. Les coins, il les connaissait relativement bien, rien à redire là dessus. Encore que pour la mission présente, son agent traitant le déplacerait dans plusieurs planques avant de le faire passer à l’action pour récupérer le Document de Caamas.

Caamas, oui. Acritt avait raison : la publication d’un tel dossier risquait de causer beaucoup de torts à l’Alliance. La destruction de cette planète avait produit un effet de choc que, de toute évidence, ses commanditaires n’avaient guère prévu. Officiellement, il s’était agi d’une puissante offensive terroriste. Mais les rumeurs avaient toutes désigné Palpatine, qui venait de se proclamer Empereur. Et Palpatine n’avait pas démenti les rumeurs… Mieux : il les avait laissées courir. En somme, il avait signé ce crime de masse sans le revendiquer. Un peu à la manière de ces gars qui avaient eu des comptes à rendre à Jabba et que l’on avait retrouvés découpés en morceaux : Jabba n’avait officiellement rien à se reprocher (selon l’holoregistre du commerce, il ne faisait que diriger une coopérative forrestière…), mais tout le monde savait à quoi s’en tenir.

Tout à coup, Lando se demanda s’il n’allait pas tomber sur des types désireux de venger la mort de Jabba… Après tout, il y avait été impliqué, et de quelle manière !

Certains passagers se mirent à regarder par les hublots. Les étoiles se muèrent en traits blancs, et l’espace parut aspiré vers l’avant. Puis un choc nerveux secoua la navette, et elle…

… pénétra dans l’hyperespace.

- Je suis sûr que vous n’en êtes pas à votre premier voyage hyperspatial…

Un type en fringues d’officier assis à côté venait de s’adresser à lui. Mince, taille moyenne, âge moyen, pas l’air dangereux… Son visage disait quelque chose à Lando.

- A quoi le remarquez-vous ? s’étonna-t-il, tout de go.
- Votre stature, expliqua le type. Vous n’avez pas manifesté de curiosité devant le spectacle fourni par l’entrée dans l’hyperespace, vous n’avez pas davantage tremblé lorsque notre vaisseau s’est secoué.
- Bien deviné, sourit Lando. Je travaille dans l’aviation impériale.
- Ceci explique cela.
- Et vous, quelle est votre branche d’activité ?
- La propagande. Soutien aux armées…
- Pardonnez-moi, s’esclaffa Lando, mais vous n’avez pas forcément l’apparence d’un « soutien aux armées »…

L’autre éclata de rire.

- En effet, je ne suis pas Wynssa Starflare…

Malheureusement pour moi, songea Lando avec délectation.

- Non, je suis un acteur. Ou un imitateur, si vous voulez… expliqua le gars. Mon talent, c’est ça, jouer, et aussi faire rire les gens. Et je ne m’en sors pas si mal. Le problème, c’est la concurrence que nous font les droïds : On en développe de très forts, de nos jours. Nous autres, humains, sommes constamment dépassés par eux. De même que les holofilms sont tout de numérique faits, l’humour sera bientôt entièrement robotisé.
- Et c’est pour trouver de nouvelles opportunités que vous vous rendez à Coruscant ?
- Entre autres, oui, reconnut le gars. J’avais signé un contrat d’exclusivité avec la Propagande, jusqu’à ce bordel généré par Endor. J’ai eu beaucoup de succès. Certains me disent que je suis meilleur que les pointures que sont les Droïds de l’Info ou Raul Ratneerg…
- Il est vrai qu’il n’y en a pas deux comme lui pour nous imiter Palpatine…
- Vous croyez ?

Le type se figea, puis son front, ses paupières se plissèrent, ses traits, brusquement, s’étaient creusés. Ses épaules se voûtèrent et ses mains se frictionnèrent à la manière d’un malade. Puis une voix nasillarde sortie d’outre-tombe se fit entendre…

- Alors, Seigneur Vador, on a égaré son sabrolaser ? Hin-hin-hin…

Lando, bouche bée, faillit applaudir. Il remarqua que quelques sièges plus loin, des militaires semblaient avoir mal pris la chose…

- Mes félicitations, déclara Lando. Vous imitez mieux l’Empereur que Raul Ratneerg… Et je m’y connais.
- Merci, merci, répondit modestement le type, qui avait chassé l’apparence de l’Empereur. Je peux aussi vous faire Vador, si vous voulez (sa bouche se contracta de manière à reproduire le son d’un respirateur – le respirateur de Dark Vador). Ton-destin-est-lié-au-mien-shhhhh… fffffff…. Shhhhhh… Obi-wan-le-savait…
- Vraiment très fort.

A ce moment là, un souvenir se réveilla dans l’esprit de Lando. Son doigt se pointa vers le comédien.

- Je vous connais… Vous avez joué dans ces holo-films à la gloire de l’Empire… Les Guerres Stellaires…

Le visage du comédien s’illumina. Heureux de rencontrer un spectateur ? Un fan ? Vanité de la star…

- J’y interprétais le général Dodonna. Et c’est moi qui faisais la voix de Dark Vador.
- Je dois vous avouer que j’ai préféré la suite. Beaucoup plus dramatique.
- La Rébellion contre-attaque ? approuva l’acteur. C’est moi qui y faisais Lando Calrissian, l’administrateur de la Cité des Nuages.
- Sans rire ?

Le voisin hocha significativement la tête. Lando n’en fut que plus indisposé.

- Les rôles de traîtres sont les plus jouissifs à jouer, poursuivit l’acteur. J’ai adoré donner la réplique à Ari Zonphord, l’autre star qui jouait le rôle du général Solo. Surtout lorsque je lui déclare, alors que Vador est là : « Ils étaient là avant vous, je n’avais pas le choix, désolé ». Mythique. Sur le plateau, ils s’y croyaient…

Lando fit un violent effort pour ne pas déglutir. Ce souvenir lui était particulièrement pénible. Le choc qu’avait eu l’apparition de Vador sur son… ami et sur Leia l’avaient particulièrement marqué. Il avait beau se dire qu’il n’avait pas eu le choix, rien n’y faisait.

Car ce n’était évidemment pas pour Bespin ni son poste d’administrateur qu’il avait… trahi Yan. Bien sûr que non.

C’était pour elle…

- Difficile d’interpréter un individu à la peau noire, mais la pigmentation m’y a aidé. Et j’ai suffisamment bossé le personnage pour le rendre crédible. Parce qu’entre nous, ce type là, il me laisse perplexe.
- Ah ? fit Lando, qui avait l’impression de se solidifier à son fauteuil.
- Bien sûr. C’est le meilleur ami de Yan, un ancien contrebandier. Et il trahirait pour sauvegarder ses intérêts financiers ? Ca ne tient pas debout. J’ai donc inséré un zeste d’ambiguïté dans le personnage. Essayé de faire comprendre au spectateur qu’il y avait peut-être autre chose.
- Et quoi donc ?

L’autre haussa les épaules.

- Qu’en sais-je ? Un jeu tordu, du style : « je laisse capturer Yan mais je m’arrange pour le faire libérer »…

En effet…

- Ou bien Vador disposait-il d’un autre moyen de pression…

En effet…

- Tout cela reste malgré tout un très grand holo-film, déclara Lando pour changer de sujet.
- Oui, vraiment très bon, dit l’acteur. Pour renforcer le suspense, on a même fait couper la main de Vador par Luke Skywalker, à la fin. Je me souviens de la réaction des gens face à ça. Vador affronte Skywalker, lui reproche d’avoir exécuté son fils – magnifique trouvaille de notre scénariste, le Ministère de la Propagande a approuvé. Et l’autre jeune Jedi de lui répondre : « Non ! Je suis ton fils ! » avant de tenter de l’abattre en traître… Tétanisés, qu’ils étaient, les gens ! Le troisième opus en préparation devait s’intituler Le Retour du Sith, mais avec les événements d’Endor, je pense que ce sera annulé… En tout cas, le tournage s’y effectue, et je joue à nouveau Calrissian : on verra ce qui sera… Je me rends à Coruscant à cet effet – j’aimerais beaucoup que l’holo-film se fasse, histoire de connaître la gloire.
- Vous êtes déjà un bon acteur, estima sincèrement Lando.
- Vous me flattez. Si vous avez un jour une proposition d’embauche, n’hésitez pas… Je risque d’être sans travail, à l’heure actuelle, même si les Impériaux m’ont payé le billet pour Coruscant.
- Je n’y manquerai pas, monsieur…
- … Flim. Comédien et imitateur recommandé par toutes les garnisons de la Bordure extérieure.
- Flim… répéta Lando, comme se parlant à lui-même. C’est noté. Mais je n’ai aucun doute vous concernant : avec votre talent, vous irez très loin.
- C’est ce que tout le monde me dit. Mais le bout du tunnel, je ne le vois pas encore.

Lando mit poliment fin à la conversation, se cala profondément sur son siège, puis se détendit. Essaya d’oublier Bestpin. Rien à faire.

« Ils étaient là avant vous, je n’avais pas le choix, désolé »…

Le regard de Yan l’avait marqué à jamais. Ces yeux où il y avait lu quelque chose comme de la… stupéfaction, oui, c’était cela, de la surprise. Il ne s’y attendait pas. C’était ce qui lui avait fait vraiment mal, à Lando.

Oublie Bespin !

Il s’était bien rattrapé, tout de même. Il avait sauvé Leia, Luke et Chewie, sauvé le Faucon, puis avait affronté Xizor, les Impériaux, Jabba, avait failli être bouffé par le Sarlacc…

Mais Bespin allait malgré tout, d’une manière ou d’une autre, lui coller à la peau…

Oublie Bespin…

Lando ferma les yeux. Oublia Bespin. Repensa à la mission.

Le Document de Caamas.

Le Document de Caamas. D’après Acritt, il avait disparu des archives impériales, volé par les Bothans, repris par les Impériaux, et avait disparu de nouveau. Acritt flairait un énorme coup monté. Mais l’agent traitant de Lando avait réussi à localiser le précieux dossier. Et lui, Lando, mettrait à nouveau ses humbles talents au service de l’Alliance pour s’emparer du Document et le ramener à bon port. L’intervention d’un agent extérieur s’était révélée nécessaire afin d’éviter de trop impliquer les autres réseaux d’espions de l’Alliance, tous plus ou moins contrôlés ou connus des Bothans. En fait, dans cette histoire, il fallait à la fois se méfier de l’Empire et de ses alliés… Vraiment très joyeux.

Et le plus joyeux avait été l’identité de son contact. Ca, oui, il avait trouvé ça drôle, très drôle… Après tout, cet agent n’avait jamais été que l’amour de sa vie. Une relation explosive, étrange, mais… la plus forte relation qui eut jamais uni Lando à quelqu’un, si l’on faisait exception de Yan.

Bon, flash-back…


Une pétasse braillait une chanson. Des rats carnivores se glissèrent dans une fissure. Des types se bourraient la gueule. Bienvenue à la Tarverne de Mos’.

Tout avait pourtant bien commencé. Lando s’était emparé du bacta. Jabba-la-limace-baveuse en avait été satisfait. Lando n’était pas très fier de ce trafic. Lando devait à tout prix se faire du fric en attendant des jours meilleurs.

Tatooine était toujours aussi moche – rien à redire là dessus. Et la Taverne de Mos Eisley était à son image. En pire. Car les déserts de Tatooine ne puaient pas le sang séché et l’alcool avarié, eux. Et on parvenait à voir à plus de trois mètres, dans le désert, ce qui n’était pas le cas ici, avec cet éternel éclairage de merde.

Lando était accoudé au bar, entouré de types couleur locale. Il jeta un coup d’œil à la non-humaine bleue qui chantait une horreur bon marché façon Popstarwars. La chanson était aussi flippante que son physique. Trois yeux et une bouche suspendus par de longs filins de chair reliés à une espèce de boule gélatineuse qui devait servir de crâne, un tronc k’en imposait et reposant sur des pattes longues et frêles. Voilà quelle était la vedette du moment, à Mos Eisley, jusqu’au prochain tueur en série obsédé par maman et les tripatouillages de peau.

Lando sirotait son verre de bière carburatrice – ainsi nommée parce qu’issue des résidus du carburant des vaisseaux spatiaux. Il attendait l’arrivée de son contact, un gars de Jabba-la-limace-baveuse, pour lui livrer la marchandise avant de se tailler d’ici, accomplissant son rêve du moment. Quoique contrebandier, Lando ne détestait pas les fringues et les bagnoles, ne crachait pas sur une réconfortante vie bourgeoise que ses activités illicites visaient à financer à long terme. De ce point de vue, Tatooine était plutôt le genre antithèse de ses espoirs.

Et la p’tite conne chantait… Et la p’tite conne chantait… Et le public braillait… Et le public braillait… Nom d’un Jawa, que foutait le type ? D’ailleurs, pourquoi Jabba-la-limace-baveuse lui envoyait-il un demi-vainqueur comme Greedo, minable d’entre les minables, et chasseur de primes qui plus est ? Pourquoi pas un vrai contact, comme Bib Fortuna ?

Arrête la parano, fils. Mais comment pouvait-on faire ne serait-ce qu’un instant confiance à Jabba-la-limace-baveuse ?

- Salut, Calrissian.

Lando l’avait vu venir par le miroir qui trônait devant le bar. Lando ne se retourna pas. Lando vida son verre.

- Greedo, quelle bonne surprise…

A côté de Lando, un type à tronche défoncée aperçut Greedo dans le miroir. Le type vomit. Le type s’esquiva. Greedo prit la place du type. Greedo acheva le verre du type. Greedo dit :

- Jabba est très satisfait de toi. Tu as mené l’opération comme un professionnel.

Lando répliqua :

- Je suis un professionnel.

Greedo commenta :

- Le problème est que tu as laissé en vie l’équipage du vaisseau de la Corporation Zaltin…

Lando rétorqua :

- Nous n’avons pas les mêmes valeurs.

Greedo s’inquiéta :

- Ce n’est pas à moi que je pense, ni même à Jabba, mais à toi. Ces gars là pourront témoigner. Et tu seras poursuivi en conséquence.

Lando eut un haussement d’épaules.

- Bah, l’Empire a toujours laissé les contrebandiers en paix… Tant qu’on ne les gêne pas, eux…

Greedo eut un haussement d’épaules.

- Détrompe-toi. Le bacta est nécessaire à leur effort de guerre dans les Régions inconnues et ailleurs. Et puis ils ont installé un nouveau superflic à leur section anti-contrebande.

Lando sourit.

- Un nouveau superflic ? Encore ?

Généralement, les superflics ne refusaient jamais une petite obole…

- Oui. Une femme.

Le regard de Lando s’illumina.

- Intéressant…

Greedo sourit. Greedo rigola. Greedo produisit du rire.

- Ah, le charmeur nous rejoue le même air. Mais fais attention. Elle en a déjà fait tomber pas mal. Et tu es sur sa liste.

Lando remercia :

- Flatteur.

Greedo corrigea :

- Dangereux. Bon, revenons à nos affaires. Où est la marchandise ?

Lando tempêta :

- Doucement ! Chaque chose en son temps. Le fric, d’abord.

Greedo tempêta :

- Pas question. Echange manuel, OK ?

C’était là le problème de Greedo. Pitoyable négociateur, il était. A la fois trop et pas assez méfiant. Ca finirait par lui coûter cher, un jour, à ce pauvre cave, et…

… un son étrange attira l’attention de Lando…

… des Stormtroopers venaient d’entrer dans la Taverne, blasters au poing. A leur tête, en uniforme de major impérial…

… Lando en eut le souffle coupé. Les yeux écarquillés, Lando était comme statufié par la vision, cette vision de…

… la plus belle femme qu’il eut jamais vu de toute sa carrière de vaurien.

Généralement, face aux nanas, un mot revenait à les qualifier : baisables ou non-baisables. Lando ne la trouvait pas baisable. Lando ne la qualifiait pas de non-baisable. Lando était sur le cul.

Blonde, les cheveux bouclés, le visage fin, le corps svelte et musclé sans être body-buildé, la jeune femme promena son regard – ces si beaux yeux sombres – sur la Taverne et ses occupants. Cela ne dura que quelques secondes.

Greedo baragouina quelque chose, genre « C’est elle ». Lando n’écoutait plus Greedo.

Leurs regards se croisèrent. Regard de Lando, yeux sombres de Lando. Regard de la blonde, yeux sombres de la blonde. Le temps s’arrêta. Faisait ce qu’il voulait, le temps.

Greedo chuchota :

- Lando, faut qu’on se casse…

Fin de l’échange de regard. La blonde en uniforme de major impérial sembla donner un ordre. Deux Stormtroopers restèrent à l’entrée pendant qu’elle et deux autres se dirigeaient…

… vers lui, Lando.

Mécaniquement, Lando se leva. Lando se dirigea vers les toilettes. Lando aperçut deux gars à la tronche patibulaire, sans doute payés pour l’occasion. Aucune véritable possibilité de fuite, en fait. Ils étaient partout, merde !

La blonde se rapprochait. La bouche de la blonde s’ouvrit, proféra un mot – deux mots : « Lando Calrissian »…

Lando saisit son voisin par la gorge. Lando souleva le voisin. Lando jeta le voisin sur les trois occupants d’une table, non loin du bar. La table se brisa en plusieurs morceaux. Le voisin gémit. Les gars se levèrent. Les gars s’interposèrent entre Lando et les Impériaux. Un des gars au faciès Elephant Man gueula :

- Dis-donc, le négro, je crois que tu mérites une bonne correction…

Lando répondit simplement en lui abattant son poing sur la tronche. Le gars fut projeté sur une autre table. Un autre gars agrippa Greedo. Greedo lui asséna un coup de boule. Lando frappa le troisième gars. Lando explosa deux dents de sabre du gars – sans doute un vieillard.

En quelques secondes, la Taverne avait été transformé en champ de bataille. Tables, chaises, bouteilles, verres, couverts, corps, tout volait dans les airs. Chacun s’étripait, se tabassait, s’édentait, se massacrait. Bruit, sang, fureur de vivre et regret de mourir. La chanteuse Popstarwars se cassa en hurlant. Les Impériaux tirèrent quelques coups de blasters en l’air, sans succès. Lando et Greedo sautèrent de l’autre côté du bar. Lando et Greedo foncèrent vers les… hem… cuisines… La blonde agit de même. La blonde venait d’éclater la tronche d’un Rodien qui voulait se la faire.

Lando et Greedo coururent à travers les cuisines. Une suite de galeries de couloirs puant la bouffe périmée. Le sol et les murs étaient couverts de saletés suspectes qui pouvaient vous refiler une bonne centaine de maladies inconnues. Greedo cria :

- Cette salope ne nous lâche pas !

Lando devait avouer que l’Greedo courait vite – très vite… Cours, Greedo, cours !

Et oui, la blonde était à leurs trousses. Punaise, d’autres Impériaux s’amenaient de tous les côtés ! Lando et Greedo s’engouffrèrent dans un autre couloir. Le couloir menait à un escalier. L’escalier était mal en point. Lando et Greedo le grimpèrent. Lando et Greedo couraient à vitesse luminique. Lando et Greedo se retrouvèrent dehors. Les soleils de Tatooine aveuglèrent leurs yeux.

Le toit de la Taverne.

Lando cria :

- On fonce !

Ils démarrèrent au quart de tour. Ils coururent vers le toit d’habitation le plus proche. Ils sautèrent par dessus une petite ruelle – deux mètres de large. Ils atterrirent sur le toit. Ils coururent de plus belle. Ils couraient tout droit…

La blonde bondit de l’escalier. La blonde les chercha des yeux. La blonde les trouva. La blonde partit à leur poursuite. La blonde courut. La blonde sauta par dessus la ruelle. La blonde leur tirait dessus.

Les maisons de Mos Eisley étaient vraiment très proches l’une de l’autre, il n’y avait qu’à bondir de toits en toits et ils pourraient – peut-être – la distancer. Mais la blonde courait vite.

Nouveau saut, Lando manqua de peu de s’écraser en bas. Greedo ne l’attendait pas. Greedo se trouvait déjà à l’autre bout du toit. Lando accéléra. Des laser rouges le frôlèrent. Lando parvint à sauter sur l’autre toit. La blonde était presque sur ses talons. Les poumons de Lando saturaient – mais Lando avait encore de l’énergie à revendre. Encore un bond… Lando quitta le sol. Lando flotta dans le vide. Lando se retrouva de l’autre côté.

Mais la blonde le traquait. La blonde courait vite. La blonde se tapait des toits plats ou arrondis. La blonde allait le choper.

Lando fonça vers le toit suivant, mais Greedo s’était… oui, Greedo s’était arrêté. Cette fois, la rue à enjamber était très large. La blonde était derrière eux. Greedo, le visage bleu en sueur, recula de quelques pas. Prit son élan. Détala à la vitesse d’un bolide. Bondit. Se vianda sur le toit de la baraque d’en face. Poussa un gémissement de douleur.

C’était donc possible. Lando regarda en arrière. La blonde était déjà sur son toit. Lando prit son élan. Lando avait le visage en sueur. Lando courut. Lando ne sentit plus son corps. Lando était comme les héros de l’holofilm Les Speeders de Feu, qui décrivait l’affrontement de deux sportifs de haut niveau aux Jeux Galactiques. Lando était un sportif de haut niveau. Les pieds de Lando fouettèrent le sol. Les jambes de Lando se plièrent. Les jambes de Lando se tordirent. Les jambes de Lando prirent appui sur le toit. Le corps de Lando s’éleva. Les bras de Lando s’agitèrent. Le corps de Lando volait. La tête de Lando se vida…

… Trop court…

Les pieds de Lando ratèrent le toit…

La main droite de Lando agrippa un tuyau qui dépassait. Une fulgurante douleur lui traversa la paume et les doigts. Sa main gauche saisit le tuyau… Il cria :

- A l’aide…

Lando n’avait pas voulu crier. Il serra les dents, suspendu dans le vide. La chute ne serait pas mortelle. Lando risquait d’y laisser quelques os… Merde, c’était trop bête…

La tête de Greedo lui apparut. Tendu par l’effort et la gravité terrestre, Lando grommela :

- Greedo, fais pas le con…

Des tirs laser trouèrent le mur, à quelques centimètres de Lando et Greedo. Greedo sortit son blaster. Greedo ouvrit le feu. Greedo obligea la blonde à se cacher derrière le parapet du toit d’où avait sauté Lando.

Greedo s’excusa :

- Désolé, Lando, mais je dois penser à moi…

Lando grogna :

- Je sais où se trouve le bacta ! Donne-moi ta main.
- Je…

Tirs laser, d’en face. Greedo se terra. Greedo se redressa. Greedo ouvrit le feu à nouveau. Lando cria :

- Jabba te refilera au Sarlacc si tu ne lui amènes pas le bacta ! Donne-moi ta main !

Une éternité s’écoula – comme d’hab’ en pareil moment. Puis la main de Greedo surgit dans le ciel bleu. La main de Greedo saisit celle de Lando. Le chasseur de primes fit une fois de plus feu sur la blonde, laquelle daigna s’abriter derrière le parapet, qui résistait bien, le con… Lando remonta… Woh merdeuh… La blonde avait pris son élan…

… La blonde bondit du toit… un saut extraordinaire… la blonde se retrouva de l’autre côté, en même temps que Lando. Lando et Greedo n’eurent pas le temps de réagir. La blonde les tenait en joue.

La blonde ordonna :

- Lâchez vos armes !

Greedo n’obtempéra pas. Greedo pointa son blaster sur la blonde. Que Lando, cette fois, pouvait voir de très près. De vraiment près…

La blonde était plus belle que jamais. Lando percevait sa respiration haletante, sa poitrine qui se soulevait à intervalles réguliers. Contempla son visage qui…

… Greedo allait tirer…

Lando balaya Greedo d’un coup de pied dans le genou. Greedo vacilla. Le blaster de Greedo s’éleva, le rayon partit vers le ciel… Greedo s’étala par terre de tout son long.

La blonde adressa à Lando un regard étrange… Lando eut le temps d’y lire mille et une choses.

- Mains en l’air, Calrissian.

Le ton était froid et dur – mais pas si froid, et pas si dur qu’elle aurait pu. Lando se redressa. Lando se leva. Lando tendait les mains vers le ciel. Sans les quitter des yeux, Lando et Greedo, la blonde énonça :

- Lando Calrissian, je vous arrête pour vol et trafic illégal de ressources militaires impériales, crime défini par l’article 10711-5 du Code pénal impérial.

Greedo pesta :

- Et… moi… ?

La blonde qualifia :

- Délit de fuite…

Greedo voulut se relever. La blonde lui ordonna :

- Restez à terre, à plat ventre !

Lando confessa :

- Vous êtes vraiment la plus belle femme que j’aie rencontré.

Consternation générale.

Greedo explosa de rire. Greedo était mal en point. Greedo put produire du rire. La blonde dévisagea Lando. La blonde était stupéfaite. La blonde n’en revenait pas.

Mais pour une fois, le regard de Lando ne reflétait pas l’habituel-sentiment-de-désir-sans-lendemain. Lando ne draguait pas. Lando se déclarait.

La blonde le ressentit.

Lando sut qu’elle le ressentait.

Un court instant – vraiment court, très court – un bref sourire se dessina sur le visage de la blonde. Mais ce fut tout. La blonde reprit son ton de flic :

- Trouvez-vous un meilleur avocat pour la plaidoirie !

Greedo s’était relevé, sous l’œil et sur nouvel ordre de la blonde. Greedo s’esclaffa :

- Putain, Lando, là tu me la coupes…

Lando sourit :

- Je ne savais pas qu’il t’en restait encore une…

Greedo se fâcha :

- Va te faire foutre, connard de métèque… A cause de toi, on est dans une belle merde…

Lando porta son regard vers leur dernier point de saut. Lando vit les Stormtroopers, au loin. Les Stormtroopers sautaient de toits en toits. Les Stormtroopers se rapprochaient. Les Stormtroopers allaient les cueillir. Une sirène de police retentit. La blonde prévint :

- Mes amis seront là bientôt. En attendant, je vous demande de patienter.

Lando fit de l’humour :

- A-t-on le choix ?

La blonde fit du direct :

- Non.

Greedo fit du chantage :

- Vous savez pourtant qui est Jabba le Hutt ?

La blonde fit de la voyance :

- Oui, ma prochaine cible.

A cette seconde, Lando le sut : c’était la femme de sa vie. Lando aimait beaucoup celles qui n’avaient pas froid aux yeux. Et la blonde l’excitait à mort. Enfin, non, ce n’était pas les termes qui convenaient.

La blonde lui plaisait beaucoup – mais c’était encore plus élaboré que ça. Non, il n’y avait pas à réfléchir, Lando était…

… merde, comment on disait, déjà ?

Quelque chose d’autre échappait à Lando :

- Quelque chose m’échappe. L’Empire n’est pas en mauvais termes avec les contrebandiers, non ? Même pour une question de bacta… Surtout quand elle est destinée à Jabba.

La blonde lui répondit :

- J’ai décidé de changer les règles du jeu, répondit l’Impériale.

Lando l’avertit :

- Prenez garde de ne pas vous attaquer à trop forte partie… Les Hutts, le Soleil noir…

La blonde le rassura :

- Ne vous en faites pas pour ça. Inquiétez-vous plutôt pour votre sort.

Lando lui répondit :

- Je ne crois pas.

A peine Lando eût-il proféré ces paroles énigmatiques qu’une ombre les recouvrit. L’ombre était énorme. L’ombre était accompagnée d’un nuage de poussière. L’ombre produisait un terrifiant hurlement de turboréacteurs.

Greedo hurla :

- Le ciel nous tombe sur la tronche !

Greedo se jeta au sol. La blonde se jeta au sol. Le Faucon Millenium se posa presque sur le toit. Le Faucon souleva des masses de poussière des sables. La rampe du Faucon s’abaissa. Greedo s’était relevé. Greedo était déjà dans le vaisseau. Lando, lui…

… Lando jeta un dernier regard à la blonde. La blonde s’était remise debout. Les yeux de Lando et de la blonde se croisèrent. Leurs yeux se jaugèrent. Leurs yeux se défièrent. Leurs yeux se figèrent. Deux yeux sombres contre deux yeux sombres. Deux yeux sombres face à deux yeux sombres.

Lando sourit. Lando tourna les talons. Lando courut se réfugier dans le Faucon. Lando savait que la blonde ne lui tirerait pas dans le dos.

La blonde ne lui tira pas dans le dos.

Le blaster de la blonde visait Lando. Le blaster de la blonde se baissa. La rampe du Faucon s’éleva. Lando était dans le vaisseau. Lando cria :

- On met les gaz !

Le droïd de pilotage qui avait conduit le Faucon jusqu’ici s’exécuta. Le Faucon décolla du toit. Le Faucon s’éleva vers les cieux. Le Faucon quitta la ville…

Greedo exulta :

- Fabuleux ! Fa-bu-leux ! Bravo pour le baratin amoureux que tu lui as servi ! Un moment, j’ai cru que tu étais sérieux… Petit cachottier, va ! Tu attendais le Faucon !

Lando marmonna un « Mouais » de rigueur. Lando se cala dans le siège du pilote. Lando était de sale humeur.

D’un côté, il s’en était sorti. De l’autre…

… de l’autre pourquoi avait-il si mal, à présent ? Tout son corps n’était que douleur, il avait même très mal…

L’intérieur du Faucon se dilua. L’intérieur du Faucon sembla fondre. Greedo prit une autre allure. Greedo pâlit…

Lando se…

… réveilla en sursaut, en sueur, haletant.

- Quelque chose ne va pas ? demanda Flim, sur un ton oscillant entre la curiosité et l’inquiétude.

Lando se souvint. Il était… dans cette navette Lambda. Il arrivait à Coruscant. La mission…

- Vous allez bien ? insista Flim.
- Ca va, merci… Juste un flash-back.
- Je connais ça, compatit Flim. Enfin, cela dit, la prochaine fois, évitez de parler dans votre sommeil… Perso, ça ne me dérange pas, mais mon voisin de droite, celui qui dort comme un malpropre, s’en lamentait, et ce n’était pas beau à voir. Il ne vous a pas réveillé car il est d’un grade inférieur au vôtre.

Les pupilles de Calrissian s’écarquillèrent.

- J’ai parlé… dans mon sommeil ?

Le dénommé Flim haussa les épaules.

- Oui, mais pas grand chose. Vous n’avez prononcé qu’un nom. Ou un prénom.
- Lequel ?

Le cœur de Lando s’était accéléré.

- Quelque chose comme « Nora »… répondit Flim.

Le sang de Lando se glaça.

- Une amie à vous ? hasarda le comédien.
- On peut dire ça, oui, murmura Lando.

Flim le regarda d’un air entendu et reprit la lecture des infos holographiques.

Lando n’en revenait pas. Déjà que ses rêves plagiaient plus ou moins avec talent les délires de James Ellroy… Si en plus il se mettait à parler dans son sommeil à cause… d’elle… Cette mission était bien mal barrée.

A cet instant, le pilote annonça qu’ils étaient en approche de Corus… du Centre impérial. Fou ce que les rêves bouffaient, en termes d’heures… Ca faisait au moins oublier cette saloperie de masque synthétique qui lui collait à la peau.
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