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Système de Foerost, terrain d'exercice de la Marine Impériale


C'était jour de grandes manœuvres dans le système de Foerost. Comme le veut le règlement de la Marine Impériale, chaque déploiement opérationnel d'un groupe de combat est précédé d'une série d'exercices à grande échelle, mettant en œuvre les capacités des unités concernées. Projection de troupes, patrouilles anti-contrebande, opérations d'assaut combinées sur une planète ou une station spatiale… Tout était passé en revue dans l'objectif d'affûter les compétences des hommes d'équipage, de les familiariser avec le matériel mis à leur disposition, bref de les aguerrir.
Le thème de l'exercice en cours était l'affrontement entre deux groupes de vaisseaux de ligne. Des éléments de la flotte 787, rentrant de patrouille sur l'artère commerciale entre Primus Goluud et Vulpter, jouaient le rôle des défenseurs, tandis qu'une partie du groupe de combat destiné à le remplacer tenait celui des attaquants. Le thème n'était pourtant pas entièrement celui – classique – d'un affrontement au corps à corps entre vaisseaux de premier rang. En effet, un groupe d'officiers de la Marine Impériale, majoritairement composé de jeunes capitaines, prétendait pouvoir défaire les unités les plus lourdes de la flotte par un emploi intelligent de frégates et de corvettes. Les plus anciens étant comme de juste incrédules, les représentants de cette "jeune école" avaient décidé d’étayer leurs théories dans le cadre de cet exercice. Ils alignaient donc un groupe de croiseurs légers Carrack assistés d'une paire de destroyers Venator contre deux vaisseaux du même type et un Imperator. Ils pouvaient aussi compter sur le soutien d'une paire de frégates CC2200, d'un Dreadnought reconverti en porte-chasseurs …et d’un plan audacieux.
A bord du cuirassé modifié, l'officier commandant le groupe d'attaque jeta un regard à l'hologramme tactique montrant l’ennemi se déployer en fer de lance, et donna ses propres ordres :
« En demi-cercle ! Les Venator au centre et les frégates à l'arrière. Que les chasseurs d'assaut attendent mon ordre pour décoller. »
Une fois en position, les vaisseaux s'avancèrent lentement vers les défenseurs. Quand la distance qui les séparait se trouva réduite à moins de deux kilomètres, les hostilités débutèrent et les pièces d'artillerie entrèrent en action. Comme on était dans le cadre d’un exercice, les armes ne tiraient pas réellement : les lasers étaient remplacés par d'inoffensifs rayons lumineux et les salves de missiles étaient simulées par ordinateur.
Le début de la bataille fut assez chaotique : les attaquants manœuvraient pour encercler les trois destroyers, en profitant de leur maniabilité supérieure, tout en tentant d'échapper au pilonnage méthodique des batteries ennemies. Les défenseurs avaient depuis longtemps fait décoller leurs chasseurs, qui tentaient de forcer le barrage adverse.
Sur la passerelle du cuirassé reconverti, le commandant résistait aux demandes de ses officiers et refusait le lancement de ses propres bombardiers, comme le préconisait le manuel.
« Ce n'est pas le bon moment », répétait-t-il.
Il ordonna toutefois à son vaisseau de se rapprocher de l'affrontement. Puis, voyant une ouverture dans la mêlée de chasseurs, il déclara :
« Lancement des bombardiers, maintenant ! Objectif : le destroyer Imperator, droit devant. »
Aussitôt, les pilotes, impatients d'en découdre, quittèrent les hangars du porte-chasseurs. Plus de quarante appareils de type Arc 170 modernisés et lourdement armés firent route à plein régime vers leur cible.
Dans le chasseur de tête, le commandant de l'escadrille était confiant : ils avaient maintes fois répété leur manœuvre en simulation et personne n'avait trouvé de parade plus efficace qu'un rideau de chasseurs. Or, ce même rideau tentait avec plus ou moins de succès de s'attaquer aux destroyers Venator du groupe d'assaut. Un coup d’œil lui montra ses copilotes et canonnier concentrés sur leurs tâches respectives et parés pour la suite des événements.
Les Arc 170 arrivèrent par la proue et foncèrent vers la passerelle en suivant au plus près la superstructure du destroyer.
Parfait, songea le commandant, nous volons trop bas pour la DCA et il n'y a aucun chasseur pour nous attaquer.
Puis, s'adressant à ses hommes :
« Attention, parés pour l'attaque à mon ordre… Maintenant ! »
Sans hésitation, ils se séparèrent en trois groupes, chacun visant un point précis de l'îlot. Deux secondes plus tard, ils avaient dépassé le destroyer et se dirigeaient vers ses escorteurs.
Virtuellement touché par trois salves de vingt missiles, l'îlot de l'Imperator fut considéré comme détruit. A bord de l'immense vaisseau de guerre, la surprise et la consternation avaient frappé l’équipage. Se reprenant, il activa la passerelle secondaire et décida de fuir l'affrontement grâce à un saut hyperspatial, ce qui mettrait fin à l'exercice.
C'était exactement ce qu'attendait le commandant de la force attaquante : voyant le destroyer commencer à reculer, il donna un ordre aux frégates CC2200 qui, jusque-là, étaient restées passives. A leur bord, des opérateurs s'activèrent sur des consoles spécifiques à ces vaisseaux. Cela eut pour effet de stopper la fuite de l'Imperator.
Son équipage croyait en effet être hors d'atteinte et s'apprêtait à quitter l'engagement. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il s'aperçut que l'hyperpropulsion refusait de s'activer ! Tous les systèmes étaient au vert, excepté l'ordinateur de navigation qui indiquait la présence d'une planète à proximité. Ils étaient pourtant dans une zone dite "libre" d'après leurs cartes. Perdant du temps à essayer de comprendre ce qui se passait, le capitaine de l'Imperator rappela trop tard ses escorteurs pour l'accompagner à un nouveau point de saut. La flotte attaquante – même réduite par les lourdes pièces d'artillerie du destroyer et des deux Venator – n'eut aucun mal à le rattraper et à l'achever.
Au soir de l'exercice, les vainqueurs fêtèrent leur succès. Et, à la table des officiers, le commandant félicita les équipages des chasseurs pour leur audacieuse manœuvre et loua cette technologie exotique dite du "puits de gravité", qui leur avait permis de porter l'estocade à leurs adversaires. En plus d'être fier d'avoir été l'un des premiers officiers à lui trouver une utilité militaire, il était certain qu'elle serait promise à un bel avenir malgré le faible nombre de vaisseaux équipés ainsi que leur relative fragilité.

***


Près du système de Boreus, secteur boreo-tyrénien


« Emerald Sparrow, ici l'amiral Waldemar. Vous êtes autorisés à décoller. Votre escorte vous attend au-dehors. Bonne chance, sergent.
– Merci, amiral. Emerald Sparrow terminé. »
Sans plus attendre, Sanaz augmenta la puissance des moteurs à répulsion et poussa le manche en avant, vers la baie de décollage. Lorsque le cargo eut traversé le champ de rétention d'atmosphère, elle enclencha progressivement les trois propulseurs subluminiques du vaisseau.
Les quatre chasseurs d'escorte rejoignirent alors le Sparrow et l'encadrèrent. Par la verrière en transparacier, elle remarqua que leurs volets stabilisateurs étaient déployés en position d'attaque. L'amiral n'a décidément rien laissé au hasard, songea-t-elle. Des grommellements de Derek la détournèrent de ses réflexions.
« Bon sang, quel plan ! Y a encore un millier de trucs qui pourraient tout faire rater lamentablement. Et dire que dans S.R., il y a le mot "Renseignements" ! Comme si on en avait, des renseignements fiables !
– Arrête un peu, tu veux ? Lui intima sa supérieure. Concentre-toi plutôt sur la navigation.
– A vos ordres, chef. »
Comprenant que Sanaz ne souffrirait plus de remarques désobligeantes à propos du plan – pour le moins audacieux – dont elle était à l’origine, il se reporta sur la tâche présente. A ses côtés, Sanaz héla Ashoka par l'intercom :
« Comment vont les moteurs ?
– Bien, ils sont comme neufs. D'ailleurs c'est le cas vu qu'ils ont à peine huit mois.
– Reçu. »
Coupant l'intercom, elle se concentra sur ses commandes. Du siège de copilote, Derek remarqua qu'elle serrait le manche plus fermement que d'habitude. Il tourna la tête pour s'assurer que Jia était toujours en train de travailler sur la tourelle située sur le dos de l'appareil.
« Nerveuse, chef ?
– Oui, un peu. Le trac, en fait. J'espère vraiment que ça va marcher, sinon je ne vois pas comment nous allons faire.
– Bah, mon instructeur disait toujours : "un problème à la fois, c'est déjà beaucoup".
– Exact. Et Derek… Merci.
– De rien, chef. »

Sur la passerelle du Retaliator, Reiner Waldemar contemplait stoïquement le cargo être guidé aux côtés des dizaines d'autres vaisseaux civils interceptés alors qu'ils tentaient de se rendre dans le secteur boreo-tyrénien. Ça y est, les premiers pions ont bougé. Les pièces plus importantes vont pouvoir commencer à sortir.

***


Station de surveillance Etjark, frontière du secteur boreo-tyrénien


Son quart durait déjà depuis quatre heures et il en avait encore deux à tirer. Fatigué, l'opérateur senseurs de première classe Woneng Athilim l'était sans aucun doute. Il avait l'habitude des périodes de veille longues et ennuyeuses, même si le blocus impérial avait supprimé ce dernier qualificatif. Avisant son supérieur hiérarchique qui entrait dans le central veille, Woneng attendit qu'il se rapproche, dans l'espoir d'engager la conversation. Ce n'était guère réglementaire lors d'un quart sous niveau d'alerte élevé, mais il tenait l'enseigne Haltersk en haute estime et voulait lui demander conseil sur la meilleure des manières pour demander sa petite amie en mariage. Il commença donc par faire son rapport :
« Aucune autre activité que les patrouilles habituelles dans les lignes impériales, enseigne. »
Il y avait bien sûr eu l'arraisonnement de ce cargo léger puis son escorte vers le point de rassemblement des civils trois heures auparavant. Comme c’était le dernier en date d'une longue série, Woneng passa cet événement sous silence dans son compte-rendu.
L'enseigne Haltersk allait s'en aller, quand Woneng, ayant rassemblé son courage, demanda :
« Enseigne… Cela ne concerne pas le service mais… Je voulais vous demander si…
– Si quoi ? »
Woneng allait poursuivre quand plusieurs alarmes se déclenchèrent sur sa console et celles de ses voisins.
« Qu'y a-t-il ? Hurla l'enseigne pour se faire entendre par-dessus le vacarme.
– Les cargos essayent de s'échapper et les Impériaux les attaquent ! Répondit l'un des opérateurs sans prendre la peine de se retourner.
– Leur cap les amène droit sur nos lignes, monsieur, ajouta Woneng. »
L'intercom se mit à sonner lui aussi, ce qui ajouta à l'excitation qui régnait désormais dans le central.
Haltersk décrocha, c'était le commandant de la station qui venait aux nouvelles.
« Commandant, les cargos retenus par les forces impériales tentent de forcer le blocus. Les impériaux ripostent surtout avec des chasseurs car, pour le moment, leurs plus grosses unités sont encore à quelques minutes.
– Bien reçu, enseigne. J'en avise nos troupes sur-le-champ. Prévenez-moi de tout changement de la situation.
– A vos ordres. »
Il avait à peine raccroché que les sonneries mugissantes appelant aux postes de combat retentissaient dans toute la station.

***


Vaisseau amiral de la flotte tyrénienne, frontière du secteur boreo-tyrénien


La surprise et l'affolement régnaient sur la passerelle du Shaer'Lis Tyra. Les avis divergeaient sur la réponse à adopter face à cette situation inattendue. Ordres et contrordres fusaient lorsqu'une voix autoritaire intima le calme.
Sorti précipitamment de sa cabine où il étudiait des rapports, le commodore Phanteras vint prendre le commandement. Au lieu de se diriger vers la radio et de lancer ses ordres à la flotte, il prit le temps de parler calmement à chacun des officiers présents. L'heure n'était pas à la causette mais le commodore savait que des hommes en proie à la panique n'étaient pas fiables. Des batailles se perdaient de cette façon. Cela lui permit aussi d'affiner le plan qui se formait dans son esprit depuis qu'il avait pris connaissance de la cause de l'alerte.
« Aux postes de combat, contactez la flotte : envoyez le Vainqueur aider les cargos à franchir nos lignes. Le Briseur restera ici pour aider les stations à se défendre en cas de contre-attaque.
– Et nous, commodore ?
– Le 'Tyra attaquera la flotte ennemie avec l'aide du Feu de Vishii et du Tempête d'Elshii. Nous nous replierons dès que suffisamment de cargos seront en sécurité dans nos lignes. »
Les ordres furent exécutés avec diligence, et lorsque le Shaer'Lis Tyra et les deux cuirassés s'avancèrent de façon menaçante vers les forces impériales, Waldemar fut contraint de répondre à cette provocation. Il ne put donc envoyer que deux vaisseaux de moindre importance s'occuper des cargos en fuite.
Constatant qu'il obtenait la réaction souhaitée, Phanteras se permit un sourire avant d'ordonner :
« Pivotez pour leur présenter notre flanc tribord. Feu à volonté pour toutes les batteries sauf les lance-missiles. Ne déployez pas les chasseurs, et relayez au Feu de Vishii et au Tempête d'Elshii.
– A vos ordres, commodore. Transmission en cours. »
Je me souviens de vos cours, amiral. Oh oui, vous allez voir…

***


Une salve de lasers provenant d'un chasseur Alpha 3 frôla le cargo et vint s'écraser sur la coque du vaisseau qui le précédait, projetant une nuée de débris dans le vide spatial.
« Bon sang ! Il n’est pas passé loin, celui-là ! Hurla Derek tout en consultant l'écran du radar. On a trois chasseurs sur nos talons, ajouta-t-il.
– Compris », répondit Sanaz en virant brusquement à bâbord pour éviter le cargo qui dégageait sur tribord.
La manœuvre fit décrocher un de leurs poursuivants, qui s’acharna alors sur l'autre vaisseau.
« Jia, ça va en haut ? Pourquoi tu ne tires plus ? demanda Sanaz.
– On bouge trop ! Je n'arrive pas à les garder dans mon viseur !
– C'est pas vrai… dit-elle tout bas. Puis plus fort : on s'en moque ! Contente-toi de tirer dans leur direction.
– Reçu. »
Quelques secondes plus tard, la tourelle dorsale du Sparrow rouvrait le feu sur les chasseurs, sans plus d'effet que de les disperser momentanément.
« Tu es sûre que c'était bien dans le plan ? demanda Derek, luttant pour garder le contrôle de son estomac durant un tonneau serré.
– Parfaitement, si ils nous tirent dessus c'est pour donner le change, répondit Sanaz sans se laisser distraire.
– Tu m'en vois ravi, mais je commence à croire que ce n'était peut-être pas une bonne idée de pousser les cargos à passer en force… Hééé ! »
Au même moment, Sanaz avait tiré brusquement le manche vers elle, faisant "remonter" l'Emerald Sparrow en chandelle de toute la puissance de ses trois réacteurs. Au bout de deux secondes, elle se lança aussi dans une série de tonneaux rapides pour désorienter les chasseurs.
Il n'en restait plus qu'un car l'autre, surpris par la manœuvre et handicapé par sa trop grande vitesse, avait continué sur sa lancée et s'était finalement rabattu sur des cibles plus intéressantes. Le second chasseur avait pu suivre l'Emerald Sparrow. Ne se laissant pas décontenancer par les tonneaux, il aligna son collimateur sur le nez du cargo et attendit. Lorsque Sanaz ralentit le rythme des tonneaux pour amorcer un piqué sur tribord, le pilote impérial fit feu.
Les ordres étaient clairs : les chasseurs devaient ouvrir le feu sur le cargo, sans l’endommager gravement. L’officier avait donc choisi sa cible sciemment, malgré la proximité du poste de pilotage. Il vit les deux traits de lasers filer droit sur le vaisseau. Pendant une fraction de seconde, il crut avoir mal visé, avant que l’un des lasers touche la face inférieure du nez du cargo, qui était toujours face au pilote impérial.
Dans le mille !
Il ne put admirer son œuvre plus longtemps car son stabilisateur inférieur bâbord fut pulvérisé. Il pensa un instant à une réponse de l’Emerald Sparrow avant de comprendre. Instinctivement, il vira pour faire face et lança dans sa radio :
« Du leader, des chasseurs tyréniens attaquent, regroupez-vous sur moi. On laisse tomber les cargos. »
Tandis que les appareils impériaux se regroupaient, l’Emerald Sparrow avait viré vers la couverture providentielle des forces sécessionnistes et se retrouva rapidement au milieu d’une dizaine de cargos qui avaient échappé aux chasseurs Nimbus.
« Ashoka, quelle est l’étendue des dégâts ? se renseigna Sanaz.
– A part la parabole du radar que le chasseur a détruite, il n’y a rien d’autre. On a eu de la "chance", répondit le mécano.
– Non, on a un bon pilote. », renchérit Derek, appuyant sa remarque d’un clin d’œil.
Mais Sanaz ne l’écoutait pas, elle regardait les autres vaisseaux autour d’eux. Beaucoup étaient endommagés, la plupart bien plus gravement que le Sparrow. Sur bâbord, on pouvait voir un cargo lourd ayant perdu un moteur et une partie de sa coque. Et au beau milieu de l’amas de métal tordu, retenus dans l’enchevêtrement des débris…
Elle détourna le regard. L’infiltration se déroulait comme prévu mais elle ne pouvait s’empêcher de se rappeler qu’elle était responsable de la mort de ces gens car elle les avait poussés à forcer le blocus.
En effet, une fois parqués avec les cargos interpellés par les forces impériales, la première action de Sanaz fut de contacter leurs équipages afin d’organiser leur « évasion ». Il y eut d’abord beaucoup de réticence mais son argumentation réussit à convaincre les capitaines de ces vaisseaux. Certains d’entre eux habitaient dans le secteur boreo-tyrénien, d’autres ne portaient pas l’Empire Galactique dans leur cœur, et tous ne comprenaient pas qu’on puisse les arrêter alors qu’à leurs yeux ils n’avaient commis aucun crime. Il fut donc décidé de foncer en groupe vers l’intérieur du système, leur nombre garantissant que les pilotes impériaux ne puissent tous les rattraper.
Toujours est-il qu’une fois de plus, Sanaz avait accompli un acte que sa morale répréhendait. En plus d’éprouver du remords et de la tristesse, elle avait le sentiment qu’une partie d’elle-même s’était envolée, ce qu’elle ne voulait pour rien au monde.
C’était la seule manière de continuer la mission, et elle laissait une chance à ces pauvres gens, se dit-elle.
Ah oui, tu crois vraiment ça ? Tu crois que cette excuse tient ? Tu les as envoyés à leur perte et tu comptes t’en laver les mains ? Lui rétorqua une voix au fond d'elle-même.
Mais je n’avais pas le choix ! Et je ne les ai pas contraints à le faire !
La belle affaire ! Arrête de t’aveugler : tu t’es abaissée à faire ce que tu déteste le plus. Sauras-tu quand t’arrêter ? Pourras-tu deviner à quel moment celle qui s’appelait Sanaz Miren aura disparu ?
Elle ne put répondre à cette dernière répartie cinglante, réalisant que cette voix avait raison : en continuant ainsi, elle disparaîtrait. La radio subspatiale l’arracha à ses pensées morbides.
« Ici le destroyer Vainqueur, des forces d’autodéfense boreo-tyréniennes. Que chaque vaisseau envoie son nom, la liste de sa cargaison, la composition de son équipage et la raison de sa présence dans le secteur sur la fréquence qui vous sera communiquée. Si vous avez des blessés ou des avaries importantes à bord, contactez-nous sur la fréquence courante plus cinq. Je répète…
– Derek, tu as entendu ? Ne laisse pas "Reddy" faire attendre ces messieurs. Jaan, tu peux éteindre la tourelle et redescendre. Allez, du nerf ! »
L’heure qui suivit parut interminable à l’équipage du Sparrow : les vaisseaux furent d’abord séparés entre ceux trop endommagés pour continuer et les autres. Le premier groupe fut guidé vers l’une des stations spatiales pour y recevoir de l’assistance tandis que le second, sous bonne escorte, effectua un saut hyperspatial qui l’amena près de la quatrième planète du système.
Les équipages des vaisseaux n’eurent guère le temps d’admirer la ceinture d’astéroïdes toute proche ou d’essayer de percer de leurs yeux l’épaisse couche nuageuse qui recouvrait une majeure partie de Boreus IV. Ils durent en effet se soumettre à une inspection particulièrement minutieuse de leurs appareils. Quand vint enfin le tour de l’Emerald Sparrow, deux heures d’attente s’étaient écoulées, que l’équipage avait mises à profit pour préparer l’arrivée de l’équipe de fouilles. Il n’y avait au final pas grand-chose à faire, à part s’assurer que l’équipement "non déclaré" était correctement dissimulé dans la soute, là où un œil exercé et du matériel sophistiqué ne verraient pas la différence avec la cargaison officielle.
Sanaz ne pouvait cependant s’empêcher de craindre d’avoir oublié un détail qui les perdrait, et la vision de la passerelle télescopique s’avançant depuis l'imposant vaisseau de guerre vers le cargo léger ne la rassurait pas.
A ses côtés, Derek conservait son habituel sang-froid et ne laissait rien transparaître de ses pensées, concentré sur son rôle. Plus loin, Ashoka tapotait nerveusement sur un panneau sous le regard de Jia, adossée contre la paroi. Depuis sa discussion avec Sanaz juste avant l’embarquement, elle s’était concentrée sur ses tâches et évitait de nourrir de trop sombres pensées.
La passerelle s’accoupla enfin et les systèmes environnementaux du destroyer travaillèrent à équilibrer la pression. Quelques minutes plus tard, l’écoutille s’ouvrit et laissa entrer deux officiers accompagnés de six fantassins en armes. L’influence impériale était telle dans la coupe et le matériau des uniformes que l’équipage du Sparrow crut un moment se retrouver à bord du Retaliator. Les insignes étaient la seule différence notable, car portés sur les épaules et non sur la poitrine comme dans les forces armées impériales.
« Capitaine Nesim ? interrogea le premier officier, un homme maigre et élancé, au visage respirant la confiance en soi.
– C’est moi, répondit Sanaz en s’avançant.
– Lieutenant Marek des forces d’autodéfense boreo-tyréniennes. Je suis chargé de fouiller votre cargo afin de vérifier vos dires concernant la nature de la cargaison. L’enseigne Elthir est chargé de passer chacun d’entre vous au scanner pendant ce temps. »
Sans attendre l’ordre de son supérieur, l’enseigne s’avança, suivi de l’un des soldats qui sortit un scanner miniature. Arrivé près de Derek, il lui demanda de lever les bras. Le petit Tanaabien répondit par un sourire carnassier et resta planté là, bras croisés. Aussitôt, les autres soldats portèrent leurs mains à leurs armes.
« Reddy ! » Lança Sanaz, accompagnant l’injonction d’un regard noir à l’encontre de l’intéressé.
Ce dernier obtempéra non sans réticence, et la fouille put commencer. Les cinq soldats s’éparpillèrent à travers le vaisseau tandis que les trois derniers militaires continuaient, les uns l’examen de l’équipage et l’autre l’interrogatoire de Sanaz.
La réticence de Derek n’était que feinte : les quatre soldats impériaux avaient en effet décidé de ne se plier à la fouille qu’avec difficulté mais sans trop résister, afin de ne pas paraître plus suspects que nécessaire.
« Quelle est la raison de votre présence ici, Mlle Nesim ?
– Nous sommes antiquaires et, après être passés sur Koros Major, nous voulions continuer notre tournée dans la région. L’histoire du secteur boreo-tyrénien en fait un endroit propice à la découverte de pièces rares.
– Tiens donc ? Et quel genre de pièces rares ? De la céramique ithorienne peut-être ? demanda l’officier d’un ton narquois.
– Non, ça on en a déjà à bord, répondit Ashoka. D’ailleurs on peut vous faire un prix si vous êtes intéressé.
– Vous parlerez quand je vous interrogerai, M. Hanokio. Alors, Mlle Nesim ?
– Voyons, deux vagues de colons à un millénaire d’intervalle, la présence de plusieurs cultures non-humaines et une volonté de rester indépendant du reste de la galaxie, ça ne peut que conduire à une forme d'art introuvable ailleurs, je me trompe ?
– Même si il faut traverser un blocus militaire ?
– Au vu des gains potentiels, oui. Et puis, nous ne transportons pas de matériaux stratégiques ou des armes modernes.
– Très bien, Mlle Nesim. Je vois que la fouille est terminée, aussi je ne vous dérangerai pas plus longtemps. D’ici quelques heures, un transporteur lourd reconverti et un croiseur Carrack arriveront pour vous escorter vers Tyra, la capitale. Vous ferez le voyage amarrés au transport. Bon voyage. »
Sans attendre de réponse, les militaires boreo-tyréniens quittèrent l’Emerald Sparrow, laissant un équipage plus ou moins rassuré quant à la qualité de sa couverture.

***


ISD Retaliator, près du système Boreus


L’engagement contre les forces boreo-tyréniennes s’était soldé par un match nul. Les vaisseaux lourds n’avaient fait qu’érafler leurs peintures respectives et c’étaient les chasseurs qui avaient supporté le plus gros de l’engagement, sans vraiment en souffrir car les forces tyréniennes n’avaient attaqué que mollement, se contentant de retenir les impériaux et d’esquiver les contre-attaques.
Waldemar reconnaissait bien là la patte de son meilleur élève. Tenace et malin, prêt à prendre des risques pour arriver à ses fins. Comme il savait que les convoyeurs n'étaient pas tous aussi honnêtes qu’ils le prétendaient et les ferait fouiller. Il avait pourtant mordu à l’hameçon pour montrer sa finesse tactique et faire entrer des marchandises dans l’économie locale, utiles pour la cote de popularité du gouvernement provisoire. Il montrait ainsi que le blocus n’interrompait pas vraiment les importations.
Mais l’heure n’était pas aux considérations tactiques. L’image du directeur Armand Isard apparut devant lui.
« Monsieur le directeur, Gloire Impériale est entrée dans sa nouvelle phase.
– Excellent, amiral. Tenez-moi informé de l’évolution de la situation. »
Isard coupa la transmission avant que Waldemar ait pu répondre. L’officier supérieur retourna donc à l’animation du debriefing de l’engagement tout en encourageant l’équipage de l’Emerald Sparrow de ses pensées.

***


Emerald Sparrow, hyperespace


Sanaz abattit son sabre de bois sur le mannequin puis frappa plusieurs fois de taille avant de porter un coup d’estoc, comme si elle voulait l’empaler. Satisfaite de cette heure d’exercice, elle souffla un peu.
Depuis qu’elle avait découvert cette épée sur Ouranos V et obtenu l’autorisation de la garder, elle s’était mise à l’escrime. Ce n’était guère utile pour un fantassin, qui se battait principalement avec des blasters. D’ailleurs, elle ne gagnerait jamais une compétition, ce n’était pas tellement son truc ; mais cela lui permettait de calmer son anxiété et de se consacrer sur une seule tâche. Un dérivatif bien utile en ce moment, avec ce voyage en hyperespace qui les amènerait en plein cœur du territoire ennemi sans réel espoir de fuite.
Un bruit métallique, plus loin dans la soute, attira son attention. Laissant de côté son sabre d’entraînement, elle partit en quête de l’origine du bruit mais n’eut pas plus de succès que lors de ses précédentes inspections. Ces bruits l’intriguaient et elle commençait à craindre un problème dans la structure interne du vaisseau, problème qui ne pourrait être identifié que par un séjour prolongé en cale sèche. Comme ils n’en avaient pas le temps, il fallait bien continuer. Ne voyant rien de suspect, elle décida de reprendre son entraînement.

***


Chaque heure qui passe me rapproche de lui. Bientôt, très bientôt, il regrettera ce qu’il m’a fait subir et il payera. Oh oui, il payera pour ses actes et je détruirai sa vie comme il l’a fait de la mienne. Bientôt…
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