Kano embrassa une dernière fois Autum, et lui promit à nouveau de revenir, quand les choses se seraient calmées et qu'il serait en paix. Puis il se hâta de rejoindre l'Arc de Cristal, Teydo et Edo sur les talons. Aucun de ses deux amis n'avait osé dire un mot.
Quand l'Arc de Cristal décolla enfin de Litonia, Teydo se décida à rompre le silence.
– Tu vas aller sur Aztilar à présent ?
– Non, répondit simplement Kano. On rentre. Edo, cap sur Yavin IV.
– Bien monsieur, dit le droïd. C'est parti.
– Je veux parler à Streen, expliqua enfin Kano. Savoir si Maran ne lui a jamais rien dit à mon sujet.

– Ca alors… souffla un membre de l'équipe. Qu'est-ce qu'on fait patron ?
– J'en sais rien, concéda Golpi Rilim.
– On ne peut quand même pas tout faire sauter ! s'exclama le hortek. Ces gamins sont vivants !
– Je sais. Mais vous savez la polémique que déclenche l'existence de clones. Certains ne les considèrent pas comme humains. Si nous les ramenons, que deviendront-ils ? s'interrogea Golpi.
– On les traitera comme des phénomènes de foire, affirma le quarren. Ou comme des animaux.
Puis le verpine se décida à poser la question qui leur brûlait tous les lèvres.
– Pourquoi sont-ils des enfants ? Patron, vous nous avez expliqué que le Jedi se servait des clones de ce Jedi, Kano, comme de corps provisoires. Mais ce Kahn n'avait pas dix ans !
– Très juste, acquiesça Golpi. Mais regardez ces tubes, ils servent à une croissance accélérée. Ces clones ont été créés il y a quatre ans, juste quand Teydo et moi avons protégé le convoi et que Kahn a été défiguré. Il a dû les stocker ici, avec une vitesse de croissance moyenne. Il les amenait à maturité - disons vingt ans - uniquement quand il en avait besoin. Il gardait les autres sous la main au cas où.
– Je vois, fit un soldat. Et ce Kahn n'a plus cloné depuis quelques années, quand le cylindre s'est arrêté de fonctionner.
– Tout à fait. Cette station ne lui sert pas au clonage, mais à l'entreposage et au transfert. Il venait pour que ses experts lui fournissent un nouveau corps, et revenait "se changer" quand la Force Obscure avait épuisé cette enveloppe corporelle. Regardez, il en manque six. On devrait pouvoir déterminer la durée de vie qu'avaient ses corps.
– C'est dingue, souffla le bothan. Mais alors, on en fait quoi ?
– Venez voir ça… dit le verpine, toujours installé devant l'ordinateur central.
– Quoi donc ? demanda Golpi.
– Quand est-ce que ce Kahn a été tué ? s'enquit le non-humain, dont les antennes s'agitaient nerveusement.
– Il y a un peu plus d'une semaine.
– L'ordinateur prétend que le dernier clone à avoir quitté la station est le numéro six. Et l'opération remonte à… cinq jours.

Teydo, Kano et Edo parlèrent peu durant les quelques jours que prenait le voyage jusqu'à Yavin IV. Tous savaient que Kano n'était pas d'une humeur charmante, mais ils auraient voulu le réconforter, l'aider à surmonter les multiples épreuves. Il découvrait un passé peu glorieux, et ne pouvait même pas l'oublier en se réfugiant dans le présent, qui était encore pire : la perte de Marvic et Alera Sanaka… Kano avait à peine le temps d'accepter ses malheurs présents, qu'il devait faire face à ceux du passé.

Golpi Rilim n'eut pas le temps de s'interroger sur le sens de cette découverte qu'une voix sortit des haut-parleurs intégrés dans la station.
– Bienvenue messieurs dames, j'espère que vous appréciez votre séjour au sein de cette station.
– Je connais cette voix… murmura Golpi, intrigué.
– Profitez de nos attractions exceptionnelles ! Découvrez de nouvelles sensations, telles que la possession d'un nouveau corps ! poursuivit la voix.
– Qu'est-ce que c'est que ce délire ? fit un soldat.
– Cette voix… répéta Golpi.
– Et tout ça en exclusivité rien que pour vous, chers amis de la Nouvelle République ! Allez-y n'hésitez pas, servez-vous parmi ces corps d'humains, à votre disposition ! Nous n'en avons plus besoin…
– C'est la voix de Kano…
– Mais qu'est-ce que ce malade raconte ? s'exclama le bothan en parlant de la voix.
– Il nous occupe… comprit Rilim. Il se fout de nous…
Soudain, le chef du groupe se tourna vers ses hommes en faisant un geste.
– Fichons le camp ! Ace, prépare toi à nous tirer de là ! cria-t-il à travers son comlink.
– Quoi ? fit le hortek.
– Je n'ai pas besoin d'être un Jedi pour sentir un coup fourré ! On se barre, c'est un ordre !
– Mais toutes ces occasions seront disponibles pour une durée limitée…
Alors que la voix continuait à débiter son message sans sens, Golpi poussa ses hommes vers la sortie. L'humain du groupe résista un instant.
– Patron, les clones…
– Je sais sergent, mais on ne peut rien faire. Ce salaud avait tout prévu, maugréa-t-il.
Alors que le petit groupe, sur un coup de tête de son leader, se précipitait dans la navette d'assaut, un compte à rebours se mit enfin à égrener les secondes sur l'écran de l'ordinateur. Cinq secondes…
– Nous vous informons que le parc Cloneland fermera ses portes dans quelques instants… fit la voix sur un ton sarcastique. Nous espérons avoir bientôt le plaisir de vous revoir… en enfer !
L'enregistrement émit un rire sardonique et lugubre, alors que Golpi était le dernier à gravir la rampe d'accès à la navette. Trois secondes…
A peine Golpi Rilim était-il monté qu'Ace Azzameen lança les moteurs de la navette, qui jaillit du hangar de la station. Ace prenait un risque en partant avant que la rampe ne soit repliée, mais l'expérience lui avait appris à ne pas perdre de temps.
La navette fusait dans l'espace quand la rampe se verrouilla enfin, tous les passagers étant fermement accrochés à l'intérieur. Une seconde…

Le rire cessa brusquement quand des charges explosives placées dans les murs se déclenchèrent, provoquant une réaction en chaîne avec le matériel laissé par les experts républicains. La station se disloqua en un éclair, projetant des morceaux de métal fondus dans toutes les directions.
Avec des réflexes d'acier acquis après des centaines d'heures de vol, Ace Azzameen lança sa main vers le levier qui érigea les boucliers déflecteurs du vaisseau. La protection dévia quelques débris qui volaient vers la navette. Cette dernière s'éloignait du chaos de l'explosion, mais de gros morceaux la dépassaient, et Ace dut user de tous ses talents et toute sa concentration pour exploiter le radar arrière et esquiver les tôles de plusieurs mètres de large qui pouvaient détruire le vaisseau sans problème. Mais il dut surtout se fier à son instinct pour éviter une mort immédiate à son groupe.
Néanmoins, ses manœuvres étaient brusques et il entendit un de ses collègues, ballotté dans la soute, rebondir contre un mur en gémissant. Ace eut encore à faire des exploits un moment, et ne prit pas le temps de jeter un coup d'œil vers l'arrière. Il aurait vu que la station n'était plus qu'une boule de feu d'où partaient des fragments en fusion.
Ce ne fut que quelques instants plus tard qu'il eut enfin le loisir d'essuyer son front en sueur et de programmer les coordonnées de saut hyperspatial. Et il ne se considéra comme hors de danger qu'une fois que la navette passée en vitesse lumière. Tremblant sous le coup de l'émotion, le pilote décrocha son harnais et se dirigea vers la soute, pour assister au debriefing, qui promettait d'être animé.

Le Maître Jedi Streen vit immédiatement la mine déconfite de Kano quand celui-ci descendit la rampe de l'Arc de Cristal. Teydo le suivait, tandis qu'Edo redécollait pour aller stationner le vaisseau un peu plus loin. Streen s'approcha des deux jeunes gens. Il allait parler, quand Kano le coupa en jetant un regard noir.
– Que savez-vous, Maître Streen ? demanda-t-il assez sèchement.
– Que tu as des soucis.
Surpris par cette réponse en forme d'esquive, Kano se força à se calmer. Teydo restait toujours prudemment en retrait.
– Que vous a dit Maran Cahru ? précisa Kano sur un ton légèrement meilleur.
Streen ne fit pas attendre la réponse.
– Que des choses peu plaisantes te concernaient. Et que tu finirais par apprendre.
Kano le regarda droit dans les yeux.
– A-t-il précisé quoi ?
– Non. Il m'a juste demandé d'être là pour toi quand tu découvrirais certains éléments. Il m'a demandé de te protéger.
– Comme s'il savait qu'il ne serait pas là pour le faire… murmura Teydo.
– Quoi ? fit Kano en se retournant vers son ami.
– Il a raison, dit Streen calmement. Maran semblait savoir qu'il devrait partir. Et c'est ta sécurité qui passait avant tout.
– Streen, je dois vous dire…
– Je crois avoir compris qui tu étais, Kano, le coupa le Maître Jedi.
Kano tressaillit. Streen avait-il deviné la vérité ?
– Je sais que tu es un Chevalier Jedi, et que je suis fier de toi, fit le vieil homme en souriant. Et cela, Maran le savait aussi.
Kano sourit en voyant avec quel brio le Jedi esquivait à nouveau la réalité. Il ignorait si Streen savait tout, et ne le saurait probablement jamais. Streen se débrouillerait toujours pour ne pas lui répondre, et s'efforcerait d'aider Kano à oublier à son tour ses tristes origines.
– Mais Kano… reprit Streen, l'air soucieux. Il te reste une chose à faire pour que cette histoire finisse réellement.
– Quoi donc ? demanda le jeune Jedi en levant un sourcil.
– Le dernier test. L'ultime épreuve. Le choix, le sacrifice, auquel tout Jedi doit un jour ou l'autre consentir…

– Ce fumier savait qu'on allait venir… cracha Golpi Rilim.
– Apparemment. Mais votre intuition a sauvé la vie de tous les membres de votre équipe, fit l'Amiral Drayson.
– Tu parles d'une intuition, grommela Golpi. Ca se voyait que cet enregistrement était là pour nous distraire, avant que la station ne saute.
– En effet. Vous y avez donc trouvé des corps et un cylindre hors d'usage. Quant au sabotage, il a eu lieu après la fuite de notre informateur, il n'y est pour rien.
– Tout à fait Amiral, reprit Rilim sur un ton plus militaire. Kahn avait créé ses réserves juste après son… "accident". La voix était celle de Kano, c'est donc bien lui qui a été cloné.
– Mais j'ai du mal à comprendre comment, dit Drayson. A cette époque, Kano était avec son Maître, je ne vois pas quand est-ce que les experts de Kahn ont pu prélever sa structure génétique…
– Très juste, acquiesça l'agent. Il y a encore un truc : la voix disait qu'ils n'avaient plus besoin de ces corps.
– Cela peut vouloir dire deux choses, continua Drayson : soit Kahn avait prévu de mourir et ces corps deviennent inutiles. Soit… il est encore en vie et a trouvé une solution à son problème.
– Mouais… J'aimerais contacter mon ami Pa'aja. Au plus vite…

Chaque Jedi devait un jour franchir un cap difficile pour rejoindre entièrement les rangs des serviteurs de la Force. Luke Skywalker avait décidé d'affronter son père Darth Vader sur l'Etoile de la Mort, Kyp Durron avait rencontré le spectre de son frère, Mara Jade avait sacrifié le vaisseau qui était sa seule possession. Ces Jedi illustres étaient déjà des Chevaliers, mais cette étape était tout de même nécessaire.
– Jadis, j'étais un vieil ermite coupé de tout, fit Streen. J'ai dû me résigner à m'ouvrir aux autres pour m'ouvrir à la Force.
Kano et Teydo suivaient le vieux Maître dans un des temples Massassi, impatients de savoir où il voulait en venir. Il se tourna vers eux.
– Vous êtes tous deux des Chevaliers Jedi, déclara-t-il. Mais il vous reste un acte à accomplir pour vous investir dans votre rôle. Kano, l'heure est venue. Teydo, elle viendra. Plus tôt que tu ne le penses.
Les deux se regardèrent, intrigués. Streen continua sa route.
– Tu as reçu un message, Kano. Je l'ai consulté.
Kano avait totalement oublié que son relais hypercom était installé sur Yavin, cette messagerie qu'il avait utilisée durant ses années à l'Académie. Beaucoup d'étudiants en donnaient le mot de passe à leur Maître, en cas d'incident. Maran avait connu celui de Kano, et Streen aussi apparemment. Il justifia son indiscrétion.
– J'ai eu un pressentiment…
Il arriva dans la salle informatique de l'Académie, et installa Kano devant son poste habituel. Rapidement, il contacta l'holonet et réceptionna les messages à l'intention de Kano. Il y en avait plusieurs centaines, les premiers non-lus datant de sa disparition deux ans auparavant. Il y avait de tout : des amis perdus de vue qui tentaient de prendre contact, des messages de la Nouvelle République, des cartes d'anniversaire ou encore des publicités. Kano ne perdit pas de temps et consulta le dernier.
"Salut frangin. Je t'ai manqué ? Il est temps pour nous de faire ce que nous avons à faire depuis le début. Je t'attends."
Kano regarda l'écran bizarrement, puis se reporta sur la date du message. Il avait été envoyé l'avant-veille.
– Kahn… fit-il la gorge sèche.
– Un canular certainement, supposa Teydo, sceptique. N'importe qui peut avoir ton adresse. Je ne serais pas surpris que la bande à Ganner soit dans le coup…
– Non. C'est Kahn, fit Streen, sûr de lui.
– Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? demanda Kano, troublé. Kahn est mort…
– J'ai eu un message de Golpi Rilim, dit Streen.
Il bascula sur son propre compte et fit lire le texte à ses compagnons. Golpi était passé par Streen pour essayer d'atteindre Teydo. Il expliquait ses récentes découvertes et ses suppositions. Kano lut le texte en un clin d'œil, puis se prit la tête entre les mains.
– Alors il m'a bel et bien cloné…
– Ca résout pas mal de mystères sur votre physique, dit Teydo pour tenter de le consoler. Et il est mort, un point c'est tout.
– Mais il a piégé sa station. Il ne l'aurait pas fait s'il n'avait pas été sûr de mourir. Ou de trouver la solution.
– L'un d'entre vous l'a-t-il vu mourir ? s'enquit Streen.
– Uniquement Ka'tar, répondit Teydo. Il n'est pas du genre vantard. S'il dit avoir tué Kahn, c'est qu'il l'a fait.
– Ou qu'il pense l'avoir fait, corrigea Kano. Ce corps masquait Kahn dans le champ de la Force. Je ne l'ai pas senti… disparaître.
– Mais ce pourri est mort ! s'exclama Teydo, qui commençait à s'emporter.
Kano sentait l'imminence d'une nouvelle crise, et tenta de calmer son ami.
– Nous verrons, Teydo. Rappelle toi, ce type ne doit pas te gâcher la vie comme il l'a fait avec moi. Maître Streen, que dois-je faire ?
– Soit on se moque de toi, soit c'est un piège… glissa Teydo Pa'aja.
– A toi de faire ton choix, dit Streen en regardant Kano dans les yeux. A toi d'affronter ton destin. Que ce soit un défi, un piège ou une blague, à toi d'y faire face.
Kano consulta à nouveau le message. Un fichier joint donnait les coordonnées hyperespace d'une petite planète.
– Dromund Kaas… chuchota Kano. Ca vous dit quelque chose ?
Streen se raidit à vue d'œil.
– Oui… Et je connais quelqu'un qui t'en parlera bien mieux que moi… Là, tu pourras faire ton choix.

Kano repéra vite le vaisseau de son contact, en orbite autour de la huitième lune de Yavin. Le Sabre de Jade était un bel appareil, et il ne put s'empêcher de le comparer à l'Arc de Cristal, bien que le match reste peu équitable dans l'esprit du jeune homme. Il sentit également la présence de trois Jedi confirmés à bord. Trois présences fortes, bien que l'une d'entre elles soit singulièrement affaiblie.
Il devina que Mara Jade Skywalker était cette force affaiblie. Depuis quelques temps, l'épouse de Luke Skywalker était victime d'une étrange maladie incurable. Plusieurs personnes avaient déjà succombé, et Jade survivait grâce au soutien de la Force. Mais elle faiblissait à vue d'œil, au plus grand désespoir de son mari. Une peine que partageait le reste de l'Ordre Jedi : Jade était quelqu'un de respecté.
Elle avait été dans sa jeunesse celle qu'on appelait la Main de l'Empereur, un agent froid et efficace. A la mort du despote, elle avait été persuadée que Skywalker était le responsable et, obéissant à l'ultime commandement de son maître, s'était mis en tête de tuer le jeune Jedi. Mais ils s'étaient retrouvés côte à côte face à Joruus C'baoth, et Mara avait exorcisé ses démons. Ils s'étaient rapprochés, menant une relation complexe, entre attraction et répulsion. Dix ans plus tard, c'est-à-dire il y a quatre ans, ils s'étaient mariés, à la surprise générale.
Kano pensait que le second passager était Luke, qui se battait comme un diable dévaronien contre la maladie de sa bien-aimée. Et nul doute qu'il refusait qu'elle rencontre seule un homme sur qui pesait encore des soupçons. Quant à la troisième personne, Kano pensait l'avoir déjà rencontrée.
Il n'y eut aucun message en provenance du Sabre de Jade, seul un appel lumineux confirmant que l'abordage était autorisé. Mara Jade avait accepté de parler à Kano à la demande de Streen, mais le Jedi ignorait si elle le faisait de bon cœur.
Il manœuvra son appareil et s'arrima rapidement à son hôte. Il pilotait seul, Streen ayant interdit à Teydo et Edo de venir : il voulait que Kano prenne seul la décision d'aller ou non sur Dromund Kaas, et ne soit pas influencé par ses proches.

Kano se leva dès qu'un voyant signala que le passage entre les deux vaisseaux avait été pressurisé. Il traversa ce dernier et rencontra une jeune femme, ce à quoi il s'attendait. Il savait que Jaina Solo était l'élève de Jade et la suivait partout. La fille de Han Solo et de la princesse Leia était une jolie demoiselle de quinze ans. Un peu jeune pour Kano, elle portait en elle la grâce héritée de sa mère et le charme espiègle de son père. Kano lui sourit, luttant pour ne pas voir la vague ressemblance avec Alera. Depuis sa mort, il croyait voir sa belle partout, dans un espoir inconscient de la retrouver en vie.
– Bonjour mademoiselle Solo. Je suis venu voir Mara Jade Skywalker.
– Bienvenue à bord du Sabre de Jade, répondit la jeune femme avec un sourire charmant. Mara vous attend.
Il remercia son hôtesse et la suivit dans les coursives du vaisseau. Il allait entrer dans la pièce de repos, quand Jaina se retourna et chuchota.
– Elle est très fatiguée, même si elle refuse de le montrer. Faites vite s'il vous plaît.
Kano acquiesça et entra. Il vit Mara assise sur une banquette. A ses côtés se tenait un Jedi barbu dont les cheveux grisonnaient.
– Merci de me recevoir, fit-il. Je sais que…
– Epargnez-moi votre pitié sur mon état, le coupa Mara. Je vais bien et je vous parlerai le temps qu'il faudra. Bienvenue Kano, j’espère que vous allez bien. Je tenais à vous présenter toutes mes condoléances pour votre amie.
Il éluda le sujet pour se tourner vers l'homme, qui de toute évidence n'était pas Skywalker. Mara expliqua.
– Luke ignore que je suis là. Et mon ami a tenu à m'accompagner. Kano, je vous présente…
– Bonjour monsieur Horn, trancha Kano. Nous nous sommes déjà vu sur Yavin, fit-il à Mara. Comment va Valin ?
– Mon fils va bien, répondit Corran Horn, merci. Il aimerait vous voir.
– Je ne manquerai pas d'aller le voir.
Ils échangèrent une poignée de main brève et ferme. Kano s'adressa à nouveau à Mara.
– Je ne vais pas abuser de votre temps. Dites-moi juste ce que je vais trouver sur Dromund Kaas.
– N'y allez pas, conseilla Jade en le fixant droit dans les yeux.
– Je vous demande juste de m'en parler, et après je prendrai ma décision.
Corran fixait les deux Jedi, attendant lui aussi une réponse de Mara. Elle hésita, puis se décida enfin à raconter son expérience.
– Cela remonte à quatorze ans, juste après la mort de Thrawn. J'avais sympathisé avec Kyle Katarn, et il avait accepté de compléter ma formation de Jedi. Nous étions sur une petite base républicaine, mais ça n'a pas duré très longtemps.
"La base a été attaquée, et nous avons dû évacuer. Je suis partie de mon côté, tandis que Kyle partait explorer un temple dont il avait entendu parler. J'avais un mauvais pressentiment, et j'avais bien raison."
"Je réglais quelques affaires avec Ka'pa le Hutt, quand Mon Mothma m'a contactée, inquiète. Elle était sans nouvelles de Kyle, et se posait des questions. Il ne m'a pas fallu longtemps pour partir à sa recherche sur Dromund Kaas."
"Il s'agissait d'un monde marécageux perdu, mais je savais ce qui s'y trouvait. J'ai suivi Kyle, et j'ai vu des choses que je souhaiterais vous éviter."
Kano interrogeait Mara du regard, tandis que Corran et Jaina écoutaient, intéressés.
– Kyle Katarn n'était plus le même, contaminé par la puissance obscure d'un Temple Sith. En ces lieux, la tentation du Côté Obscur est immense, Kano. Kyle a été tenté, pas moi, certainement parce que j'avais déjà connu le Côté Sombre en côtoyant l'Empereur. Et c'est pour ça que votre frère sera en bonne position. Il vous tend un piège. Kyle était déjà un grand Jedi, et il a succombé. Ne prenez pas le risque…
Le jeune Jedi hocha la tête, puis prit la parole.
– Que s'est il passé au juste ?
– Quand je suis arrivée, j'ai dû chercher Kyle dans les alentours du Temple, puis j'ai eu à le pourchasser. Il m'a mis en garde, me conseillant de le laisser tranquille avant qu'il ne se retourne contre moi. Il était fasciné et attiré par la Force Sith qui l'appelait, il déraillait complètement.
"Quand j'ai refusé de le suivre sur cette voie, il est parti dans les entrailles du Temple. J'ai continué la poursuite, malgré ses menaces de plus en plus explicites. Mais je savais que j'étais la seule à pouvoir le tirer de là. Il était possédé et avait besoin d'aide. De mon aide."
Elle baissa la tête visiblement troublée.
– Nous nous sommes battus, et je craignais l'issue de nos affrontements. Soit il allait me tuer, soit je devrais l'abattre pour protéger la galaxie d'un nouveau Sith.
"Je l'ai suivi jusqu'aux catacombes puis au cœur du Temple. Kyle comptait descendre je ne sais où et récupérer le pouvoir de Sith. Il m'a donné une dernière chance : être à ses côtés ou mourir. J'ai refusé, et nous avons encore engagé le combat. Mais je ne pouvais pas le tuer…"
– Comment en es-tu sortie ? demanda Corran Horn. A ma connaissance, Kyle Katarn est encore vivant et est tout sauf un Jedi Noir…
– Il n'a pas pu me tuer, poursuivit Mara. Il a flanché et j'ai réussi à nous sortir du Temple.
Le silence régna un instant. Puis Mara Jade Skywalker reprit.
– Nous avons limité la casse. Mais nous étions prêts de la catastrophe. Kano, fit elle avec insistance, le danger était réel alors que Kyle était mon ami. Pensez à ce que ce sera face à un Jedi Noir convaincu, qui fera tout pour vous convertir, ou vous tuer. N'y allez pas…
– Je me ferais moi-même mon idée, dit Kano avec force. Je dois faire face à Kahn, ou à qui que ce soit qui m'a appelé pour que je le rejoigne.
Il observa les Jedi de tous âges autour de lui.
– Je ne serai jamais tranquille si je ne vais pas voir de quoi il s'agit.
– Kano, insista Mara, écoutez-moi. Ce Temple est défendu par toutes sortes de créatures liées à la Force Sith. Si comme moi vous résistez, elles vous attaqueront…
Elle donna quelques détails sur le Temple, insistant sur les dangers.
– Je sais me défendre, rétorqua Kano. Je suis un Jedi.
– Justement, répliqua Jade, c'est bien ce qui m'inquiète.
Kano digéra la remarque et décida d'achever la conversation. Il remercia ses hôtes, et se prépara à suivre Jaina qui le ramenait vers l'Arc de Cristal. Il se tourna une dernière fois vers Mara Jade Skywalker.
– Je comprends et partage vos inquiétudes, madame. Mais sachez que je ferai en sorte qu'il n'y ait pas deux Jedi Noirs qui sortent de ce temple. J'y veillerai.

Kano retourna sur Yavin IV pour parler de tout ça à ses amis. Mais sa décision était déjà prise, avant même la conversation à bord du Sabre de Jade. Streen lui avait parlé d'une épreuve nécessaire, et il était bien décidé à la franchir.
Si c'était un canular, il ne perdrait pas grand chose. Mais peu de monde connaissait Dromund Kaas, et la planète n'avait pas pu être choisie par hasard. Si c'était bel et bien Kahn qui l'appelait, il devait y aller. Si cela avait été un piège, son demi-frère aurait agi de façon plus subtile. Et s'il était bien vivant… alors Kano avait des comptes à régler avec lui. Il était l'assassin d'Alera, Kano n'était pas prêt de l'oublier. Ce serait aussi l'occasion de voir si Kahn en savait plus sur leurs origines.
Kano était prêt. Personne ne parviendrait à le retenir à présent.