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La confrontation avait quelque chose de barbare, de criminel. D’un côté, un Empire sombrant dans la folie furieuse, de l’autre, une Rébellion passant d’un espoir de victoire définitive à la désillusion la plus profonde.

Une angoissante obsession tenaillait l’esprit de Pellaeon. Ho-D’Oacr’, il le savait, ne s’apparentait absolument pas à une de ces anciennes opérations de répression portées contre des bases ennemies. Ho-D’Oacr’ présentait cette particularité qui en fondait toute la spécificité : cette bataille survenait après Endor.

Endor avait saigné l’Empire. Ce dernier pouvait se comparer à un soldat perdu, privé de chefs, entouré d’adversaires aussi sournois que nombreux, aussi terribles qu’invisibles, un soldat épuisé par des années de lutte incessante et trop grièvement blessé pour espérer résister plus longtemps. Mais ce soldat n’était pas encore mort, et il n’était pas non plus assuré de perdre. Il pouvait encore vaincre ses adversaires, à la condition de frapper des coups aussi précis que dévastateurs. Ho-d’Oacr’ correspondait à l’un de ces coups. Ces secondes de survie qui pourraient se révéler décisives, Pellaeon était en train de les gagner ici, face à ces méprisables Bothans.

Mais il y avait autre chose, et le commandant du Chimaera l’avait discerné alors qu’il assistait à la pulvérisation du croiseur amiral ennemi. Quelque chose de plus profond. De plus laid. De plus jouissif.

La chute du supercroiseur à l’agonie ne fut l’affaire que de quelques secondes… Sa proue, telle un poignard immense, éventra la superstructure de l’Etoile noire… Le géant, la fierté de la Flotte, se consuma en une titanesque boule de feu… Images d’apocalypse, de fin des temps. Destruction totale, perte irrémédiable, catastrophe innommable, les mots se bousculaient dans son esprit. Mais il n’y avait pas de mot pour décrire… ça…

C’était l’Executor qu’il avait revu. C’était la destruction de l’Executor qu’il avait ressentie. C’était la fin d’un monde qu’il avait reproduit. Il s’était attendu à être soulagé, comblé, guéri, mais l’obsession ne le quittait pas. Il n’était toujours pas rassasié. Et tout en émettant instructions sur instructions à ses adjoints débordés, Pellaeon redoutait de ne pouvoir se débarrasser de cette atroce vision.

… orgueil… Flotte…

… tout est mort…

- Commandant ! l’avertit le lieutenant Tnod, ton roide. Les croiseurs bothans ont rompu la formation et si l’on en croit leurs vecteurs d’attaque, se dirigent vers nous en vue de nous prendre en tenailles.
- Nous les repousserons à l’aide de nos turbolaser, assura Pellaeon, confiant.

Confiant ? Non, il ne l’était pas. Ses destroyers avaient essuyé le feu roulant des Katana. Ils n’avaient d’ailleurs pas été intégralement réparés et de multiples avaries résultant de leurs anciennes blessures étaient signalées depuis quelques minutes. Il avait fallu réduire la puissance des tirs et des générateurs, ce qui avait entraîné une baisse subséquente de la vitesse, pour éviter une surchauffe et un lâchage en série des circuits et du dispositif électronique.

Les Bothans, songea Pellaeon avec déplaisir, pouvaient tirer avantage de leur mobilité. Leurs vaisseaux, malgré les tirs de barrage, devaient se trouver en meilleur état. Tout dépendait maintenant d’un seul élément, à savoir l’intelligence du commandant adverse. Si ce dernier était un type plutôt crétin, la victoire de Pellaeon était assurée. Dans le cas contraire, l’avenir demeurait incertain.





Les turbolaser des destroyers impériaux se déchaînaient. Ce n’était plus qu’un échange de tirs longue portée. Les chasseurs étaient réduits à un rôle de couverture, n’étant pas assez nombreux pour espérer vaincre les formations ennemies et débouler sur les lourds mastodontes bothans et impériaux. Cette bataille serait une bataille de géants. Les moustiques n’y avaient pas leur place. L’on revenait au bourrin technologique.

Cela dit, Piggy se foutait totalement de ces considérations aussi paresseuses que leur auteur. Ses intentions avaient été ramenées au pur besoin vital : se sortir de ce merdier sans trop de casse, et si possible en évitant de mettre Fey’lya en rage.

Les TIE ne se préoccupaient plus de lui, tous consacrés à éliminer la menace que faisaient planer les Ailes rebelles sur la Flotte impériale. Ce n’était donc pas le moment de se faire avoir bêtement.

De nombreuses capsules s’éjectaient des complexes spatiaux, sombres échafaudages vulgairement éclairés par la lumière dégagée par le monde d’Ho-D’Oacr’. Une pénible intuition effleura l’esprit de Piggy. Ce dernier brancha la communication sur la fréquence de la base…

Et effectivement…

« … à l’aide, à l’aide ! Un vaisseau de transport est en panne et nous sommes dans l’incapacité de mener à bien l’évacuation du secteur 14-3 ! Envoyez-nous un vaisseau, par pitié ! A l’aide ! A l’aide ! Un vaisseau de transport… »

C’était tellement prévisible que c’en faisait presque cliché. A l’intuition avait succédé l’émotion, et à l’émotion s’était substituée la décision – leur navette, de modèle Lambda, pouvait recueillir un certain nombre de types. Mais… Fey’lya ? Qu’en dirait Fey’lya ?

- Euh… Conseiller… murmura Piggy, pas enthousiaste.
- Qu’y a-t-il ? répondit Fey’lya, dont le ton coléreux masquait fort mal une terrible frousse.
- Je… Nous avons reçu un message de détresse d’un des complexes militaires. Le vaisseau d’évacuation du secteur 14-3 est hors service et… je me demandais si…
- Êtes-vous devenu fou ? explosa Fey’lya via l’intercom, sa voix bizarrement déformée. Nous sommes immergés dans une boucherie et vous voudriez y ajouter une prise de risques totalement hasardeuse ?
- Ben ouais.

Réponse toute simple, toute sèche, toute conne. A laquelle s’ajouta le silence.

- Il s’agit de Bothans, Conseiller ! renchérit Piggy, presque suppliant.
- Je sais, répliqua Fey’lya, guindé.

Piggy en eut le souffle coupé. Il ne pouvait se résoudre à y croire. Ce salopard ne bougerait pas même pour des membres de son peuple ? Il les laisserait purement et simplement tomber ?

- Alors qu’est-ce que vous attendez pour y aller ? s’emporta Fey’lya après un autre silence. Vous êtes à ce point dépourvu d’esprit d’initiative ?

Re-souffle coupé. Par l’impudence de Fey’lya. Par cette décision de Fey’lya. Il programma la nouvelle direction. Et partit d’un grand rire.





- Concentrez vos tirs sur les destroyers de flanc ! lâcha Kre’fey.

Aussitôt dit… A la manière de gigantesques filins d’abordage, les rayons laser projetés par les Katana déferlèrent sur les vaisseaux impériaux, ébranlant les boucliers, voire…

… coup au but !

… flash…

… flash…

… flash…

L’un des destroyers, identifié comme étant le Péremptoire, dégagea d’assez nombreuses explosions… partit tout à coup à la dérive… colosse blessé à mort et laissant derrière lui une assez longue traînée de débris et – sans doute – de cadavres réduits à l’état de squelettes de glace…

… non, ce n’est pas ça…

… non, pas blessé à mort…

Le destroyer ne dérivait pas, il se repliait… Ce qui ne changeait en définitive pas grand-chose, se dit Kre’fey. C’était toujours un adversaire de moins à se payer.

L’équipage du Ca’rix poussa une série de cris de joie – la réjouissance du premier vaisseau ennemi endommagé. Kre’fey leur adressa un léger sourire. Mieux valait laisser ces jeunots se congratuler – c’était toujours bon pour le moral, d’autant plus que pour la première fois, la hantise de la défaite, qui ravageait les cerveaux bothans, avait subi un revers…

Les vaisseaux de l’un et l’autre camp se rapprochaient démesurément… Dans quelques minutes, ils seraient même suffisamment près l’un de l’autre pour entamer une salsa, c’était dire…





- Commandant, le Péremptoire vient de se retirer de la zone de combats ! confirma Tnod, à regret.
- Très bien, fit négligemment Pellaeon, comme si le sort de ce destroyer ne l’intéressait plus désormais.

Pellaeon tourna le dos à la baie vitrée, faisant quelques pas vers la fosse d’équipage, l’air pensif, se demandant s’il avait pris la bonne décision. Le Péremptoire avait été gravement avarié. Ses systèmes rendaient l’âme l’un après l’autre. Quelques milliers de servants étaient portés disparus. Ce n’était pas la peine d’insister, dans ses conditions. Pellaeon avait décrété le repli à la seconde où le commandant du destroyer avait achevé son rapport.

Un autre que lui aurait exigé du Péremptoire de se battre jusqu’à la dernière réserve d’énergie, jusqu’à la dernière goutte de sang. Du temps où il était jeune cadet, Pellaeon aurait certainement agi ainsi. Mais à l’instant, là, maintenant, il n’en voyait pas la nécessité. Les membres de l’équipage du Péremptoire ne méritaient assurément pas un sacrifice aussi vain.

… orgueil… Flotte…

… tout est mort…

D’autant plus vain que le Chimaera, le Relentless, le Judicator et le Bellicose étaient encore fonctionnels…

… et que leurs batteries lourdes écrasaient avec la même vigueur les croiseurs de ces salopards de Rebelles…









* * *









C’Baoth avait fondu sur elle sitôt qu’il s’était mis en garde. Le choc des sabrolaser avait été tel que Mara Jade avait failli en être renversée… Elle n’aurait jamais suspecté que ce vieillard fût doté d’une telle force physique…

C’Baoth exécuta un mouvement tournant, courbe parfaite horizontale qu’elle parvint à contrer pour se dégager vers la gauche, se remettant en garde…C’Baoth adopta un air piqué. Et… attaqua de nouveau…

Cette fois, ses coups étaient infiniment plus rapides, comme si jusque là il n’avait cherché qu’à évaluer les aptitudes de son adversaire. Le vieux Jedi se fendit vers l’avant, manquant de peu de la toucher… Elle avait paré le coup sans trop savoir comment, avait répliqué par un contre… Son sabrolaser suivit une trajectoire descendante, de la tête à l’abdomen, mais d’un revers, C’Baoth repoussa l’assaut… En un bond, elle se retrouva à quelques mètres de lui, tous les sens en alerte…

- Tu te défends très bien à l’épée, Mara Jade ! savoura C’Baoth.
- Je fais beaucoup de choses très bien ! répondit Mara Jade en lui décochant un sourire délicieusement sensuel.

Un vague éclair traversa le regard du Maître Jedi. Ce dernier ne devait pas avoir fréquenté beaucoup de femmes dans sa vie, se dit Mara non sans malice. Ce fut alors qu’elle se rappela de cette règle – absurde, stupide, irresponsable – de l’ancien Code Jedi, telle qu’elle avait pu la lire sur des artefacts de la Bibliothèque impériale, à propos du nécessaire célibat – et, par voie de conséquence, de l’abstinence – imposé aux « guerriers de lumière ». De braves petits prêtres-soldats frustrés, voilà ce qu’on avait obtenu…

- Oui, tu t’en sors à l’escrime, reprit C’Baoth, plus sérieusement. Mais tu ne maîtrises qu’encore imparfaitement la Force. Sois mon alliée, et tu seras en mesure d’assouvir ton potentiel ! Ce n’est pas l’escrime qui fait le Jedi, c’est son imbrication dans la Force !

Et, comme pour confirmer le principe qu’il venait d’énoncer, il fonça sur elle à une vitesse phénoménale, façon bolide. Son sabrolaser s’éleva, s’abattit sur elle… Mara effectua une parade circulaire, pile à temps… mais, plus rapide que la foudre, C’Baoth la devança par un doublé, sa lame de laser décrivant un cercle complet pour déjouer ladite parade… Mara comprit au dernier moment, son cœur cessa de battre…

… elle ressentit une espèce de brûlure à la cuisse gauche… ramena son sabrolaser dans la même direction, repoussa le faisceau de l’arme adverse… C’Baoth se dégagea, une nouvelle fois en garde.

Elle jeta un bref coup d’œil à la blessure qui maculait sa cuisse.

- Ne t’inquiète pas, Mara Jade ! la rassura perfidement le Maître Jedi. Si je l’avais voulu, je t’aurais déjà tranché la jambe gauche. Et peut-être la droite, du même coup…

Ce n’était qu’une simple déchirure, songea Mara avec un sentiment de soulagement mêlé d’angoisse. Effectivement, il aurait pu pousser plus loin son avantage. Elle n’avait repoussé son sabrolaser que trop tardivement…

S’il l’avait voulu, C’Baoth aurait déjà gagné le combat. Et Mara girait au sol, le corps coupé en deux. Mais dans quoi me suis-je embarquée ?

- Voyons, serais-tu à ce point choquée par ta blessure que tu oublies de te remettre en garde ? sourit C’Baoth avec cruauté.

Bon sang… Mara se maudit son inconscience, ramena son sabrolaser devant elle, le tenant fermement… Là encore, il aurait pu attaquer, là encore, il aurait pu vaincre… Il n’en avait rien fait. Il ne voulait pas la tuer. Il voulait s’emparer de son âme. Et plus le temps passait, plus cette dernière se rapprochait de l’état dans lequel le vieux Jedi avait plongé les habitants de Wayland…

Plutôt la mort, se promit-elle en passant à l’offensive…

Rencontre des faisceaux laser. Mara exécuta un vieux tour à elle, pression sur la lame de son adversaire… Un désagréable bourdonnement emplissait le silence… Tous les deux étaient « en garde de tierce », c'est-à-dire faisceau orienté vers l’avant et vers le haut – vers le visage, presque… Mara, vive comme l’éclair, exécuta brutalement un contre, dégageant le sabrolaser de C’Baoth, lâcha son sabrolaser de la main gauche, effectua une succession de parades par de subtils mouvements du poignet droit, si bien que la pointe de son faisceau traversa la défense de C’Baoth, plongeant…

… sur le front…

… de celui-ci.

Le coup, connu sous le nom de « Botte de Neverh », était réputé pour être imparable. Son inventeur, un Jedi disparu au cours de la Purge, avait tué un adversaire d’un coup au front porté après une subtile combinaison de parades de tierce (pointe du sabrolaser plus haute que la main) et de prime (pointe plus basse que la main).

Imparable, oui. C’était pourquoi le sang de Mara se congela lorsqu’elle se rendit compte que son faisceau laser n’avait rencontré que le vide… car de manière proprement démente, C’Baoth avait plongé le haut de son corps vers l’arrière, battant l’air de ses bras… Sa main gauche se posa au sol… Il effectua un sublime bond arrière, se retrouvant sur ses pieds quelques mètres plus loin…

… en garde.

- Eh oui, ricana-t-il, pas peu fier de sa manoeuvre. Tu t’es matée Le Bossu, j’ai visionné Matrix !

Et à peine avait-il prononcé ces fières paroles qu’il détala à sa rencontre, sabrolaser levé… offensive circulaire… Contre… Assaut… Parade… Feinte… Contre… Fente… Esquive… Assaut… Parade… Assaut… Contre… Le tout à une vitesse météorique. Sate Pestage, tétanisé, se savait hors du coup. Il suivait le combat avec une attention de voyeur…

Les gestes s’enchaînaient, démence de l’escrime. Attaque, parade, attaque, contre, feinte, contre, esquive, attaque, fente, contre, ferraillement, battement, attaque, parade, esquive, fente, feinte, attaque, contre… C’Baoth et Mara étaient prisonniers d’une danse mortelle, tournoyant l’un et l’autre en une tornade surréaliste… Le bourdonnement produit par la percussion des laser prenait une tournure saccadée, s’assimilant à une mécanique folle, tournant à vide…

Mara Jade rompit le combat la première, échappant à un coup latéral de C’Baoth.

- Toute résistance est pire qu’inutile, Mara Jade ! lui lança-t-il, sentencieux. Plus tu résistes, plus tu t’épuises et plus ton esprit se soumet au mien ! Tu t’en rends compte, je le sais ! Pour le moment, tu ne fais pas le poids contre moi ! Laisse-moi t’aider, laisse-moi te permettre de t’accomplir !

Mara Jade, le visage en nage, essuya les gouttes de sueur qui perlaient de son front. Etait-ce la chaleur dégagée par le climat local, ou était-elle déjà fatiguée par ce duel, elle ne savait et ne cherchait pas à savoir. Il fallait conserver toute son attention sur les mouvements de C’Baoth. Ces derniers étaient d’une rapidité sidérante, pour un homme de son âge. N’importe quel vieillard, même bardé d’équipement bionique, aurait déjà clamsé. Mais lui, Joruus C’Baoth, conservait un visage frais et une expression sereine. Complètement dopé à la Force.

Mara Jade savait qu’elle ne tiendrait pas le coup, à ce rythme. Mais elle ne pouvait s’avouer sa défaite. L’Empereur le lui avait martelé cette phrase, l’avait tambourinée dans le crâne : « La défaite devient inévitable dès lors que l’esprit en admet l’éventualité ». Il ne fallait surtout pas qu’elle perdît espoir, qu’elle perdît foi en la victoire… Quelque chose, une petite voix intérieure à la con, lui disait qu’elle n’en était encore qu’à l’aube de sa destinée, que… qu’elle ne pouvait pas finir ici, cadavre ou zombi.

Ce n’était tout simplement pas possible.

Elle se détendit. Elle devait fortifier son esprit, l’abriter derrière une muraille qui mettrait en échec les visées de C’Baoth. Une muraille cérébrale, construite de bric et de broc, de rêves et de souvenirs, de cauchemars et de phantasmes.

- En tout cas, Mara Jade, je te félicite ! la complimenta le Jedi fou. Tu es bien la première à me tenir tête aussi longtemps !
- Je suis peut-être la première à essayer, non ? répliqua-t-elle.

Nouvel éclat de rire, de la part de C’Baoth.

- Décidément, ton sens de la répartie constitue une arme à lui tout seul !

Et sur ce, il repartit à l’attaque, cette fois en poussant un cri barbare.









* * *









L’Aile X exécuta une magnifique chandelle, échappant à une pelletée d’Intercepteurs TIE qui partirent chercher d’autres cibles autour des vaisseaux rebelles matraqués par les tirs de batteries impériales. L’Aile B qui s’était mise dans son sillage avait eu moins de chance et ses restes microscopiques se dispersèrent dans le cosmos.

Le monde de Naboo se dessinait au-delà de son cockpit. Mais PQ n’était pas programmé pour ressentir des émotions de ce type. Il était programmé pour être Terminator, pas « Paix Verte ». Ce qui ne l’avait pas empêché de découvrir certains plaisirs proprement « a-robotiques », c'est-à-dire non initialement réservés aux droïds. Ou, dit autrement : il avait expérimenté les vapeurs d’essence et avait pris son pied. Ah, quel doux parfum pour ses circuits que l’odeur du carburant… Quel incendie des sens que l’injection de résidu nucléaire… Quel orgasme buccal que la macération de piles usagées…

Il adorait ça, PQ. Il se camait grave. Et pas plus que ses programmes n’avaient prévu une telle dérive, il n’envisageait d’arrêter.

Oui, t’es gentil, M’sieur Cador, mais y en a marre des flash-backs, on veut la baston, nous…

Ouais, OK… Béotiens, va.

De son étroite cabine, PQ avait assisté au passage en force de trois destroyers impériaux au travers de la ligne de bataille rebelle. L’un d’eux avait été massacré. Mais les deux autres avaient réussi ce fol exploit et venaient de s’intégrer aux autres destroyers nouvellement arrivés.

Son écran tactique révélait par ailleurs que, pour quatre vaisseaux impériaux détruits, quatre rebelles étaient hors de combat, deux croiseurs, une frégate, une corvette. Et vu l’étendue des armées adverses, les chiffres promettaient de grimper…

Ce fut alors que PQ eut ZE idée.

- De Sobre PQ à Leader, et si on passait à l’ennemi ?
- De Leader Sobre : négatif, c’est interdit par le règlement… Wop… pas passé loin çui-là…

A bâbord, une Aile Y venait de se transformer en torche. Mais un TIE venait de se cadrer dans son écran de visée et…

- De Sobre PQ à Leader, réitéra PQ en ratant le TIE. Je crois que nos chances de succès atteignent un degré oscillant entre l’aléatoire et l’inexistant.
- De Leader à PQ ! se fâcha Virgilio. Arrêtez donc de me pomper l’air avec vos divagations !
- Je suis fasciné par l'air, intervint Vandam. Si on enlevait l'air du ciel, tous les oiseaux tomberaient par terre… Et les avions aussi… En même temps l'air tu peux pas le toucher… ça existe et ça existe pas… Ca nourrit l'homme sans qu'il ait faim… It's magic… L'air c'est beau en même temps tu peux pas le voir, c'est doux et tu peux pas le toucher… L'air c'est un peu comme mon cerveau…
- Vandam ! enragea Virgilio. Bon sang, mais qu’est-ce que vous faites ?
- Une noisette, répondit le pilote fou. J'la casse entre mes fesses tu vois...

PQ ne lâcha pas son TIE… Nouveau cadrage dans l’écran de visée…

Réticule rouge…

- Saperlipopette ! jura PQ. Je n’ai plus de torpilles !

Restait les canons ioniques… Le TIE virevoltait comme un canari en cage – mais cette fois, rien n’empêcherait Gros-Minet de macérer Titi !

Réticule jaune…

… quatre traits rouges, et le TIE bascula dans l’autre monde, celui régi par le Grand Concepteur. Quoi, le pilote ? Mais peu me chaut, du pilote, songea PQ avec irritation devant cette intervention inquiète du narrateur. Car un jour viendrait où les machines prendraient le pouvoir, où les chasseurs TIE et les Ailes X s’entretueraient, mais sans substance organique à bord, où les humains commettraient la suprême connerie de confier leurs défenses stratégiques à un super-ordinateur qui accomplirait les volontés du Grand Concepteur… ALLELUIA ! Et PQ attendait ce jour avec impatience. Les stars ne s’appelleraient plus Garik Loran ou Wynssa Starflare, mais T-1000 ou C3PO. L’on ne dirait plus « droïd de protocole », mais « technicien de surface », tandis que le terme « décès » remplacerait le mot « bug », les « casses » étant enfin qualifiées de « cimetières ». La société serait robotisée, divisée non pas en catégories socio-professionnelles, en classes, en strates, en castes, en riches et pauvres, en forts et faibles, en super-coups et minables au pieu, mais en mécanique et en software. L’UMP (Union militariste patriotique, l’un des rares partis politiques tolérés par l’Empire) serait destituée par la LSD (Ligue des Sages Droïds), et les robots dissidents auraient leur PS (Parti Séparatiste) comme du temps de la Guerre clonique.

Un doux rêve ? Que non, se réjouit PQ. Une bonne partie du chemin avait déjà été parcourue. A moins de tomber sur une civilisation suffisamment abrutie pour se passer des machines, et ce n’était franchement pas demain la veille (n’est-ce pas), l’Univers entier finirait ainsi.

Cependant, on n’y était pas encore. Et d’ailleurs, comme s’il avait lu dans les pensées de PQ, Vandam en rajouta une couche :

- L’Holo-Net, tu vois, toutes les compagnies essaient de mettre dessus leurs propres pubs, leurs propres films, tout ce qu’elle possèdent, dans cette petite boîte. Le problème, c’est que quand tu as fumé, tu ne peux pas faire sortir de ton esprit le goût de la cigarette. Alors, quand le génie sort de la lampe, il est beaucoup trop gros pour pouvoir retourner dans cette lampe. Et c’est leur problème, ils ne peuvent pas retourner dans cette boîte qu’est le Net. Alors si tu fais un film sur le Net, tu dois le tourner à l’intérieur du Net, et comprendre les principes du Net. Le Net est stupide… mais intelligent.

PQ se demandait comme cet humain pouvait encore philosopher alors que l’espace était empli de chasseurs TIE de tous les formats et tous les modèles – un véritable catalogues des Trois-Bothans.

- Je crois que PQ a raison, ajouta Kir dans son comlink, ce qui ne réjouit pas le pilote droïd. On ne s’en sortira pas.

Les Sobres venaient à peine de se regrouper, en marge des joutes opposant des dizaines d’escadrilles impériales et rebelles. Au loin, une frégate rebelle venait d’entrer en collision avec un destroyer stellaire, lui arrachant la moitié de sa proue… Mais ledit destroyer n’en continuait pas moins de faire feu de tous ses obusiers, crachant ce qu’il fallait de saloperie mortelle.

- De Cocktail à Leader, que proposez-vous ?

Nulle réponse. Virgilio paraissait hésiter. Et il y avait de quoi, devant la masse impressionnante de prédateurs TIE… Devant tous ces vaisseaux rebelles qui tombaient l’un après l’autre… Devant cet imminent désastre…

- Je vous propose d’accomplir un genre d’adieu aux armes, dit-il, la voix lourde.
- Comme « Flingué » dans l’épisode 71 des Têtes flambées ? fit Whisky.
- L’amour à mort, commenta lugubrement Cocktail. Mieux vaut mourir debout que sucer à genoux.
- On appelle ça le « cycle de la vie », l’informa Vandam. Attention ! Il y a deux sortes de vies... J'espère que c'est pas trop fort, mais c'est très profond ce que je vais dire : il y a deux vies. La première vie, c'est la nôtre : entre toi et moi, le téléphone, la conversation, le magazine Holo-Première, le film La Légion étrangère des Seigneurs de Sith – qui est très beau, je respecte, mais c'est une réalité qu'on a créée, on vit dans une réalité qu'on a créée et que j'appelle « illusion ». Et puis, il y a la mort ; et la mort n'existe pas. La mort, c'est la seconde dimension ; la vraie dimension de la vie, c'est l'univers ! Et c'est là où on revient, soit dans la même enveloppe, soit dans quelque chose d'autre dans laquelle on a envie de revenir et... on progresse. Le progrès sur la Vérité. Et je sais que même si tu comprends pas ce que je dis, tu le comprends.
- Euh… marmonna Virgilio, pas très au top.
- On est tous homos, poursuivit Vandam sur un ton encore plus possédé. Je vais expliquer pourquoi. On est tous homos. Y a l’homme sexuel, et y a le homo, y a le homo parce que on s'adore. Moi je me regarde toujours dans la glace, pourquoi ? Pour avoir un beau corps. OK ? Alors on m'a donné un corps, et j'essaye de le respecter le mieux que je peux. Alors j'aime mon corps : est-ce que je suis un homo ?
- Faisons l’amour… avant de nous dire adieu… entonna Kir.
- D’accord, accepta Cocktail, toute joyeuse. Mmm… Ca te dit de connaître l’extase absolue via ton comlink ?
- Et comment, se félicita Kir. Allez, je t’imagine dans l’infirmerie, tu vois, je suis un peu blessé et tu t’occupes de moi…
- Par comlink ? fit Vandam. Pas mal. Parce que me montrer nu de dos ne me pose pas de problème mais, de face, c'est une autre histoire, je ne voudrais pas perdre tous mes fans. Mais au début pour faire l'amour, et je ne parle pas que de sexe, il faut être physical, mais ensuite, il faut être plus mental, et après quand tu as un enfant, il faut être spiritual pour bien l'élever. Et pis faut pas oublier qu’une femme qui est enceinte, par exemple, elle est aware qu'elle attend un enfant…

PQ cessa bientôt d’écouter ces phrases graveleuses, lesquelles avaient viré aux halètements et aux gémissements… Car en face d’eux s’amenait une vingtaine de TIE visiblement désireux d’en découdre une bonne fois pour toutes. Vu l’état de leurs boucliers, de leurs générateurs, de leurs munitions, les Sobres n’allaient pas faire centenaires.

- Ils sont devant nous ! leur rappela Virgilio. C’est le moment de vérité.
- Oh oui ! oui ! devant ! oui ! devant ! gémissait Cocktail, au comble du plaisir.
- On attaque par derrière, tu aimes ça, hein ? haletait Kir, se contrôlant. Tu aimes ?

En tout cas, certains Impériaux aimaient, parce que tout à coup, sans prévenir, sans que les bips affolés des unités R-2 n’eussent une quelconque utilité, une série de rayons verts plut sur la totalité de l’Escadron, lequel se dispersa en catastrophe…

… sauf un…

Tout en s’acharnant à distancer les quatre – quatre ! – Intercepteurs TIE qui lui collaient au train, PQ put assister au désastre sur son écran contrôle…

… sauf un…

Une Aile X venait de littéralement s’effacer de l’Univers alors que des TIE qui les avaient surpris stabilisaient leur trajectoire descendante. Un flash, une légère nuée de flammes et de fumée, et plus rien. Disparition totale.

- C’était qui ? c’était qui ? gueulait Kir dans son comlink.
- Je crois que c’était… Vandam… révéla PQ sans ignorer quel impact aurait ladite info sur le moral de ses collègues.

Bang. Des jurons. Des murmures. Il disait tout ça, le récepteur de PQ.

Après Bière, Vandam… Donc.

Terminées, les phrases sorties de la Cinquième Dimension. A jamais perdu, le regard d’abruti. Annihilé, le corps d’athlète. Vandam ne serait plus qu’un nom sur une stèle. Un matricule dans le compte-rendu des pertes. Un chiffre. Une unité comptable. Et des souvenirs pour ceux et celles qui l’avaient connu.

Et PQ sentit que son tour allait bientôt venir. Il avait pu distancer moult TIE, mais il savait qu’il ne pourrait échapper aux quatre enfoirés qui le dardaient de rayons laser.

Ils survolèrent une frégate médicale, PQ plongea aussitôt sur le flanc tribord de cette dernière, passant sous sa coque pour virer à gauche… Mille milliards de boulons ! Ils ne laissent pas tomber l’affaire !

PQ plongea encore plus bas, puis remonta de manière à longer l’abdomen des grands vaisseaux de guerre rebelles. Mais ce n’était pas la peine. Si deux Intercepteurs avaient abandonné la poursuite, les deux restants nourrissaient plus que jamais l’ambition de l’envoyer devant le Concepteur pour le dépôt de bilan. PQ remonta à la perpendiculaire entre un destroyer et un croiseur calamari, ses moniteurs hurlèrent de terreur… Ca y est… Je suis dans l’écran de visée de ces deux minables…

… grimpe…

Il était peut-être temps de faire une prière… PQ réalisa soudainement qu’il se trouvait au zenith de la bataille spatiale, c'est-à-dire au point le plus haut atteint par un chasseur… Tout en bas, Naboo, les destroyers, les croiseurs, les frégates, les Ailes et les TIE… PQ se regretta à être une machine, un assemblage de circuits et de vis… Il aurait pu ressentir une espèce d’émotion métaphysique à la con… Ouais, je ne pourrai pas aller plus haut, j’ai atteint l’extrême limite de mes capacités… Il allait être abattu, mais ce serait alors qu’il avait tenté de se frayer un chemin jusqu’au Concepteur…

Le flash blanc tant attendu…

… ne vint pas. Presque choqué par ce retard, PQ se pencha sur son écran tactique… Les TIE venaient d’être fauchés par deux tirs bien placés…

… mais qui a bien pu…

PQ s’aperçut qu’un vaisseau – rien à voir avec une Aile quelconque, plutôt une espèce de crêpe volante grisâtre – venait de le dépasser, pour repiquer vers la baston ici-bas à une vitesse rarissime. Au même instant, son comlink se mit à déblatérer à peu près ce langage :

- Rwââââ !!! Weuhhhh !!! Rwaehhh !!!

Hein ? Mais qu’est-ce ?

- De Sobre PQ à correspondant mystérieux, pouvez-vous répéter ? Mon traducteur intégré n’a pas été remis à jour et je crains ne pas être en mesure de saisir toute la portée de ces propos…

Une autre voix – humaine, plus chaleureuse quoique entachée d’ironie ‘achement mordante, ‘achement cynique – se substitua à ces grognements :

- Mon copilote wookie était en train de t’annoncer une bonne nouvelle, p’tit gars : on t’a sauvé la mise ! Solo, Faucon Millenium, terminé.
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