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La Lame de la Justice
Fiche | An -15 | Dix-sept ans plus tard… | Vingt ans plus tard...
Vingt ans plus tard...
 
L’air froid et humide de la jungle de Yavin IV était sans aucun doute l’une des choses qu’il avait le plus de plaisir à retrouver lors de ses fréquents séjours à l’Académie Jedi. Sa course matinale lui manquait cruellement depuis qu’il avait quitté le Praxeum trois années auparavant pour suivre son Maître dans ses incessantes aventures aux quatre coins de la galaxie. Cette existence de Chevalier Jedi errant au service de la paix et de la justice était certes passionnante et enrichissante (surtout pour un jeune homme qui avait grandi reclus sur une planète aride), mais il s’apercevait combien sa paisible vie sur Yavin IV le rendait nostalgique. Au cours de ses missions, il avait eu l’opportunité de découvrir tant de mondes fabuleux et d’espèces fascinantes, mais Yavin IV restait le seul endroit où il pouvait réellement se sentir chez lui. Bien plus que sur la triste planète Litonia, où sa mère était morte il y avait de cela six ans déjà.
Kano bondit agilement au-dessus d’un tronc d’arbre renversé, esquiva avec la grâce propre aux Jedi une colonie de woolamandres en quête de nourriture, puis traversa un petit ruisseau à l’eau fraîche et cristalline. La chaleur moite, déjà au petit matin, l’avait poussé à ne se vêtir que d’un pantalon et de chaussures légères, tandis que son sabre laser avait été sanglé à sa cuisse pour ne pas gêner ses mouvements. Chaque fois qu’il venait passer un peu de temps à l’Académie entre deux aventures, il ne manquait pas d’effectuer son entraînement physique quotidien, seul avec le calme apaisant de la jungle familière. Ce matin là, il avait poussé son exploration plus loin que d’habitude, et il était désormais temps de prendre le chemin du retour. Sur cette lune du système Yavin, Kano n’avait nul besoin de carte, de panneaux ou de boussoles pour retrouver son chemin : la simple présence dans la Force de tous ses semblables Jedi suffisait à lui indiquer la direction de l’Académie.

Il continua à courir pendant un temps indéterminé, et peu après, le sommet du temple Massassi principal apparut au travers des frondaisons. La présence que Kano percevait le plus distinctement était celle de son Maître Maran Cahru, un takisha calme que nombre de Jedi estimaient être l’un des grands sages de l’Ordre. Ce fait était accentué par le mystérieux choix fait par Maran de se vouer entièrement au pacifisme. Cette décision avait été scellée trois ans auparavant, alors que la Nouvelle République et l’Empire signaient un traité historique et offraient enfin une appréciable période de paix à leurs citoyens respectifs. Au cours de toutes les missions ensemble, Kano n’avait donc jamais vu son Maître ôter la moindre vie, et ce même dans des situations critiques où les sabres laser avaient dû être activés. Maran faisait preuve d’une volonté forcenée à défendre ceux qui étaient dans le besoin, sans pour autant affliger le châtiment suprême aux coupables, épargnant même les plus dangereux criminels. Cela était certes la tâche des Jedi, mais Maran Cahru s’en acquittait avec un soin et une dévotion hors du commun.
Kano ignorait les raisons qui avaient mené le Maître Jedi à un tel choix. Que ce revirement corresponde à la signature du Traité de Paix était probablement un indice, mais Kano n’avait de cesse de se demander si des facteurs plus complexes et personnels n’avaient pas également eu leur rôle à jouer. Maran n’avait jamais rien dit à son élève à ce sujet, et s’il avait quelques trouble passé à dissimuler ; Kano avait préféré ne pas insister. Maran était plus que son instructeur et son respect n’en était que plus grand ; il avait recueilli Kano alors que celui-ci était âgé de douze ans, juste après l’assassinat de sa mère Nicoma par un gouverneur impérial. Maran avait pris en charge l’éducation et la formation de l’enfant, et avait fait de lui un Chevalier Jedi droit et talentueux. Il était ainsi devenu une sorte de père (surtout que Kano n’avait jamais connu le sien), un ami, un confident, un mentor, un guide. L’être que Kano respectait et aimait le plus dans la galaxie.
D’autres personnes avaient bien sûr leur place dans son cœur, depuis qu’il avait commencé sa vie de Jedi. Un peu moins de deux ans plus tôt, au retour d’une mission diplomatique dans le système natal de Maran Cahru, Kano avait été chargé de faire visiter l’Académie à un nouveau venu, un humain de six ans son aîné. L’ancien soldat venait tout juste de mettre en échec un Jedi Noir qui menait un assaut contre un convoi républicain, et le jeune homme avait eu la révélation de ses dons de Jedi au cours de l’affrontement. Refusant une promotion au sein de l’armée républicaine, il avait été largement accepté à l’Académie Jedi. Kano et Teydo Pa’aja avaient immédiatement sympathisé, et deux années durant ils avaient forgé une amitié solide à chaque passage de Kano à l’Académie. Ce dernier avait une formation dans la Force bien plus avancée que Teydo, qui étudiait encore les enseignements de Kyp Durron. Cela n’empêchait pas Pa’aja, plus âgé, de se plaire à jouer le rôle du grand frère. Teydo était un type intelligent et jovial, ce qui forçait le respect lorsque l’on connaissait la triste histoire de sa vie : ses parents, ses trois frères, ainsi que son meilleur ami avaient tous péri à divers stades de la Guerre Civile Galactique.
Kano comptait bien d’autres proches sur Yavin IV ; les Maîtres en charge de l’Académie – Kam Solusar, Tionne et Streen – l’avaient toujours bien entouré. Il pensa aussi à la jolie zeltron avec laquelle il avait noué une relation affectueuse des années durant avant que, récemment, l’éloignement systématique de Kano ainsi que des motifs plus complexes ne les forcent à renoncer à leur tendre idylle. Enfin, Kano conservait de très bons rapports avec d’autres Chevaliers voyageurs, comme le rodien Jovan Drark.

Le Jedi accéléra légèrement sa course pour parcourir la distance qui le séparait encore de l’Académie. Il était attendu pour son cours, et être en retard était une chose qu’il se refusait à s’accorder. Quelques minutes plus tard, il atteignit un petit bâtiment annexe au nord du grand temple d’où l’Alliance Rebelle avait lancé un assaut désespéré mais couronné de succès contre l’Etoile Noire, vingt-deux ans auparavant. Un turbo-lift le mena aux quartiers réservés aux Jedi de passage, où Maran et lui avaient leur chambre habituelle. A peine entré, il ôta ses vêtements et les jeta par-dessus son épaule, utilisant la Force pour les faire atterrir parfaitement étendus sur son lit (un petit jeu qu’il adorait). Une bonne douche fut suivie d’un copieux petit-déjeuner, qui fit honneur au surnom « estomac ambulant », ou encore « estomac sur pattes », que certains de ses amis se plaisaient à lui donner. Son sabre laser vint s’ajouter à sa tunique verte préférée, puis il sortit pour le cours matinal.

Il atteignit la petite arène en pierre qui servait à l’entraînement au sabre des apprentis. Plusieurs jeunes Jedi de diverses espèces attendaient en bavardant, et le visage de Kano s’illumina en reconnaissant quelques silhouettes familières. Maran et lui étaient arrivés en pleine nuit, et Kano n’avait encore pu rencontrer personne hormis l’insomniaque Streen (qui en réalité était probablement resté éveillé pour avoir le plaisir d’accueillir le duo) et quelques Jedi de garde. Néanmoins, Kano eut le coeur serré en observant les jeunes gens assemblés : il en connaissait à peine un sur quatre, et réalisa alors qu’il n’était plus d’ici. Il appartenait à une autre génération (alors qu’il était parmi les plus jeunes !), il avait fini sa formation alors que nombre d’autres la commencaient à peine. Avisant Teydo qui discutait avec enthousiasme, il constata que son ami, lui, était parfaitement intégré dans le groupe, entouré d’amis que Kano ne connaissait que vaguement.
Il reconnut Evan Dohan, un jeune humain d’une quinzaine d’année à peine et qui étudiait en symbiose avec Teydo (et ce malgré l’animosité entre leurs Maîtres respectifs, Moorca et Kyp Durron, ainsi que la grande différence d’âge entre les deux apprentis). Il vit également une autre Jedi du petit cercle d’amis de Teydo : Ayline, mignonne brunette qui souffrait d’une amnésie depuis plusieurs années et qui peinait malheureusement à parfaire sa formation. Il aperçut également Grey Taggart et Eziel Jryl, qui interrompirent leur démonstration d’affection réciproque pour le saluer d’un discret geste de la main. Dans un coin, les deux éternels compères Qua’ar Braki et Ka’tar s’entretenaient vivement ; plus précisément, le bothan se vantait avec enthousiasme de ses capacités guerrières tandis que le noghri l’écoutait docilement avec une patience admirable. Kano reconnut également les soeurs twi’lek Alema et Numa Rar ainsi que Taliss (le jeune homme était devenu plutôt préoccupé depuis la mystérieuse disparition de son amie Gaya) et Tekli la chadra-fan. Le nombre d’apprentis qu’il connaissait s’arrêtait là. Ses autres camarades étaient des Jedi accomplis qui avaient quitté l’Académie comme lui. Tous les autres étudiants lui étaient inconnus, certains n’étaient même pas encore là lors de sa dernière visite.
Dès qu’il le vit, Teydo Pa’aja se fendit d’un large sourire, vint à sa rencontre et lui flanqua une affectueuse accolade.
– De retour à la maison ?
– Comme tu dis, répondit Kano en souriant. Salut Evan, salut à tous.
Evan lui serra la main, tandis que les autres élèves cessaient leurs bavardages pour se tourner vers le Chevalier Jedi. Kano accepta alors de raconter son dernier voyage, narra comment Maran Cahru avait mené des négociations entre deux clans de gamorréens rivaux pour éviter une hécatombe, tandis que Kano menait une enquête et obtenait le preuve qu’un troisième clan, mais de twi’leks trafiquants d’épices celui-là, avait tout manigancé pour monter les deux autres l’un contre l’autre et en tirer ensuite parti. Kano s’appliqua pour raconter la fin de son périple (Maran jeté en pâture à un acklay, Kano affrontant les traîtres sabre à la main ; la routine...) sous les yeux admiratifs des plus jeunes, puis décida qu’il était temps de débuter les exercices.
Certains Jedi s’étaient souvent demandé comment Kano, élève d’un sage pacifiste, avait bien pu devenir un tel expert au sabre laser. En fait, seuls les Maîtres savaient que Maran Cahru lui-même était un virtuose du sabre, malgré ses idéaux. Mais le takisha souhaitait (pour des raisons connues de lui seul) garder ce talent secret, et seul Kano avait eu l’honneur de partager son savoir. En règle générale, le Jedi Kyle Katarn prenait en charge l’instruction du sabre aux aspirants Jedi, lui qui avait une réputation d’implacable tueur de Jedi Noirs (Jerec et ses six sbires, Desann et ses « faux » Jedi...). Depuis que Kyle s’était enfin décidé à rejoindre les rangs des serviteurs de la Force, il était devenu un instructeur en combat appréciable et un Jedi respecté. Néanmoins, les élèves appréciaient de suivre de temps en temps les cours d’un Jedi plus jeune et plus proche d’eux, à savoir Kano.

Alors que Kano commencait à dispenser son enseignement, Maran Cahru observait discrètement son élève qui faisait sa fierté . Il aurait pu donner ces cours lui-même (bien que Kano le fasse très bien) mais... pour lui l’ère du sabre était définitivement révolue. Kano avait bénéficié de ses connaissances, mais il serait le dernier et le seul. Le jour où les mains de l’impérial Pellaeon et du républicain Gavrisom s’étaient serrées en un geste de paix, le déclic s’était fait dans l’esprit du Maître Jedi. Certes, un sabre laser pendait symboliquement à sa ceinture, mais jamais plus son arme n’ôterait la vie. Trop de souvenirs, trop d’erreurs, trop de drames hantaient son esprit. Il ne voulait pas revivre ça.
Il avait pourtant continué à tuer des années durant après sa malheureuse expérience avec le Soleil Noir. Il n’avait eu de cesse de combattre les bourreaux impériaux, jusqu’à la paix. Mais il avait abandonné sa vanité de faire sa propre justice, vanité qui l’avait laissé se faire manipuler, et il s’était résolu à prendre des ordres auprès de gens dont la loyauté ne faisait pas de doute. Pour l’Alliance Rebelle puis pour la Nouvelle République, il était devenu un protecteur, veillant à la sécurité de personnalités honnêtes qui servaient réellement la justice. Il avait troqué sa sombre tunique pour un banal uniforme puis pour une bure de Jedi au bout de dix ans, époque à laquelle le sabre laser à lame blanche avait pris la place du sabre rituel codru-ji en cylar. Ce sabre qui avait tant fait couler le sang avait été remis à Luke Skywalker, et Maran n’avait jamais cherché à savoir ce qu’il en avait fait. Justice avait lentement disparu, laissant pleinement exister Maran Cahru, un être qui préférait désormais protéger plutôt que de tuer. Son rôle, avant de devenir un Jedi, avait certes maintes fois requis qu’il neutralise des menaces, mais dans ces cas là il pouvait au moins être sûr de respecter son vœu : tuer pour que d’autres vivent. Sans commettre d’erreurs. Détruire le Mal pour défendre le Bien.
Puis peu à peu, il avait eu la réponse à certaines de ses interrogations. Lorsqu’il avait appris l’existence d’une Académie Jedi plus de dix ans auparavant, il s’y était rendu poussé par son instinct mais aussi par la main du destin. Luke Skywalker avait immédiatement perçu ses talents enfouis, un grand don dans la Force qu’un voile émis par un Jedi décédé avait dissimulé pendant près de vingt-cinq ans. En explorant l’esprit du takisha, Skywalker avait brisé le voile et soudain le coffre du passé de Maran Cahru avait révélé ses mystères. Maran avait certes été sous le choc en se souvenant soudain de son enfance de Padawan et de la fin tragique de cette ère, mais en fin de compte apprendre qu’il avait l’étoffe d’un Jedi ne l’avait guère surpris : bien qu’il l’ait oubliée, la Force était toujours restée à ses côtés. Même après tant d’années partagées entre la solitude puis les assassinats, les enseignements reçus étant enfant lui étaient revenus, faisant de lui l’un des Jedi les plus brillants du Nouvel Ordre et le propulsant rapidement parmi les Maîtres. Il s’était par moments senti comme un aveugle recouvrant la vue, et Skywalker ne s’était pas privé de le bombarder de questions sur les Jedi qu’il avait jadis côtoyés, de même que l’historienne Jedi Tionne.
Maran avait servi l’Ordre de son mieux, tentant de réfréner sa puissance meurtrière, avant de parvenir à l’annihiler totalement à la signature de Traité de Paix. Entre-temps, il avait un jour réceptionné un message d’une certaine Nicoma de la planète Litonia, qui souhaitait confier son fils à l’Ordre Jedi. Elle avait fait part de détails troublants sur l’origine de l’enfant âgé de douze ans et sur l’intérêt que lui portaient les impériaux, et Maran avait vite senti qu’une menace planait. Il avait été envoyé représenter l’Académie, rencontrer les parents et éventuellement ramener le Jedi potentiel, mais était arrivé trop tard. Le peuple de Litonia s’était soulevé contre l’occupation impériale, et Nicoma avait péri sans que le Jedi ne puisse faire quoi que ce soit pour la sauver. Maran Cahru avait alors pris le petit Kano sous son aile, se jurant d’accomplir le souhait de sa mère : faire de lui un Jedi valeureux et respectable.

Maran Cahru se détourna de l’observation de son disciple ; il avait lui aussi certaines obligations à remplir. En réalité, Kano n’était pas vraiment le seul à bénéficier des cours de sabre de celui qui avait jadis été connu sous le nom de Justice. Maran dispensait lui aussi des cours, mais d’un autre niveau et à des élèves bien particuliers, tout cela dans le secret, même Kano ignorait tout. Maran avait fini par trahir son voeu de ne plus apprendre le maniement du sabre à qui que ce soit. La seule personne qui était parvenue à le convaincre était Luke Skywalker en personne. Il lui avait présenté une requête formelle, tout en sachant très bien le sacrifice qu’il demandait, et Maran n’avait pas osé refuser ; il se justifiait lui-même en se disant qu’il acceptait par loyauté envers l’Ordre Jedi. Surtout lorsque Luke lui avait révélé le secret : il était question d’entraîner un petit groupe de cinq Jedi, formé pour agir dans l’ombre, remplir des missions délicates dont les bureaucrates de la Nouvelle République n’auraient jamais vent. Et pour ce groupe d’élite, Luke et Kyp Durron (le véritable initiateur du projet) ne voulaient que les meilleurs instructeurs.
Et le meilleur dans l’art du sabre, c’était indubitablement lui. Luke et quelques autres Maîtres étaient les seuls à qui Maran avait osé confier le secret de son noir passé, et le talent du légendaire Justice avait bizarrement retenu leur attention. Depuis deux ans déjà, Maran enseignait à ces cinq Jedi des techniques au sabre laser adaptées de sa technique de Justice. Il pénétra dans un temple isolé, fermé par une porte massive devant laquelle il avait dû s’identifier pour pouvoir entrer. Il était attendu ; Luke Skywalker, debout au centre d’une grande pièce vide, fut le premier à venir vers lui. Dans un coin de la pièce se tenaient d’autres Maîtres Jedi parmi lesquels se trouvait Kyp Durron. Maran Cahru les salua l’un après l’autre, en particulier ceux dont il était le plus proche comme Streen, Ikrit et Moorca. La plupart des Jedi étaient des humains, ce qui s’expliquait aisément : Palpatine et Vador avaient éliminé les Jedi et persécuté les non-humains. Peu surprenant donc que les Jedi non-humains soient rares ou aient encore peur de révéler leurs talents. Puis Maran porta son attention vers ses cinq « élèves », les cinq Jedi qui composaient le Groupe Kenobi.

Le leader Kyle Katarn était un humain parfois assez froid, mais dans le fond sympathique et diablement compétent. Il était en fait l’agent que Justice avait cru couvrir vingt-deux ans auparavant, mais le Soleil Noir l’avait en réalité mené en bateau. A ses côtés se trouvait l’élégante falleen Xira, femme hautaine et intelligente, une ancienne diplomate qui rappelait parfois à Maran son compagnon d’infortune, le seul qui ait aussi survécu à leur isolement prolongé. Puis venait Taren D’an, bith lunatique et pilote hors pair, en pleine conversation avec le ragnard Ikis, drôle de créature en apparence maladroite, mais génial lorsqu’il s’agissait de manier des appareils technologiques. Le dernier membre était Yug’rin, Jedi rodien très doué et probablement le meilleur ami de Maran Cahru. Tous deux partageaient en effet cette lubie du pacifisme et se comprenaient parfaitement, alors que certains autres Jedi avaient tendance à les voir comme de drôle d’oiseaux. Maran avait ainsi vu en Yug’rin l’unique personne à qui il pouvait confier un lourd fardeau...
– Bonjour à tous, fit Maran Cahru à l’assemblée.
– Bonjour Maran, répondit Kam Solusar avec un sourire.
– Votre expédition sur Gamorr s’est bien passée ? s’enquit Luke Skywalker.
– Ça a dû être amusant des aventures au pays des gamorréens, railla son épouse Mara.
– Tout s’est bien déroulé, Kano a été très clairvoyant et je suis fier de ses progrès. Mais je parlerai de tout cela plus tard, le sujet est tout autre aujourd’hui n’est-ce pas ? dit Maran avec un geste vers le Groupe Kenobi.
– C’est exact, acquiesça Luke. Certaines décisions doivent être prises et je tenais à avoir votre avis Maran, ainsi que celui de toutes les personnes présentes ici.
– Mon avis ? En quoi est-il nécessaire ?
– Vous allez vite le comprendre, promit Kenth Hammer, un ancien militaire que Maran avait rencontré du temps de la Rébellion.
Luke se tourna vers l’ensemble des Jedi et prit un ton solennel pour s’adresser à tous.
– Vous faîtes partie des rares personnes à connaître l’existence du Groupe Kenobi, et ce que vous allez entendre ne devra pas sortir de cette pièce.
Tous hochèrent gravement la tête.
– Bien. Lorsque Kyp m’a soumis – imposé serait un terme plus approprié – cette idée de commando Jedi il y a trois ans, j’avoue avoir tout d’abord été assez peu réceptif. C’est mon épouse, Mara, qui m’a poussé à réfléchir. Ayant travaillé des années comme agent sous couverture (Luke ne jugea pas utile de préciser que c’était au service de l’Empereur...), Mara sait combien il peut parfois être utile, voire nécessaire, d’agir sans avoir à rendre de comptes.
– Surtout lorsqu’on connaît les bureaucrates de la Nouvelle République... maugréa Kyp Durron.
– Comme quoi il nous arrive d’être d’accord ! s’exclama Moorca en souriant.
Le vieux Maître arkanien et le jeune Kyp étaient loin de s’entendre à merveille, leurs dissensions étant évidentes et la tension palpable. Ils se retrouvaient néanmoins souvent à travailler ensemble, leurs apprentis respectifs, Evan Dohan et Teydo Pa’aja, étant comme les deux doigts d’une main. Kyp rendit à Moorca un regard mi-complice mi-exaspéré.
– Mara m’a convaincu, et aujourd’hui le Groupe Kenobi s’est révélé digne de nos attentes, poursuivit Skywalker. J’ai donc décidé d’élargir l’équipe.
Tous parurent surpris, les membres du Groupe Kenobi les premiers, et la calamarienne Cilghal ne put s’empêcher d’exprimer sa consternation.
– Pour quoi faire ? Il faut admettre que l’équipe de Kyle est loin d’être surchargée de travail, alors à quoi bon en renforcer les effectifs ?
– Et cela fait trois ans que la paix a été signée, renchérit un autre Maître, et je fais confiance à Pellaeon pour que les Vestiges se tiennent à carreaux.
Alors que d’autres Jedi soulevaient des objections, Kyp s’aperçut que Luke ne disait rien mais le regardait ; il comprit alors que c’était son tour de prendre la parole.
– Je ne crois pas en la paix, déclara-t-il soudain.
Tous se turent alors pour reporter leur attention vers Durron.
– Non pas que je ne fasse pas confiance à Pellaeon, expliqua-t-il, bien que ce type ait mené l’assaut qui a coûté la vie à mon ami Dorsk 81, et cela je ne l’oublierai jamais. Mais c’était il y a presque dix ans, et je suis le premier à savoir combien l’on peut regretter les erreurs du passé (il perçut un hochement de tête triste de Maran Cahru). Mais disons que je n’ai pas confiance en tous les impériaux.
Les Jedi étaient attentifs, curieux de savoir où Kyp voulait en venir.
– Cela fait des mois que nous recevons des rapports faisant état d’activités de groupuscule terroristes loyaux à l’ancien Empire, et qui rejettent le gouvernement de Pellaeon. Le Haut Conseil de la République les ignore encore et les considère comme une menace négligeable, dit Kyp avec une pointe de mépris. Mais des innocents sont morts et d’autres risquent de suivre, et ça je ne peux le tolérer et vous non plus j’imagine. Cela a commencé par une attaque des indépendantistes sur un convoi pour l’Académie il y a deux ans, et l’homme qui est devenu depuis mon apprenti a été confronté à un Jedi Noir...

Un silence pesant fut la seule réaction de l’assemblée ; certains termes parvenaient toujours à retenir l’attention...
– Teydo a apparemment neutralisé la menace, reprit Kyp. Mais le simple fait qu’un Jedi Noir soit dans les rangs est suffisamment inquiétant en soi, d’autant plus qu’il n’est peut-être pas le seul. Les politiciens se sentent tellement à l’abri dans leur utopique cocon de paix qu’ils n’ont pas l’air décidé à agir. Et les forces armées ne peuvent absolument rien faire sans ordres formels.
– Hormis les unités officieuses, murmura Kenth Hammer pour lui-même.
– Il n’est pas vraiment dans les devoirs des Jedi d’éliminer des groupes terroristes, intervint Skywalker. Mais davantage de gens souffriront si on ne les arrête pas.
Luke et Kyp était si rarement d’accord que la surprise s’empara logiquement des autres Jedi.
– Luke, tu veux nous dire que nous allons tout de même nous attaquer à ces types s’enquit Corran Horn, perplexe.
La question était purement rhétorique, et Corran savait pertinemment que Luke et Kyp, même s’ils paraissaient être sur la même longueur d’ondes, devaient certainement avoir une conception nuancée des choses. Luke songeait sûrement à enquêter pour remonter la piste des attentats, tandis que Kyp était probablement déterminé à éradiquer les menaces dans son style... personnel. En outre, ni Horn ni aucun des Maîtres Jedi n’étaient idiots, tous savaient où Kyp voulait en venir. Le Groupe Kenobi n’avait pas été convoqué pour rien, et ce fut en fait Kyle Katarn qui répondit à la question de Corran.
– C’est mon équipe qui s’en chargera, affirma le leader du Groupe Kenobi.
– C’est exact, acquiesça Luke.
– Et la Nouvelle République n’en saura jamais rien, fit Kyp avec un sourire satisfait. Ils ne sauront jamais qui les a tirés d’affaire... ajouta-t-il en se renfrognant.
– C’est la raison pour laquelle j’ai accepté, rappela Luke. Pour protéger les citoyens même s’ils ne veulent pas de nous.
– Le Groupe Kenobi existe pour cela... déclara Kyp.
– Mais nous ne nous lancerons pas dans une traque impitoyable, affirma alors Luke. Nous allons enquêter sur les réseaux et intervenir judicieusement si nécessaire.
Un compromis Skywalker/Durron... songea Corran avec un sourire. Maran Cahru lui échangea un regard avec son ami Yug’rin, qui écoutait patiemment. Le rodien était dans le GK de son plein gré malgré ses idéaux pacifistes, et Maran savait que c’était un choix de Skywalker pour équilibrer les tendances de l’équipe. Yug’rin savait parfaitement quel était son rôle, mais aussi combien il était vital.
– Et vous estimez donc que les effectifs devraient être renforcés pour cette... assignation, demanda un Maître Jedi.
– En effet, confirma Kyp.
– C’est-à-dire ? s’enquit Kam Solusar.
Maran remarqua que Kyle ne posait aucune question ; Kyp, Luke et lui avaient dû se mettre d’accord au préalable.
– Trois membres supplémentaires, soit une équipe de huit Jedi encore plus complémentaires, ce qui était l’idée de base, dit Luke. Nous avons tenu à tous vous convoquer afin d’écouter vos objections, que ce soit pour l’implication du Groupe Kenobi dans cette affaire comme pour le choix des nouvelles recrues. Commençons par le premier point : je vous écoute.
– Kyp l’a dit : le Groupe Kenobi a été créé pour ce type d’opérations, fit Kam Solusar. A partir de là, je n’ai rien à ajouter.
– Mais il est hors de question de se lancer dans une guerre personnelle, et je souhaite insister sur ce point, objecta Moorca avec un regard d’avertissement que Durron reconnut comme étant à son intention.
Maran observa Katarn et ses quatre subalternes qui opinaient du chef, Yug’rin avec une conviction toute particulière.
– Fey’lya et sa troupe auraient vite fait de nous accuser de troubler la paix en nous attaquant à de pauvres citoyens impériaux, maugréa Mara Jade Skywalker. Tout débordement serait donc dangereux.
– Ne t’en fais pas Mara, assura Kyle à sa vieille amie. Nous savons tous ce que nous avons à faire, mais aussi ce que nous ne devons pas faire.
– Personne n’en doute, affirma Tionne. Qu’en est-il des nouveaux éléments ?
– Ils sont déjà sélectionnés, répondit Kyp. Mais nous souhaitons l’accord de tous et surtout des Maîtres qui ont formé les Chevaliers en question.
Ignorant lesquels d’entre eux étaient concernés, tous tendirent l’oreille.
– Pour ce qui est du premier, je crois qu’il est de mon ressort d’en parler, intervint Kyle. J’ai en effet exprimé mon souhait de prendre mon apprenti Qua’ar Braki comme adjoint au sein du GK.
– Qua’ar est un sacré numéro, lâcha Streen avec un sourire.
Kyle le regarda bizarrement, mais était conscient que son élève bothan, qui allait recevoir le titre mérité de Chevalier sous peu, de même que son camarade noghri, s’était forgé une réputation basée sur son arrogance et sa témérité.
– Mais ses compétences ne font aucun doute ! s’empressa d’ajouter Streen en souriant de plus belle.
– Il a parfaitement le « profil » GK, dit Tresina Lobi en souriant à son tour.
– On peut dire ça comme ça... fit Luke, voyant que le choix n’était pas vraiment contesté. Le second est un peu différent... Il s’agit de ton élève, Mara.
La belle rousse ne parut pas surprise le moins du monde.
– Il est parfait, déclara-t-elle simplement.
– Ka’tar ? s’exclama Cilghal, bien plus surprise que sa collègue humaine.
– Un cas particulier en effet, constata Tresina Lobi.
Le Jedi noghri, bien qu’apprécié de tous, avait effectivement la particularité... et bien d’être un noghri, voilà tout. Avec tout ce que cela comportait...
– Il est agressif, objecta Cilghal.
– Mais contrôlable et contrôlé, rétorqua Mara.
– Il est dangereux.
– Uniquement pour les adversaires qui l’ont mérité.
– Il est violent.
– Je dirais plutôt efficace.
Cilghal se tut alors et hocha sa grosse tête de poisson, visiblement satisfaite et convaincue par les réponses de Mara Jade Skywalker. Cette dernière, que ces multiples objections (qu’elle soupçonnait plutôt d’être un test de la calamarienne) avaient quelque peu irritée, engloba l’assemblée du regard.
– Ecoutez-moi bien, Ka’tar est un Jedi qui n’a pas plus à se reprocher que n’importe lequel d’entre nous. Certains traits de son caractère lui viennent tout simplement de sa nature de noghri, et si vous avez des objections, il fallait les formuler avant qu’il ne rejoigne l’Ordre. A présent, Ka’tar est un Jedi tout ce qu’il y a de plus honorable, il nous est aussi loyal que son peuple l’est depuis plus de dix ans envers la Nouvelle République et en particulier ma belle sœur.
– Personne n’a dit le contraire, assura calmement Maran Cahru. Mais en tant que noghri il a conservé ses racines d’assassin, et les assassins ne sont pas infaillibles. Ils peuvent commettre des erreurs. Et leur puissance rend ces erreurs d’autant plus grave.
Certains Maîtres présents connaissaient l’aspect personnel des paroles du takisha, et combien celles-ci devaient lui peser.
– Pas dans un bon environnement, fit fermement Mara.
Cahru se souvint alors que Jade avait jadis été la Main de l’Empereur, un assassin de premier ordre qu’il aurait très bien pu avoir à affronter dans le passé. Et pourtant, elle était désormais une camarade Maître Jedi, et il lui faisait parfaitement confiance. De la même manière, Mara et d’autres connaissaient l’histoire de Justice et ne lui en avaient jamais tenu rigueur. De quel droit se permettait-il donc lui d’émettre à présent des réserves concernant Ka’tar, un Jedi des plus brillants ? Le noghri avait des racines, tandis que lui avait un passé lamentable de Justice. Il était donc le dernier à pouvoir prétendre donner des leçons.
– Il est particulier c’est évident, enchaîna alors Yug’rin qui avait perçu la réflexion de son ami takisha.
– Justement, dit Mara avec un grand sourire. Et c’est une des raisons pour lesquelles il a parfaitement sa place au sein du Groupe Kenobi.
– Si je comprends bien, intervint alors Kyle Katarn, tu sais parfaitement que ton élève est une arme. Une arme que tu veux mettre entre mes mains et celle de mon groupe.
– L’équivalent d’un Broyeur de Soleil question force de frappe, confirma Mara avec un grand sourire carnassier.

Un silence gêné suivit cette déclaration. L’expression était d’assez mauvais goût, et Kyp Durron était particulièrement mal à l’aise.
– Nous voilà bien loin des préceptes Jedi... remarqua Ikrit en agitant ses longues oreilles.
– Désolée... dit Mara en conservant un sourire en coin qui indiquait qu’elle n’en pensait pas moins.
Nouveau silence.
– Le Groupe Kenobi n’est-il pas en lui-même une unité d’action ? demanda soudain Kenth Hammer. Ka’tar y est, à mon sens, parfaitement à sa place
Tous les Maîtres acquiescèrent enfin, certains avec enthousiasme et d’autres avec un peu de retenue. Le Groupe Kenobi venait de trouver son septième membre. Luke estima alors le moment venu pour parler du dernier élu. Il se tourna vers Maran Cahru, qui devina immédiatement de qui il s’agissait.
Le choix était compréhensible. Même si Maran n’avait jamais espéré voir son élève suivre la même voie que lui, cette décision le gênait tout de même. Il n’avait jamais réellement apprécié l’idée de ce Groupe Kenobi : le concept de bras armé lui rappelait trop Justice et ses erreurs, une part de sa vie qu’il aimerait pouvoir renier. Et cela malgré son respect pour ses membres et son soulagement d’y trouver des Jedi comme Yug’rin. Cependant, il savait que les compétences de son élève seraient parfaitement exploitées au sein de cette équipe. Quelles que soient ses réticences, Maran Cahru devait admettre que Kano ferait un excellent Kenobi.
– Je suis d’accord, déclara-t-il avant qu’on ne lui demande quoi que ce soit.
– Ses talents au sabre en font un membre tout désigné, observa Kam Solusar.
– Et il n’aura pas besoin de rattraper les techniques que vous nous avez enseignées, Maître Maran, ajouta Kyle.
– Je sais...

Malgré l’accord immédiat de Maran Cahru, Luke Skywalker avait nettement perçu le soupir du takisha. Il pouvait le comprendre : il connaissait son noir passé de « Justice », et envoyer son élève rejoindre une équipe d’intervention devait lui coûter ; son appréhension était logique.
– Il se fait trop de soucis, fit Mara dans son dos comme si elle avait lu dans ses pensées.
La petite réunion officieuse avait pris fin et Maran était parti pour entraîner les Kenobi, et seuls restaient les époux Skywalker dans la pièce.
– Le Groupe Kenobi a toujours été sujet à polémiques, et pourtant nous y avons ajouté trois membres sans opposition majeure. C’est plutôt pas mal ! ajouta-t-elle en enlaçant son mari.
– J’arriverais peut-être un jour à concrétiser ma vague idée de ressusciter le Conseil Jedi, répondit pensivement Luke.
– Quoi ? Tu ne tiens donc pas à devenir le Dictateur Suprême de l’Ordre Jedi ? demanda Mara en riant. A moins que tu ne préfères laisser ce rôle à Kyp...
Elle éclata de rire, tandis que Luke conservait un air sombre et répondait d’un air absent :
– J’aimerais éviter d’en arriver là... Pour l’un comme pour l’autre...

– Bonsoir monsieur le Jedi... fit une douce voix féminine dans la pénombre.
Kano reconnut immédiatement la voix et sut à qui il avait affaire, il plissa les yeux pour tenter d’y voir quelque chose. La nuit était tombée sur l’Académie, et il distingua vaguement une gracieuse silhouette familière.
– Salut Melee...
– Alors, l’aventureux Chevalier Jedi est de retour au bercail ? Et il n’a même pas deux minutes pour rendre visite à une vieille amie, se plaignit la zeltron en exagérant son ton blessé.
Kano ne répondit rien ; il avait passé la journée avec Teydo et son jeune camarade Evan, puis avait présenté son compte-rendu de mission à Maître Solusar. Ce n’était pas vraiment une excuse...
Melee sortit de l’obscurité pour s’approcher de lui, et il put distinguer les traits fins de la jolie zeltron. Elle était en fait bien plus qu’une « vieille amie », et ils le savaient tous deux très bien. Les deux jeunes gens avaient entretenu une relation sentimentale forte pendant près de quatre années, avant de se séparer quelques mois auparavant. Ils s’étaient connus très jeunes alors qu’ils faisaient leurs classes ensemble à l’Académie, et leur relation était devenue plus solide et sérieuse au fil du temps, tandis qu’ils mûrissaient. Kano contempla avec nostalgie son physique charmeur d’humanoïde à la peau rose, et son regard rencontra ses yeux oranges et vifs.
Leur affection réciproque et leur puissante connexion dans la Force avaient fait muter une amourette d’adolescents en relation plus adulte (ils avaient près de dix-huit ans lors de leur séparation récente), qui n’avait finalement pas tenu. Les zeltrons avaient un certain nombre de particularités, des faits propres à leur espèce. L’une d’elles était de pouvoir se vanter de leurs « prouesses » dans un domaine qui tenait de l’intimité, ce qui était plutôt appréciable. Mais une autre présentait bien plus de complications...

Les zeltrons, sans même l’aide de la Force, étaient capables de percevoir les sentiments des autres êtres et en particulier de leurs proches, et cela expliquait l’importance cruciale qu’ils accordaient aux relations sentimentales fortes et stables. Ils sentaient le moindre doute, la moindre hésitation, déception ou désillusion. Ils percevaient tout, et un rien pouvait les mettre terriblement mal à l’aise. Seul une relation parfaitement lisse et sans aucun heurts était susceptible de les combler réellement, les sentiments devaient être profonds et sans obstacles. Ce fait associé à un lien étroit dans la Force avait rendu la relation difficile à gérer au quotidien, pour Melee comme pour Kano. Le moindre problème mineur apparaissait comme une barrière insurmontable aux yeux de la jeune zeltron, et elle reprochait à Kano d’avoir des hésitations que lui-même ne connaissait pas. Cela était ardu pour deux jeunes gens qui n’avaient encore aucune expérience de la vie, des relations et de leurs difficultés, de lutter contre ces impressions abusives. Kano aimait profondément son amie, et savait que les sentiments qu’elles percevaient et qui la troublaient tant étaient de simples hésitations de jeune homme sur sa propre personne, et en aucun cas des doutes sur leur relation.
Les membres de l’espèce de Melee avaient bien d’autres caractéristiques, telles que leur capacité à émettre de puissantes phéromones envers d’autres individus. Cela les avait d’ailleurs préservé de certaines invasions, les agresseurs ne résistant souvent pas à ce phénomène et préférant laisser les armes pour se joindre aux incessantes fêtes données par les zeltrons sur leur planète, pour un oui ou pour un non. Mais Melee n’avait jamais eu besoin d’y avoir recours pour s’approprier le cœur de Kano, même si, avec l’accord du Jedi, elle avait déjà exercé ce talent pour pimenter un peu leurs jeux intimes… Les natifs de Zeltros considéraient en outre la monogamie comme une idée romantique mais peu réalistique. Heureusement, Melee avait peu vécu parmi les siens et ne présentait pas ce dernier trait de caractère, qui aurait été un obstacle supplémentaire aux sentiments du jeune couple.
A cela s’ajoutait le fait que Kano, une fois devenu Chevalier Jedi, avait commencé à s’absenter régulièrement pour accompagner son Maître dans ses perpétuels déplacements. D’un commun accord, ils s’étaient résolus à mettre un terme à leur liaison aussi forte que douloureuse, et ce alors que Kano s’était battu jusqu’au bout pour tenter de surmonter les obstacles virtuels à leur amour. Mais il était difficile de tirer un trait sur des sentiments forts... Tous deux faisaient de leur mieux pour accepter une rupture résignée, même s’ils nourrissaient chacun de leur côté un espoir secret : que l’avenir apporterait la solution à leur dilemme et les réunirait à nouveau. Comme l’avait dit un vieux Maître Jedi de l’ancien temps : « Toujours en mouvement est l’avenir ». Officiellement, ils étaient censés laisser au temps le soin de panser leurs blessures et d’oublier... ce qu’ils n’avaient aucune envie d’oublier.
– Content de te voir, fit enfin doucement Kano. Comment vas-tu ?
La gêne était évidente ; ils ignoraient comment se saluer, tout contact physique étant soigneusement évité, risquant de raviver douloureusement certains souvenirs qui n’avaient rien de douloureux en soi. Melee secoua la tête, faisant onduler ses soyeux cheveux d’argent qui descendaient jusqu’à son cou délicat, et que Kano avait toujours pris tant de plaisir à caresser et à peigner.
– Je vais bien, ne te fais pas de souci pour moi. Parle-moi plutôt de toi et de ton dernier voyage ! fit-elle avec un ton mal assuré qui se voulait enjoué.

Kano, aussi mal à l’aise qu’elle, narra le récit demandé, tous deux détournaient leurs regards lorsqu’ils se croisaient. Melee rit à quelques occasions, mais la gêne planait toujours dans l’air lourd de la jungle épaisse. Elle aimait toujours autant son enthousiasme, sa manière exaltée de raconter ses aventures héroïques, son humour maladroit mais subtil, ses mouvements délicats. Lui appréciait toujours autant son rire chantant, ses gestes gracieux, et la trouvait plus belle que jamais. Dire que j’ai dû renoncer à tout ça... pensèrent-ils tous deux avec amertume. La Force transmit cette pensée réciproque, et leurs yeux se trouvèrent enfin. Ses yeux verts foncés scrutèrent ses fins yeux oranges. Ils restèrent silencieux un moment, à un mètre l’un de l’autre. Ce fut Melee qui fut la plus raisonnable, se décidant à mettre brutalement un terme à une situation dangereuse.
– Je dois filer, Kano. J’ai... du travail.
Il savait pertinemment que c’était faux, mais il consentit lui aussi à être raisonnable.
– Oui. Bonne nuit Melee jolie...
Elle sourit en entendant son ancien surnom affectueux, une part de leur complicité d’antan, et elle répondit inconsciemment de la même manière.
– La prochaine fois fais en sorte que je n’aie pas à te traquer dans toute l’Académie. Dors bien et à bientôt, Kano le beau.
A ces mots et sans réfléchir à ses actes, elle lui caressa doucement la joue, passa une main dans ses courts cheveux bruns, puis se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser fugace sur les lèvres du Jedi. Il se laissa faire, savourant cet éphémère contact avec les lèvres de velours de la zeltron. Elle posa ensuite un long doigt sur la bouche de Kano pour l’empêcher de parler, et murmura :
– Un dernier pour la route... En souvenir...
Il la laissa (bien plus à regrets qu’il n’aurait dû) disparaître à nouveau dans l’obscurité, les lèvres encore brûlantes de cet ultime baiser. Le destin voulait qu’ils ne se revirent plus jamais...

– Revoilà l’élève prodigue ! fit Maran Cahru en souriant lorsque Kano pénétra dans l’appartement qu’ils partageaient. Que dis-je l’élève : plutôt Kano le maître sabreur !
Du point de vue de Kano, sa « sélection » dans le Groupe Kenobi serait certainement une excellente nouvelle. Mais il aurait d’abord à ingurgiter un certain nombre d’informations (dont la révélation même de l’existence du groupe !), et Maran envisageait d’amener progressivement le sujet sur le tapis plutôt que de tout annoncer en bloc.
– ‘Soir Maître, répondit l’élève sur un ton morose.
Outre leur lien dans la Force, les deux Jedi avaient développé une relation qui se rapprochait de celle unissant un père et un fils, et le takisha percevait aisément lorsque son jeune disciple n’allait pas bien. Et Kano le savait...
– Le cours s‘est bien passé, lâcha le Jedi pour faire diversion et éviter de se voir poser la moindre question ; Maran accepta implicitement de le laisser dans son mutisme.
– Content d’être de retour ? s’enquit le Maître.
– Oui... J’apprécie de pouvoir donner ces cours, et cela c’est à vous que je le dois, Maître Maran.
Le takisha se contenta d’un sourire en guise de réponse.
– Ceci dit... fit alors doucement Kano. Il y a une chose que j’aimerais savoir...
Maran fronça les sourcils en percevant un trouble d’un genre nouveau dans l’esprit de son élève.
– Quoi donc ? demanda-t-il prudemment.
Kano le fixa droit dans les yeux avant d’oser se lancer.
– Je veux savoir quand vous vous déciderez à m’apprendre le reste.
– Le reste ?! s’étonna Maran, qui tressaillit mais fit tout pour le dissimuler.
Maran Cahru se composa un air perplexe pour tenter de paraître comme s’il ignorait de quoi le jeune homme voulait parler. Kano, déterminé, gardait ses yeux rivés sur le regard du takisha. Ces yeux blancs, qui avaient jadis terrorisé les victimes de Justice, inspiraient désormais le calme et la sagesse. Pour Maran, Justice l’assassin était bel et bien mort, laissant sa place à Maran Cahru le Maître Jedi. Il était hors de question que quoi que ce soit qui touche à Justice soit ramené à la vie.
– J’ai appris nombre de vos techniques, poursuivit Kano. A présent, je veux connaître l’arcane suprême...
– Mais qu’est-ce que tu me chantes là ? s’exclama Maran avec un rire forcé peu convaincant.
– Vous savez parfaitement ce que je veux dire, dit sèchement le jeune Jedi.
– Arrête tes plaisanteries, répondit Maran en souriant. Il est l’heure de dormir, pas de parler d’arcanes ou de je ne sais quelle idiotie. Repos pour les braves Jedi !
Il s’efforçait toujours de paraître jovial, mais Kano avait facilement décelé l’anxiété que le sujet évoqué avait suscité chez son Maître. Si Maran connaissait bien son ancien élève et actuel compagnon, la réciproque était également vraie. Kano n’avait pas l’intention de lâcher l’affaire et repassa à l’attaque.
– Vous possédez une technique de combat unique, Maître Maran, ne le niez pas. Elle est plus ou moins adaptée au sabre laser, mais je sais (Maran tressaillit à nouveau : mais que savait Kano au juste ?) qu’elle prend sa source au sein d’arts martiaux plus... traditionnels.
– Je suis un Jedi et...
– Ne vous moquez pas de moi, le coupa Kano avec une dureté et une insolence qui stupéfièrent le Maître. Vous ne tuez pas mais vous maniez le sabre mieux que quiconque dans la galaxie. Et vous cachez aux autres ce talent que je suis le seul à partager. Mais vous voulez me faire croire que tout cela ne dissimule rien...
– Kano je... je n’ai rien à cacher, compris ? répondit un Maran visiblement crispé.
– Vous êtes un expert, Maître. Et tout expert a sa technique, laquelle a son arcane, une attaque unique qui symbolise sa puissance. Je me suis renseigné à ce sujet vous savez...
– Je t’ai tout appris, mon jeune disciple. Tu devrais...
– Ne vous méprenez pas, interrompit à nouveau Kano. J’apprécie l’honneur d’avoir bénéficié des enseignements de Maran Cahru, je vous en suis plus reconnaissant que vous le pensez. Mais cela ne me suffit pas.
Il s’approcha du visage du non-humain et murmura :
– Je veux apprendre l’art de Justice...

La réaction fut immédiate ; Maran bondit sur ses pieds, surprenant Kano qui s’était penché vers lui. Le jeune Jedi tomba à la renverse, tandis que le Maître se dressait de toute sa hauteur au-dessus de lui. Kano vit alors son regard...
– Tais-toi ! hurla Maran.
Les yeux blancs et perçants de Maran Cahru parurent en cet instant précis terribles et terrifiants ; Kano découvrit le regard de Justice.
– Tais-toi ! répéta Maran, encore plus fort.
Kano se releva lentement, continuant à affronter le regard toisant de Justice. Il avait visiblement abordé un sujet délicat, et allait en assumer les conséquences. Les yeux de Maran lui fit cependant comprendre combien ce sujet était obscur, suffisamment pour faire sortir le calme takisha de ses gonds. Kano ne détourna pas les yeux, mais se retrouver face au regard d’un assassin mortel était plutôt troublant. Ce regard qui avait dû être la dernière vision de nombre de victimes… Une fois debout, il se sentait toujours aussi petit et dominé face à l’imposant takisha. Maran avait toujours été un symbole de sagesse pour lui, mais il en vit soudain une autre facette...
– J’ai recueilli des informations sur ce fameux Justice, dit doucement Kano sans se laisser abattre. Sur sa légendaire technique...
Conscient qu’il poussait le bouchon un peu loin, Kano s’attendit à ce que Maran soit pris de court. Mais il n’aurait jamais imaginé que Maran puisse ainsi se mettre en colère, et le jeune homme tenta de calmer le jeu en prenant un ton moins assuré et en parlant avec moins de vigueur.
– Ses exploits me fascinent... Un célèbre assassin aux motifs obscurs, et aux talents qui ont fait de lui un mythe...
– Jeune imbécile ! explosa soudain Maran, faisant reculer Kano d’un pas. Tu n’as absolument rien compris, pauvre idiot ! Tu ne sais même pas de quoi tu parles !
Stupéfait par ces propos, Kano scruta le visage de son Maître, et y vit un homme bien plus troublé que furieux, haletant et mal à l’aise. Maran réagissait par la colère, mais c’était en réalité la crainte qui l’assaillait avant tout. Que savait au juste Kano ? Jusqu’où avait-il poussé ses investigations ? Connaissait-il la vérité sur son cher Maître, et avait-il la moindre idée du mal qu’il lui faisait ?
– Tu es jeune et naïf Kano, dit-il en tentant de se calmer. Mais cela n’excuse pas tout. Tu me déçois. Beaucoup.

Kano perçut plus de tristesse que de rancœur dans ces paroles, et il finit par baisser les yeux. Les propos de Maran étaient durs, mais il s’y était préparé ; il savait bien qu’aborder ce sujet ne pouvait se faire sans heurts. Il s’était lancé et n’avait pas l’intention de renoncer maintenant. Et pourtant...
– Maître, je...
– Kano, sais-tu au moins ce que tu cherches à mettre à jour ? demanda doucement Maran.
– Je ne veux rien mettre à jour, bredouilla Kano, penaud.
– Tu te mêles d’un passé qui ne te regarde pas et surtout qui te dépasse.
– Non ! protesta vivement le Jedi. Je... (il releva les yeux) je veux l’arcane, Maître, Peu m’importe ce Justice, je veux juste son arcane. Je veux être fort, Maître Maran. C’est tout...
– Fort... murmura sombrement Maran.
– Je veux pouvoir défendre les autres, ceux qui ont besoin de moi, poursuivit un Kano exalté. Je veux accomplir mon devoir !
Maran fixa son élève en silence, et Kano crut que sa déclaration avait fait effet. Il se trompait.
– Kano... soupira Maran. Tu n’as vraiment rien compris, rien de rien. Et tu n’apprendras jamais cette arcane.
– Mais... Je veux juste protéger ceux...
– Non, trancha Maran.
– De quoi avez-vous peur ? poursuivit Kano en scrutant le visage du takisha.
Maran prit son air le plus patient pour répondre docilement à son disciple, après s’être rassis.
– Oui, j’ai peur. J’ai peur de la puissance, jeune Jedi. Je la connais. Elle mène les hommes à des combats qui ne sont pas les leurs et qui n’ont pas lieu d’être (Kano s’assit à son tour, enfin attentif). La puissance est tout aussi redoutable que le Côté Obscur… Elle m’a déjà induit en erreur et a créé un démon appelé Justice... Elle a fait couler le sang et les larmes. Et tout cela pour quoi ? Pour rien, Kano. Rien. Ecoute-moi, mon jeune disciple. Que tu sois l’être le plus puissant de la galaxie ne te permettrait pas pour autant d’en changer le destin. Tout ce que tu arriverais à détruire ce serait... toi. Toi, tes proches, tout ce que tu as bâti au cours de ta vie et de ta formation, tout cela s’effondrerait sans même que tu le réalises.
Kano profita d’une brève pause pour intervenir.
– Je ne veux pas devenir un surhomme, fit-il doucement. Je veux seulement apprendre plus et faire de mon mieux, en tant que Jedi, pour le peuple de cette galaxie...
– Décidément tu ne veux rien comprendre, rétorqua Maran, secouant la tête mais conservant son calme cette fois-ci. Comment peux-tu donc croire que c’est par le maniement d’un sabre laser que tu seras un Jedi meilleur et plus juste ? Nous ne sommes pas des guerriers, et je pensais que tu l’avais appris à mes côtés. Nous nous battons lorsque c’est nécessaire, mais lorsque nous dégainons nos sabres pour régler un conflit, cela signifie que nous avons déjà à moitié échoué. Je pensais que tu l’avais compris. Comme quoi les failles dans mon enseignement se révèlent bien nombreuses...
Le Chevalier Jedi encaissa la remarque en baissant à nouveau les yeux. Maran se demanda un instant si ces propos ne risquaient pas de réellement blesser son protégé, mais il se résolut à lui faire assimiler certaines leçons vitales une bonne fois pour toutes. Et à écarter définitivement certains sujets qui n’avaient pas à être évoqués ainsi que des idées qui n’avaient pas lieu d’exister...
– Et maintenant écoute-moi bien s’il te plaît. Ce Justice n’est qu’un spectre du passé, une ombre de la Rébellion. Je ne veux plus entendre parler de ce type et de je ne sais quelle arcane. Est-ce que c’est clair ?
– Limpide, maugréa Kano.
– Tu dois comprendre, supplia Maran. Tu dois savoir. Cette technique... elle sert à TUER. Uniquement à cela, souffla-t-il comme si ces mots le brûlaient. Et ce n’est pas là le rôle d’un Jedi...
– On tue pour que d’autres vivent, objecta prudemment Kano.
– Estimes-tu qu’il revient aux Jedi de choisir qui doit vivre ou mourir ? contra calmement le Maître Jedi.
– Nous servons la Justice.
– Un concept des plus ambigus, jeune Jedi présomptueux ! ricana Maran, amer. Et dangereux...
Kano ne manqua pas de remarquer l’éclair de tristesse qui passait dans les yeux de son mentor.
– C’est pourtant parfois très simple, avança le disciple. Des gens souffrent chaque jour, Maître. C’est à nous de leur venir en aide, de les protéger. Seule la Force et les pouvoirs qu’elle nous confère nous permettent d’agir...
– C’est là toute l’étendue de ta naïveté, jeune homme. La simplicité n’est qu’une façade dont trop de gens se servent pour justifier leurs actes. Qui est réellement en droit de dire, dans cette galaxie, qui doit être châtié ? Que tu sois Jedi ou pas, as-tu la vanité de penser détenir la réponse ? Tu finiras par apprendre qu’être un serviteur de la Force ne te rend pas supérieur à quiconque, au contraire même. Tu n’es pas plus important que qui que ce soit, tu n’as pas à juger les autres. Tu dois plutôt être à leur service, et c’est là le seul rôle de l’Ordre Jedi. Avec le temps peut-être parviendras-tu à le comprendre...
Kano resta docilement silencieux, conscient que Maran n’en avait pas terminé avec son sermon.
– On apprend de ses erreurs, Kano, ajouta-t-il tristement. Moi, j’ai appris de celles de Justice... Certes, j’ai tué. J’ai tué en voulant faire le bien, mais au final je n’ai fait que du mal (Kano le regarda avec perplexité). J’ai tué pour te sauver la vie et j’ai aussi exécuté des dizaines de criminels. Mais j’ai probablement tué des innocents au passage, aveuglé par ma soif de justice… Et en fin de compte, dans cette époque troublée qu’était la Guerre Civile... tous ces gens, quels qu’ils soient, ne luttaient eux aussi que pour survivre.
– Je ne peux accorder l’impunité ou l’indulgence à des ordures d’impériaux, répondit fermement Kano.
– Ils ne défendaient pas les mêmes idéaux que moi. Méritaient-ils pour autant de mourir ? Ils défendaient leurs valeurs et moi les miennes. Qui suis-je pour dire qu’ils avaient tort ? Je n’ai peut-être jamais réussi à voir un aspect de l’Empire qu’ils admiraient, pour lequel ils auraient donné leur vie. Si nous vainquons nos adversaires en étant persuadés d’avoir raison, alors nous le valons pas mieux qu’eux. Le fait de l’avoir emporté ne signifie pas que nous ayons raison, et c’est ce que nombre de vainqueurs de la Rébellion n’ont pas compris et ne comprendront sans doute jamais. Massacrer les autres pour une question de conviction est une preuve d’intolérance, Kano. Probablement la pire qui soit…
– Mais ils étaient des bouchers impériaux ! s’exclama Kano, incrédule.
– Pour toi. Et pour eux, des gens comme Justice n’étaient que des terroristes rebelles. En réalité, ces gens qui ont suivi l’Empire n’ont peut-être seulement jamais vu la véritable apparence de l’Empereur, ils ont été trompés. Cela ne signifiait pas qu’ils devaient mourir. Lorsque ma lame souillée de sang tranchait des corps pour servir ma vision biaisée de la Justice, j’ôtais peut-être la vie à de jeunes gens embringués par l’Ordre Nouveau et qui ne rêvaient en fait que d’une galaxie en paix pour leurs familles. Devaient-ils mourir pour avoir choisi leur camp ? Je ne pense pas. Etait-ce à moi de décider de leur sort ? Certainement pas.
– La galaxie était en guerre Maître, fit Kano, assez choqué par les propos de Maran.
– Je sais (Kano s’aperçut soudain que Maran Cahru avait les larmes aux yeux). Et même si je sais aussi que j’ai protégé bien des gens en tuant des êtres parmi les plus néfastes de la galaxie, cela ne compense en aucun cas les victimes innocentes.
Maran Cahru ne craquerait probablement jamais, mais Kano réalisa enfin l’étendue du poids qui accablait celui qui était comme son père. Kano ne savait pas vraiment de quoi Maran voulait parler lorsqu’il évoquait des innocents, mais il percevait un passé lourd et des erreurs marquantes.
– Tout le monde fait des erreurs, murmura Kano.
– Tant d’erreurs... souffla Maran, pris de frissons. Voilà pourquoi je n’ai plus le droit de m’égarer, Kano. Plus d’erreurs, c’est terminé. Je n’ôterai plus jamais la vie, même si l’Empereur ressuscité courbait l’échine devant moi. Je n’en ai plus le droit...

Le silence régna un moment, pendant lequel Kano put sentir toute la tristesse et les remords qui hantaient le Maître Jedi. Tant de souvenirs et de souffrance, aussi bien ressenties qu’infligées, ranimées par le manque de délicatesse de Kano. Honteux, le Jedi n’osa rien dire mais posa une main sur l’épaule du grand takisha. Puis Maran se mit à murmurer.
– Kano, tu représentes mes excuses envers cette galaxie...
Kano le fixa, interloqué.
– Tu es tout ce que j’ai réussi au cours de mon existence, mon fils. J’ai fait du mal à la galaxie, et je lui demande pardon en formant un Jedi juste et bon. J’ai tenté d’être impartial au cours de ta formation, et je souhaite que tu choisisses ta propre voie. Mais... tu n’apprendras jamais cette arcane. Je ne te donnerai pas la corde pour te pendre, Kano. Ce serait renier tout mon enseignement. Justice doit disparaître, et ses erreurs avec lui. Je ne veux même pas imaginer les conséquences que ses erreurs pourraient avoir si elles étaient commises par un Jedi...
Au fond de lui, Kano était convaincu que Maran avait jadis été un loyal partisan de la Rébellion, mais qu’un mauvais concours de circonstances, dont il ne savait rien, le ferait culpabiliser jusqu’à la fin de ses jours pour ses actes héroïques. Quoiqu’il en soit, il respectait les choix de son Maître et se décida enfin (relativement à contrecœur tout de même) à renoncer à cette fameuse et mystérieuse arcane... pour le moment. Il devait bien admettre que la galaxie était désormais en paix, même s’il savait en son for intérieur que cela ne saurait durer. Le jour venu, les Jedi auraient à agir. Maran ferait à sa guise, mais Kano, lui, comptait bien faire son devoir.

La tension était miraculeusement retombée, aussi soudainement qu’elle était montée, et les deux Jedi savaient que la « conversation » avait trouvé son terme. Parce que Kano n’objectait plus rien et que Maran n’avait plus rien à ajouter. Maran était profondément blessé que son ami se soit permis de venir fouiller dans son passé peu glorieux, et qu’il ait déterré tant de faits douloureux, mais il savait que cela n’avait pas été volontaire. Kano songea un instant à formuler des excuses, mais aucun propos approprié ne lui vint à l’esprit et il préféra s’abstenir. Il se contenta de garder le silence et s’en voulut d’être allé aussi loin, mais il persistait à croire son initiative judicieuse. Il s’y était seulement mal pris et n’avait pas réalisé le mal qu’il pourrait faire à son Maître.
Maran était désormais pris de doute quand au choix de Kano pour intégrer le Groupe Kenobi. Non pas qu’il doutât de son disciple ; il pensait juste que le sujet devait être abordé avec précaution, et qu’il serait sûrement plus judicieux que Luke, Kyp ou Kyle lui en parle plutôt que son Maître qui semblait si résigné à l’idée d’utiliser le sabre laser. Dans tous les cas, Maran estima que ce sujet pourrait attendre le lendemain.
– Tu crois en savoir beaucoup sur moi, n’est-ce pas ? demanda soudain Maran en retrouvant un sourire malicieux.
Kano tourna vers lui un regard interloqué, surpris de le voir reprendre ainsi un ton aussi léger. Le Maran traditionnel était revenu, le rideau tombait sur une scène qui avait été celle d’une de leurs rares disputes. Kano ne répondit rien et fit un sourire inquisiteur. Maran poursuivit :
– Tu te crois malin hein, petit Jedi (son sourire se fit plus visible). Et tu penses que le vieux Maître Cahru n’est pas fichu de déceler ton petit manège...
– Et ça veut dire quoi ça ? s’enquit Kano, narquois.
– Que le vieux Maître connaît aussi les secrets de son stupide disciple.
Le jeune Jedi se composa un visage anxieux, fixant son Maître d’un air perplexe.
– Savez-vous que la vengeance ne sied pas à un Maître Jedi ? contre-attaqua alors Kano.
Maran éclata de rire.
– Et voilà le petit Jedi qui fait la morale, on aura tout vu ! Tu t’imagines peut-être que tes... activités avec une certaine zeltron m’ont échappé ?
Le sourire de Kano s’évanouit alors ; un point pour le Maître Jedi.
– Des petits apprentis qui s’imaginent que leurs petites histoires passent inaperçus aux yeux de Maîtres Jedi, c’est assez amusant ! continua un Maran triomphant, qui savourait sa revanche personnelle. Ah, toutes ces sessions d’entraînement ratées pour des activités... extra-scolaires, tu n’as pas honte ?
Kano ne dit rien et garda les yeux baissés, pris de court.
– Surpris que le vieux takisha sache tout ça ? ricana Maran. Hé, sache que tu n’as pas le monopole de l’espionnage ! C’est du joli ! J’espère au moins que la petite Melee en valait la...
– Au plumard les Jedi ! le coupa soudain Kano, qui en avait assez. Vous l’avez dit vous-même n’est-ce pas ? C’est l’heure du repos, pas des commérages...
Maran ne cessait de rigoler fièrement, tandis que Kano tendait la main vers un interrupteur et désactivait l’éclairage avec la Force, plongeant la pièce dans l’obscurité. Les deux Jedi gagnèrent leurs lits respectifs, mais le petit rire victorieux du takisha subsista.
– Kano ?
– Quoi ? demanda le Jedi, exaspéré.
– Je t’ai déjà dit de ne pas faire ça.
– Depuis quand les Jedi n’ont pas le droit à un peu de bon temps ? demanda Kano, agressif.
– Je ne parlais pas de ça, mais en tout cas tu t’es joliment trahi ! Je voulais dire que la Force n’est pas un jouet, et que tu es trop fainéant pour te lever et éteindre la lumière. Ah il est beau le Chevalier Jedi.
Kano allait parler pour accepter la remarque, mais il s’interrompit en entendant Maran ricaner de plus belle, visiblement déterminé à lui faire payer leur discussion. Kano grommela quelques jurons dans divers langues autres que le basic, et se retourna dans son lit pour enfouir sa tête sous la couverture. Moins d’une minute plus tard, il extirpa à nouveau son visage, sourit et murmura doucement à l’intention de son mentor, de trente années standard son aîné.
– Maître Maran ?
– Oui Kano ? répondit aussi doucement Maran, cessant de rire.
– A propos de Melee...
– Hé hé, quoi ?
– Ça fait deux semaines que nous sommes séparés.
Maran fut pris de court et Kano attendit un peu pour ménager son effet.
– Revoyez vos sources, Maître Jedi...
Kano gloussa dans le noir, laissant son Maître cesser de rire. Et un point pour le Chevalier Jedi. Egalité...

Kano se réveilla à l’aube, comme d’habitude, pour sa course matinale. Il ne fut pas surpris de voir que Maran avait déjà quitté l’appartement ; le takisha donnait l’impression de ne jamais dormir... Avec un effort de volonté pour ramper hors de son confortable lit, Kano se leva et enfila un pantalon et des bottes légères. Il s’empara de son sabre laser et sortit rejoindre le turbo-lift.
Maran Cahru, lui, buvait tranquillement une tasse de stym-thé sur le toit d’un temple, en compagnie de ses meilleurs amis Jedi, Streen et Yug’rin. Le trio discutait paisiblement, évoquant le rodien Beed’rin et la polémique dont il était le sujet.
Teydo Pa’aja, comme la plupart des Jedi, dormait encore à poings fermés dans sa chambre. Il s’était arrangé pour loger juste à côté de son acolyte Evan Dohan, même s’il avait passé l’âge de faire les quatre cents coups. Evan, lui, était encore un adolescent, normalement turbulent, et Teydo était imprévisible. Certaines fois il calmait son jeune camarade, d’autres fois il était l’instigateur de certaines mauvaises blagues aux dépens des instructeurs Jedi...
L’Académie de Jedi de Yavin IV jouissait d’un calme bienfaisant. Cela n’allait pas durer.

La petite troupe débarqua de la navette à une distance respectable des Jedi. La rapidité et la discrétion étaient vitales pour leur opération, et ils n’avaient pas l’intention de se casser les dents dans une suicidaire attaque frontale de l’Académie. La flotte de Daala et Pelleaon avait essayé et échoué un peu moins de dix ans plus tôt, tout comme les « Revenants » créés par Desann. Et depuis, les Jedi avaient largement eu le temps de renforcer la défense de leur repaire... Non, ils n’attaqueraient pas, tout du moins pas pour le moment.
Kahn avait des projets bien différents, et comptait les mener à bien. Son équipe était restreinte : lui-même, trois Jedi Noirs à sa botte, et une poignée de soldats triés sur le volet parmi les troupes de son groupe d’indépendantistes. Cela devrait largement suffire pour capturer un unique Jedi isolé.
– Seigneur Kahn, dit le chef des soldats (des swamptroopers d’élite, enfin élite pour les standards indépendantistes), nous attendons vos ordres.
– Nous agirons comme prévu, répondit le jeune Jedi Noir.
Agé seulement de dix-huit ans, Kahn s’était élevé au rang de seigneur parmi l’un des clans qui refusaient le Traité de Paix et le gouvernement de Pellaeon, un groupe appelé les « Survivants ». Il était respecté grâce à l’éducation de sa « mère » et d’Ysanne Isard ainsi que ses talents de Jedi Noir, mais surtout en raison de ses origines bien particulières... Les Survivants le vénéraient et lui obéissaient, sans se douter une seconde que Kahn se fichait totalement de leur cause désespérée et avait en vue des objectifs finaux bien plus personnels. Il méprisait en réalité ces indépendantistes, qui n’étaient que les perdants du Traité de Paix. Pour Kahn, l’Empire était tombé pour de bon, et désormais seul l’avenir des Sith lui importait. Il représentait tout ce qu’il restait de l’Empereur Palpatine, il lui revenait donc de relever l’Ordre Sith. Les Survivants, sans le savoir, n’avaient pour seule utilité que de lui fournir les moyens pour concrétiser ses projets.
Kahn se tourna vers Reez et Zeer, les deux jumeaux grans dont il avait fait ses apprentis. Tous deux étaient des brutes épaisses mais, comme les Survivants, ils avaient leur utilité.
– Vous deux, vous venez avec moi pour s’occuper du Jedi. Vous (il s’adressa à la demi-douzaine de soldats) vous vous occuperez d’attraper le poisson.
– Bien
Selon ses informations, le Chevalier Jedi Kano effectuait régulièrement une course qui l’éloignait de l’Académie et des autres Jedi, le capturer sans attirer l’attention serait donc aisé pour la petite équipe.
– Quant à toi...
Kahn regarda le dernier de ses trois acolytes Jedi Noirs. Rahina Haï, Sœur de la Nuit de Dathomir, s’inclina en attendant les ordres. Cette sorcière de la Force avait choisi de se joindre à celui que certains commençaient déjà à appeler Darth Kahn, et ce dernier avait fait d’elle sa compagne. Elle était certes plus âgée, plus grande, voire plus apte à maîtriser le Côté Obscur de la Force (en fait c’était elle qui lui avait presque tout appris...). Elle s’était pourtant soumise devant le jeune homme, et Kahn profitait à bon escient de ses talents ainsi que de son corps basané, aux longs cheveux noirs bouclés.
– Trouve Pa’aja. Tue-le. Qu’il souffre.
– Oui Seigneur.

Deux ans auparavant, Kahn avait été humilié et avait failli périr face à un soldat républicain, qui avait fait échouer ses plans. Son corps avait été détruit par les brûlures des moteurs d’un Star Destoyer, mais la Force lui avait permis de survivre dans un immonde et dégradant caisson de survie. Il devait une bonne part de cette survie à Rahina et à son clan de Sœurs de la Nuit, et il s’en souviendrait – Rahina ferait une apprentie parfaite pour le Nouvel Ordre Sith. En attendant, condamné à une existence irréelle, Kahn avait décidé de surmonter l’épreuve et la solution était venue d’une précaution prise à l’aide d’une petite unité de clonage laissée par Ysanne Isard. Cette dernière s’en était servie pour se dupliquer à l’époque de sa lutte contre l’Escadron Rogue, et le matériel était resté abandonné depuis sa mort définitive sous les tirs de blaster de Iella Wessiri ; Kahn ferait un jour payer cette femme... Mais Isard n’était pas du genre à laisser les choses au hasard, et la petite station spatiale faisait partie de tout ce qu’elle avait « légué » à Kahn. Ce dernier n’était qu’un enfant de six ans à peine lors de la disparition de Cœur de Glace et tout cela le dépassait à l’époque, mais en grandissant lui et sa « mère » avaient saisi les opportunités...
Après sa défaite face à ce maudit (et surtout chanceux) Teydo Pa’aja, Kahn avait tenté l’expérience et avait créé une dizaine de corps à partir de sa base génétique, les laissant en cylindres spaarti et n’accélérant leur croissance pour les mener à maturité que lorsqu’il avait besoin de l’un d’eux, d’un « hôte ». Il s’était en effet inspiré de son maître Palpatine pour résoudre son problème. Une obscure manipulation de la Force Noire avait permis à l’Empereur de faire subsister son esprit pour habiter ses propres clones, et il avait ainsi pu refaire surface six ans après sa mort présumée lors de la Bataille d’Endor. Kahn faisait de même, transférant son esprit dans ses hôtes, mais le procédé n’était malheureusement pas tout à fait au point et avait révélé des failles. Kahn subissait en fait le même échec que l’Empereur avant lui : les corps artificiels paraissaient ne pas parvenir à supporter le Côté Obscur, puissant en Kahn, et dépérissaient. Le Jedi Noir n’atteignait en outre plus son plein potentiel, son enveloppe corporelle se consumant un peu plus à chaque utilisation de la Force, et après deux ans il en était déjà à son troisième corps d’emprunt.
Le premier s’était vite désagrégé et avait démontré le problème, tandis que le second n’avait pas tenu le choc lorsque Kahn s’était donné à fond pour affronter un Maître Jedi takisha. En fin de compte, il restait condamné dans son appareil à base de bacta, n’utilisant ses précieux corps qu’en des occasions bien particulières. Car un autre problème avait surgi : après la création des dix corps, le cylindre de clonage avait cessé de fonctionner, limitant ainsi les « sorties » de Kahn. Il s’était mis en quête de d’autres cylindres, mais la Nouvelle République ainsi que des traîtres impériaux les avaient tous détuits au cours des dernières années. Tous les appareils sur Coruscant étaient sous contrôle républicain (Kahn les soupçonnait de les entretenir...), les cylindres utilisés par le Grand Amiral Thrawn sous le mont Tantiss sur Wayland avaient été réduits en cendres, ceux de l’Empereur cloné sur Byss avaient été saccagés par deux traîtres, et enfin les appareils des forteresses de Palpatine sur Litonia et Aztilar étaient hors d’usage depuis longtemps. Mais peu importait, car Kahn pensait avoir trouvé la solution : apparemment, seul un véritable corps, créé sans passer par une croissance accélérée, serait à même de l’accueillir dignement ainsi que ses pouvoirs ; il allait donc se procurer ce corps. Kahn représentait la Volonté de l’Empereur, et Kano avait été créé pour le suppléer (enfin Kahn voyait les choses dans cet ordre là). Tous deux accompliraient donc ce pour quoi ils avaient été conçus...
Tous ces soucis, Kahn les devait à ce Pa’aja. La vengeance faisait partie de ses rêves depuis deux longues années, mais il avait patiemment attendu afin de faire avec cette mission d’une pierre deux coups. Kahn aurait certes aimé torturer et massacrer lui-même l’ancien soldat devenu apprenti Jedi, mais il était parvenu à être raisonnable et à y renoncer. Tout d’abord parce que l’état de faiblesse dans lequel le mettait son « faux » corps ainsi que les restrictions correspondantes ne lui permettraient peut-être pas de tenir tête aux éventuels autres Jedi qui pourraient entourer sa cible, mais aussi parce qu’il tenait à superviser la capture de Kano. Il enverrait donc Rahina s’acquitter de la tâche. Cette guerrière efficace et, contrairement à lui, parfaitement opérationnelle, ne ferait qu’une bouchée de l’apprenti et écarterait sans mal quiconque se mettrait en travers de son chemin.
Rahina Haï s’éloigna silencieusement de sa souple démarche pour aller remplir sa mission, tandis que les soldats et les frères grans se regroupaient autour de Kahn pour s’apprêter à coincer Kano.
– Je le veux intact, rappela Kahn en pointant un index menaçant vers ses troupes. Je vous conseille de faire attention...
Comprenant la menace implicite, tous opinèrent du chef et chargèrent leurs armes. Equipés de rayons paralysants et de filets auto-déployables, leurs fusils avaient été spécifiquement conçus pour de telles opérations de capture. Kahn avait passé des semaines à apprendre aux deux grans à masquer leur présence dans la Force, et il espérait qu’ils ne feraient pas échouer tout le plan par manque de discrétion. Rahina, quant à elle, n’avait eu aucun besoin de ses enseignements, bien au contraire.

Le soleil venait tout juste de se lever et commençait à illuminer timidement la cime des arbres millénaires de la jungle de Yavin IV. Kano raffolait de cet instant où la chaleur et la lumière remplaçait la nuit, où la jungle prenait vie et où les animaux s’activaient pour une nouvelle journée. Au lieu de bondir simplement par-dessus une surélévation, Kano s’amusa à s’en servir comme d’un promontoir pour effectuer un superbe salto, puis ses mains agrippèrent une branche en plein vol et il profita de son élan pour se propulser et poursuivre son saut artistique. Tournoyant dans les airs, il finit par retoucher terre et roula pour finir et amortir sa chute. Riant de contentement, il se releva avec satisfaction… et se retrouva face à six types armés qui le tenaient peu amicalement en joue.
– Mais que... commença-t-il à dire.
Il fut interrompu en voyant une boule jaillir du canon de l’un des soldats (un swamptrooper, il reconnut l’armure qui datait du temps où l’Empire était encore un ennemi) puis se déplier en un filet en fondant sur lui. D’un geste fluide et maîtrisé, Kano s’empara de son sabre laser, et activa la lame violette, qui trancha le filet en plein vol, laissant les deux parties fuser de part et d’autre de lui. Derrière lui, deux sifflements caractéristiques se firent entendre, et Kano fut rassuré en pensant que deux Jedi étaient venus en renforts. Malheureusement ces renforts n’étaient pas pour lui… Jetant un regard derrière son épaule, il aperçut deux grans inconnus, armés de sabres lasers oranges, et devina qu’ils étaient des Jedi Noirs. Coincé entre six fusils d’un côté et deux lames de l’autre, il leva son sabre pour se mettre en garde. Ça s’annonce mal, je n’ai même pas senti arriver ces deux types...
Les soldats ouvrirent alors le feu, et Kano dévia habilement leurs tirs et en redirigeant certains vers l’envoyeur, ce qui n’atteignit nullement leurs armures. Des rayons paralysants, comprit Kano. Ainsi que des filets : ils me veulent vivant. Levant la main, il renversa les six soldats à l’aide de la Force et fit volte-face pour affronter la vraie menace : les deux Jedi Noirs marchaient vers lui et avaient abaissé leur voile dissimulateur, les rendant à présent parfaitement repérables dans le champ de la Force. Ils étaient débutants, Kano le sentait, mais il avait des sabres lasers... Et que diable faisaient-ils sur Yavin IV. Que lui voulaient-ils ? Ils fondirent sur lui sans la moindre finesse, ils étaient bien loin des talents au sabre du Chevalier Jedi. Il cueillit les deux lames sur la sienne et envoya un coup de pied qui repoussa un des jumeaux en l’expédiant à terre. Il para ensuite un coup puissant du second, vit une ouverture mais ne frappa pas : il comptait savoir ce que ces types voulaient, et si possible attendre des renforts pour les capturer. Par ailleurs, sa conversation de la veille avec Maran faisait encore écho dans son esprit...
Conscient que, derrière lui, les soldats tiraient à nouveau, Kano se laissa tout simplement tomber à terre sur le ventre et la salve qui lui était destinée atteignit le gran à la place. Zeer, complètement pris au dépourvu, para tant bien que mal quelques lasers mais en encaissa la plupart. Ceux-ci étaient réglés pour assommer un humain de taille moyenne, et ne parvirent qu’à déstabiliser le gran massif. Il mit tout de même un genou à terre, sonné. Kano, toujours sur le ventre, en profita pour projeter son sabre avec la Force et faucha net trois soldats, dont leur leader, puis l’arme acheva son arc de cercle pour rejoindre Kano qui avait entre temps bondi sur ses pieds. Il ignora les trois soldats restants et brandit sa lame pour mettre le gran hors de combat (le second gran, lui, se relevait péniblement). Alors qu’il allait sectionner le bras droit, Kano aperçut une nouvelle silhouette derrière son adversaire : encore un Jedi Noir ! Et il ne le percevait que maintenant. Sa présence dans la Force était grande, Kano le sentait, mais il avait aussi la sensation que cette présence était comme voilée, contenue, restreinte. Il stoppa net son mouvement en découvrant avec stupéfaction les traits de l’individu. Ces traits étaient exactement les mêmes que les siens.
– Qui... qui êtes-vous ? bafouilla-t-il.
Mais son instant d’hésitation avait donné à Zeer, agenouillé devant lui, le temps de se reprendre. Le gran leva sa lame et la ficha dans la cuisse gauche du Jedi, la transperçant. Kano poussa un hurlement, mélange de douleur, de surprise et de fureur face à sa négligence.

– Kano ! cria Teydo Pa’aja, se réveillant brutalement et se dressant sur son séant.
Dans une autre chambre, Melee avait eu la même réaction en percevant la douleur de Kano. De même que Maran Cahru, Streen, et quelques autres Jedi suffisamment proches de Kano pour être atteints par son soudain désarroi. Teydo et Melee bondirent hors de leurs lits respectifs et s’habillèrent en un clin d’oeil. Maran et Streen se regardèrent en silence, puis Cahru se leva, sauta du haut du temple et se laissa glisser sur la pierre vers la jungle. Streen, suivi de Yug’rin, partit alerter les Jedi qui n’avaient encore rien senti. La soudaine prise de conscience du danger auquel Kano faisait face avait permis aux deux Maîtres et à Yug’rin, bien plus expérimentés que Teydo et Melee, de déceler la présence de pas moins de trois Jedi Noirs auprès de Kano.
Evan Dohan n’avait pas été atteint par le « au secours » de Kano, mais l’agitation de Teydo dans la pièce voisine ne lui avait pas échappé. Lorsque Teydo passa devant sa porte, Evan était déjà habillé, sabre laser à la ceinture.
– Kano a besoin de nous, déclara simplement Teydo.
Evan le suivit sans rien dire dans le couloir désert ; les autres étudiants dormaient encore paisiblement. Tous ne partageaient pas un lien puissant avec Teydo ou Kano, même si quelques uns au sens du danger particulièrement aiguisé s’étaient peut-être réveillés, encore confus. Les deux Jedi coururent dans le corridor, dévalèrent une volée de marches et débouchèrent hors du temple, dans une grande clairière où se posaient les vaisseaux de visiteur et qui séparait l’Académie de la jungle. Teydo se laissa guider par la Force pour tenter de localiser Kano, mais ses perceptions furent attirées par quelque chose de bien plus proche. A l’orée de la jungle se tenait une grande silhouette, mince et élancée, entourée d’une cape noire. Immobile, la tête relevée, l’individu fixait les deux apprentis de ses yeux sombres.
– Visiblement on est attendus, lâcha Evan, aussi troublé par l’inconnu que s’il s’agissait d’un ewok.
Teydo, lui, était moins à l’aise que son ami bien plus jeune que lui. Ils avaient sans conteste affaire à un Jedi Noir, même s’il semblait remarquablement bien le masquer dans le champ de la Force. Lui et Evan n’était que des apprentis (Evan était en outre à peine sorti de l’enfance), et même si le maniement d’un sabre laser ne leur était pas inconnu du tout, ils n’avaient pas les compétences et l’expérience nécessaires pour affronter un Jedi Noir accompli. Mais surtout, Teydo savait que le temps lui manquait ; Kano avait besoin de lui immédiatement, il le savait.
Soudain, le Jedi Noir se rua vers les deux apprentis, et sa présence dans la Force se révéla aussi clairement qu’un soleil. Il brandissait un sabre laser rouge et fendait l’air à toute vitesse. Le Jedi Noir porta une attaque, et Teydo réagit promptement, poussant violemment Evan pour le mettre à terre et lui faire éviter la lame. Evan était si jeune, il n’avait pas à mener ce combat, et ce même si ses talents dans la Force n’avaient rien à envier à ceux de Teydo. Pa’aja fit alors jaillir sa lame dorée et frappa à son tour, mais le Jedi Noir dévia sa faible attaque avec un ricanement moqueur. Teydo n’avait encore jamais mené de vrai duel au sabre laser... Il ne réalisa qu’à ce moment qu’il faisait face à une femme, entendant sa voix et remarquant ses formes athlétiques. Il ne se laissa pas distraire et attaqua de nouveau avec plus de maîtrise ; l’heure était venue d’honorer les cours de sabre de Kyp Durron, Kyle Katarn ou encore Kano. Cependant, Rahina Haï le dominait largement, parant et jouant à contre-attaquer sans réellement menacer, narguant le Jedi. Alors qu’Evan s’était toujours intéressé de près aux entraînements au sabre laser, Teydo y trouvait moins d’intérêt et avait une approche des combats plus « psychique », axée sur les pouvoirs plutôt que sur le sabre. Son adversaire semblait être une guerrière entraînée, et Teydo comprit qu’il aurait besoin de sa tête s’il voulait se débarrasser de cet obstacle et pouvoir aller aider Kano.
Alors que la Sœur de la Nuit (il avait reconnu d’où elle venait, la Jedi Kirana Ti avait souvent parlé de ces femmes qui étaient les ennemies de son peuple sur Dathomir) le harcelait de coups peu puissants pour s’amuser, Teydo appela la Force à lui et expédia une grosse pierre détachée d’un temple vers la femme. Il pensait la surprendre, mais Rahina Haï déplaça son sabre et stoppa habilement la course de la pierre, la tranchant en deux avec un petit sourire narquois. Teydo n’abandonna pas et effectua un balayage horizontal que Rahina bloqua sans mal, puis la Force s’abattit comme une tornade sur l’apprenti Jedi et le jeta à terre, le souffle coupé. Clignant des yeux, il vit Haï qui se dressait dangereusement au-dessus de lui. Les pouvoirs de cette maudite femme étaient à des années-lumière des siens, modeste apprenti qu’il était. Haï contempla sa victime à ses pieds et ricana.
– Pff, un apprenti et un gamin...
Elle leva sa lame rouge, prête à l’abattre sur Teydo.
– Kahn, soupira-t-elle, il va falloir que tu te décides à me confier des missions plus excitantes...
Elle fit brusquement volte-face en percevant une menace dans son dos, et para in extremis un sabre laser vert qui tournoyait vers elle. L’arme retourna en lévitant dans la main de son propriétaire.
– Deux secondes, sorcière, lâcha Evan Dohan. Le gamin est encore debout.
– L’apprenti aussi, ajouta Teydo qui en avait profité pour bondir sur ses pieds.
Rahina Haï se retrouva avec un Jedi de chaque côté, tous deux visiblement déterminés, leurs lames verte et dorée respective dressées devant leurs visages. La Sœur de la Nuit esquissa un sourire moqueur, et porta la main gauche à sa ceinture pour extirper un second saber laser, qu’elle activa. Elle prit alors chacune de ses deux armes à l’envers dans ses mains, lames rouges pointées vers le sol, et se mit en garde en souriant de toutes ses dents.
– Parfait les enfants. On va commencer à s’amuser...

Avec un gémissement de douleur, Kano tomba à genoux, face à Zeer. Il plaça la main gauche sur sa cuisse meurtrie, puis brandit son sabre de la main droite et frappa le gran. Zeer para, puis Kano bondit avec la Force et retomba à côté de son énigmatique sosie. Sa blessure l’empêcha de se réceptionner correctement et il chancela, vulnérable. Il jura intérieurement : il avait dominé le début de l’affrontement, mais il s’était laissé distraire par sa ressemblance avec ce type. Il avait perdu sa concentration quelques secondes et allait le payer au prix fort.
Mais il n’avait pas pour autant dit son dernier mot. Il se concentra pour faire flotter son sabre au-dessus de sa paume, avant de le faire tournoyer à toute vitesse autour de lui, forçant ses adversaires à rester à distance. Son sosie l’observait calmement, les deux grans s’étaient levés sabre aux poing, et les trois soldats restaient en retrait, armes braquées. Kano voulut attaquer, mais sa jambe refuserait de le porter bien loin. Continuant à faire voler sa lame violette et mortelle pour s’en faire un bouclier, il lança la Force contre l’un des grans. Mais Reez éleva une barrière mentale et resta sur ses pieds. Kano eut alors une idée et se tourna soudain vers le cadavre de l’un des soldats et s’empara de son arme à distance grâce à la Force. Il était incapable de manier correctement un blaster (on ne lui avait toujours appris que le sabre, et cela lui avait suffi tant il était devenu virtuose), mais il repéra aisément la gâchette secondaire, la pressa en visant Reez. Le gran, en garde basse, ne réagit pas assez vite et se retrouva plaqué au sol, emmêlé dans un filet en cordes synthétiques à l’épreuve de sa force. Zeer se précipita pour aider son congénère, tandis que Kahn utilisait la Force pour surprendre le Jedi et lui prendre ses deux armes. Son sabre et le fusil reposant désormais dans les paumes de son double, Kano ne sut que faire. Il avait encore manqué de concentration, avait sous-estimé son sosie et avait perdu ses armes.
Kahn fit alors un geste en direction des soldats, et Kano entendit alors un sifflement dans son dos. Il se retourna alors pour voir un autre filet qui se déployait, se dirigeant à toute vitesse vers lui. Il voulut bondir, mais sa blessure le ralentit et il ne put rien faire lorsque les cordes, au contact de son corps, se resserrèrent et l’entourèrent, le faisant tomber à terre. Ficelé et immobilisé, Kano tenta de réfléchir à un moyen de se tirer de ce guêpier, puis il entendit les soldats qui se rapprochaient.
Déchaînant la Force, il en souleva un de terre et le jeta violemment contre un grand tronc d’arbre massif. L’armure ne le protégea pas suffisamment, et sa nuque se brisa sous l’impact. Les deux soldats restants mirent en joue le Jedi à terre qui se démenait et le mitraillèrent de rayons paralysants. Kano tenta de se raccrocher à la Force pour annihiler les effets et rester éveillé, mais les lasers le submergèrent. Il finit par succomber et sombra dans l’inconscience.
Kahn s’assura que la cible était immobile mais en vie, et ne se cacha pas que la résistance du Jedi avait été admirable. Après tout, tous deux avaient les mêmes origines et il était normal que Kano soit talentueux, ce qui serait appréciable lorsque Kahn prendrait son corps. Sans son inattention et sa blessure à la jambe, le combat aurait peut-être eu une autre issue... Zeer avait libéré son frère, et Kahn ordonna à Reez de transporter le corps du Jedi. Puis il appela la navette qui viendrait les chercher, sans se soucier de Rahina. Elle avait des instructions : si elle ne revenait pas à temps, elle trouverait seule un moyen de s’enfuir. Kahn avait donné cet ordre en sachant bien qu’elle était parfaitement capable de se débrouiller seule. A vrai dire il ne serait pas surpris d’apprendre qu’elle aurait rasé seule l’Académie Jedi avant de partir !

Teydo Pa’aja et Evan Dohan chargèrent en même temps, d’un côté et de l’autre de Rahina Haï. Celle-ci para à l’aide de chacun de ses sabres, puis commença à frapper habilement sur les deux fronts avec la même efficacité que sur un seul, douchant l’assurance des deux Jedi. D’un vif coup de pied dans le ventre, elle repoussa momentanément Teydo et s’occupa d’Evan. Elle comptait se débarrasser du petit pour pouvoir ensuite se concentrer sur le grand et, comme promis au Seigneur Kahn, le faire souffrir.
L’adolescent parvint de justesse à dévier les deux lames l’une après l’autre, puis fit une roulade pour contourner Rahina et attaquer son flanc. Haï s’efforça de ne pas paraître surprise qu’un gosse tienne tête à son assaut. Elle tournoya sur elle-même, sabres levés, devenant une toupie mortelle qui obligea Evan à abandonner son attaque. Futé, le jeune homme se laissa tomber à terre pour esquiver, tandis que Teydo contre-attaquait. Rahina fit face au koltarien, para son sabre au-dessus de leurs têtes, puis entreprit de le frapper avec son arme supplémentaire. Mais Teydo fit un souple pas chassé et la lame ne fendit que l’air. Teydo riposta en envoyant son poing gauche dans les côtes de la femme, lui coupant le souffle. Tous deux reculèrent alors d’un bond.
Evan ne s’était pas contenté de rester le nez dans l’herbe. Sa lame verte vrombit en filant vers Rahina, et le coup était si puissant qu’elle dut intercepter avec ses deux lames croisées. Des étincelles jaillirent au-dessus des visages des combattants. Rahina faisant au moins une tête de plus qu’Evan, mais elle réalisa qu’elle ne parvenait pas à le toiser réellement.
– Notre bébé a des dents on dirait... railla-t-elle.
– Oui, et il mord, rétorqua Evan sur le même ton.
Rahina ricana et attaqua vivement, frappant successivement de ses deux sabres rouges, mais le jeune Evan supportait brillamment ses assauts sans fléchir. Tenter de parer chaque coup des deux lames était impossible et suicidaire, il l’avait compris. Tout son talent résidait dans le fait qu’il déterminait judicieusement quels coups parer, lesquels simplement éviter, et auxquels il devait riposter. Et surtout, il savait utiliser les erreurs adverses : la Sœur de la Nuit le sous-estimait. C’était une habitude chez les Jedi Noirs, qui perdaient souvent en raison de leur confiance excessive dans le Côté Obscur de la Force, qu’ils imaginaient tout-puissant. Elle s’en mordrait les doigts…
Evan fit une large parade qui dévia les deux sabres adverses, puis fit une souple roue sur le côté pour esquiver l’attaque suivante. Il lança alors son sabre avec la Force, et Rahina le dévia sans mal. C’était ce qu’Evan attendait. Il se rua alors vers la Jedi Noire qui avait ouvert sa garde pour bloquer son lancer. Haï, voyant son adversaire désarmé, ne prit pas garde. Au dernier moment, alors qu’elle allait frapper, elle s’aperçut que le sabre de Pa’aja était apparu dans la main de Dohan. Les deux acolytes Jedi avaient fonctionné en symbiose, Teydo lançant habilement son arme à son camarade. Profitant de l’effet de surprise, Evan asséna un coup terrible, et Rahina dut bondit en arrière pour esquiver. Poursuivant le combat avec le sabre à lame dorée de Teydo Pa’aja, Evan attaqua de nouveau, effectuant un coup diagonal descendant que Rahina para in extremis. Le jeune Jedi l’avait prise au dépourvu, mais elle n’avait nullement l’intention de se laisser faire.

En retrait, Teydo eut soudain un choc. Il avait perçu le pique de souffrance de Kano et il devait aller à sa rescousse immédiatement. Mais il devait d’abord s’occuper de cette Jedi Noire, il ne pouvait laisser le jeune Evan l’affronter seul. Il avait toujours eu une tendance à jouer les grands frères protecteurs, tout comme avec Kano à la différence près que la formation de Kano était bien plus avancée que la sienne. Cette habitude devait s’expliquer par le fait qu’il était issu d’une famille nombreuse, une forme de substitut à ses trois frères disparus et qui lui manquaient. Il ne pouvait abandonner son ami à son sort. Tout comme il ne pouvait pas laisser tomber Kano. Tout le dilemme était là…
Vas-y, retentit alors une voix dans sa tête. Teydo mit un moment à comprendre que son esprit n’avait pas formulé cette pensée ; c’était Evan qui lui avait transmise. Conscient qu’hésiter ne ferait qu’aggraver les choses, Teydo Pa’aja prit sa décision. Evan tenait visiblement le coup, défendait en n’attaquant que timidement, mais il était visiblement concentré alors que Rahina Haï semblait commencer à perdre son calme et son air suffisant. En outre, la clairière serait certainement envahie de Jedi d’une seconde à l’autre, et Evan n’avait pas longtemps à tenir. Enfin Teydo savait que Kano, lui, était en très mauvaise posture. Décidé, Teydo ramassa le sabre d’evan, tourna les talons et partit en courant à la rescousse de Kano. Evan Dohan, en plein combat contre un adversaire qui lui était supérieur, n’y prêta même pas attention. Il n’avait pas le niveau pour vaincre cette femme, mais il tiendrait en attendant de l’aide. Il y arriverait, il le savait. Son Maître Moorca lui avait toujours dit que croire en ses capacités était le premier pas vers la victoire.

L’Académie Jedi était en ébullition. La plupart des membres sentaient désormais la présence des suppôts du Côté Obscur qui avaient fait intrusion sur Yavin IV. Kahn avait compté abattre Pa’aja et capturer Kano en quelques instants sans se faire repérer ; il avait totalement échoué. Chacun des quatre Jedi Noirs avait dû utiliser la Force, révélant ainsi leur présence. Tous les Jedi étaient désormais aux abois, se précipitant vers l’un ou vers l’autre des points d’activité de la Force Obscure. Mais une des Jedi était en avance, Melee avait réagi bien plus tôt, percevant la détresse de Kano bien avant que la présence des Jedi Noirs se soit trahie. Courant à en perdre haleine, elle déboula dans la partie de la jungle où Kano s’était battu. Une navette se posait un peu plus loin, et un groupe composé d’un humain, deux grans et deux swamptroopers se dirigeait vers l’aire d’atterrissage. En voyant qu’un gran transportait un corps sur son épaule, le sang de Melee se figea.
– Kano ! hurla la zeltron.
Activant son sabre bleu, elle s’élança à leur poursuite. Les zeltrons étaient connus entre autres pour être toujours en excellente condition physique, et Melee fit honneur à cette réputation. Voyant qu’elle gagnait du terrain, le gran Zeer resta en arrière tandis que le reste du groupe approchait du vaisseau.
Zeer activa son sabre et attendit Melee pour la stopper. La zeltron se laissa alors glisser sur l’herbe encore humide, envoyant ses pieds dans les jambes du gran et le balayant. Le non-humain s’écroula à terre, et Melee se dressa au-dessus de lui avant de lui ficher sa lame en plein torse, comptant se débarrassant de lui en un clin d’oeil. Elle voulut reprendre sa course mais le gran, à qui il restait encore une once de vie, agrippa son pied et la fit lourdement tomber à terre.

Maran Cahru, lui, avait opté pour une approche plus discrète. Il avait suivi la troupe mais en la contournant pour ne pas être vu. Alors que Kahn grimpait la rampe vers sa navette, il prit conscience de la présence du takisha dans son dos.
– Stop, ordonna Maran.
– Tiens donc, Maître Cahru ! Quel plaisir de vous revoir ! Comment vous portez-vous ? demanda Kahn, railleur.
Kahn s’approcha du Maître Jedi, tandis que derrière lui Reez emportait le corps de Kano dans la navette. Maran resta impassible, et soudain Kahn l’attaqua en dégainant le sabre de Kano. Maran para calmement de sa lame blanche étincelante.
– Alors, décidé à vous débarrasser de moi ce coup-ci ?
– Laissez Kano ici.
– Il va falloir me tuer pour cela. Car c’est moi qui, d’un seul geste, peut ordonner à cette navette de décoller. Avec ou sans moi.
– A quoi vous servirait de capturer Kano si c’est pour être capturé vous-même ? Passer un quart d’heure avec Kyp Durron devrait beaucoup vous plaire, et ça ne vous ferait pas de mal...
Maran fixa Kahn, ignorant sa remarque précédente. Il savait que Kahn se moquait de son idéal pacifiste et qu’il allait le provoquer sur ce point. Mais, contrairement à leur dernière confrontation, Maran était dans l’urgence. Kahn avait raison : Kano était déjà à bord, la navette juste derrière Kahn pourrait décoller. Il lui fallait immobiliser Kahn, et ses hommes ne partiraient pas sans lui.
– A moins qu’avec la Force, vous ne brisiez le coup du pilote, ricana Kahn en s’approchant pour faire face à Maran Cahru, qui restait impassible.
Kahn le regarda droit dans les yeux.
– Mais non, le vieux Justice est devenu trop gentil pour ce genre de choses...
La réplique frappa Maran comme s’il avait été bousculé par un bantha au galop. Il écarquilla les yeux, ce qui n’échappa pas à Kahn. Comment ce maudit Jedi Noir connaissait-il son passé ?
– Hé oui Cahru, je connais vos petits secrets... Vous souvenez-vous de cette mission sur la planète Aztilar ? Lorsque vous avez été infiltré dans un laboratoire impérial pour y saboter du matériel de clonage... Vous avez échoué n’est-ce pas ? Le résultat de votre échec c’est... moi.
Maran tressaillit. Lors de cette opération, il avait été chargé de tuer des techniciens et des savants impériaux, et avait compris après coup que le Soleil Noir, en se faisant passer pour la Rébellion, était son employeur. Ces savants étaient en effet sur le point de découvrir le secret de la nouvelle drogue mise sur le marché par le syndicat criminel, et ils devaient disparaître pour préserver les affaires du Soleil Noir.
– Oui, Justice, susurra Kahn. Si vous n’aviez pas échoué les savants n’auraient jamais réussi à me donner la vie... Et je ne serai pas là à pourrir celle de votre disciple.
D’un brusque mouvement, Maran bougea sa lame et déséquilibra Kahn avec qui il croisait encore le fer.
– Laissez partir Kano, ordonna à nouveau Maran.
Du coin de l’oeil, il voyait d’un air inquiet le gran Zeer qui s’éloignait un peu pour faire face à la jeune Melee. Peu après, les deux soldats ressortaient avec des blasters qui n’étaient pas équipés de rayons paralysants ceux-là. Melee, contrairement à Kano, n’avait en effet aucune raison d’être épargnée...
– Il faudra alors me tuer, Maître Cahru. Choisir entre honorer vos stupides idéaux, ou laisser Kano et cette jolie gamine subir le sort que le destin leur réserve.
Kahn continuait à le narguer, tentant de le pousser dans ses retranchements. Maran réagit enfin lorsqu’il vit Melee trébucher et les soldats lever leurs fusils pour l’abattre à distance. D’un bond, il s’approcha des deux swamptroopers et les désarma avec la Force. Melee était à terre, sonnée par sa chute. Zeer, gravement blessé mais vivant grâce à sa carrure de gran, se leva et préféra s’attaquer au takisha.
Zeer fonça sur Maran, qui para sa lame sans mal et effectua un enchaînement qui le fit reculer, avant de lui mettre un coup de pied en pleine gorge. Mais Zeer resta debout, tandis que les soldats reprenaient leurs armes et visaient. Se tournant pour parer les tirs, Maran avança vers eux, se résignant à les empêcher réellement de nuire ; des bras allaient tomber. Voyant que le Jedi s’approchaient, les swamptroopers commencèrent à reculer. Mais Maran bondit près d’eux, et un coup bien maîtrisé sectionna le bras du premier. Alors qu’il se tournait vers le second, Maran le vit se jeter sur lui et s’empaler sur la lame du sabre laser, sans que le Jedi ne puisse l’en empêcher. Terrifié par la vision du corps sans vie du soldat qui s’effondrait, Maran fut pris de nausée. Le soldat avait dû tenter de l’attaquer dans le dos, Maran ne l’avait pas vu venir et l’avait embroché... Ce que le Jedi ne sut jamais c’est que Kahn, à distance, avait projeté le corps du soldat en plein sur la lame ardente.

Evan commençait à faiblir, soutenant tant bien que mal les puissants assauts de sa terrible adversaire. Il gardait cependant une certaine maîtrise sur le duel, et un coup de pied bien placé dans la main de Rahina Haï l’avaient désarmée, les ramenant à un style d’affrontement plus classique : un sabre contre un sabre. Rahina fit une attaque horizontale à l’instant même où Evan chargeait droit devant, et leurs lames respectives se heurtèrent violemment. La Jedi Noire enchaîna en dégageant sa lame pour frapper à la tête, mais Evan réagit promptement et invoqua la Force, prenant son adversaire par surprise et la jetant à terre. Elle fit un mouvement souple pour se retrouver sur ses pieds et, furieuse, contre-attaqua à toute vitesse avec une détermination renouvelée. Evan Dohan para de son mieux, conscient qu’il aurait peu d’occasion d’attaquer avec le rythme imposé par la Sœur de la Nuit. Il devait tenir coûte que coûte…
Soudain, comme il s’y attendait, il perçut la présence de plusieurs Jedi autour de lui. Trop concentré sur les lames qui se mouvaient à toute vitesse, il ne vit pas distinctement Wurth Skidder qui arrivait, sabre rouge au poing, suivi de Taren D’an, Kirana Ti, et Maître Moorca.
Rahina Haï avait aussi senti les Jedi en approche, et elle avait intensifié ses attaques en espérant en finir avec cet insolent gamin et partir traquer Teydo Pa’aja. Sa colère ne la rendait cependant pas plus forte, au contraire. Ses coups se faisaient moins précis et Evan les anticipait plus facilement à mesure que leur duel se poursuivait.
Lorsque les Jedi se firent trop proches, elle lâcha un juron et rompit soudainement l’engagement pour s’enfuir, laissant un Evan Dohan exténué tomber à genoux. Taren D’an le bith s’arrêta pour s’occuper de lui, tandis que Wurth, Kirana et Moorca se lançait à la suite de la Soeur de la Nuit qui disparaissait dans les profondeurs de la jungle. A ces Jedi s’étaient ajoutés Numa Rar la twi’lek, Dorsk 83 et Kubis Nu le rodien. D’autres Jedi arrivèrent ensuite, mais trop tard pour se lancer dans la course.
Mais Evan, lui, pouvait encore participer.
– Ça va ? lui demanda Taren.
– Ouais... Mais je n’en ai pas fini avec cette sorcière...
Sans laisser parler le bith et malgré sa fatigue, il bondit sur ses pieds et courut à la suite des six autres Jedi. Particulièrement décidé, il atteignit vite les premiers arbres de la jungle et courut à toute allure. Rahina Haï savait bien qu’un bon nombre de Jedi étaient à ses trousses, que tous n’étaient pas des apprentis et qu’elle ne tiendrait pas tête à une horde armée de sabres lasers.
Numa Rar, jolie twi’lek à la peau bleue, était bien devant ses camarades et apercevait la Soeur de la Nuit qui filait entre les arbres. Accélérant sa course, elle s’approcha encore et bientôt elle talonna la Jedi Noire. Rahina fit volte-face et lança son sabre laser, que Numa esquiva de justesse avant que l’arme ne décrive une courbe pour revenir dans la main de son propriétaire. La lame avait tranché les troncs de deux immenses arbres, qui s’écroulèrent avec fracas. Numa bondit sur le côté et évita d’être écrasée, puis la course reprit, et enfin Numa rattrapa sa cible. Elles engagèrent un furieux combat, Numa étant loin d’être une débutante. Pendant ce temps, Wurth Skidder et les autres arrivaient à leur tour et encerclaient Rahina. Cette dernière repoussa rageusement la twi’lek et bondit dans les airs pour atteindre une branche d’arbre.
Agile, la femme grimpa le long de l’arbre puis sauta sur la branche d’un autre arbre, espérant ainsi échapper aux Jedi. Elle continua à évoluer ainsi au-dessus du sol, à l’abri derrière les épais branchages. Les branches larges et solides dans lesquelles les plus jeunes apprentis adoraient jouer supportaient largement son poids et lui permettaient de passer d’un arbre à l’autre sans difficulté. Comptant duper ses adversaires et les semer, elle repartit en direction de l’Académie.
Soudain, elle entendit du bruit dans les branches en-dessous d’elle.
– Je connais cette jungle mieux que quiconque, retentit une voix. Vous empruntez mon chemin préféré.
Rahina ne pouvait voir son interlocuteur à travers les branches touffues mais sut à qui elle avait affaire. Soudain, une forme traversa la couche de feuilles et monta vers elle à toute allure. Bondissant depuis un étage inférieur, Evan Dohan surgit à son niveau, lame au poing.
Passant en trombe à côté d’elle, Evan poursuivit son superbe saut et retomba doucement sur une branche au-dessus de son adversaire. Rahina Haï activa à nouveau son sabre, mais elle mit quelques instants avant de réaliser que le combat avait trouvé son terme. En plein bond, le sabre vert du « gamin » l’avait atteinte, de son flanc gauche à son épaule droite. Elle ne réussit à pousser qu’un hurlement strident lorsque son corps se scinda et que les deux parties dégringolèrent du haut des branches.
– Tous les mêmes ces Jedi Noirs... grogna Evan, à bout de forces. Ils nous prennent pour des imbéciles et finissent en morceaux.

Tétanisé, paralysé par son acte, Maran éteignit son sabre en tremblant. Derrière lui, Zeer chargeait mais Melee se dressa soudain sur sa route, fière et déterminée. Elle sauta en tournant, effectuant un coup de pied qui atteignit le gran en plein visage et le fit tomber. Il se releva et attaqua, mais Melee contra, lame sur le côté. Elle fit un ample mouvement pour repousser habilement le sabre adverse au-dessus de leurs têtes, puis avança soudainement à côté de Zeer ; la lame bleue trancha le Jedi Noir au niveau de la ceinture. Il émit un grognement, puis s’effondra lourdement. Cette fois, il ne se relèverait pas. Mais derrière Melee, le soldat au bras droit amputé prit son arme de la main gauche et lui décocha un tir dans l’épaule. Maran, sous le choc, n’avait rien fait pour l’en empêcher.
Une première erreur : tuer ce soldat. Une seconde : laisser Melee se faire abattre. D’un geste distrait, il souleva le soldat avec la Force et l’envoya s’assommer contre un arbre. Puis il tomba à genoux. Des erreurs... encore des erreurs... Kahn, lui, s’approchait lentement, le sabre de Kano au poing.
– Alors Justice, le héla-t-il, on reprend les bonnes vieilles habitudes ?
Il avait tué. Il avait laissé Melee se faire tirer dessus. Il avait échoué. Deux fois. Il avait ôté une vie sans même être capable de protéger celle de la zeltron. Et pendant ce temps là, Kahn aurait tout à fait pu se précipiter dans la navette et emmener Kano vers un triste destin. Incapable de bouger devant son échec total, à nouveau accablé par ses erreurs, Maran resta à genoux devant Kahn.
– Justice... murmura-t-il en tremblant. Ne m’appelez plus jamais comme ça.
– Justice était un véritable tueur, lui dit Kahn en le regardant de haut. Il était efficace. Vous, Cahru, vous êtes un raté. Et vous ne m’empêcherez pas de mener Kano à son véritable destin.
Maran ne bougea pas un cil alors que Kahn levait sa lame au-dessus de sa tête, utilisant le sabre dérobé à Kano auparavant. Le destin de Kano... Maran le connaissait. Tout ce que Maran avait fait de bien dans sa vie, c’était d’être parvenu à arracher Kano à ce à quoi Palpatine l’avait destiné. Il avait pris la relève de Nicoma, la mère de Kano, ainsi que de sa nourrice Autum et tous les gens qui s’étaient battus pour protéger Kano. Il ne pouvait pas abandonner Kano. Il ne pouvait pas laisser faire Kahn. Mais pour cela il devrait lever sa lame et tuer ce maudit Jedi Noir.

Un flash se composa soudain dans son esprit perturbé et il ferma les yeux pour se laisser porter par les flots de la Force. Il vit Kano qui souffrait. Kano qui fuyait dans une jungle étrangère. Kano qui combattait un Jedi sur les toits de Coruscant. Kano qui attaquait son meilleur ami, Teydo Pa’aja. Kano qui affrontait d’autres Jedi.
Maran se mit à pleurer. Il avait vu ce qu’il adviendrait s’il abandonnait Kano à son sort. Et cela, il ne le permettrait jamais. Avec un hurlement rageur, Maran s’empara de son sabre et l’activa, décidé à agir. Il se leva brusquement.
Mais la vision du futur se poursuivit et il retomba lourdement à genoux. Kano qui tenait le corps d’une femme dans ses bras et qui pleurait. Kano qui protégeait un amiral impérial. Kano qui retournait voir Streen et les Jedi.
Maran arrêta alors son geste en réalisant que Kano, sans lui, triompherait et reviendrait dans le droit chemin. Il n’avait pas besoin de lui... Il était un Jedi, et n’avait pas besoin d’un tueur pour s’en sortir. Maran n’avait plus rien à faire pour son apprenti.
Et la vision continuait, tandis que la lame violette de Kano, brandie par Kahn, semblait se mouvoir au ralenti au-dessus de sa tête. Kano qui explorait un temple Sith. Kano qui affrontait un Jedi, mais un Jedi Noir cette fois-ci : Kahn. Et enfin, Kano qui plantait son sabre dans le corps de son adversaire. Kano qui triomphait.
Tout cela sans lui. Kano n’avait pas besoin de lui. La Force venait de le lui murmurer à l’oreille. Il n’avait nul besoin de commettre à nouveau des erreurs, Kano s’en sortirait de toute façon. Plus que ça : c’était le destin de Kano de dominer sa destinée, de se battre et de vaincre. Ce n’était pas le rôle de Maran Cahru d’intervenir... Et encore moins celui de Justice.
Tuer Kahn ne servirait pas à arrêter le cours des choses, cela ne servirait qu’à ressusciter Justice. Maran avait encore commis des erreurs, il avait trahi son serment. Cela devait cesser. Justice n’avait plus rien à faire dans cette galaxie. Maran Cahru se mit à sourire en rouvrant les yeux, ignorant que la vision n’était pas tout à fait arrivée à son terme. Il regarda Kahn, conscient que de toute façon, en fin de compte, celui-ci serait perdant. Son sourire se fit encore plus fort, presque narquois, lorsqu’il croisa le regard de Kahn. Le Jedi Noir arborait un air vainqueur, et Maran se réjouissait encore plus de savoir que ce type ne connaîtrait au final que l’échec.
En attendant, peut-être que ce Jedi Noir était venu lui apporter l’expiation. Toutes ces années au service de l’Ordre Jedi n’avaient apporté aucune réponse à Justice, et tout ce que Maran Cahru était parvenu à faire c’était de former Kano. Or le jeune homme était devenu un Chevalier Jedi accompli, qui n’avait plus besoin de son Maître pour vaincre les épreuves, la Force l’avait montré au takisha. Maran avait accompli sa tâche. Il souriait toujours lorsque la lame s’abattit sur lui.

Teydo Pa’aja surgit en courant et découvrit le tableau : une navette qui s’élevait sur ses répulseurs, un cadavre de gran et ceux de plusieurs swamptroopers. Il vit également le corps de Melee ; la Force lui indiqua qu’elle était gravement touchée mais en vie. Et enfin... Kano, sabre laser levé, qui dominait son Maître agenouillé. Il perçut également deux présences á bord de la navette mais n’y prêta pas garde, son attention portée sur Kano et Maran. Et sa concentration dans la Force vacilla lorsqu’il vit la scène surréaliste se dérouler sous ses yeux.
Aucun mot ne put sortir de la gorge de Teydo lorsqu’il vit, incrédule, Kano frapper brutalement de sa lame violette son mentor bien-aimé. Teydo, sous le choc, ne put rien faire et ne parvint à crier que lorsque le corps sans vie du Maître Jedi Maran Cahru s’effondra à terre.
– Noooooooon !
Déversant des flots de larmes, Teydo ne put bouger et tomba seulement à genoux, mains au sol. Kano ne lui jeta même pas un regard et grimpa tranquillement dans la navette, accrochant son sabre à sa ceinture.
– Non... fit Teydo, qui avait du mal à croire et à comprendre ce qu’il venait de voir. Kano...
Etait-ce donc cela l’urgence qu’il avait ressentie ? Etait-ce le Côté Obscur plutôt que la douleur qu’il avait perçu chez son meilleur ami ? Non, c’était impossible, Kano était un grand Jedi de même que Maran, c’était impossible ! Et pourtant... Il l’avait vu. Il avait tout vu. De ses propres yeux. Kano avait trahi les Jedi. Il avait trahi son Maître. Il avait trahi Teydo. Il s’était trahi lui-même.
Pleurant désespérément, Teydo regarda, impuissant, la navette qui emportait son ami s’élever dans le ciel au-dessus des arbres, tandis que plusieurs Jedi surgissaient derrière lui, certains courant s’occuper de Melee, d’autres de Maran. La navette accéléra pour quitter la planète, et Teydo savait que plus personne ne pourrait l’empêcher de partir.
Hurlant de rage et de désespoir après la scène irréelle dont il venait d’être le témoin, Teydo martela le sol de ses poings en pleurant. Derrière lui, Kyp Durron approchait en courant et se précipita aux côtés de son élève.
– Teydo, est-ce que ça va ? s’enquit le Maître Jedi.
Teydo ne répondit rien, puis Kyp aperçut le corps sans vie de Maran Cahru un peu plus loin et une vague de tristesse déferla dans le cœur du Maître Jedi.
– Kano…demanda alors doucement Kyp. Où est-il ?
Teydo Pa’aja, brisé, tourna vers lui son visage défait couvert de larmes et murmura :
– Nous l’avons perdu.
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