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Dans l\'inconnu
 
Tyra, résidence du gouverneur


La grande porte-fenêtre montrait un jardin soigneusement entretenu et baigné par un soleil de début d’été. Les allées parsemées de fleurs aux couleurs éclatantes auraient dû rendre le gouverneur Rees d’humeur plus enjouée mais ce n’était pas le cas. Sur le bureau, les dossiers s’accumulaient et, avec eux, leurs cohortes de soucis. Les affaires courantes étaient gérées d’une manière exemplaire par son équipe en attendant les élections prévues d’ici six mois et qui verraient accéder au pouvoir un gouvernement démocratiquement élu.
Six mois… Plus de temps qu’il n’en fallait pour ruiner ses espoirs. Les forces du commodore Phanteras tiendraient-elles jusque-là ? Son plan avait été longuement mûri. Il savait que l’Empire ne resterait pas les bras croisés pendant qu’il réaliserait son rêve de liberté et d’indépendance pour ce secteur. Cette connaissance ne lui était pourtant pas d’une grande aide alors qu’il devait supporter la tension nerveuse née de la situation actuelle. Il sentit ses épaules s’affaisser un peu plus en songeant au poids des espoirs des quelques quatre milliards d’habitants dont il avait la charge. Leur avenir dépendait de lui. Si jamais il échouait, l’Empereur serait sans pitié et exécuterait sommairement nombre d’habitants, pour l’exemple…. Au cours de sa longue carrière dans le corps diplomatique de la République puis dans l’administration territoriale de l’Empire, il avait déjà eu à effectuer des choix difficiles mais aucun ne pouvant avoir d’aussi graves conséquences.
Il y avait aussi des objections morales à son geste : était-il légitime d’entrer en rébellion contre le gouvernement galactique qui, tout dictatorial qui soit, n’en était pas moins l’autorité légitime ? Avait-il aussi le droit de rendre la région boreo-tyrénienne libre et indépendante par la force ? Ne risquait-il pas de devenir un autre tyran ? D’ailleurs, ne l’était-il pas déjà devenu, en décrétant la loi martiale à cause des affrontements aux frontières et du risque d’insurrection pro-impériale à l’intérieur ? Toutes ces questions tourbillonnaient dans sa tête depuis des mois et revenaient à chaque fois de plus en plus fortes.
Il gratta nerveusement son front dégarni, en détournant le regard de la pile de dossiers. Au fond, songeait-il, la solitude – au pouvoir comme dans sa vie privée – finissait par le gagner. Ou était-ce de la culpabilité ? Il avait bien changé, le jeune diplomate idéaliste frais émoulu sorti de l’école il y a trente-sept ans. Il croyait pouvoir changer la galaxie à l’époque mais avait vite été ramené à la réalité par la bêtise et la cupidité de ses habitants.
Malgré tout, le dernier message de Phanteras lui redonnait un peu de baume au cœur : cinquante cargos chargés de toutes sortes de marchandises ! La nouvelle avait été annoncée en grande pompe et la population attendait leur arrivée avec impatience, de même que les équipes du contre-espionnage. Le secteur avait beau ne manquer de rien, cette démonstration de l’impuissance des forces impériales à instaurer un blocus portait les gens aux nues et leur donnait confiance en l’avenir.
Rees avait aussi été agréablement surpris par la présence de ce vaisseau chargé d’antiquités : l’art ancien était une de ses passions. Peut-être aurait-il l’occasion de faire quelques bonnes affaires. Le gouverneur sourit légèrement à cette pensée et tourna la tête vers la fenêtre. Autant profiter de ce qui s’offre à moi tant que je le peux encore.

***


Emerald Sparrow, hyperespace


Objet de la recherche : gouverneur du secteur boreo-tyrénien.
Résumé de la biographie :
Hayden Rees, humain de sexe masculin. Né sur Commenor il y a soixante-deux ans. Deuxième enfant d’une famille aisée ayant fait fortune dans la finance au niveau sectoriel. Les relations de son père lui facilitèrent l’admission à l’école des sciences politiques de Coruscant où ses qualités le firent se distinguer. À sa sortie, il intégra le corps diplomatique en tant qu’ambassadeur assistant. Il fut remarqué en obtenant un règlement pacifique à la guerre civile qui déchirait le secteur boreo-tyrénien. Suite à ce succès, il fut nommé gouverneur du secteur environ deux ans avant la Guerre des Clones. Il sut profiter du fait que la région fut épargnée par le conflit pour la faire prospérer. Promu Moff à l’avènement de l’Empire Galactique, Hayden Rees était jusqu’à maintenant considéré comme un administrateur modèle.
Fin du résumé, désirez-vous d’autres informations ?

Sanaz s’éloigna un instant de l’écran pour assimiler tous ces renseignements. Les dossiers sur le personnel de l’administration impériale étaient toujours très complets et celui-ci ne dérogeait pas à la règle : il y était joint des copies des diplômes du Moff, les rapports des enquêtes de routine le concernant ainsi que les avis de ses supérieurs – qui ne tarissaient pas d’éloges sur lui. Rees était donc sans nul doute quelqu’un de brillant, doublé d’un non moins fin politicien. Pourquoi une personne aussi douée trahirait-elle son gouvernement ? Parce qu’elle ne l’a jamais approuvé ? Il ne peut pas être extrêmement attaché au secteur puisqu’il n’y est pas né. Hmm, il est célibataire et n’a plus l’air d’avoir de contacts avec ce qui lui reste de famille. Étrange.
Elle jeta un œil à son chrono : encore une bonne heure avant leur arrivée dans le système de Shar’Lis Tyra et la venue à bord du pilote qui les guiderait jusqu’à l’astroport de la capitale. Ayant épuisé la biographie du personnage, Sanaz demanda une photo de Rees et le dernier profil psychologique en date, établi par le médecin agréé.
L’image présentait un homme bien portant au visage sec. Il avait le haut du crâne dégarni et ce qui lui restait de chevelure était d’un blanc de neige. Une apparence de monsieur tout-le-monde, si on faisait abstraction de ce regard vif dénotant une redoutable subtilité dissimulée sous un air affable.
Le texte, quant à lui, confirmait les réflexions de Sanaz tout en soulignant l’intelligence du gouverneur ainsi que ses qualités de diplomate ; qualités qui lui avaient permis de résoudre la crise boreo-tyrénienne… Encore cette crise ! Décidément ça a dû causer un sacré choc à l’époque. L’auteur s’attardait ensuite sur les deux passions de Rees : l’art ancien et la musique. Il ajoutait aussi que le Moff s’efforçait de ne jamais manquer une représentation à l’opéra de Tyra. Il y a des choses intéressantes mais ce n’est pas très passionnant tout ça… Sanaz se força toutefois à aller jusqu’au bout de la conclusion. Bien lui en prit car le médecin indiquait que le gouverneur était par moments assez utopiste. Enfin quelque chose à se mettre sous la dent ! Il veut à tout prix le « bien » de ses administrés et il doit avoir en horreur certains préceptes impériaux… La jeune Zabrak avait donc le mobile, même si ce n’était au fond qu’une confirmation de ses propres soupçons car elle aussi était répugnée par certains aspects du régime impérial.
Satisfaite de ses recherches, elle éjecta la carte de données contenant le dossier qu’elle venait de parcourir et alla la replacer dans le compartiment secret caché dans le plafond, juste derrière l’éclairage principal de sa cabine, avant d’éteindre l’ordinateur. Elle partit ensuite rejoindre ses trois compagnons afin de préparer la dernière partie de leur voyage.

***


Tyra, orbite haute


« Cargo Emerald Sparrow, ici le contrôle de l’astroport. Vous êtes autorisés à vous poser sur l’aire 47-A. Suivez la balise radio pour l’approche. Répétez et confirmez, à vous.
– Contrôle, ici Emerald Sparrow. Aire 47-A, nous nous calons sur la fréquence de la balise. À vous.
– Reçu, bienvenue à Amesh’Tag Tyra, Sparrow. Contrôle, terminé. »
Poussant le manche en avant, Sanaz amorça la descente du cargo léger vers sa destination. A sa droite, le pilote désigné par les autorités pour les guider jusqu’à l’astroport observait le trafic aux alentours. De temps à autre, il jetait un œil aux instruments pour vérifier la trajectoire du vaisseau.
On entrait maintenant dans les couches supérieures de l’atmosphère. Tout le monde à bord gardait le silence car cela restait après tout la phase la plus dangereuse : une simple défaillance des boucliers pouvait conduire à la destruction totale du vaisseau et de ses occupants.
Installé sur un des sièges dans le fond du cockpit, Derek ruminait ses pensées. Guère causant ce gars-là. Et c’était mieux comme ça, continua-t-il, vu qu’à part les « conseils » habituels à l’équipage – en réalité des ordres à peine déguisés – il n’avait fait que reposer les mêmes questions que les militaires qui les avaient abordés près de Boreus. Ils avaient donc donné les mêmes réponses, sans toutefois faire preuve de mauvaise volonté, vu qu’il n’était pas là pour les espionner – officiellement.
La descente se poursuivait et, après avoir traversé la couche nuageuse, le vaisseau se trouva enfin en vue de la capitale de Tyra. Ils étaient suffisamment près pour pouvoir distinguer le tracé des rues et les contours des bâtiments les plus importants. Intrigué par l’une des grandes places de la cité, Derek questionna le pilote :
« Vous connaissez cette place, là sur la droite ? »
A sa grande surprise, l’autre répondit avec tout le sérieux d’un guide touristique chevronné :
« Bien sûr, il s’agit de la place de l’Unité. En son centre se dressent les statues de Shaer’Lis Tyra et Amesh’Tag Tyra, les fondateurs du secteur. C’est en quelque sorte la place centrale de la ville. Le grand bâtiment au nord est l’unique opéra de la région. La cantatrice zeltronne Juno Scandarii s’y produit actuellement. En face, c’est le musée d’histoire. On y retrouve une exposition permanente consacrée à l’histoire de la région. Il y a aussi un certain nombre de salles consacrées à la faune et à la flore locales. Si vous le désirez, vous pouvez visiter également le jardin botanique ; il se trouve non loin du palais du gouverneur.
– Merci », fut tout ce que trouva à répondre un Derek subjugué par un tel flot d’informations.
Sanaz, qui n’avait rien perdu de la conversation, sourit face au désarroi de son subordonné.
Ce fut enfin l’atterrissage du cargo sur l’aire prévue. Le pilote prit congé non sans saluer l’équipage et lui avoir souhaité un bon séjour sur Tyra. Les employés de l’astroport prirent le relais pour les formalités d’usage. A leur départ, deux hommes se présentant comme fonctionnaires aux affaires commerciales vinrent annoncer que la population était prévenue de l’arrivée d’antiquaires et que des clients potentiels ne manqueraient pas de se manifester d’ici une heure ou deux.
Tels de vrais commerçants attirés par l’appât du gain, les quatre membres de l’équipage de l’Emerald Sparrow se mirent à décharger leur cargaison et l’exposèrent au pied du vaisseau.
Les visiteurs se succédèrent pendant des heures, allant du simple badaud aisément impressionné au parfait connaisseur. Les affaires conclues ce jour-là auraient rendu fou de joie n’importe quel commerçant.
Mais pour les quatre impériaux, le clou du spectacle fut – à plus d’un titre – la venue d’un personnage important : le gouverneur du secteur boreo-tyrénien.
Sanaz fut surprise de rencontrer en personne l’instigateur de la sécession du secteur et leur suspect principal dans leur mission.
« Salutations, Mlle Nesim. Je suis le gouverneur Rees. Vous êtes, à ce qu’on m’a dit, le capitaine de ce vaisseau et la directrice de l’affaire ?
– Enchantée de faire votre connaissance, fit la jeune Zabrak en acceptant la main tendue. C’est exact, c’est moi qui ai créé ce magasin itinérant. Y a-t-il quelque chose qui vous intéresse en particulier ?
– Pas vraiment. J’ai pour habitude de chercher au hasard.
– Dans ce cas, puis-je vous montrer nos collections ?
– Je vous en prie », répondit le gouverneur en souriant à la vue du dynamisme de cette entrepreneuse.
Elle lui fit donc faire le tour des céramiques ithoriennes, vases en cristal aldéraanien, sculptures, estampes… sans oublier la panoplie d’armes échanis et mandaloriennes. En fin connaisseur, Rees ne perdait pas une miette du discours de sa guide tout en examinant les pièces. Il remarqua plusieurs sculptures susceptibles d’orner ses appartements et une superbe carafe en cristal taillé. Ce serait le comble du raffinement que de servir les liqueurs que je garde dans ma cave dans un tel objet, se dit-il. C’est au final une bonne chose que ces gens aient réussi à se rendre sur Tyra.
« Et maintenant, gouverneur, voici les trois pièces les plus rares de notre inventaire », annonça Sanaz.
Son intérêt piqué au vif par la déclaration solennelle de la jeune « femme », il suivit du regard les deux employés masculins amener théâtralement les pièces mentionnées depuis la soute du vaisseau. La première était une carcasse de droïde de combat. En position d’attaque, la machine conservait encore un aspect menaçant malgré le poids des années.
« Désolé, mais ce genre de « jouet » ne m’intéresse guère : je préfère charmer mes invités et non les intimider. »
Sanaz acquiesça et se décida à sortir le grand jeu : si cela avait marché avec le Hutt, ils avaient l’espoir de préciser d’un coup les soupçons à l’encontre du gouverneur. Retenant son souffle, elle fit signe à Ashoka et Derek d’apporter leur pièce maîtresse.
Il fallut quelques minutes aux deux hommes pour amener l’imposant autel devant le gouverneur. Ce dernier put ainsi admirer à loisir la qualité du travail des sculpteurs dans l’exécution des bas-reliefs.
« Un travail admirable, mais je crains que le thème pour le moins guerrier ne me convienne pas. Après tout, ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai pris la décision de faire sécession avec l’Empire. Il faut dire que la région a déjà eu son lot de conflits, expliqua Rees, l’air grave.
– Je comprends », répondit Sanaz, déçue devant l’absence de réaction particulière de la part de leur « client ».
Tout en allant chercher elle-même le coffret contenant la dernière pièce de la collection spéciale, elle se prit à espérer que Rees était un bon acteur, car si il n’avait aucun lien avec leurs investigations, la suite de la mission serait particulièrement délicate.
Sanaz présenta le coffret et l’ouvrit. A son grand étonnement, les yeux du gouverneur s’agrandirent sous l’effet de la surprise et ses mains tremblèrent légèrement. L’homme se reprit pourtant :
« Ce n’est guère courant de voir des sabres lasers de nos jours. Je dois dire aussi que les Jedi sont peu appréciés par ici depuis que l’un d’entre eux échoua dans l’obtention d’un règlement négocié à la guerre civile qui déchira le secteur il y a une vingtaine d’années. »
Comprenant qu’ils avaient involontairement manqué de tact, Sanaz fit ses excuses :
« Si nous vous avons offensé gouverneur, nous vous demandons pardon. Soyez assuré que nous garderons cet objet sous clé durant toute la durée de notre séjour sur Tyra.
– J’accepte vos excuses, mademoiselle : comment auriez-vous pu savoir ? Et bien, je suis en tout cas très impressionné par vos articles. Je compte d’ailleurs faire l’acquisition de certains d’entre eux. »
Sanaz afficha alors son plus beau sourire et entreprit les négociations avec leur nouveau client.

***


Tyra, résidence du gouverneur


Une fois ses acquisitions confiés aux bons soins de son majordome, Rees fut ramené à la réalité par la pile de dossiers trônant sur son bureau. Il se permit de songer à nouveau aux affaires de la matinée et à l’assurance que lui avait donnée son chef du contre-espionnage quand il lui avait demandé si ces commerçants étaient au-dessus de tout soupçon. Et étant donné que leur chef est une non-humaine, avait souligné l’homme, cela diminuait grandement les possibilités d’avoir affaire à un groupe d’agents impériaux. De plus, la surveillance autour de tous les vaisseaux ramenés depuis Boreus et de leurs équipages ne se relâchait pas. Rassuré, Rees inspira longuement et ouvrit le premier dossier de la pile.

***


Astroport de Tyra, aire d’atterrissage 47-A


Sanaz était dépitée : Rees n’avait pas réagi à la vue de l’autel d’Ouranos V. Il ne l’avait donc jamais vu ou était très bon comédien. Mais ne l’avoir jamais vu ne signifiait pas forcément qu’il n’avait rien à voir avec leur mission. Après tout, comme l’avait fait remarquer Jia lors de leur briefing après le départ des clients, si le Hutt était bien l’intermédiaire principal dans l’affaire, il était le seul à avoir vu cet autel. Résultat des courses : ils n’étaient pas plus avancés qu’auparavant. Sanaz avait donc décidé de poursuivre la mission en contactant le chef de station des Renseignements Impériaux sur Tyra. Elle partirait le plus rapidement possible avec Derek pour lui fixer un rendez-vous.
Rentrée dans sa cabine pour se changer et trouver quelque chose de plus élégant à se mettre que sa combinaison de vol, Sanaz allait ouvrir l’armoire murale quand quelque chose attira son attention : on avait déposé un objet sur son bureau. Elle crut un moment à une plaisanterie d’Ashoka. Comme il s’agissait d’un holo, elle décida de l’activer par curiosité. Elle découvrit une image fixe représentant deux jeunes mariés, l’homme lui semblant vaguement familier. Bah, sans doute un quelconque acteur d’holofilms à son mariage, se dit-elle. Elle fourra l’objet dans sa poche et n’y songea plus.

***

Derek était à bout de nerfs : cela faisait presque deux heures qu’ils avaient quitté l’astroport et il passait son temps à faire le pied de grue dans les magasins tandis que Sanaz fouinait partout et faisait des essayages.
Bon sang, mais pourquoi est-ce qu’elle n’est pas partie avec Jia ? J’ai l’air de quoi moi, à attendre qu’elle daigne bien passer à l’enseigne suivante ?
A cet instant, sa supérieure reparut, l’air ravie – comme depuis le début de leur sortie. Elle s’arrêta une dernière fois devant l’écran interactif faisant office de catalogue et y effectua une nouvelle recherche. Après deux minutes – qui parurent deux heures à Derek, Sanaz s’écarta de la console et se dirigea vers lui, sans se départir de son sourire radieux.
« Les clients sont contents, les affaires marchent ; bref, tout va pour le mieux », déclara-t-elle sur un ton enjoué une fois dans la rue.
Se penchant vers Derek, elle ajouta plus bas, ponctuant sa remarque d’un clin d’œil :
« Et je vais pouvoir m’offrir une nouvelle garde-robe »
Derek leva les yeux au ciel, découragé. Si seulement elle pouvait passer à la mission…
« Tiens, le fameux jardin botanique n’est pas loin. Allons-y », proposa-t-elle.
Dites-moi que je rêve…
Le cadre enchanteur du parc, jardin d’acclimatation pour des espèces de plantes rares, ne laissa pas Derek de marbre et contribua à améliorer son humeur. Cependant, cela ne dura qu’un moment car au début du troisième tour, il crut qu’il allait craquer à force de revoir les mêmes allées et les mêmes massifs.
« Et si on s’arrêtait un peu au lieu de tourner en rond ? lança-t-il, excédé.
– Bonne idée. Tournons à droite, je crois y avoir vu un banc. »
Elle n’avait pas menti, à une quinzaine de mètres de là se tenaient deux bancs dos à dos, cachés par un tournant. L’endroit était ombragé et on y entendait le bruit d’une chute d’eau à proximité. Ils s’assirent sur le banc situé du côté opposé au sentier et Derek ferma les yeux, bien décidé à souffler un peu. C’était d’ailleurs la première occasion qu’il avait de se reposer réellement depuis leur départ du Retaliator, il y avait presque deux jours.
Les yeux clos, l’esprit vagabondant, il se laissait bercer par le bruit de la cascade quand il entendit un passant s’approcher et s’asseoir sur le banc derrière lui. Il s’était à peine replongé dans ses rêveries qu’une voix grave déclara :
« Sur Tyra, le septième mois de l’année est généralement ensoleillé.
– Il est toujours variable sur Corellia », répondit la voix de Sanaz.
A ces mots, Derek ouvrit brusquement les yeux et voulut se retourner pour dévisager leur interlocuteur mais un léger coup de coude ainsi qu’un regard noir de la part de sa partenaire l’en dissuadèrent.
« Je m’attendais bien à ce que le Centre Impérial envoie une équipe sur place mais peut-être pas aussi rapidement.
– Nous étions déjà dans une région voisine quand cette affaire a commencé, expliqua Sanaz.
– Puisque vous le dites. Alors, que désirez-vous de moi ?
– Vous avez correctement répondu à l’invitation et aux phrases codées convenues, donc vous êtes soit actif, soit du côté des Boreo-Tyréniens. »
L’autre eut un petit rire sarcastique.
« Excellente déduction. Vous avez ma parole que je suis toujours au service de l’Empire. Bien évidemment, ce ne sont que des mots. Il va vous falloir me faire confiance.
– C’est d’accord, répondit Sanaz, vu qu’elle n’avait pas vraiment le choix. Nous avons besoin d’informations sur le gouverneur Rees, lança-t-elle.
– Des informations, voyez-vous ça. Et de quel genre si je puis me permettre ?
– Tout ce qui n’est pas dans le dossier de l’Ubiqtorate.
– Je vais voir ce que je peux faire. Rentrez à votre vaisseau, je vous recontacterai plus tard. En partant, je vous conseille de tourner à droite, par la rue des Colons ; les affiches qui s’y trouvent peuvent vous intéresser. Une dernière chose : vous avez de la chance que vos « anges gardiens » aient lâché prise durant votre tournée des grands magasins car je ne serais pas venu dans le cas contraire. Une bonne journée à vous », conclut-il en se levant.
Une fois parti, Derek interrogea Sanaz :
« Qu’entendait-il par « anges gardiens » ?
– Les agents du contre-espionnage local qui nous filaient depuis l’astroport, gros malin. C’est pour ça que j’ai pris mon temps dans les magasins et n’ai lancé la procédure de contact que dans le dernier.
– Que ?
– Le catalogue interactif : j’ai consulté des produits dans un ordre donné et voilà ! Le tour est joué ! C’était l’un des moyens qu’on m’avait donnés sur le Retaliator. »
Elle se pencha pour enfoncer le clou, large sourire aux lèvres :
« Et oui, l’appeler n’aurait pas pris plus de vingt minutes. La vie est dure, hein ? » remarqua-t-elle avec un sourire narquois.
Je déteste ces trucs d’espions ! Vivement un bon combat, que je puisse casser quelques figures.
Il se leva du banc et remarqua que le chef de station avait laissé un prospectus à sa place. « Agmeninis S.A, entretien de locaux, protection contre les animaux nuisibles… », lut-il à haute voix.
« Garde-le, on ne sait jamais », répondit la Zabrak à sa question muette.
Ils quittèrent donc le parc et se dirigèrent ensuite vers la rue des Colons comme suggéré par leur interlocuteur. Ils ne mirent pas longtemps à comprendre ce qui pouvait bien les intéresser : des panneaux couverts d’affiches électorales étaient disposés tout le long des trottoirs. Toutes les tendances possibles et imaginables – exception faite des pro-empire – s’affrontaient pour ces élections qui devaient élire le chef du nouveau gouvernement boreo-tyrénien. Un gouvernement qui garantirait l’indépendance et la prospérité du secteur. Arrivés au bout de la rue, les deux agents impériaux se rendirent compte qu’un détail clochait. Pour s’en assurer, Sanaz refit quelques mètres en arrière. Aucun doute possible : ni le gouverneur Hayden Rees ni aucune personne se réclamant de sa mouvance ne faisait partie des candidats.
« Ça n’a aucun sens, dit-elle à haute voix.
– Hé, peut-être qu’il ne veut pas être vu comme avide de pouvoir. Comme ça, il garde un certain prestige dans le coin.
– Ce n’est pas si bête ce que tu dis là. Pour une fois. En tout cas, c’est un point de plus à se faire préciser par notre nouvel ami. Allons, rentrons au vaisseau. »

***

Une fois revenus à la rampe menant à ce cargo qu’ils commençaient à apprécier, ils furent accueillis par une Jia affolée et une Ashoka rouge de colère.
« Qu’est-ce qui se passe ici ? demanda Sanaz.
– Il y a qu’on est complètement infestés d’insectes ! lança Ashoka en piétinant sauvagement l’un des intrus qu’il avait fait tomber de sa veste.
– Comment ça se fait ? Le vaisseau à été stérilisé à l’astroport de Cinnagar et je ne parle pas des contrôles sanitaires qu’on a subi tout le long du voyage !
– Je n’en ai aucune idée, répondit Jia, reprenant son souffle. Peu après votre départ, deux agents des douanes en civil sont venus inspecter le vaisseau à la recherche de produits de contrebande. Une heure après, les premiers insectes sont apparus et leur nombre n’a pas cessé d’augmenter depuis. On a essayé tous les insecticides présents à bord mais rien n’y a fait. Alors, on a appelé les services sanitaires de l’astroport. Ils sont venus, ont fait le tour des coursives et examiné une des bestioles. D’après eux, c’est une variété endémique à cette planète. Elle est inoffensive mais a la fâcheuse habitude de se reproduire en masse. Ils sont repartis en nous collant deux semaines de quarantaine, équipage inclus.
– C’est pas vrai… commença Derek.
– Du calme, il doit bien y avoir un moyen de s’en débarrasser avant la fin de la quarantaine. Voyons… »
Il lui fallut un quart de seconde de réflexion pour se souvenir du prospectus abandonné sur le banc du parc.
« Derek, fais voir la publicité que tu as gardé.
– Oui chef, fit-il en obtempérant.
– Alors… Sanaz lut à haute voix la feuille de papier glacé : Agmeninis S.A, entretien de locaux… protection contre les nuisibles ! Se pourrait-il que… Jia, de quoi avaient-ils l’air, ces inspecteurs des douanes ?
– Ils étaient assez anodins. N’étaient leurs cartes, je n’aurais jamais songé qu’ils travaillent pour les douanes.
– Essayons ça alors, conclut-elle en donnant le prospectus à Jia. Appelle-les et explique-leur notre affaire. Au pire, demande toujours un devis. »
Moins de dix minutes plus tard, un rendez-vous avait été pris et, pour prouver que sur Tyra on prenait l’arrivée de nouveaux hommes d’affaires très au sérieux, on leur apprit que le directeur de la société viendrait superviser l’affaire en personne.

***

C’est ainsi qu’ils purent se rendre compte une heure plus tard, que le directeur d’Agmeninis S.A n’était autre que leur contact sur Tyra. Ses employés s’attachèrent sans plus tarder à éliminer les insectes au moyen de dispositifs à ultra-sons ayant « la fâcheuse tendance à perturber les comlinks. Mais pour quelques minutes, ça ne vous posera pas de problèmes, pas vrai ? » À l’initiative de Sanaz, Kainthus Agmeninis et l’équipage de l’Emerald Sparrow s’installèrent au carré pour « négocier le prix de la prestation ». En s’asseyant, la Zabrak perçut un drôle d’éclat dans les yeux de leur invité ainsi qu’une moue… de dégoût ?
« Le nettoyage devrait prendre une bonne heure car ces bestioles sont très coriaces. En tout cas, d’ici ce soir vous pourrez faire constater aux douaniers que le problème est réglé et ils lèveront la quarantaine. Maintenant, passons aux choses sérieuses. J’ai bien peur de ne pas avoir beaucoup plus sur Rees que son dossier. Sachez juste que c’est un héros national ici vu qu’il a négocié la fin de la guerre civile. L’homme de la rue le voit comme le politicien le plus honnête qui soit. Et encore, c’est un euphémisme.
– D’accord. Voyez-vous une raison au fait que ni lui, ni ses amis ne soient candidats aux prochaines élections ?
– L’honnêteté, justement. En tout cas, c’est ce qu’il n’arrête pas de clamer sur les ondes depuis le début de l’affaire. La vérité c’est sans doute qu’il va avoir fort à faire pour conserver cette indépendance et que, de surcroît, il est proche de la retraite.
– Ouais, enfin ce n’est pas l’âge qui empêche certains de… » commença Ashoka, vite rabroué par un coup de coude de Jia et un regard noir de sa supérieure.
Agmeninis reprit comme si de rien n’était :
« Ne sachant pas ce qui vous intéresse exactement chez lui, j’ai donc bien peur que vous deviez aller fouiller dans ses archives personnelles. Et le seul créneau disponible à court terme, c’est ce soir : Rees doit assister à une représentation à l’opéra. C’est une de ses passions – avec les antiquités.
– Certes, mais ça va être difficile de nous introduire dans son bureau au siège du gouvernement. Surtout si, comme vous l’affirmez, nous sommes surveillés.
– Je peux faire rentrer l’un d’entre vous le plus légalement du monde et l’amener à l’étage où se trouve son bureau.
– Comment cela ?
– Agmeninis S.A détient depuis un an le contrat d’entretien de l’immeuble. À l’origine, mon rôle se bornait au contre-espionnage. Maintenant…, fit-il avec un geste de la main pour ponctuer sa dernière remarque.
– Donc, vous pourriez me faire passer pour l’une de vos employés ? » interrogea Sanaz.
Le visage de son interlocuteur se ferma soudainement.
« J’aurais préféré que ce soit un humain qui se porte volontaire. Rapport au fait que vous êtes la seule Zabrak dans tout le secteur.
– Permettez-moi d’insister ; en tant que chef de la mission, c’est à moi que revient ce rôle. » Elle rabattit des mèches de cheveux pour cacher ses cornes.
« Je me suis déjà fait passer pour une humaine et j’ai berné la hiérarchie militaire pendant quelques années.
– Bon, puisque vous insistez. Avec un peu de maquillage, une perruque et une tenue de travail appropriée, vous devriez faire l’affaire. Par contre, vous avez parlé de hiérarchie militaire. Je croyais pourtant que vous apparteniez aux Renseignements Impériaux comme moi ?
– Ce n’est vrai que depuis huit mois seulement. A la suite d’une opération secrète, nous avons été détachés à l’Ubiqtorate. Il s’agit d’un nouveau programme d’entraînement et d’évaluation pour les forces spéciales.
– D’accord… fit-il la mine renfrognée. Passons aux détails : il va vous falloir sortir d’ici sans êtres filés et y revenir ensuite. Sans parler de l’opération en elle-même. Écoutez-moi bien, mesdemoiselles et messieurs les militaires… »

***


Cantina du Gnaar Invisible, près de l’astroport de Tyra


Ce soir là, l’ambiance était tout aussi enjouée qu’à l’accoutumée à la cantina du Gnaar Invisible. Point de rencontre des équipages faisant la navette entre les différentes planètes du secteur boreo-tyrénien. Les affaires du reste de la galaxie ne s’immisçaient que rarement dans les conversations et ce jour ne faisait pas exception à la règle. Un cargo revenant de Moreus faisait relâche pendant deux jours, le temps qu’on lui confie une nouvelle cargaison. Son équipage fêtait joyeusement la réussite de ce voyage – sans risques aucun du point de vue de l’observateur impartial, mais pas de celui de ces hommes.
Assis seul à une table, un homme vêtu d’une combinaison de travail de docker observait distraitement la scène. Il sirotait tranquillement sa boisson tout en jetant des coups d’œil discrets vers l’holoécran diffusant la retransmission du dernier championnat local de landspeeders. Sous ce même écran, un trio d’étrangers arrivé ce matin de la frontière du secteur se préparait à ce qui allait être une longue soirée. Enchaînant chansons et éclats de rires sans pour autant négliger leurs consommations, le couple le plus bruyant essayait d’entraîner une humaine avachie sur son siège. Il était évident qu’elle avait eu son content d’alcool pour la soirée, aussi les autres se dirigèrent-ils vers la sortie avec force transports de joie en laissant là leur camarade.
L’homme solitaire espéra que son collègue posté dehors dans un landspeeder arriverait à les suivre. De son côté, il commanda un nouveau verre et se prépara à une longue soirée. Au moins elle n’ira pas bien loin, celle là…

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