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Chapitre 15 : Être perdu, être retrouvé
 
Le soleil commençait timidement à se lever sur la grande capitale de Panescan, répandant de fins rayons pastels entre les feuilles des arbres et sur les façades claires des bâtiments, et se reflétait occasionnellement sur les vitres d’un quelconque transport qui passait silencieusement dans les rues encore désertes. Tout était délicieusement calme ; les différents bruits agressifs des machines utilisées au quotidien ne troublaient pas encore les sons harmonieux de la nature tels que le sifflement distant d’oiseaux, un souffle d’air frais sur les pelouses, ou le léger claquement de pas sur le bitume.
Qui-Gon Jinn inspira profondément et emplit ses poumons de l’odeur agréable de l’herbe humide et fraîchement coupée tandis qu’il traversait tranquillement le parc qui se trouvait juste en face de son hôtel. Pour la première fois depuis près de quinze ans il avait la certitude d’avoir enfin fait ce qui était juste, de s’être battu pour ce en quoi il croyait réellement, et un sentiment de plénitude et de satisfaction s’empara de lui. Même avec Anakin il n’avait pas éprouvé une telle chose. Il avait eu l’impression d’avoir raison, mais n’avait jamais été aussi convaincu de la rectitude de ses actes que lorsqu’il avait pris la décision de retourner épauler Obi-Wan trois jours plus tôt.
Il traversa la grande avenue puis entra dans l’immeuble dont l’architecture soigneusement travaillée ne contrastait pas avec le reste de la majestueuse cité aux mille et une statues, sculptures et autres ornements. Il fit un signe de tête au réceptionniste et prit le turbolift qui se trouvait à l’autre bout du hall d’entrée au sol de marbre qui venait juste d’être nettoyé. Une fois arrivé au dix-huitième étage, la porte en métal s’ouvrit sans un bruit, laissant Qui-Gon mettre pied sur la moquette du long couloir. Il avança jusqu’à la troisième porte, pour enfin entrer dans la petite suite qu’il partageait avec son apprenti.
A peine eut-il retiré son lourd manteau qu’un Anakin encore tout endormi sortit de sa chambre et se frotta les yeux avant de se laisser paresseusement tomber dans un fauteuil de couleur crème.
-Bonjour, maître, bailla-t-il.
-Bonjour padawan, répondit Qui-Gon avec un sourire amusé. Je suppose que tu as envie de manger un petit quelque chose.
Les yeux alourdis par un reste de somnolence, Anakin hocha la tête d’un air bienheureux.
-Dans ce cas je m’en occupe, rit Jinn. Tu devrais en profiter pour prendre une bonne douche bien fraîche !
Il retint un petit gloussement en entendant son élève grogner de contrariété. Anakin se releva nonchalamment et se dirigea vers la salle de bains, mais s’arrêta avant d’en passer le seuil, se rappelant enfin pourquoi il s’était levé.
-Comment va Obi-Wan ? demanda-t-il.
-Bien mieux, répondit Qui-Gon depuis l’holocom où il allait commander leur petit-déjeuner. Ses brûlures ont presque totalement disparu et sa côte fêlée se remet bien. Quand je suis reparti de l’hôpital tout à l’heure il essayait déjà de se libérer des soins insistants des guérisseurs. Ils le garderont quand même jusqu’à demain à cause de son traumatisme.
-Oh… Je suis bien content qu’il aille mieux. Je pourrai aller le voir plus tard ?
Qui-Gon haussa les sourcils, agréablement surpris par ce changement d’attitude à l’égard d’Obi-Wan.
-Bien sûr, sourit-il. Je lui ai dit que je repasserais cet après-midi, de toute façon. Tu pourras m’accompagner…
-Chouette ! s’exclama Anakin avant de disparaître dans la salle de bains pour s’acquitter de sa terrible tâche quotidienne.
Le maître Jedi laissa s’échapper un petit rire en secouant la tête, puis se retourna et passa sa commande. Il n’avait pas fait deux pas pour s’éloigner de l’holocom que l’appareil émit un signal sonore. Qui-Gon se demanda si l’un des aliments qu’il avait demandés n’était plus disponible, mais quand les visages sévères des conseillers Yoda et Mace Windu apparurent devant lui, son repas avait curieusement perdu toute son importance. Il sursauta et n’eut pas le temps de les saluer, car le Jedi à la peau noire prit la parole.
-Que fais-tu sur Panescan, Qui-Gon ?
-Eh bien…, commença le maître, hésitant.
Il savait que cet appel allait arriver, mais il pensait avoir plus de temps devant lui pour s’y préparer.
-Désobéi à nos ordres, tu as, accusa Yoda.
-Je sais, maître. Mais je ne pouvais attendre les bras croisés qu’Obi-Wan subisse le même sort que son père.
-La question ne…, commença Windu, pour être interrompu par Yoda.
-Obi-Wan… Sauvé, est-il ?
-Oui, il va bien. Il a réussi à vaincre le Omyn par lui même.
Mace Windu eut l’air surpris, et Yoda sourit doucement. Le regard du petit maître s’était éclairé un instant, révélant à la fois soulagement et fierté.
-La question n’est pas là, recommença Windu, d’un ton un peu plus doux. Le fait qu’Obi-Wan soit sorti sain et sauf de cet affrontement est une excellente chose, l’Ordre aurait perdu un chevalier d’exception. Mais cela ne change rien à ton intolérable incartade. Peu importent les raisons, tu ne peux pas choisir d’ignorer les instructions du conseil quand ça te chante.
-Mais…, essaya de se défendre Qui-Gon.
-Tu as toujours été un rebelle, Jinn, coupa sévèrement Windu, excédé par ce continuel manque de considération. Il est temps pour toi d’être rappelé à l’ordre.
Qui-Gon sentit toute la vitalité qu’il avait acquise plus tôt fondre en lui, ne laissant derrière elle qu’un creux sec et dépourvu d’espoir.
-Tu vas rentrer au temple avec ton apprenti, continuait le membre du conseil. Sur l’instant.
Jinn, comprenant bien ce qui allait se passer à leur retour, tourna des yeux implorants vers Yoda, mais celui-ci évita son regard.
-Très bien, soupira-t-il.
Sans plus de formalités, la communication fut coupée, laissant le Jedi seul avec son indignation. Colère et frustration se disputaient l’avantage dans son esprit, mais avant qu’il ne cède à ses émotions, Anakin entra de nouveau dans la pièce, ses cheveux courts encore mouillés. Le garçon fronça immédiatement les sourcils, ayant senti l’agitation de son maître.
-Que se passe-t-il ? s’inquiéta l’apprenti.
-Rien de particulier, voulut le rassurer son aîné. Mais nous allons devoir repartir. Nous repasserons voir Obi-Wan cet après-midi, puis nous quitterons la planète.
-Je croyais qu’il ne sortirait pas avant demain… On repart sans lui ?
-Oui, je t’expliquerai en route.
Un long silence s’établit, durant lequel Anakin ne détacha pas son regard suspicieux de son maître qui se sentait de plus en plus mal à l’aise. De petits coups à la porte de leur suite vinrent heureusement rompre la rigidité de l’atmosphère. Qui-Gon s’empressa d’aller répondre et de débarrasser l’employé du petit chariot qu’il avait emmené. Alors qu’il le raccompagnait jusqu’au couloir, le gratifiant de quelques crédits, Anakin se surprit à penser que son maître lui cachait encore quelque chose d’important, mais surtout qu’il avait un très, très mauvais pressentiment.

~*~


-Vous êtes arrivée, m’dame, déclara le chauffeur du taxi en se levant de son siège afin de récupérer la valise de sa cliente.
Eanel haussa les sourcils et se força à sortir de la rêverie où elle s’était plongée pendant le trajet depuis l’astroport à l’extérieur de la ville. Elle accepta la main tendue du chauffeur qui l’aida à descendre du véhicule, puis régla sa course et le regarda s’éloigner avec un soupir. Le voyage avait été long. Trop long. Elle n’aimait plus partir de chez elle, s’éloigner de la maison où elle avait passé plus de vingt ans de sa vie, de son petit jardin qu’elle s’amusait à entretenir, de ses amis, et surtout de ses souvenirs. C’était finalement tout ce qui lui restait.
Elle sursauta en entendant des rires d’enfant derrière elle… dans sa maison ? Son cœur se serra et elle se retourna, pour se rendre compte que le son venait en fait de la terrasse de sa voisine. Intriguée, elle s’en approcha en fronçant les sourcils.
-Roen ?
Eanel ne put retenir un éclat de rire en voyant son amie bondir sur une hauteur impressionnante.
-Tiens tu es de retour, s’exclama celle-ci. Je ne t’attendais pas avant la tombée de la nuit…
-C’est la tombée de la nuit. Et que caches-tu là ? sourit Eanel d’un air amusé en désignant le petit garçon qu’Istesna essayait en vain de dissimuler derrière elle.
-Oh ça…, grimaça Roen. Enfin lui, c’est… euh… mon neveu ! Hem… oui, mon neveu, Coren.
-Moi je suis Calen, se rebella le garçonnet en lançant un regard réprobateur à sa gardienne.
-Oui chéri, c’est ce que j’ai dit… Calen, fit Roen avec un petit rire nerveux. Laisse parler les adultes, poussin.
Plus suspicieuse que jamais, Eanel haussa un sourcil.
-Qu’est-ce qui se passe ? Toi, tu as quelque chose à te reprocher… Tu as cassé un de mes vases ?
-Moi ? s’indigna Roen. Tu me connais ! Tout ce que j’ai le droit de te dire, c’est que tu as un visiteur. Quelqu’un que tu seras contente de revoir.
-Un visiteur ? Déjà ? Un ami ?
-Presque, sourit Istesna, ravie d’être mêlée à ce qu’elle percevait comme un gentil complot. Fais-moi confiance, sa présence te fera plaisir.
-J’espère, soupira Eanel. Je ne suis pas d’humeur à recevoir une des sœurs Keimek ou Bao Bopola !
-Et moi, intervint Calen en tirant sur un pan de la jupe de Roen. Quand est-ce que je revois Ob..mpfff !
Istesna avait plaqué une main sur la bouche du petit garçon avant de le prendre dans ses bras.
-Oui eh bien… c’est l’heure d’aller dormir, petit chenapan.
Elle se tourna vers Eanel.
-Si tu as besoin de quoi que ce soit…
-Je sais que tu es là, compléta son amie. Merci. Sincèrement.
Et tandis que Roen se retirait avec Calen, Eanel reprit sa valise et rentra chez elle. Le soleil était en train de se coucher, et la ville s’obscurcissait sensiblement ; aussi l’intérieur de sa maison était relativement sombre, quoique éclairé par plusieurs dizaines de bougies disposées ça et là, et qui répandaient des halos sur les murs ocres, ainsi qu’une odeur sucrée, légèrement épicée. Eanel Kenobi posa lentement sa valise et retira son manteau, un peu déconcertée. Quelques bouquets de fleurs séchées et d’autres fraîches embellissaient l’entrée et la salle à manger. Ce qui la troublait par-dessus tout était le fait que ces arrangements venaient forcément de son mystérieux visiteur, car même si ce genre d’attention était habituel de la part de Roen Istesna, jamais ça n’avait été fait avec autant de goût que ce soir-là.
Pas à pas, elle avança jusqu’au salon où le plus gros des bougies était concentré. Les petites flammes dansaient et frémissaient tout autour d’elle comme de petits esprits frivoles qui semblaient vouloir lui parler, lui révéler un secret jusqu’à présent soigneusement gardé et qu’elle était enfin prête à entendre. En temps normal elle aurait sûrement ri à cette pensée absurde, mais à ce moment-là, quelque chose en elle trouvait l’atmosphère étrangement magique, quelque chose qui l’enivrait de plus en plus. Elle ressentit un singulier picotement dans ses entrailles lorsqu’elle trouva la personne qui l’attendait assise sur le canapé, le dos tourné.
-Bonsoir, décida-t-elle simplement de dire, essayant de faire transparaître son sourire dans sa voix.
Elle fut doublement surprise en entendant son visiteur prendre une inspiration tremblotante, et en remarquant par la suite qu’il s’agissait d’un Jedi. Celui-ci se leva lentement, terriblement lentement, et elle put constater de par sa carrure et sa musculature qu’il était encore très jeune. Il se retourna, le visage figé en une expression en même temps terrifiée, nerveuse et trépidante.
Alors Eanel Kenobi crut qu’elle allait s’écrouler, pour ne plus jamais se relever. Avait-elle perdu l’esprit pour de bon ? Ou était-ce un fantôme venu la chercher ? Cette vision ne pouvait être réelle, et pourtant… ces lèvres fines mais pleines légèrement espacées par une respiration désormais bloquée, ce menton délicatement fendu, ce nez droit, ce regard déterminé mais perdu à la fois, ces yeux… Force, ces yeux bleu-vert limpides, presque aquatiques, accentués par de longs cils clairs et où la lumière allait se refléter…
Elle voulut refuser de croire ce qu’elle avait si souvent espéré, alors que son cœur lui criait ardemment de se laisser aller à cette joie qu’elle avait peur de ressentir. Le jeune homme la fixait de son regard pénétrant mais n’osait plus bouger, comme pétrifié par cette incrédulité qu’elle ne pouvait s’empêcher de partager. Elle ne sut comment elle y parvint, mais elle s’approcha de lui, jusqu’à ce qu’ils ne se trouvent qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Puis, comme guidée par son subconscient, elle leva une main et la posa progressivement sur la joue douce et chaude du jeune homme qui se laissa faire, ne la quittant pas des yeux un seul instant.
Assurée qu’il était réel et que ce n’était pas un mirage, elle rassembla tout son courage et ouvrit la bouche.
-Obi-Wan ? appela-t-elle, sa voix rendue plus fluette et fragile par l’espoir.
Le jeune homme serra les dents, pinça les lèvres et essaya de chasser l’humidité de ses yeux, sans y parvenir, puis hocha enfin la tête. Lorsque la première goutte salée tomba de ses cils sur sa joue et roula jusqu’à son menton, Eanel perdit elle-aussi le combat contre ses propres larmes, et s’effondra dans les bras forts et réconfortants de son fils.
Et pour la millième fois depuis à peine quelques mois, Obi-Wan était perdu ; mais il en était heureux. Pendant un instant il ne fut plus en mission, il ne fut même plus un chevalier Jedi. Il n’était plus qu’un petit garçon qui venait de retrouver sa mère. Les yeux fermement clos par l’émotion et pour empêcher en vain ses larmes de couler, il s’accrocha à Eanel de toutes ses forces, comme si sa vie en dépendait, ses doigts refermés sur l’étoffe douce de la robe, et il put sentir sa mère resserrer elle-aussi son étreinte.
Pendant plusieurs minutes, tous deux eurent l’impression d’avoir brièvement quitté le monde réel pour pénétrer dans un autre univers à part, où le temps et la peine n’existaient pas, et où il n’y avait plus qu’eux, seuls, enfin ensemble. A travers ses sens accrus par la Force, Obi-Wan percevait la violence étonnante des émotions qu’ils dégageaient, illuminant toute la pièce d’un torrent déchaîné et puissant qui l’étourdissait.
Petit à petit, il finit par guider lentement Eanel jusqu’au canapé où ils s’assirent, main dans la main, refusant de rompre le contact, mais désormais prêts à se confronter l’un l’autre. Eanel Kenobi inspira et se décida à reprendre la parole.
-Comme tu as grandi, murmura-t-elle d’une voix tremblante.
Pendant toutes ces années, à chaque fois qu’elle avait songé à son fils, elle l’avait vu comme le bébé qu’elle avait connu, jamais comme l’homme qu’elle avait à présent devant les yeux. Elle réalisait pleinement tout le temps qui s’était écoulé, qu’ils avaient perdu, et dut combattre de nouveaux sanglots.
-Il ne s’est pas passé une seule journée sans que je ne pense à toi, continua-t-elle. Sans que je ne me demande si tu allais bien, ce que tu faisais, où tu étais…
Elle reposa sa main droite sur la joue d’Obi-Wan, qui à son tour plaça la sienne par-dessus.
-Pourras-tu me pardonner de t’avoir laissé partir ? demanda-t-elle tristement.
Obi-Wan la regarda attentivement, scruta ce visage dont les rides et les légers cernes n’avaient pu atténuer ni la beauté ni la douceur infinie, ces cheveux roux parsemés de fils d’argent, et ces yeux bleus pleins de mélancolie. Il sourit et prononça enfin ces mots si sommaires, mais qu’il avait tant eu envie de dire.
-Je t’aime, maman. C’est aussi simple que ça…
Alors Eanel fondit de nouveau en larmes, heureuse pour la première fois depuis bien longtemps.
-Tu as été si courageuse, reprit Obi-Wan. Il n’y a rien à pardonner. Tu m’as laissé la chance de devenir ce que je suis aujourd’hui.
-Un Jedi, souffla-t-elle, une immense fierté évidente dans son regard.
-Un Jedi, confirma le jeune homme.
Eanel essuya ses larmes du revers de ses mains et se redressa, l’air grave.
-Ton père est fier de toi.
Obi-Wan fut surpris de constater qu’il s’agissait là d’une affirmation, et non d’une supposition.
-Tu peux en être sûr, confirma Eanel. Te voir chevalier était son rêve. Tu as réussi à l’exaucer.
-Et quel était le tien ?
-T’avoir à mes côtés, répondit honnêtement Eanel. Te voir grandir, devenir un homme bien.
-Pour ce qui est d’être un homme bien, je m’en efforce chaque jour, mais pour le reste…
-Nous avons perdu tant d’années, pleura Eanel. On ne se connaît plus… Nous venons à peine de nous ¨rencontrer¨, comme de vulgaires étrangers…
Obi-Wan prit une nouvelle fois les mains de sa mère dans les siennes et les serra vivement.
-Il nous reste toute la vie pour rattraper ce retard. Je suis là, et tu ne me perdras plus jamais. Nous allons retrouver tout ça. Ensemble, tous les deux.
Il lui sourit.
-Tu veux parier ? fit-il d’un air espiègle. Bien alors je commence. Aussi loin que je me souvienne, je suis arrivé à la crèche du temple Jedi un jour d’orage. Je suis tombé nez à nez avec une toute petite Mon Calamari terrifiée et recroquevillée dans un coin d’où pas un seul des maîtres n’arrivait à la faire sortir. Je me suis simplement assis à côté d’elle, et j’ai passé tout l’après-midi là, sans bouger, à attendre une réaction de sa part. Trois heures plus tard, elle s’est enfin décidée à s’approcher de moi et à me dire son nom : Bant Eerin. J’ai su alors qu’elle serait ma meilleure amie. Une semaine plus tard…
Et il parla, parla, et parla encore, racontant tout ce dont il se souvenait, les bonnes et les mauvaises expériences qui avaient façonné son caractère, ses amis, ceux qui décidèrent d’être ses ennemis, Qui-Gon, ses premières missions, tout. Puis ce fut le tour d’Eanel. Au petit matin ils étaient loin d’avoir fini, mais ils avaient compris que peu importait ce qu’ils ignoraient encore l’un de l’autre. Ils étaient là, ils s’aimaient, et c’était le principal.

~*~


Eanel Kenobi fut tirée de son paisible sommeil par un léger baiser sur son front et une délicieuse odeur de pâtisserie tout droit sortie du four. Elle garda les yeux fermés et s’étira lentement sur le canapé où elle avait fini par s’endormir au petit matin, une chaude couverture tirée jusqu’à son menton. Mais lorsqu’un bol de lait chaud et sucré commença à osciller juste sous son nez d’un air cruellement tentateur, elle ne put s’empêcher de sourire et de se relever enfin. Obi-Wan, satisfait, reposa le bol sur le plateau qu’il avait apporté et s’assit à côté d’elle avec un grand sourire malicieux.
-Et tu sais même cuisiner, bâilla Eanel en acceptant une part de brioche alderaanienne.
-Avec un maître comme Qui-Gon, mieux vaut savoir cuisiner, rit le jeune homme. Je me serais laissé mourir de faim plutôt que de retoucher à un de ses plats ! La seule fois où je m’y suis risqué j’ai passé une semaine à l’infirmerie du temple…
-Pauvre bout de chou, se moqua gentiment sa mère avant d’avaler une gorgée de lait.
-Tu rirais moins si tu y avais goûté, riposta Obi-Wan avec une moue renfrognée.
Eanel se pencha en avant pour déposer le bol sur le plateau, et quelque chose glissa par le col de sa robe, attirant l’attention du Jedi.
-Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il en soulevant délicatement le pendentif du bout des doigts. Des dragons ?
-Notre symbole, à Theran et moi, répondit sa mère avec un regard distant mais imprégné d’une tristesse latente. Je le lui avais offert et il s’en est servi comme modèle pour personnaliser son…
Elle s’interrompit et se leva précipitamment.
-Mais pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? s’exclama-t-elle. Ca aurait dû être une des premières choses à faire !
-Quoi donc ? ne comprit pas Obi-Wan.
-Ne bouge pas, sourit Eanel.
Elle fila à l’autre bout de la pièce jusqu’à la grande bibliothèque du salon, ouvrit un petit tiroir qui se trouvait au milieu et alla chercher quelque chose au fond. Elle se retourna et exhiba l’objet qu’elle venait de retrouver. Les yeux d’Obi-Wan s’agrandirent et il se leva à son tour, bouche bée.
-Je croyais que… Enfin qu’il…, balbutia-t-il. Je ne pensais pas que tu avais pu le récupérer…
Dans les mains de sa mère se trouvait le sabre laser de Theran Kenobi. Vingt-sept centimètres de long, fin et apparemment très léger, le sabre avait une coque uniquement composée de métal argenté lisse et étincelant. L’émetteur de lame était fuselé, destiné à suivre le laser une fois activé, et le tout était parfaitement équilibré par un bout légèrement incurvé. L’activateur était d’un mauve sombre, situé juste à côté du modulateur de puissance coulissant incrusté dans le manche. Eanel le tenait de façon à présenter avec évidence le motif qui ornait le bas de la poignée, sur la protection solide de la cellule d’alimentation. Theran avait soigneusement gravé une réplique exacte des deux dragons qu’Eanel portait en ce moment même autour du cou, dans le but de symboliser l’équilibre qu’il avait réussi à trouver entre son amour pour elle et sa fidélité immuable à son Ordre. Une arme noble, pour un chevalier d’exception.
Eanel observa la réaction de son fils d’un regard tendre.
-Il est logique et naturel que ce sabre te revienne, dit-elle doucement. Tu es le digne héritier de ton père, et je sais qu’entre tes mains cette arme sera utilisée avec sagesse et discernement. Toi seul peux la faire revivre, et continuer dans les traces de Theran.
Obi-Wan redressa les épaules, conscient des responsabilités qui découlaient d’un tel honneur, et il apparut alors à Eanel comme le formidable chevalier Jedi qu’il était sur le point de devenir. Il était si grand, si fort, et en même temps si immaculé que la Force semblait passer à travers lui avec une aisance troublante, sa pureté brute imprégnée dans chacun de ses traits. Son fils. C’était son fils, et elle en était infiniment fière.
-Permets-moi, sourit-elle en s’approchant de lui.
Le cœur battant, il la regarda faire alors qu’elle plaça solennellement le sabre à sa ceinture.
-Attends, dit-il soudain.
Eanel s’arrêta net. Il décrocha le sabre.
-Je risque d’avoir du mal à le prendre si tu me le mets du côté droit, expliqua-t-il avec un sourire. Je suis droitier, et il est plus facile pour moi d’atteindre et d’activer efficacement un sabre qui se trouve sur la gauche de ma ceinture.
-Oh, rit sa mère. Désolée, je ne m’y connais pas vraiment.
-Eh bien c’est tout simple. Ca s’applique à toute arme relativement longue, que ce soit un sabre laser ou une vibrolame d’une taille comme celle du chasseur de prime qui…
Le jeune homme pâlit tout à coup, et eut la respiration difficile.
-Obi-Wan ?! s’exclama sa mère en le prenant vivement par les épaules.
-Oh….. FORCE ! s’écria-t-il, effaré.
-Quoi ? Que se passe-t-il ? Obi-Wan !
-Il faut que j’y aille, bafouilla le Jedi en enfilant précipitamment sa bure posée sur une chaise. Je n’ai pas le temps de t’expliquer mais… C’est très important. Je vais revenir très vite. Je suis désolé.
-Mais…
-Ne t’inquiète pas, dit-il en lui déposant rapidement un baiser sur la joue.
Eanel n’eut pas le temps d’intervenir davantage, car quelques secondes plus tard il était déjà sorti de la maison et avait emprunté une nouvelle fois le land speeder de Roen Istesna.

~*~


Obi-Wan filait à toute allure à travers la capitale, la limitation de vitesse le cadet de ses soucis. Il abaissa le levier à sa droite et accéléra encore. Il ne se passerait peut-être rien avant longtemps, mais il voulait s’en assurer. Il zigzagua entre les autres speeders, les bâtiments et les arbres à une allure folle, regrettant brièvement les frayeurs qu’il provoquait chez les quelques passants que ses réflexes lui permettaient aisément d’éviter.
Il serra les commandes du véhicule. Pourquoi n’avait-il pas réalisé son erreur plus tôt ? Comment avait-il pu être aussi aveugle et stupide ? Son manque de concentration et de rigueur pouvait avoir de terribles conséquences et il ne s’en rendait compte que maintenant. Peut-être trop tard. Il avait pourtant remarqué que vu l’orientation des profondes entailles dans le torse de Gerimen Saggers, le meurtrier était forcément gaucher, mais l’homme qui avait été arrêté portait sa vibrolame à la façon d’un droitier. Et ça ne l’avait pas choqué. Il n’avait pas fait suffisamment attention. Qui-Gon aurait décelé cette supercherie, lui. Obi-Wan avait déduit que les crédits retrouvés sur le corps de l’homme étaient un acompte de ce qu’il obtiendrait après l’assassinat prévu dans son contrat. Mais plus il y songeait, plus il était persuadé que le véritable tueur était toujours vivant, en liberté, et qu’il avait payé un pauvre homme pour enfiler son costume de chasseur de prime sans poser de questions. Il avait dû savoir que ce leurre allait être abattu sans sommation, et qu’ainsi il pourrait continuer d’agir loin de tout soupçon. Et surtout organiser l’exécution du dernier membre du Grand Conseil. Lay Jooles.
Obi-Wan parcourut enfin la dernière section de la grande cité et arriva en vue du consulat. Il freina et se gara devant le haut portail du bâtiment comme il l’avait toujours fait, puisque seuls les véhicules de service de la sécurité étaient autorisés à circuler dans l’enceinte. Le chevalier sauta hors du speeder et avança d’un pas précipité sur la large allée de gravier bordée de pelouse bien verte qui conduisait aux marches de l’entrée. Il entendit un autre speeder démarrer à l’autre bout de la cour mais n’y prêta pas attention, déterminé à joindre la conseillère aussi vite que possible. Le véhicule se rapprochait doucement, suivant un circuit prédéterminé marqué au sol.
“Sans doute une ronde des gardes”, supposa le Jedi sans se retourner.
Mais alors que seulement quelques mètres ne le séparaient du speeder, celui-ci accéléra soudain, les propulseurs se mettant à hurler face au changement brutal de vitesse. Obi-Wan, surpris, fit volte-face et remarqua deux choses en l’espace d’une fraction de seconde : le speeder n’appartenait pas au consulat, et son conducteur était vêtu d’une lourde armure, un casque à la visière opaque dissimulant son visage. Le Jedi eut tout juste le temps de faire un bond de côté, manquant de se faire embrocher par les quatre barres acérées qui ornaient l’avant du speeder, placées là par son propriétaire dans un but sans doute plus offensif que purement esthétique. L’un des propulseurs latéraux passa un peu trop près de lui et heurta violemment son épaule droite, le renversant à terre. Mais l’assassin n’était pas idiot, c’était un fait. Il ne voulut pas s’arrêter pour achever Obi-Wan, au risque d’affronter directement un Jedi ou les éventuels gardes que le vacarme aurait pu attirer. Il poursuivit donc sa route sans jamais ralentir et quitta le consulat en un éclair.
Obi-Wan se releva lentement, massant son épaule endolorie qui heureusement n’était pas brisée, et avant même de vérifier que son agresseur était bel et bien parti, se rua à toutes jambes à l’intérieur du bâtiment, une peur glacée lui nouant l’estomac et lui dressant les cheveux sur la nuque. La présence du tueur signifiait que soit il avait mis en place un piège pour la conseillère, soit il était déjà trop tard. Obi-Wan écarta directement la deuxième possibilité, refusant de croire qu’il n’était pas arrivé à temps. Il entra dans le hall principal dont l’aspect étonnamment désert fit augmenter son angoisse de quelques degrés, et le traversa d’un pas rapide, ses bottes gémissant sur le sol de marbre. Il faillit percuter un employé qui sortait de l’un des bureaux mais s’arrêta à temps, non sans avoir préalablement bien effrayé le petit homme qui n’était pas habitué à voir des visiteurs courir à travers le consulat, et encore moins s’ils étaient Jedi.
-Désolé, s’excusa rapidement Obi-Wan.
-Euh… il n’y a pas de mal, répondit le fonctionnaire éberlué.
-Mais pourquoi les gardes ne sont-ils pas à leur poste ?! s’emporta le chevalier. Il n’y a personne à l’entrée, ni dans les couloirs !
-C’est parce que… parce qu’ils sont tous avec les conseillers, balbutia l’homme. Les quatre nouveaux Grands Conseillers ont été élus en présence de Lay Jooles et de Faeden Kir… La… réunion vient sûrement de finir à cette heure-ci. Il va y avoir un petit repas à la salle de réception numéro deux, au dernier étage…
Un brin moins inquiet, mais toujours peu rassuré, Obi-Wan soupira.
-Très bien. Y a-t-il des turbolifts pour m’y conduire ?
-Ils sont hors-service depuis trois jours, à cause de la révision des systèmes de sécurité…
-Blast…, murmura le Jedi.
A ces mots, il fit brusquement demi-tour et se rua jusqu’aux escaliers dont il gravit les marches quatre à quatre, ne s’arrêtant qu’au sixième et dernier étage. Pas même essoufflé, il pénétra plus calmement dans le large couloir clair aux hautes fenêtres, puis pivota sur sa gauche en entendant un brouhaha et des bruits de pas. Juste là, à une vingtaine de mètres de lui, les cinq Grands Conseillers de Panescan sortaient ensemble d’une grande salle de réunion, escortés par un nombre impressionnant de gardes. Obi-Wan s'immobilisa où il se trouvait, intensément soulagé de constater que Lay Jooles allait bien, et se trouvait sous bonne garde. Il lissa son long manteau, soucieux de son apparence, en attendant que le groupe arrive à sa hauteur. La conseillère était en grande conversation avec un de ses nouveaux collègues, un homme encore très jeune, souriant et vigoureux, vêtu d’un costume marron traditionnel aux coutures soigneusement brodées dans un somptueux tissu, et d’une cape claire qui lui donnait un air royal. Vu les regards que les deux jeunes gens échangeaient, Obi-Wan était convaincu qu’ils se connaissaient depuis déjà bien longtemps, et la façon dont leurs mains se frôlaient alors qu’ils marchaient côte à côte laissait deviner bien plus qu’une vieille amitié.
Lay Jooles tourna enfin la tête vers lui et l’aperçut, le gratifiant du sourire le plus beau et lumineux qu’il lui ait été donné de voir. Jamais elle n’avait été aussi radieuse. Il lui rendit son sourire, soupirant encore une fois pour laisser s’échapper tout le stress accumulé, et s’avança vers elle. Il n’arrivait pas à détacher son regard des iris clairs de la jeune femme qui le fixaient également, mais comme en un flash, cette image se distordit, et il vit l’avenir une seule petite seconde en avance. Ses yeux s’agrandirent d’horreur et il commença à courir, cherchant à traverser les quelques mètres qui les séparaient encore. Il ouvrit la bouche pour crier un avertissement, mais trop tard. Un éclair blanc l’aveugla, et après un silence étrangement long, une colossale explosion retentit, et Obi-Wan fut projeté en arrière par le souffle de la déflagration sur toute la longueur du couloir. Un mur s’écroula, du verre se brisa en une pluie d’éclats brillants tandis que le sol où il avait fini par tomber fut secoué par un terrible tremblement. Pendant une minute, ce fut le chaos le plus total. Un brouillard épais de débris, des fracas, des cris terrifiés, des hurlements de douleur… Mais Obi-Wan n’entendait plus rien à part un sifflement continu, la violence de la première détonation l’ayant complètement assourdi. Il se releva tant bien que mal, portant une main à sa tête qui le faisait atrocement souffrir. Lorsqu’il regarda ses doigts par la suite, étonné par la substance visqueuse qu’il avait sentie, il s’aperçut qu’ils étaient rouges de sang. Il ferma les yeux un instant, décida que sa blessure n’était pas grave, et commença à se déplacer à quatre pattes au milieu des décombres tandis que des survivants se précipitaient pour appeler de l’aide. Il ne tarda pas à sentir du tissu sous sa main, et il remonta le long du corps allongé pour ensuite poser ses doigts sur le cou du blessé.
-Cet homme est vivant ! cria-t-il d’une voix rauque à l’intention des secours qui venaient d’arriver.
La poussière qui obscurcissait l’air le fit tousser à plusieurs reprises, et irrita ses yeux pourtant à peine ouverts. Voyant que le garde était en de bonnes mains, il se releva et poursuivit sa recherche. Un rapide coup d’œil sur sa droite lui permit de constater que le jeune conseiller avait été retrouvé. Il fut rapidement allongé sur une civière, un masque à oxygène posé sur son visage ensanglanté. Obi-Wan grimaça en remarquant que sa jambe gauche avait été arrachée par l’explosion. Il prit une inspiration tremblotante et se décida à contourner le gros morceau de mur derrière lequel devait se trouver la conseillère. Il passa nerveusement le revers de sa main sur ses paupières pour chasser le sang qui y avait coulé, cligna des yeux. Le brouillard se dissipa juste avant qu’il n’atteigne Lay Jooles, et il la découvrit.
Il fit un bond en arrière et hoqueta, pris de nausée. Il ne restait presque rien du corps sublime de la jeune femme, totalement ravagé par la sauvage intensité de la déflagration. Lay Jooles était morte, massacrée sous ses yeux. Incapable de détourner son regard de cette vision morbide et écœurante, Obi-Wan essaya de hurler son épouvante, sa peine, mais il n’en eut pas la force. Il fit quelques pas vacillants en arrière jusqu’à ce que son dos aille heurter un mur proche, et se laissa glisser lentement à terre. Là, il ferma les yeux, serrant les paupières aussi fort qu’il put, et laissa tomber sa tête sur ses genoux qu’il avait ramenés à sa poitrine. Cette image monstrueuse était désormais marquée à tout jamais dans son esprit, telle une cicatrice que même le temps ne pourrait effacer. Il oublierait peut-être les circonstances exactes, la date ou l’âge qu’il avait à ce moment-là, mais certainement pas le sourire de Lay, ses yeux, et enfin la dépouille répugnante qui restait d’elle par sa faute.
Il passa les bras autour de ses jambes et se recroquevilla un peu plus, ignorant complètement l'agitation dans le grand couloir. Sa gorge se serra douloureusement, mais il n’arrivait même pas à pleurer, pourtant conscient du maigre soulagement que cela lui aurait procuré. De sa faute. Sa faute. Ses émotions, son envie de connaître son passé avaient sans doute primé malgré lui sur la mission qu’il s’était fixée, protéger Lay, et la jeune femme avait payé pour ses erreurs. Son manque d’attention fatal était impardonnable, et lorsqu’il releva péniblement la tête pour rencontrer le regard accablé mais furieux du secrétaire de la conseillère qui venait d’arriver sur les lieux, il sut qu’effectivement, il ne serait pas pardonné.

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