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Chapitre 4 : Un lien unique, Une raison précise
 
Sur Coruscant, la planète où il ne restait désormais plus une seule forêt et qui de loin ressemblait étrangement à un hérisson, ses gratte-ciel se dressant très haut, la chaleur était torride. Pas autant que les étés de Tatooine, mais suffisamment pour lancer les différents systèmes de climatisation. Le Jedi Obi-Wan Kenobi s’était assuré que le Chancelier Suprême et la Grande Conseillère de Panescan se feraient escorter jusqu’à leurs quartiers, puis il était rentré chez lui, dans la section nord-est du temple Jedi.
Son appartement était petit et très humblement meublé, ne comprenant que le strict nécessaire : un lit, deux sièges en cas d’invité - ce qui n’était pas encore arrivé - une table, une petite cuisine équipée et des sanitaires. Les murs étaient nus ; Obi-Wan ne semblait rien posséder de personnel, pas un bibelot, pas un souvenir, aucun élément décoratif, juste quelques outils en cas de besoin. Mais cet ensemble, aussi impersonnel et sobre fût-il, était impeccablement soigné, et pas un grain de poussière n’était épargné par le nettoyage méthodique du jeune propriétaire. Celui-ci ne se plaignait pas de son logement, puisque de toute façon il n’y vivait pas souvent, ses missions l’envoyant constamment aux quatre coins de la galaxie, et le peu qui lui appartenait semblait le contenter amplement : la modestie et l’absence d’attachement aux objets matériels faisaient partie des principales caractéristiques des Jedi.
Il prit un rapide déjeuner équilibré, alla prendre une douche et enfila une tunique propre. Puis il remit un peu d’ordre dans son appartement avant de se diriger vers la tour centrale du temple où se situait la salle du conseil et les bureaux de ses membres. Une fois arrivé, il eut tôt fait de croiser le maître Jedi Mace Windu qui le regarda s’approcher d’un air surpris.
-Obi-Wan ? fit-il quand le jeune homme fut arrivé devant lui.
Celui-ci s’inclina pour le saluer.
-Que fais-tu déjà ici ? Je croyais que tu ne devais pas rentrer avant deux jours, continua le Jedi à la peau sombre.
-Il fallait que je voie maître Yoda le plus rapidement possible, répondit le jeune chevalier sans chercher à dissimuler son impatience, sachant que Windu pouvait lire aisément dans les esprits.
-Que s’est-il passé ? Cela concerne-t-il Qui-Gon et son apprenti ?
-Non, rassura Obi-Wan. C’est de moi uniquement qu’il s’agit.
-Yoda n’est pas ici. Il reviendra sous peu. Nous pouvons en parler, si tu veux, proposa Windu.
-Bien sûr, accepta doucement Kenobi.
-Bien. Allons dans mon bureau.
Lorsqu’ils furent arrivés, Mace Windu alla s’asseoir en face du jeune homme.
-Que t’arrive-t-il ? demanda le maître avec un regard soucieux.
-Rien de grave, s’empressa de répondre son compagnon. Ce n’est qu’un petit problème personnel sans grande importance.
Mace Windu regarda Obi-Wan dans les yeux et prit le temps de réfléchir, ses longs doigts croisés et les coudes appuyés sur le bureau. Puis il se décida à prendre la parole.
-Même si cela ne concerne pas le conseil et ne mérite officiellement pas le moindre intérêt, ni toi ni moi n’avons d’impératifs en ce moment. Même si un Jedi doit toujours faire passer sa vie privée après celle des autres, il n’a pas l’obligation de la dénigrer totalement. Quoi que ce soit qui te préoccupe, j’ai tout le temps de t’écouter.
-Merci, répondit Obi-Wan, sincèrement reconnaissant. Il s’agit de mon passé. Une jeune femme, Lay Jooles, qui est aussi la Grande Conseillère de Panescan s’est récemment rendue sur Naboo et j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec elle.
Il s’interrompit, constatant d’après le regard sombre de Windu qu’il savait très bien de quoi il parlait.
-Je ne pensais pas que tu la rencontrerais, dit celui-ci d’un ton presque coupable. Que t’a-t-elle dit ?
-Pourquoi ai-je l’impression très frustrante d’être le seul à ignorer ce qui se passe ? fit Obi-Wan.
Il secoua la tête et se réprimanda mentalement face au manque de respect qu’il venait de témoigner.
-Comme je l’ai déjà dit à Qui-Gon, tout ce que je sais c’est qu’apparemment mon père s’appelait Theran Kenobi, que je viens de Panescan et que ma mère est encore en vie, résuma-t-il.
-C’est exact, confirma gravement Mace Windu. Mais tu n’apprendras rien de plus de Yoda.
-Comment ça ? s’inquiéta Obi-Wan. Qui-Gon m’a dit qu’il savait…
-Oui, il sait. Mais Yoda et moi sommes aussi sous serment. Nous avons dû jurer de ne jamais rien te révéler.
Obi-Wan s’était mis à serrer les accoudoirs si fort que ses phalanges en devinrent blanches, mais il ne dit rien.
-Je suis navré, Obi-Wan.
Le jeune homme cligna des yeux plusieurs fois et baissa la tête. Puis il affronta à nouveau le regard du maître Jedi avec autant de calme et sérénité que possible.
-Mais pourquoi autant de mystère autour de moi ? Est-ce que je suis menacé ? Ou est-ce qu’au contraire c’est moi qui pourrais mettre quelqu’un en danger ? chercha-t-il à comprendre.
-Je ne peux pas te répondre, se borna Windu.
Obi-Wan hocha la tête.
-Je comprends. Mais je vous demande la permission de me rendre sur Panescan.
Le grand homme noir soupira et fronça les sourcils.
-Il faut d’abord que je consulte Yoda.

~*~


-Non. Pas d’accord, je ne suis, trancha sèchement le vieux maître Jedi. C’est trop dangereux. Pas assez de choses il ne sait pour se préparer, et rien de plus nous ne pouvons lui apprendre. Embarrassante est cette promesse. Accepter de garder le silence, je n’aurais pas dû. Inutile de dissimuler ces faits. Connaissant la vérité, peut-être renoncerait-il. Têtu était son père, et têtu il est aussi. Tort cela lui portera. Toujours je l’ai dit.
-Oui, c’est très risqué, concéda Mace Windu. Mais son esprit est embrouillé, il a du mal à se concentrer sur la Force, je l’ai ressenti. Et il n’y a qu’une seule solution à cela, vous le savez aussi bien que moi.
-Puissante avec Obi-Wan est la Force. Pour cela je ne me fais pas de soucis. Mais qu’il puisse se faire tuer, je ne l’admets pas, insista Yoda en tapant avec sa canne sur le sol dallé de la pièce où les deux Jedi se trouvaient. Trop important il est pour nous. Précieuse est sa vie.
-Nous pourrions envoyer quelqu’un avec lui… Gallia ou Koon, suggéra Windu.
-Non. Si cette quête il entreprend, seul il doit l’accomplir.
Mace Windu s’assit dans son fauteuil.
-Nous savions que ça arriverait un jour, qu’il y serait confronté.
Il leva les yeux vers Yoda, qui lui tournait le dos.
-Nous l’avions prévu, continua-t-il. Le laisser comprendre ses origines ne va en aucun cas à l’encontre du Code. Par contre l’en empêcher ne le perturberait que davantage.
Le vieux Yoda baissa la tête et soupira, ses oreilles tombant en signe d’abattement.
-Si vraiment nous devions le perdre, mieux vaudrait que ce soit au cours de cette quête qu’au profit du côté obscur, argumenta Windu. De plus, il est grand temps que quelqu’un mette un terme à tout cela. Cela dure depuis trop longtemps déjà.
-Beaucoup ont péri, rappela Yoda.
-Peut-être parce qu’aucun d’eux n’était destiné à en venir à bout.
Yoda secoua la tête lentement.
-Trop de malheurs et de tristesse dans sa jeune vie, déplora-t-il.
Le grand maître Jedi décida d’ignorer cette observation, trop pessimiste pour lui.
-Que décidons-nous ?
Le petit homme vert se retourna et fronça les sourcils avant de soupirer encore.
-Dès maintenant il peut partir.

~*~


Obi-Wan s’avança et se fit annoncer par le garde qui se tenait devant lui. La porte s’ouvrit presque immédiatement, révélant une jeune servante d’une quinzaine d’années, habillée tout de bleu. Elle faisait partie du personnel qui était à la disposition des hauts dignitaires en visite sur Coruscant. Elle lissa nerveusement un pli de sa robe et pria le chevalier Jedi de la suivre. Elle le conduisit jusqu’au salon et se retira discrètement, faisant place à la Grande Conseillère de Panescan.
-Votre Grandeur, salua Obi-Wan. Pardonnez-moi de vous importuner à une heure si tardive.
-Jedi Kenobi, répondit la jeune femme avec un sourire. J’aime avoir de la compagnie, et l’heure n’est pas si tardive que cela. Je vous en prie, asseyez-vous.
Obi-Wan la remercia et attendit respectueusement qu’elle prenne place sur un siège avant d’en faire autant.
-Puis-je vous offrir une tasse de Djekarn ? proposa-t-elle.
-Avec plaisir, merci.
-Je vais m’en occuper.
Lorsqu’elle se leva, il ne put s’empêcher de l’imiter et de la suivre jusqu’au seuil de la cuisine. La jeune femme mit de l’eau à chauffer et attrapa une boîte métallique contenant une fine poudre grise.
-Ces feuilles de Djekarn viennent tout droit des vallées de Marnas, l’informa-t-elle. Ce sont les meilleures.
-Oui, j’y suis déjà allé, approuva Obi-Wan. L’arrière-goût est légèrement plus épicé que celles que l’on trouve sur Malastare.
-Vous êtes un fin connaisseur, apprécia Lay. C’est plutôt rare.
Elle fit infuser une petite quantité de la poudre, puis versa le breuvage dans deux tasses. Elle en tendit une à Obi-Wan et retourna dans le salon.
-J’ai appris que vous repartiez sur Panescan avec nous, lui dit-elle.
-Les nouvelles vont vite, remarqua le jeune homme en prenant une petite gorgée du liquide chaud.
-Il y a autant de commères au Sénat que dans les plus petits villages, vous savez. Mais je me demande… Quelle est la raison de votre visite ?
-Eh bien en fait c’est parce que j’avais besoin de votre aide, avoua le Jedi.
-Bien entendu, accepta immédiatement la jeune femme. Que puis-je pour vous ?
Obi-Wan avala encore un peu de Djekarn et posa sa tasse sur la table basse qui se trouvait à côté de lui.
-Vous devez vous douter que la raison de mon départ est que je souhaite éclaircir un tant soit peu le mystère qui enveloppe mon enfance.
La jeune femme hocha la tête.
-Et il se trouve que depuis que je vous ai vue, des sensations étranges me parviennent. Je ressens plusieurs présences à mes côtés, dont la vôtre, des émotions étranges que je n’arrive pas à m’expliquer.
-Oui, je… moi aussi, lui révéla-t-elle doucement.
Le Jedi eut du mal à ne pas montrer sa surprise. Toutefois ce qu’elle venait de lui avouer ne faisait que l’encourager à lui demander plus de précisions.
-Je sais que vu votre rang, mon attitude peut vous sembler irrespectueuse, osa-t-il enfin dire. Mais…
-Obi-Wan, je vous en prie, l’interrompit Lay Jooles. Ne faites pas ça. N’instaurez pas de mur entre nous, c’est inutile.
Elle le regarda intensément, plongeant dans le bleu clair de ses yeux sincères, et continua.
-Vous savez bien que quel que soit mon rang, cela ne change rien. Ce que vous aviez à l’esprit est qu’il y a quelque chose de spécial entre nous, expliqua-t-elle sans détourner son regard. Rien de comparable avec quoi que ce soit d’autre, un lien profondément ancré en nous sans que nous sachions d’où il provient, mais nous unissant malgré tout. Nous sommes comme de très vieux amis qui ont eu un jour une expérience commune qui les a rapprochés et a en quelque sorte uni leurs esprits d’une manière étrange. Une affection inconsciente réciproque qui nous dépasse mais que nous acceptons volontiers comme une partie de nous-même naturelle, indispensable, mais elle est aussi vite oubliée dès que nous nous éloignons. Le seul problème, c’est que même si ces sentiments semblent forts et sincères, ils ont quelque chose d’artificiel, comme s’ils ne venaient pas de nous. Vous vous demandez ce qui a pu provoquer une telle chose, et vous êtes venu pour me demander de vous aider à remonter à la source.
Elle marqua une pause puis demanda :
-Ai-je tort ?
Le chevalier cligna des yeux et referma sa bouche qu’il ne savait pas avoir ouverte. Il était tout bonnement sidéré, tant par la franchise et l’honnêteté de la jeune femme que par la véracité de ses dires. Elle avait décrit à la perfection ce qu’il avait ressenti dès le premier regard qu’il avait posé sur elle. Il fut étonné par la sensibilité dont elle faisait preuve, ainsi que par l’aisance avec laquelle elle avait su exprimer ces sensations confuses et parfois contradictoires. Obi-Wan avait pensé être le seul à les avoir éprouvées, croyant être influencé par la Force, mais depuis le début Lay avait été dans le même cas.
-Obi-Wan, reprit-elle. Je ne comprends pas ce qui m’arrive, et pour être franche avec vous, ça m’effraie. Tout est confus, je ne vous connais pas et je ne crois pas vous avoir jamais rencontré avant, et pourtant ces émotions sont bien réelles. Je me demande sans arrêt pourquoi ça m’arrive à moi, parce que je n’y trouve pas d’explication. Vous êtes bien placé pour comprendre à quel point il est déstabilisant d’éprouver une affection profonde pour quelqu’un dont on ignore tout. Et encore, je m’estime heureuse que vous soyez un Jedi, et non un bandit de grand chemin.
-Je suis désolé, je n’aurais pas dû venir et vous mêler à tout cela, dit Obi-Wan en se levant précipitamment.
-Non, vous avez bien fait, réagit immédiatement la jeune femme. Nous ne pouvions pas continuer à nous mentir et prétendre que tout allait bien. Restez et cherchons une solution ensemble.
-Votre Grandeur, tout ceci nous dépasse et j’ai déjà trop abusé de votre amabilité. Quel que soit ce lien entre nous, j’en trouverai l’explication et vous tiendrai au courant, mais je ne puis accepter de vous mettre davantage à contribution. Je vais me retirer, avec votre permission.
Un brin déçue, mais comprenant néanmoins les motivations du Jedi, Lay Jooles hocha la tête et le regarda partir, le visage concentré. Elle reprit sa tasse et avala le contenu d’un trait alors que la porte se refermait sur le jeune homme.

~*~


“Stupide, stupide”, se répéta Obi-Wan dans le taxi qui devait le reconduire chez lui. “Quel beau Jedi je fais !”
Il avait l’esprit tellement embrouillé qu’il était allé jusqu’à rendre visite à la Grande Conseillère, geste inconsidéré qu’il ne se serait jamais permis s’il avait été dans son état normal. Il y avait vraiment quelque chose d’étrange à tout cela, mais peu importe ce qui l’influençait, rien ne pouvait excuser son comportement irresponsable. Avoir l’audace d’étaler ses émotions devant une puissante déléguée républicaine comme à une vieille connaissance, alors que même avec Qui-Gon avoir ce genre de conversation était rare !…
Le jeune homme se demanda pour la millième fois ce qui pouvait l’avoir poussé à agir ainsi, sans trouver de réponse. Si seulement il savait d’où provenaient ces sensations et quelle en était la cause, il pourrait peut-être essayer de mieux les appréhender, mais tout allait et venait si vite dans sa tête qu’il lui était impossible de capturer quoi que ce fût afin de l’analyser plus posément. Un autre problème majeur était qu’il percevait tout de façon amplifiée à cause de la Force. Obi-Wan était maintenant persuadé qu’il devait s’agir d’ondes psychiques qui lui parvenaient par l’intermédiaire de la Force et qui l’assaillaient de toutes parts contre son gré. Il était un excellent Jedi qui avait toujours su maîtriser la Force mieux que beaucoup d’autres apprentis padawans, mais dans ce cas précis, tout échappait à son contrôle, comme si l’énergie refusait obstinément de lui obéir. Le jeune chevalier décida qu’il allait passer le reste de son temps libre avant le départ à méditer afin de trouver la paix requise pour reprendre les choses en main.
-Vous êtes arrivé à destination, monsieur.
Obi-Wan sursauta et remercia le taxi après avoir payé sa course, puis il entra dans le temple et rejoignit son appartement. Au moment où il en franchit le seuil, il ressentit comme un éclair d’électricité remonter de la base de sa nuque jusque dans son crâne, et la douleur explosa dans sa tête, l’aveuglant de lumière blanche. Il poussa un cri et tomba à genoux, le souffle coupé. Dans ce pénible éclat il aperçut soudain des visages, dont un qui retint son attention. Un homme barbu à l’expression douce mais inquiète, ses tendres yeux clairs le fixant intensément. Il sentit une caresse sur sa joue et son univers ne fut plus que peine et obscurité. Les poumons en feu, Obi-Wan entendit une voix l’appeler au loin. Les points noirs qui dansaient devant ses yeux s’estompèrent lentement et lorsqu’il fut de nouveau maître de sa respiration, il remarqua que la voix qui continuait de lui parler appartenait à Adi Gallia, Jedi membre du conseil, qui l’aida à se relever et à s’asseoir.
-Merci, souffla Obi-Wan.
-Que s’est-il passé ? demanda Gallia en fronçant les sourcils.
Le jeune homme soupira et passa une main tremblante sur son front.
-Je ne sais pas. C’était étrange… Comme une vision. Mais jamais auparavant ça n’avait été si douloureux.
-Oui, c’est ce dont j’ai pu m’apercevoir, répondit la femme à la peau foncée, encore légèrement secouée par la vague de souffrance qu’elle avait sentie émaner d’Obi-Wan à son arrivée. J’était venue sur ordre du conseil afin de te faire part d’une petite mission à effectuer sur Panescan par la même occasion. Tu n’étais pas encore là et j’ai préféré t’attendre pour te donner la consigne en personne.
Obi-Wan hocha la tête.
-Quelle était cette vision ? s’enquit Gallia d’un ton plus doux.
-Je ne saurais trop le dire, mais je pense que c’était un événement passé. Je n’ai vraiment pas vu grand-chose. Juste un homme. Je me demande si…
-Si ?
Le jeune homme pinça les lèvres et leva les yeux vers le maître Jedi.
-Est-ce que vous avez déjà rencontré mon père ?
-Non, jamais. J’étais encore un padawan quand il est mort, répondit Gallia. Tu penses que c’était lui ?
-Je ne sais pas. Avez-vous déjà fait l’expérience de ce type de vision ?
Adi Gallia secoua la tête.
-Non. Une vision transmise par la Force, même si mal contrôlée, peut désorienter, mais jamais faire souffrir.
-Vous voulez dire que ça ne vient pas de la Force ?
-Si, sans doute, mais quelque chose d’autre a dû se produire. Je ne peux rien te dire de plus, je ne suis pas spécialisée dans les transmissions psychiques. Tu devrais demander à Yarael Poof.
-Je n’en ai pas le temps, refusa Obi-Wan. Nous repartons dès demain matin.
-Comme tu voudras. Mais reste en contact avec nous pendant toute la durée de ton séjour sur Panescan. Voilà les instructions concernant ta mission, dit la jeune femme en lui tendant un databloc.
Kenobi le prit et raccompagna Gallia jusqu’à la sortie.
-Que la Force soit avec toi, lui dit-elle avant de partir.

Obi-Wan lut attentivement les détails de sa mission, qui allait s’avérer très simple. Tout ce qu’il avait à faire était remettre au dirigeant de Panescan des papiers importants concernant des modifications au sujet d’un vague traité inter-planétaire. Il pourrait s’occuper de cela dès son arrivée, et tout serait fini en quelques heures maximum.
Il se fit à dîner, et quand il eut fini, il vérifia un à un les accessoires de sa ceinture. Il prépara ses affaires pour le lendemain, puis rangea consciencieusement les quelques petits ustensiles qu’il avait négligemment laissés traîner dans son appartement. Pour finir, il se déshabilla avant d’enfiler un léger pantalon gris pour la nuit. Il noua la petite cordelette et s’agenouilla enfin à terre, se préparant pour sa méditation. Il ferma les yeux, inspira profondément, ouvrit ses sens. Il avait eu recours à ce procédé si souvent lorsqu’il avait l’esprit tourmenté que les étapes étaient devenues machinales. Très vite il fut profondément plongé dans cet univers rendu plus vaste et surtout plus paisible par la Force. Il toucha quelques présences au passage, la plupart étant des Jedi se consacrant sans doute à la même occupation quelque part dans le temple. Un souffle chaud et agréable vint effleurer l’esprit d’Obi-Wan. “Qui-Gon”, pensa le jeune homme avec un sourire. Lui-aussi méditait, quelque part dans ce ciel étoilé… Il ne voulut pas s’attarder, de peur que son ancien maître ne détecte sa présence à son tour et ne veuille initier un contact plus recherché. Le jeune chevalier s’en sentait totalement incapable, ce geste pouvant trop s’approcher de ce qu’avait été leur lien lorsqu’ils étaient encore maître et padawan. L’arrêt de cet échange mental permanent entre eux avait été la plus dure des épreuves qu’il ait jamais eue à affronter ; il n’avait même pas été sûr d’arriver à survivre à ce vide soudain au fond de lui.
Il décida donc de s’éloigner de l’aura de son maître afin de poursuivre sa méditation.
~Reviens…~
Il fronça les sourcils.
//Maître ?// appela-t-il avec hésitation.
Cette voix ne ressemblait pas à celle de Qui-Gon. Il n’y eut pas de réponse immédiate, mais soudain :
~Surpris ?… Je t’attends…~
Obi-Wan sentit une présence étrange, comme un voile noir qui flottait autour de son esprit, impénétrable.
//Qui êtes-vous ?// demanda-t-il.
~Tu ne te souviens pas ?~ fit la voix, d’un ton faussement vexé. ~Reviens…~
//De quoi parlez-vous ?// insista Obi-Wan, sans se départir de son calme.
La voix, ou plutôt le souffle rauque à peine audible, avait un caractère impersonnel, ni masculin ni féminin. Mais ce fut surtout le ton malveillant, presque purement malfaisant, qui perturba le jeune Jedi. Le voile noir se déchira devant ses yeux en plusieurs lambeaux qui s’étirèrent, s’entremêlèrent, et finirent par s’enrouler autour de lui, diffusant un sentiment oppressant de brutalité maléfique.
//Que voulez-vous?// lança Obi-Wan à travers la Force, essayant tant bien que mal de garder son calme.
~Ce que je veux ?… TOI …~ siffla la voix sur un ton de jouissance anticipée.
Les voiles noirs se resserrèrent sur le Jedi, l’étouffant petit à petit.
~Reviens.. que je puisse finir ma collection.. Tu ne connais encore rien de la souffrance..~
Obi-Wan n’arrivait plus à respirer, il était paralysé par cette présence. Il fit appel à la Force, mais les voiles ne se comprimèrent que davantage.
~Tu es à moi… viens…~
Le jeune homme chercha à interrompre sa méditation, mais quoi que fut cette chose, elle l’en empêchait.
~Te tuer à petit feu…~
Il entendait son sang pulser dans ses oreilles, assourdissant le son bizarrement creux de la voix. Il savait qu’il allait bientôt perdre connaissance.
~… Comme… ton… père~
Soudain la créature lâcha sa prise sur lui et Obi-Wan sortit brutalement de son état de transe, hoquetant sur le sol, à la recherche d’oxygène. Il pouvait encore sentir cette présence près de lui, mais elle se dissolvait lentement. Avant de disparaître totalement, elle envoya une image mentale au jeune Jedi, qui tremblait d’épuisement, allongé, et haletait désespérément. Lorsque l’image parvint à lui en un éclair, il ouvrit des yeux épouvantés et poussa un hurlement avant de perdre connaissance.

~*~


Qui-Gon Jinn revint à lui, un cri bloqué dans sa gorge. Anakin avait juste un instant plus tôt activé le pilote automatique et était allé retrouver son nouveau maître à l’arrière de la navette qui filait vers Coruscant en vitesse-lumière. Sa sensibilité exceptionnelle lui avait permis de dénoter une tension inhabituelle provenant de Qui-Gon, et lorsque cette tension sembla arriver à son paroxysme, il avait cru bon de sortir son mentor de sa méditation.
-Maître, osa-t-il appeler quand le regard de son aîné se fit moins troublé.
Qui-Gon cligna des paupières puis dirigea lentement son regard vers son padawan. Celui-ci s’agenouilla devant lui.
-Vous avez eu une mauvaise vision ? demanda-t-il, inquiet.
-Non, répondit enfin Qui-Gon d’une voix peu assurée.
-Ca concerne Obi-Wan, devina le garçon.
Le maître Jedi haussa les sourcils, surpris par tant de discernement. Les circonstances eussent été différentes, et n’eût-il pas été si absorbé par ce qu’il avait pensé percevoir par le biais de la Force, il aurait sans doute été à nouveau ébahi par les pouvoirs hors du commun de cet enfant exceptionnel.
-En effet. Quand arrivons-nous ?
Anakin, ayant compris qu’il n’en apprendrait pas plus, répondit en aidant Qui-Gon à se relever.
-Dans quelques heures.
-Bien. Le plus tôt sera le mieux.
-Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ? s’enquit le garçon, rendu soucieux par l’attitude tourmentée de son maître, d’habitude beaucoup plus enjoué.
Il était persuadé que quelque chose de grave s’était produit, et il ne savait s’il devait avoir plus peur pour Obi-Wan ou pour Qui-Gon, qui en serait inévitablement affecté.
Le grand Jedi sourit avec douceur, profondément touché par le dévouement et la prévenance de son padawan.
-Non, Ani, pas pour l’instant. Mais je te remercie pour ton obligeance.
Le jeune garçon se redressa instantanément, flatté par le compliment, et retourna dans le cockpit, suivi par son maître.

Moins de deux heures plus tard, la navette avait atterri sur Coruscant et Qui-Gon avait une conversation mouvementée avec deux membres du conseil Jedi.
-Je croyais qu’il ne devait repartir que plus tard dans la journée, se bornait Jinn.
-Il a proposé de continuer à escorter la Grande Conseillère, et son devoir ne lui permettait pas de rester plus longtemps, expliqua patiemment Mace Windu.
-Pourquoi ne pas t’asseoir, suggéra Yoda avec une pointe de malice.
Qui-Gon, qui ne cessait de tourner en rond devant les sièges des deux autres maîtres, préféra ignorer la remarque.
-Vous auriez pu l’obliger à rester.
-Repousser l’échéance n’aurait rien changé, dit Windu.
-J’aurais eu le temps de le voir, et peut-être qu’il aurait changé d’avis, contredit Qui-Gon.
Yoda et Mace, conscients qu’il n’en pensait pas un mot, ne jugèrent pas utile d’intervenir. Leur compagnon arrêta enfin ses va-et-vient.
-N’y avait-il pas moyen d’éviter cela ? demanda-t-il d’une voix chargée d’une émotion qu’il avait du mal à dissimuler.
-Tu le sais aussi bien que nous, Qui, répondit son ami d’enfance avec compassion. Je comprends tes mauvais pressentiments, mais tu ne dois pas les laisser t’aveugler.
Le Jedi baissa les yeux et des rides se creusèrent sur son front, rendant son expression plus peinée que quelques instants plus tôt.
-Ce n’est pas… qu’un mauvais pressentiment, décida-t-il de leur révéler.
Ceci attira l’attention de ses interlocuteurs.
-Explique-toi.
-Sur le chemin du retour, j’ai entrepris de méditer, et j’ai ressenti la présence d’Obi-Wan. J’ignore s’il a su que j’étais là. Mais ce qui est sûr est que nous n’étions pas seuls.
A ces mots, il lança un regard éloquent aux deux maîtres. Windu fronça immédiatement les sourcils.
-C’était…
-Oui, confirma immédiatement Qui-Gon. Je sais aussi que c’est Obi-Wan qu’il visait. Je n’ai pas perçu précisément ce qui s’est passé entre eux. Avant que je ne puisse entreprendre de soutenir Obi-Wan, la communication s’est interrompue. Mais j’ai très distinctement ressenti une vague de souffrance et j’ai…
Il s’interrompit, soudain à court de mots pour exprimer le spectacle dont il avait été le témoin une fois de plus.
-J’ai vu…, recommença-t-il. La mort de Theran. A travers ses propres yeux.
-Ce qui veut dire… qu’Obi-Wan l’a vue aussi…, déduisit Windu avec horreur.
Qui-Gon se contenta de le regarder.
-Force…, murmura Windu en posant ses lèvres contre ses mains jointes.
Yoda ferma les yeux et soupira avec tristesse.
-De nous tout cela ne dépend pas, déclara-t-il.
Jinn avala péniblement sa salive, serra les dents et prit la parole.
-J’ai déjà perdu mon meilleur ami dans cette histoire. Je ne veux pas perdre Obi-Wan.
-Nous ne pouvons pas prendre le risque de te laisser y aller, refusa Windu, qui avait compris la demande implicite de son compagnon.
Les lèvres pincées, Qui-Gon regarda les deux membres du conseil tour à tour. Ne pouvant que constater leur détermination, il s’inclina très lentement, puis quitta la salle afin de retrouver son padawan qui l’attendait anxieusement dans le couloir.

~*~
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