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Chapitre 5 : Retour chez soi
 
Obi-Wan, à bord d’un nouveau modèle de starfighter, continuait sa progression devant le vaisseau de la Grande Conseillère, mais son esprit était totalement ailleurs. Il avait repris connaissance tôt ce matin, réveillé par le bip de son comlink, et vu son retard et le nombre de choses à préparer pour son départ, il n’avait pas eu un seul instant pour songer à ce qui lui était arrivé la veille. A présent, tout lui revenait avec encore plus de force, les questions se bousculant dans son esprit de façon incohérente. Il avait beau se dire que le moment n’était pas particulièrement bien choisi, il ne parvenait pas à chasser ces idées. Qui avait été cette présence ? Ou même quoi ? Que lui voulait-elle ? Qu’avait-elle voulu dire par ¨revenir¨ ? Où ? Et pourquoi lui avait-elle parlé de son père ?
A cette pensée, Obi-Wan se tendit et se mit à serrer les commandes jusqu’au point d’avoir des crampes. L’image qu’il avait perçue… Il savait qu’elle avait été atroce, mais il ne semblait pas arriver à s’en souvenir. L’avait-il effacée volontairement de son esprit dans un but d’auto-préservation ? Pourquoi ?
Un détecteur prit soudain vie, sortant le chevalier Jedi de sa méditation.
“Non pas que c’était spécialement joyeux”, se dit-il sans humour. Il tourna la tête vers son radar et vit un point rouge se déplacer à toute vitesse vers le transport qu’il était sensé protéger. Ce ne fut qu’à ce moment que la Force lui envoya un avertissement retentissant.
“Et voilà qui est très malin. J’aurais dû le voir venir il y a très longtemps…”
Décidant d’arrêter de perdre son temps à se critiquer, il se dégagea adroitement de sa trajectoire d’origine pour aller se poster sur le côté droit du vaisseau Panescien. La voix du pilote parvint à Obi-Wan par le transmetteur.
-Que se passe-t-il ?
-Ne quittez pas votre trajectoire, ordonna simplement le jeune homme. Je m’occupe du reste.
Le reste en question choisit cet instant précis pour se manifester. Un tir puissant vint frôler la navette du Jedi, la faisant légèrement trembler. Le petit astromech qui avait été installé à l’extérieur exprima sa surprise et son indignation en une courte série de bips stridents. Obi-Wan fronça les sourcils et se retourna dans son siège pour tenter d’apercevoir son attaquant, qui avait disparu de son écran, sans doute protégé par un système d’anti-radar pirate. Il n’y avait rien derrière lui que l’espace noir étoilé. Un nouveau tir provenant du dessous vint toucher le vaisseau Panescien, mais le bouclier réussit heureusement à le bloquer. Obi-Wan braqua violemment et descendit à pic, avec l’espoir de trouver l’autre chasseur. Il réussit alors à entrevoir la coque déformée familière du V-92 de Gridle Urtten, un chasseur de prime qui avait l’habitude d’opérer dans la région minière des satellites de Corellia. L’appareil bifurqua et disparut une fois de plus. Bien décidé à ne pas le laisser s’échapper, Obi-Wan s’engagea sous le lourd vaisseau à la poursuite du truand. Un éclair orangé passa juste devant ses yeux, entraînant une explosion.
-Jedi Kenobi ! appela une nouvelle fois le pilote. Nous avons été touchés !…
Le jeune chevalier jeta un œil sur le point d’impact, mais les dommages ne semblaient pas très importants. Il tressaillit en entendant la voix de la conseillère dans le communicateur, alertée par le choc soudain.
-Obi-Wan, qu’y a-t-il ?
-J’ai bien peur qu’un chasseur de prime ne soit après vous, votre Grandeur…
-M… mais…
-Ne vous inquiétez pas, je m’en charge.
Il coupa la communication après avoir senti la présence agressive de leur attaquant derrière lui. Le droïde trilla violemment après le passage d’un laser évité seulement de justesse par les remarquables réflexes du jeune Jedi. Celui-ci effectua un rapide tour sur lui-même afin de se retrouver derrière le V-92. Mais Urtten ne l’entendait pas de cette oreille. Il monta brusquement à la verticale, pour finir par se retrouver au-dessus du grand vaisseau qui continuait à voler tout droit, imperturbable. Obi-Wan soupira et se lança une fois de plus derrière le chasseur, cherchant à l’éloigner du transport. Il envoya plusieurs tirs de dissuasion, mais il ne s’était de toute évidence pas montré assez persuasif, car le V-92 se retourna contre lui et fit feu à son tour. Cette fois, Obi-Wan réagit une fraction de seconde trop tard, et ne put éviter le laser qui alla frapper l’avant de sa navette.
-J3 ! lança-t-il à l’astromech. Déconnecte toutes les dérivations secondaires !
Le droïde bipa une fois et s’exécuta avec rapidité. Pendant ce temps, Gridle Urtten s’était approché du générateur principal et avait trouvé la position idéale pour faire voler le vaisseau de la Grande Conseillère en mille morceaux. Obi-Wan lança ses moteurs à fond et alla se placer en plein milieu de la ligne de mire du chasseur de prime. Un dixième de seconde avant que celui-ci ne pût tirer, le jeune Jedi envoya une série de lasers qui détruisirent les principaux canons externes du V-92, entraînant un court-circuit qui finit par faire exploser le chasseur tout entier. Les débris furent projetés sur le cockpit du starfighter d’Obi-Wan, l’un d’eux arrivant presque à en fendre la protection, mais il en sortit miraculeusement sain et sauf.
-Jedi Kenobi ! Tout va bien ? s’enquit le pilote Panescien.
Obi-Wan soupira et alla reprendre sa place devant le transport.
-Tout va bien, répondit-il enfin.
Au loin, un point bleu apparut. Panescan.
“Pour l’instant en tout cas…”, ajouta-t-il pour lui-même.

~*~


Le cockpit du fighter flambant neuf avait certes survécu à la pluie de débris, mais l’entrée dans l’atmosphère de Panescan acheva ce que l’incident précédent avait commencé. Obi-Wan eut tout juste le temps d’obtenir l’autorisation de se poser sur la plate-forme qu’on lui avait désignée avant que la vitre ne se désintègre totalement. Mais le reste de l’atterrissage s’effectua sans encombre, au plus grand soulagement de l’unité R2 à son bord. Une chambre au consulat fut attribuée au Jedi, qui fut chaleureusement accueilli par le reste des membres du gouvernement présents, mais non sans une certaine surprise. Obi-Wan n’en comprit la raison que quelques heures plus tard : aucun Jedi n’avait mis les pieds sur Panescan depuis plus de vingt ans. La coïncidence était frappante, mais plutôt que de harasser ses hôtes de questions dont les réponses, il le sentait, ne seraient que confuses, il préféra laisser les explications venir à lui d’elles-mêmes. Il savait que ce serait inévitable, car de toute évidence son arrivée sur cette planète était la volonté de la Force, et rien n’arrivait par hasard.
La première chose qu’il fit après s’être installé dans ses quartiers fut de prendre rendez-vous avec la personne à qui il devait remettre les papiers officiels qu’on lui avait confiés, et la deuxième fut de retrouver Lay Jooles dans une arrière-cour du consulat, sachant que plus tard elle retournerait à ses occupations et qu’il n’aurait donc presque plus l’occasion de la voir. Il suivit un long couloir aux grandes fenêtres jusqu’à un petit hall circulaire aux murs de marbre superbement sculpté et dont les fines colonnes se rejoignaient en douces volutes au plafond recouvert de fresques peintes de riches couleurs. Il passa par une porte-fenêtre à double battant qui était restée ouverte et descendit quelques marches qui donnaient à l’extérieur sur un petit passage abrité par une arcade de fleurs et de lierre entremêlés, laissant filtrer des rayons chauds de soleil entre leurs feuilles d’un vert pur. Au bout du chemin, il arriva enfin dans la cour au sol dallé et aux massifs de fleurs aux couleurs vives. L’espace était limité par un petit muret de pierre qui en faisait le tour. Au-delà se trouvait le reste du jardin, désert à cette heure de l’après-midi.
Assise sur un banc à l’ombre d’un arbuste se trouvait la conseillère, qui s’empressa de se lever afin de retrouver le Jedi dès qu’il fit son apparition. Elle avait abandonné son costume blanc traditionnel pour une robe bleu clair à manches longues bien plus simple, sans motifs, mais qui épousait parfaitement les lignes de son corps et retombait harmonieusement à quelques millimètres du sol. Obi-Wan lui sourit et la laissa prendre sa main pour le saluer.
-Je suis heureuse de voir que vous allez bien, lui dit-elle. J’ai appris que votre cockpit avait cédé avant votre atterrissage.
-Oui mais j’étais près du sol et à une faible vitesse. Je vous suis reconnaissant pour votre sollicitude, dit-il respectueusement.
Elle eut un petit sourire et secoua la tête. Puis elle leva son regard vers lui.
-Qu’allez-vous faire, maintenant que vous êtes arrivé chez vous ?
-Eh bien demain matin j’apporterai des papiers importants à Faeden Kir, et ensuite…
Il soupira.
-… J’essaierai de voir si je peux retrouver ma mère, continua-t-il simplement.
-Je vous le souhaite de tout cœur.
Obi-Wan allait la remercier quand il sentit un courant froid perturber le flux de la Force autour de lui.
-Est-ce que ça va ? demanda Lay en le voyant frissonner légèrement.
-Je n’en suis pas certain, répondit-il.
L’inquiétude du chevalier s'intensifia lorsque la conseillère se mit elle-aussi à grelotter.
-Il fait frais, tout-à-coup, remarqua-t-elle.
-Non, il ne fait pas frais. C’est autre chose.
La jeune femme le regarda s’éloigner de quelques pas, la main droite sur le manche de son sabre laser à sa ceinture. Elle observa les alentours sans rien voir de suspect, et pourtant elle savait que quelque chose n’avait pas sa place ici. Elle s’apprêta à faire part de son angoisse au Jedi lorsqu’elle entendit une voix. Elle ouvrit de grands yeux en réalisant qu’elle ne l’entendait pas avec ses oreilles, mais dans son esprit.
~Merci mille fois de l’avoir ramené~ fit la présence sur un ton perfide.
Soudain Obi-Wan se plia en deux, la tête entre les mains. Derrière lui, la Grande Conseillère poussa un cri et s’effondra. Ignorant les élancements qui semblaient déchirer son crâne de l’intérieur, il se précipita pour la prendre dans ses bras avant qu’elle ne touche le sol et ne se blesse davantage. Sentant ses forces s’épuiser, il la déposa délicatement sur les dalles, mais finit lui-aussi par s’écrouler à côté d’elle en un gémissement. Il porta une main tremblante sur le visage de la jeune femme, cherchant à voir si elle allait bien.
-L… Lay, croassa-t-il.
Mais même le son de sa voix fut de trop pour lui. Une douleur aiguë traversa brutalement son esprit et il perdit connaissance.
~Bienvenue~ lança ironiquement la voix.

~*~


Le réveil fut dur pour Obi-Wan, dont la boîte crânienne lui semblait tout-à-coup trop petite pour son contenu. Il grimaça et se massa doucement les tempes, allégeant en même temps sa migraine avec des ondes apaisantes de Force. Il soupira et se décida à ouvrir les yeux, sachant pourtant ce qui l’attendait. Et bien évidemment, il avait eu raison de le redouter : la lumière soudain projetée dans son œil afin de vérifier la dilatation de ses pupilles lança un éclair douloureux à travers son esprit, et il ne put empêcher un grognement de s’échapper.
-Comment vous sentez-vous, chevalier Kenobi ? demanda jovialement le guérisseur qui se tenait à côté de son lit.
Obi-Wan avait du mal à rester concentré, et la question lui échappa. Avant qu’il ne puisse demander à l’homme de répéter, celui-ci enchaîna :
-Vous devez être un peu désorienté, c’est normal. Nous sommes à l’hôpital central de Vestenda.
-Vestenda ? répéta le Jedi d’une voix rauque.
Le guérisseur lui apporta un verre d’eau et l’aida à boire tout en répondant.
-Oui, la capitale de Panescan, fit-il avec perplexité, redoutant un choc plus important qu’il n’avait pensé.
-Oh, exact, se rappela Obi-Wan. Depuis combien de temps suis-je ici ?
-Vous avez été admis il y a seize heures.
Le jeune homme haussa les sourcils.
-Et la Grande Conseillère ?
-Elle aussi a subi un traumatisme psychique, mais moins grave que le vôtre. Elle est revenue à elle un peu plus d’une heure après son arrivée ici. Nous l’avons gardée en observation, mais comme tout va bien nous l’avons autorisée à rentrer chez elle ce matin.
Obi-Wan soupira de soulagement. Puis ses yeux s’agrandirent.
“Seize heures ? Ce matin ? Oh Sith !”
-Il faut que j’y aille, fit-il en sautant maladroitement hors de son lit, encore quelque peu troublé.
-Attendez, jeune homme, où croyez-vous aller comme ça ? le retint le guérisseur.
-J’ai une mission importante à accomplir, j’ai rendez-vous avec Faeden Kir, répondit-il en attrapant sa tunique de Jedi. Je vais être en retard…
Il finit de s’habiller sous le regard incrédule de son aîné.
-Mais vous venez juste de vous réveiller, je ne peux pas vous laisser partir sans être certain de votre état, argumenta celui-ci. Vous êtes sous ma responsabilité.
Obi-Wan enfila sa bure brune et posa une main réconfortante sur l’épaule du guérisseur.
-Je me sens très bien, ne vous faites pas de soucis. Cette mission est urgente et très importante, je ne peux pas la négliger.
-Peu importe. Vous êtes mon patient, et vous resterez ici jusqu’à la fin des tests que j’ai prévus pour vous, se borna l’homme en blanc.
Le jeune chevalier pinça les lèvres et fit silencieusement l’inventaire des consignes à suivre en matière de contrôle mental. A n’utiliser qu’en cas de vie ou de mort - or si ces traités n’étaient pas portés à la connaissance du dirigeant de Panescan, des vies seraient concernées - jamais à des fins personnelles, et enfin et surtout à n’utiliser qu’en dernier recours. Obi-Wan fit son choix. Après tout, il était chevalier, et il aurait à prendre ce genre de décision de lui-même à partir de maintenant.
-Finalement vous allez me laisser partir, dit-il au guérisseur en le regardant droit dans les yeux et accompagnant ses paroles d’un geste de la main.
-Finalement je vous laisse partir, répéta l’homme naïvement.
-Je pourrai toujours repasser cet après-midi, reprit Obi-Wan.
-Vous pourrez toujours repasser cet après-midi.
Le Jedi sourit et sortit de sa chambre d’hôpital, convaincu qu’il ne s’était pas trompé. En effet, s’il acceptait de passer ces tests plus tard, le contrôle mental ne lui aurait pas servi d’échappatoire, et il n’était donc pas coupable d’infraction du Code des Jedi.
La conscience tranquille, le jeune homme s’empressa de se rendre chez le dirigeant après avoir récupéré les papiers au consulat.

~*~


C’était la bonne rue, et c’était la bonne maison.
Après son passage chez le dirigeant de la capitale, Obi-Wan s’était immédiatement rendu à l’adresse que Lay Jooles lui avait donnée lorsqu’ils étaient encore à Theed. A présent il se trouvait dans le quartier de la classe moyenne, devant une humble maison aux murs blancs, et dont une partie du jardin donnait sur la rue piétonne, exposant ses belles fleurs multicolores.
Obi-Wan leva la main pour appuyer sur le bouton d’appel, mais il se figea au milieu de son geste. Que dirait-il quand la porte s’ouvrirait ? Comment serait-il accueilli ? Depuis le temps, est-ce que sa mère vivait toujours ici ?
Il inspira profondément pour essayer de calmer les battements de son cœur qui cognait violemment contre ses côtes. Quoi qu’il arrive, il laisserait la Force le guider, c’était la meilleure chose à faire. Il appuya résolument sur le bouton et attendit. Quelques instants s’écoulèrent sans que rien ne se produise. Peut-être n’avait-il pas pressé assez fort… Il recommença. Plusieurs minutes passèrent encore, et le jeune homme dut se résoudre à abandonner. Il n’y avait personne. Il n’aurait qu’à réessayer plus tard, en espérant qu’il ne se trompait pas d’adresse, que quelqu’un finirait par revenir, et que ce quelqu’un qu’il souhaitait voir plus que quiconque dans cette galaxie accepterait de lui ouvrir sa porte. Obi-Wan réalisa amèrement que cela faisait beaucoup de suppositions et très peu de certitudes, mais après tout, il n’avait rien à perdre. Il tourna les talons pour retourner au consulat quand une voix l’interpella.
-Eh ! Attendez…
Il aperçut une voisine qui s’approchait de lui à grands pas. Elle devait avoir la quarantaine et était plutôt petite mais de forte musculature, et ses cheveux noirs étaient coupés à la garçonne. Elle avança vers le jeune homme avec un grand sourire.
-Vous êtes le Jedi dont tout le monde parle, fit-elle en arrivant à sa hauteur. Qu’est-ce qui vous amène ic…
Elle s’interrompit brusquement au premier regard qu’elle posa sur Obi-Wan. Celui-ci la considéra d’un air interrogateur.
-Ca alors, s’exclama-t-elle tout en continuant de le dévisager. Vous… vous ne seriez pas de la famille de Theran Kenobi ?
Obi-Wan haussa les sourcils, surpris.
-Si, je suis son fils.
Soudain la réalité de la situation le frappa. Le fait de dire cette phrase à une inconnue donnait aux choses toute leur consistance. Il sentit une chaleur étrange se répandre en lui au moment où pour la première fois il sut avec certitude cette vérité : il était le fils de Theran Kenobi, chevalier Jedi. Il avait une famille, des origines, une identité.
Le visage dur de la femme se détendit et se fit extatique.
-C’est incroyable ! Vous êtes son fils ! Quel bonheur de vous trouver ici ! fit-elle en donnant une ferme accolade au jeune Jedi qui, quoiqu’un peu décontenancé, se laissa faire.
-Et vous êtes ? demanda-t-il.
-Oh oui, bien sûr ! rit-elle. Roen Istesna.
-Enchanté.
Le visage de Roen s’assombrit.
-Oh mais… Pour votre mère, je suis désolée mais…
A peine eut-elle commencé sa phrase qu’Obi-Wan retint son souffle, craignant déjà le pire.
-… elle est actuellement en visite chez sa sœur, finit-elle.
-Ah, soupira discrètement le jeune homme.
-Elle doit rentrer d’ici deux à trois semaines, seulement vous comprenez, elle est en pleine campagne et je n’ai aucun moyen de la joindre pour la prévenir de votre arrivée.
-Je ne sais pas si je pourrai rester si longtemps, répondit Obi-Wan en faisant mine de ne pas en être affecté.
Les Jedi mettaient un point d’honneur à ignorer leurs émotions, trop instables pour leur permettre d’appréhender la Force en toute sérénité. Il lui adressa donc son petit sourire préfabriqué afin de se montrer convaincant, mais ne parvint pas à dissimuler totalement la grande déception qu’il éprouvait.
-Merci pour votre aide.
Elle le retint en posant une main étonnamment délicate sur son bras.
-Vous savez, je suis aussi sa meilleure amie, lui dit-elle. Et elle m’a confié le passe de sa maison en cas de problème. Mais maintenant que vous êtes là, vous êtes son plus proche parent, et je me dois de vous remettre ce passe, ajouta-t-elle d’un air malicieux. Vous pourriez vous y installer pendant la durée de votre séjour ; après tout, c’est aussi chez vous !…
Obi-Wan étudia le visage de la femme et constata qu’elle était bel et bien sincère. Il la regarda droit dans les yeux.
-Comment avez-vous su que j’étais de sa famille ? s’enquit-il.
Elle lui sourit avec douceur.
-Vous êtes le portrait craché de votre père, lui révéla-t-elle.
-Vraiment ?
-Son sosie, affirma Roen. Le même regard si expressif, la même bouche, le même menton, les mêmes mains… Mais vous avez la chevelure de votre mère.
Il passa alors inconsciemment une main dans ses cheveux blond-roux qui avaient un peu poussé depuis la fin de son apprentissage, et dont quelques fines mèches tombaient sur son front.
-Alors vous le voulez, ce passe ?
-Oui, sourit Obi-Wan, sincèrement cette fois-ci.
-Dans ce cas…
Elle plongea la main gauche dans la poche de sa large veste brune et en sortit un trousseau de clés. Elle les examina avec attention, en détacha une, puis la tendit à Obi-Wan. Celui-ci eut l’air d’hésiter un instant, mais au moment où ses doigts effleurèrent le métal froid, il sut ce qu’il lui restait à faire.
-Merci infiniment, dit-il à la petite voisine en refermant sa main sur le passe.
Roen sourit encore.
-Allez-y, l’encouragea-t-elle. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, j’habite juste à côté !
A ces mots, elle s’éclipsa discrètement, laissant le Jedi à ses réflexions. Obi-Wan étudia le petit objet qu’il tenait entre les mains. Moins de quatre centimètres de long, de forme cylindrique, la petite clé comportait un minuscule réseau électronique à insérer dans le panneau d’ouverture situé à côté de la porte d’entrée. Il passa son pouce sur la surface lisse du passe, puis le rangea avec soin dans un compartiment de sa ceinture. Maintenant qu’il était sûr d’être arrivé au bon endroit, il valait mieux pour lui qu’il aille régler les dernières choses qu’il avait à faire dans l’après-midi, car s’il décidait d’entrer dans cette maison maintenant, il savait qu’il n’en sortirait pas avant longtemps.
Tourner le dos à ce petit bâtiment lui demanda un effort presque surhumain. C’était comme si en perdant des yeux la maison un seul instant, il prenait le risque de ne jamais la revoir, la laissant repartir dans le brouillard obscur de son passé, d’où il l’avait si subitement ressortie. Etait-il possible que cet endroit à la familiarité magique ne fût qu’une hallucination provoquée par l’esprit désespéré d’un homme qui n’avait pas pu oublier l’enfant qu’il était encore et qui cherchait l’aspect rassurant d’un foyer où les siens l’accueilleraient toujours à bras ouverts ?
Malgré son caractère très rationnel, le jeune chevalier ne put s’empêcher de jeter un œil par-dessus son épaule, juste pour s’assurer que la maison était toujours là. Rassuré, il partit d’un pas plus confiant en direction de l’hôpital où il devrait se résigner à se plier aux ordres des guérisseurs.

Plusieurs scanners et autres examens plus tard, tout ce que les spécialistes purent annoncer à Obi-Wan fut qu’ils n’avaient rien dénoté d’anormal, aucune tension ni aucun disfonctionnement qui auraient pu justifier la crise dont il avait été victime. Lui aurait-on demandé, il aurait été tout à fait capable de leur apprendre que ce qui lui était arrivé n’avait pas été d’origine physique, mais psychique. Toutefois cette absence de questions eut l’avantage de le dispenser d’explications qu’il n’aurait de toute façon pas été en mesure de fournir.
Après trois heures passées dans une petite pièce aseptisée - type de lieux qu’il avait appris à exécrer, ayant tendance à y séjourner trop souvent à son goût - il fut enfin autorisé à repartir, mais pas sans avoir été obligé de fixer une date pour un rendez-vous ultérieur.
Débarrassé de cette corvée, il décida de se rendre chez la Grande Conseillère afin de prendre de ses nouvelles, mais plutôt que d’emprunter les transports en commun, il préféra traverser la ville à pied. Vestenda était une capitale comme toutes les autres, à la taille et à l’activité moyennes. Son centre-ville consistait en une masse compacte de hauts immeubles abritant l’administration centrale de la planète, des bureaux et commerces encerclés par une nuée de taxis volants et autres véhicules publics ou privés.
Rien dans cette zone n’attirait Obi-Wan, habitué à ce spectacle par ses années passées sur Coruscant, c’est pourquoi il laissa ses pas le guider vers la ville antique, bien plus pittoresque avec ses vieilles bâtisses aux murs crème recouverts de plantes grimpantes. Le chevalier Jedi arriva à une petite place où se dressait un marché tous les deux jours, exposant fruits, légumes et divers produits de fabrication artisanale. Au beau milieu de l’après-midi, beaucoup de monde déambulait tranquillement entre les étalages, la plupart étant des mères de famille en quête d’ingrédients pour le dîner, les autres ne faisant que flâner paresseusement sous le chaud soleil - ce qui était un peu le cas d’Obi-Wan. Etait-il un jour venu ici-même, blotti dans les bras de sa mère comme cet enfant juste devant lui ? Connaissait-il un de ces commerçants à l’allure joviale et bon-vivant ?
Le jeune homme se réprimanda sévèrement, constatant une fois de plus qu’il avait trop laissé son esprit vagabonder au lieu de se concentrer sur l’instant. S’il avait mis fin à sa rêverie une fraction de seconde plus tard, il aurait inévitablement manqué la légère perturbation de la Force qui l’attira vers l’autre bout de la place, à l’entrée d’une allée plus sombre et étroite. Il tendit l’oreille et entendit des murmures derrière un tas de paquets d’emballage pour les légumes hydroponiques. Un petit garçon se dégagea subitement, une boîte serrée contre sa poitrine. Il ne devait pas avoir quatre ans. Obi-Wan se dissimula rapidement au coin de l’allée.
-Non ! Celui-ci est à moi ! cria l’enfant en direction des personnes qui se trouvaient encore derrière les paquets.
Il s’agissait en fait de deux autres garçons d’au moins huit ans qui le suivirent, l’air menaçant.
-Pas question. Tu nous donnes tout et tu peux venir avec nous.
-C’est moi qui l’ai trouvé ! cria encore l’enfant en reculant inconsciemment en direction d’Obi-Wan.
-Espèce de sale petit…, commença l’un des garçons.
-Laisse tomber, l’arrêta l’autre. Qu’est-ce que tu décides ? fit-il sèchement en se tournant vers l’enfant.
Celui-ci, ne sachant que faire ou que dire, se contenta de serrer désespérément l’objet qu’il tenait entre ses deux minuscules mains, ses yeux se remplissant de larmes.
-Bon courage, lança le deuxième garçon en entraînant son compagnon derrière lui vers l’autre bout de la ruelle.
Mais le premier, et de toute évidence le plus bagarreur du tandem, n’était pas prêt à le laisser s’en tirer à si bon compte. Il se baissa lentement, choisit un gros caillou bien rond, le polit minutieusement avec son pouce gauche, puis se retourna.
-Attrape ça, l’acrobate ! fit-il en le jetant de toutes ses forces sur le petit garçon.
Obi-Wan n’en croyait pas ses yeux. Comment était-il possible de se montrer aussi impitoyable avec une créature sans défense telle que cet enfant ?
-Non ! cria-t-il en s’élançant vers le petit garçon.
Mais il savait qu’il ne serait pas assez rapide… Il eut à peine le temps de faire deux pas qu’il se figea, stupéfait. L’enfant, terrorisé, avait levé les bras et les avait croisés devant son visage pour se protéger, mais quand il rouvrit les yeux, il découvrit que le caillou s’était arrêté à quelques centimètres de lui et flottait toujours dans les airs.
-Qu’est-ce que…, commença le Jedi, abasourdi.
L’enfant sursauta en entendant sa voix, et le caillou retomba brusquement à terre. Les deux autres garçons, à la fois effrayés par ce spectacle surnaturel et par la présence d’un adulte parmi eux, s’enfuirent immédiatement. Obi-Wan fit un pas en direction du petit garçon, qui recula, inquiet.
-N’aie pas peur, je ne te veux pas de mal. Je m’appelle Obi-Wan Kenobi. Et toi ? lui dit-il d’une voix très douce.
N’obtenant pas de réponse, il décida de sourire simplement et s’accroupit.
-C’est toi qui as fait ça ?
-Fait quoi ? demanda timidement l’enfant d’une voix aiguë.
-Tu as stoppé la progression de ce caillou, n’est-ce pas ?
-Je… je n’ai pas fait exprès ! se défendit le garçon, craignant d’avoir commis une erreur.
Il savait qu’il était différent, que c’était pour ça qu’il avait été rejeté et qu’il s’était retrouvé seul à la rue à la mort de ses parents.
-Tu n’as rien à te reprocher, le rassura calmement Obi-Wan. J’admire ce que tu as fait, au contraire. Tu n’es pas pareil que les autres garçons.
-Je suis différent.
Le chevalier comprit immédiatement que l’enfant avait dû se répéter cette phrase des centaines de fois, espérant avoir trouvé une explication à sa solitude. Il avait connu d’autres initiés au temple qui avaient eu le même problème et n’avaient pas réussi à assumer leur sensibilité à la Force.
-Il y a d’autres personnes comme toi, tu sais, lui apprit le jeune homme.
Le garçon fronça les sourcils.
-Tu ne me crois pas ? fit Obi-Wan, un sourire amusé aux lèvres.
Il leva un doigt vers le même caillou qui se trouvait entre eux, et le fit voler lentement avant de le poser dans la main de l’enfant. Celui-ci ferma son poing sur la pierre. Il baissa la tête, mais la releva vite, une expression confuse sur son visage.
-Qu’est-ce que tu as là ? demanda le jeune chevalier en désignant la boîte que le garçon n’avait pas lâchée une seule seconde.
Il considéra Obi-Wan un instant, puis bondit en arrière et prit ses jambes à son cou, ignorant les appels du Jedi.
“Il va falloir que je travaille mes relations avec les enfants”, se dit amèrement le jeune homme en regardant le garçon disparaître au loin.
Mais qu’est-ce qu’un enfant de son âge faisait dans la rue ? N’y avait-il pas des organismes pour prendre en charge les jeunes sans-abri - ce qui sans le moindre doute était le cas de la pauvre créature qui s’était éclipsée dans une rue plus loin. Bien sûr le jeune chevalier ne pouvait pas rester insensible à un tel spectacle par nature, mais quelque chose dans ce frêle garçon l’avait profondément touché, comme si tous ses sens lui criaient de se rapprocher de lui, d’apprendre à le connaître. Après tout, il n’avait même pas quatre ans et était sensible à la Force ; il n’était donc pas trop tard pour le ramener au temple avec lui et demander au Conseil de l’accepter comme initié. Un maître finirait peut-être par se charger de son apprentissage. Au moins il ne grandirait pas dans les banlieues de Panescan… Mais quoi qu’il en fût, la volonté de la Force était claire : il devait s’occuper de lui. Il finirait par croiser son chemin à nouveau, il en était sûr. Etait-ce ce que Qui-Gon avait ressenti lors de sa première rencontre avec Anakin ? Cette impression floue d’obligation provenant d’une puissance supérieure à lui ?
Décidément, tout depuis l’arrivée de la Grande Conseillère dans sa vie semblait devenir de plus en plus compliqué, plus rien n’était simple comme ça l’avait toujours été, il découvrait sans cesse des choses qu’il n’avait pas soupçonnées. Obi-Wan se rappela alors son but initial et repartit d’un bon pas en direction du consulat.

~*~