Fi Kchabec- Donne-moi tes bâtons de la mort, ordonna Fi.
- Ils sont à moi, protesta Sorvairs.
- Ils sont à Sorvairs Kzel. Mais aujourd'hui, on est les gardes du corps de Miri et Lenya, ce qui veut dire qu'on ne doit pas avoir de drogue sur nous. Si tu te fais attraper avec ça, ne compte pas sur moi pour te libérer de prison ou même empêcher ton exécution.
- Bon, je vais en laisser... quelques-uns, dit le Jenet en sortant trois bâtons de sa veste.
- Tous, insista Fi.
Sorvairs tendit deux autres bâtons à l'humain en lui faisant un sourire faussement approbateur, puis retourna ses poches pour lui prouver sa bonne foi. Fi posa les petits cylindres sur une table du vaisseau. L'équipe était arrivée près de l'endroit de l'exposition quelques heures à l'avance pour repérer les lieux et infiltrer le système informatique de la salle. Ukel et Anya avaient intégré les fausses identités de Miri et de Lenya dans la liste des invités sans problème et devaient rester sur place pour désactiver le système de sécurité de l'artefact.
Pendant que les deux chefs de l'équipe discutaient du plan un peu plus loin, avec Cardan et Arty qui avaient abandonné la mission et l'ancienne esclave Kanno qui s'était enfuie, Fi et Sorvairs se préparaient pour leur rôle. Leur nouveau compagnon, Faahiëo, leur avait déniché des habits à leur taille à un prix abordable. Ils se composaient d'une combi-pantalon bleu marine recouvrant tout le corps, d'une petite veste à poches de la même couleur, de chaussures noires et d'une large ceinture également noire. Ces uniformes étaient faits d'un matériau légèrement rembourré spécialement pour ce métier et étaient portés notamment sur la planète natale du Laïzien, selon les dires de ce dernier.
- Ça me plaît vraiment pas de jouer les gardes du corps... grommela le Jenet. C'est fait pour les molosses corelliens de se taire et de se tenir droit. Ça te fait rien, toi?
- Non, répondit l'intéressé. Parce que je ne le fais pas pour moi. Je le fais pour toute ma planète. Si cet artefact peut réellement rétablir l'équilibre sur Mastaria, je ne vais pas laisser passer cette chance. Alors pour une fois, tais-toi et laisse les femmes parler. Tu dois observer et repérer les menaces potentielles, ne me fais pas regretter de te faire confiance.
Sorvairs ne répondit que par un léger grognement en dévisageant son accoutrement. À ce moment, la porte de la pièce s'ouvrit sur Lenya et Miri. Elles portaient toutes les deux une robe simple et élégante venant également du Laïzien et Miri semblait être aussi à l'aise que Sorvairs dans son habit chic.
- Vous êtes prêts? demanda la Kiffar. Il y a assez d'invités pour qu'on passe inaperçu, c'est le moment d'y aller.
***
Les quatre visiteurs surprises s'engouffrèrent dans la foule de hauts dignitaires et de marchands d'exception entourés par leur propres gros bras. La trentaine de personnes était réunie dans la cour pour la réception. Certains étaient aux tables entre collaborateurs ou amis, d'autres se tenaient près du buffet et du bar. Fi et Sorvairs suivirent les deux femmes au travers des robes excentriques, toges et costumes sobres. Lenya se dirigea naturellement vers les plats proposés et se choisit un petit biscuit sucré. Elle en offrit un à Miri, mais celle-ci refusa.
Fi, dans son rôle d'armoire à glace silencieuse, guettait les alentours. Il vit soudain un homme assez frêle mais grand s'approcher d'eux avec jovialité, il tapota le bras de son équipier qui semblait pour sa part guetter les hors-d'oeuvre. Le Mastarien ne reconnaissait pas l'espèce de cet homme qui ressemblait à un Céréen. Il avait certes le crâne allongé, mais sa peau était bleue et il était cyclope. Fi posa sa main sur sa ceinture, mais ne toucha rien. Il se rappela qu'il avait dû laisser son blaster dans le vaisseau, car les armes étaient interdites à l'exposition. Tout le monde avait été fouillé à l'entrée pour éviter les mauvaises surprises. L'inconnu sourit aux faux gardes et s'arrêta devant les jeunes femmes.
- Bonjour mes amies. J'espère que vous vous accommodez bien, dit-il avec empathie.
Celles-ci lui rendirent son sourire et se présentèrent.
- Eora Leevi, fit Miri. Je suis ravie de vous rencontrer, monsieur.
- Seeya Run, de Blaster Intek, poursuivit Lenya.
- C'est un plaisir de faire votre connaissance, mesdemoiselles. Je suis Djiyilïse, Z-H-Y-L-E-E-Z en Aurebesh, homme d'affaires indépendant, se présenta l'alien. Je peux vous demander quel est votre domaine de travail?
- Aussi bien les armes de poing que les fusils snipers, répondit la Kiffar. D’ailleurs, Blaster Intek travaille sur la mise au point de canons ioniques. Bien sûr il s’agit encore de prototypes, mais nous ne doutons pas de leur utilité future.
- Des prototypes d'armes? J'ai quelques amis ici-même avec qui vous pourriez faire de bonnes affaires. Si vous le voulez bien, je peux vous les présenter.
- Des amis, dites-vous?
- Oui, suivez-moi.
L'alien cyclope conduisit le groupe vers ses amis d'un pas pressé.
- Après tout, cette guerre n'a pas que des mauvais côtés... renchérit Miri en chemin. Elle fait avancer la science.
- Vous avez bien raison, mademoiselle Leevi. Tout ce qui peut être bénéfique pour la paix et l'économie de la Galaxie mérite d'être étudié.
Ils arrivèrent devant trois autres aliens qui étaient en train de discuter, secondés par leur garde personnelle. Les amis en question étaient un Twi'lek à la peau verte, une Rodienne, verre à la main, et enfin, un Jawa que Fi et les autres connaissaient malheureusement trop bien. Na'rrac'sev s'était vêtu pour l'occasion et était toujours et encore accompagné par son Kaleesh.
Massanak! jura intérieurement le Mastarien. Son regard glissa de Sorvairs, qui lâcha un grognement presque imperceptible, à Lenya, qui jeta un oeil furtif vers Miri, puis à celle-ci, qui serra les poings et les desserra aussitôt. Le Kaleesh mit la main à sa ceinture en voyant les vieilles connaissances approcher, mais Fi remarqua que son holster était vide. Il semblerait que même le Jawa n'ait pas pu échapper à la règle anti-armes de l'hôte.
- Je vous présente Na'rrac'sev, homme d'affaires indépendant, développa Zhyleez, Kass't Prev, indépendant également et Jalde Modres, représentante de Flax Technologies, oeuvrant dans les implants sous-cutanés et les améliorations cybernétiques. Les amis, mesdemoiselles Eora Leevi et Seeya Run de Blaster Intek.
Narrac se retourna vers les deux jeunes femmes et sourit. Kass't et Jalde firent un signe poli de la tête en guise de salutation.
- Ravi de vous rencontrer, mesdames, s'exclama-t-il.
- Tout le plaisir est pour nous, monsieur Sev, répondit sarcastiquement Lenya.
- C'est également un plaisir... ajouta l'ancienne assassin. Décidément, ces soirées sont pleines de personnes intéressantes. Je ne m'attendais pas à rencontrer quelqu'un comme vous ici.
- C'est ce qui fait le charme de ces petits cocktails. On ne s'y ennuie jamais, renchérit le Jawa.
- Je veux bien vous croire. Alors, les affaires sont florissantes?
- Toujours, ma chère. Et les vôtres?
- Le marché est propice à nos activités, alors je dirais que tout va à la perfection, malgré une concurrence omniprésente.
- Par ailleurs, reprit Lenya, il semblerait que vous seriez intéressé par certains types d’armes? Dites-en nous plus.
- Oh, un peu de tout, madame. Blaster Intek est un bon fournisseur, et toujours à la pointe de la technologie et du bon goût.
- Vous nous flattez, monsieur, ironisa Miri.
- Ce n'est là que la vérité, mesdames.
Voyant que les nouveaux venus semblaient bien s'entendre avec leur ami, Zhyleez et Kass't s'éclipsèrent du groupe d'un commun accord. Jalde resta à les écouter, le temps de terminer son verre. Le reste de la conversation porta sur une fausse discussion des marchés appuyée par des sourires forcés des interlocuteurs.
- Maintenant, si vous voulez bien nous excuser... J'ai cru apercevoir une connaissance que j'aimerais saluer, mentit Miri.
- Passez une bonne soirée, monsieur Sev.
- Je vous en prie. Nous aurons sûrement l'occasion de nous revoir. Passez une bonne soirée.
Sur ces mots, Miri fit mine de se retourner pour partir, mais se résigna en voyant la Rodienne s'éloigner vers le bar. Ils étaient maintenant seuls à seuls et pouvaient parler librement.
- Vous avez fait une grave erreur en quittant Mastaria. Vous ne sortirez pas vivants d'ici, reprit le Jawa de son air grave que Fi connaissait.
- Laissez-moi vous faire mentir, Narrac. Un conseil, d'ancien assassin à autre ancien assassin : laissez tomber. Vous risquez de tout perdre.
- Vous vous croyez impressionnante mademoiselle Kosvar, mais vous n'êtes rien d'autre qu'une enfant pathétique. Continuez de vous bercer d'illusions, votre mort n'en sera que plus drôle.
- Je ne pense pas que vous soyez en position de me regarder de haut... conclut Miri en se retournant et s'éloignant. Ça se complique...
- On fait quoi maintenant? demanda Fi aux femmes. Il n'était pas censé être ici.
- Il faut prendre l’artefact au plus vite, répondit Lenya.
- On maintient le plan, en résumé. Sauf qu'il faudra courir plus vite... ajouta Miri.
- Si les autres se dépêchent. Il faut les avertir.
- Je m'en occupe, dit le Mastarien.
Les oreillettes que portaient Sorvairs et lui étaient reliées à Ukel et Anya qui jouaient les gardes des caméras dans la pièce de surveillance vidéo. Comme elles étaient toujours communicantes, les deux autres infiltrés avaient entendu toute la conversation.
- On est là, répondit l'Arkanienne.
- Vous auriez pu nous prévenir qu'on allait être avec ce Jawa, bordel! s'énerva Sorvairs à voix basse.
- On ne l'a pas aperçu parce que... euh... vous voyez... il est... bégaya Ukel.
- On a compris, le coupa Fi. On est prêt à récupérer l'artefact, préparez-vous à désactiver sa sécurité.
- J'ai le doigt sur le bouton, reprit le scientifique. On attend votre signal.
À ce moment, un bruit aigu de microphone résonna dans l'air. Les invités convergèrent vers les tables, l'équipe suivit la foule. Un micro sur pied et un lutrin étaient placés sur une petite scène pour annoncer un discours. Un Néimoidien au couvre-chef impressionnant y monta les trois marches. L'assemblée l'accueillit par de chaleureux applaudissements auxquels la Kiffar et sa compagne participèrent. L'homme sourit et leva la main pour demander le silence, ce à quoi tout le monde obéit.
- Merci, merci, commença-t-il le plus sympathiquement du monde. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Aldor Soylon, l'organisateur de cette soirée. Je vous souhaite la bienvenue dans ma demeure personnelle. En fait, dans une de mes demeures personnelles. Je suis charmé que vous ayez accepté mon invitation et, pour certains, que vous ayez passé plusieurs jours dans l'hyperespace pour vous rendre jusqu'ici. J'ai choisi les meilleurs de la Galaxie et les plus prometteurs pour cette exposition privée. Vous y verrez des chefs d'oeuvre d'artistes de tous les domaines et des trouvailles rares que beaucoup n'imagineraient pas voir dans leur vie, même pour ceux dont la longévité est exceptionnelle. Ah, vivre des centaines et des centaines d'années dans cette merveilleuse Galaxie, le seul luxe que je ne pourrai jamais me permettre.
Cette dernière ironie fit rire plusieurs convives, mais en agaça aussi certains. Fi se contenta de rouler les yeux devant tant de prétention et d'élitisme.
- Je ne vous ferai pas attendre plus longtemps, continua l'hôte. Rappelez-vous seulement qu'au coucher du soleil commencera la vente aux enchères de quelques objets pour les intéressés. En attendant, les portes vous sont ouvertes!
Le discours de Soylon se conclut par des applaudissements enjoués. Deux grandes portes s'ouvrirent sur l'intérieur du bâtiment luxueux, la foule y coula comme une rivière dans un fleuve. Un grand nombre de peintures étaient affichées sur les murs et des présentoirs montraient divers objets protégés par des cages en verre sûrement renforcées. Les complices dans la salle de surveillance avaient déjà repéré le but de leur visite. Fi les contacta aussitôt entré.
- On est à l'intérieur, dit-il. Ça a été plus facile que prévu...
- On vous voit, fit Ukel. On va vous guider jusqu'à l'artefact. Laissez seulement les invités se disperser un peu.
- Compris.
Il répéta l'information aux deux invitées qui acquiescèrent. Pendant qu'ils faisaient le tour des pièces pour laisser passer le temps, l'humain profita du moment pour regarder cette fameuse collection. Quelques masques cérémoniels par-ci, une peinture d'une espèce disparue par-là, c'était à vrai dire impressionnant, mais Fi était trop préoccupé par l'artefact pour y être admiratif. Après quelques minutes à se fondre au décor, l'équipe suivit enfin les indications d'Ukel et Anya grâce à un plan organisationnel des lieux. Ils passèrent devant une robe royale de Naboo, un cristal Kyber verdâtre, une pièce de crédit républicain datant de plus de 2000 ans et d'autres babioles venant des quatre coins de la Galaxie.
Puis ils arrivèrent enfin devant l'artefact qui pourrait sauver Mastaria. Fi n'en avait jamais entendu parler et ne l'avait jamais vu, il espérait donc que toute cette aventure en ait valu la peine. À la place désignée se trouvait une sphère pleine de couleur rouge sang qui avait la grosseur d'un poing. Elle était presque parfaitement lisse, mais le temps avait dû avoir raison de sa résistance à l'usure. Il y avait aussi un trou assez creux de la taille d'un auriculaire adulte dans l'objet. Cette "pierre mastarienne sans nom" qui, selon sa plaque descriptive, "appartenait à Ranol II, souverain de Mastaria comme son père avant lui", était peut-être leur seule chance de restituer le trône de la planète à son propriétaire légitime. Comme le Dug Samumbo leur avait dit, la plaque expliquait qu'"un échantillon de sang vous permettrait de savoir si vous faites partie de la lignée des Ranol".
- Allez les gars, c'est maintenant ou jamais, dit Lenya à voix basse.
- C'est maintenant, répéta Fi à l'attention d'Ukel. Je vais le prendre.
- Une seconde... et... c'est bon! s'exclama le Togruta.
Fi souleva la cage de protection pour s'emparer de la pierre et glissa l'objet dans une des poches intérieures de sa veste bleue.
- Je l'ai! dit Fi pour leur ami.
- Dégageons d'ici, cracha Sorvairs.
- D'accord, confirma Ukel. On va vous guider jusqu'à la sortie arrière où Faahiëo vous attend déjà. On vous rejoindra tout de suite après.
- On vous écoute, répondit Fi.
Le Togruta les mena à la porte arrière qui était isolée de toute l'exposition. En les voyant arriver, les deux gardes de la maison s'avancèrent pour les arrêter, mais Fi et Miri les mirent à terre rapidement, malgré la robe de cette dernière. Ils passèrent la sortie et tombèrent sur leur ami qui était adossé contre le cadre de la rampe de son vaisseau, quelques mètres plus loin.
- Entrez messieurs-dames, lança-t-il gaiement.
- Je crois bien que c'est un stationnement interdit, blagua Lenya.
- J'attends les autres et on fout le camp d'ici, ajouta le propriétaire en souriant à la blague.
- Eh bien, c'était facile, fit Sorvairs, presque surpris du succès de la mission.
- Trop facile... s'inquiéta l'ancienne assassin. On devra être encore plus sur nos gardes qu'avant. Narrac ne nous aurait pas laissé voler l'artefact sans raison.
Fi monta à bord du vaisseau où Sorvairs et lui se débarrassèrent de leur équipement superflu. Les deux derniers membres de l'équipe arrivèrent à la course et la rampe d'accès se referma derrière eux. Le Laïzien, déjà aux commandes de son engin, le fit décoller et le propulsa dans l'espace pour qu'ils soient assez loin de la planète. Quand il revint dans la pièce où les autres étaient regroupés, Fi tenait la pierre rouge dans ses mains, des étoiles dans les yeux. Il croisa le regard enjoué du pilote, puis remarqua que tous les autres le fixaient, comme s'ils attendaient qu'il dise quelque chose. Faahiëo brisa timidement le silence.
- Ils nous ont sûrement vu décoller, mais Aldor ne voudra pas qu'on sache qu'un objet de sa collection a été volé, donc il ne rendra pas l'histoire publique. Alors, où est-ce qu'on va?