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Chapitre 13 : Cauchemar sans Fin
 
Je suis arrivé trop tard, se dit Kyp Durron en arrivant sur les lieux et en constatant le carnage. Il venait juste de recevoir le message de Tolet Tolfa l’informant qu’un raid ayant pour cible son protégé allait avoir lieu, et il avait bondi dans son vaisseau, le Dorsk 81. Ce petit vaisseau d’exploration, dont le nom était un hommage à son ami disparu, le clone de la planète Khomm, qui avait sacrifié sa vie pour sauver l’Académie Jedi, était l’appareil rapide et discret qui avait permis à Durron de traquer Kano et de le capturer. Kyp était donc arrivé rapidement sur les lieux. Il n’avait eu aucun mal à repérer la maison de Teydo, sentant grâce à la Force le lieu où son élève avait grandi.
Son premier geste fut de se précipiter aux côtés de Golpi Rilim. N’importe qui aurait jugé que le soldat était mort, mais le champ de la Force indiquait le contraire à Kyp. Il émanait encore de lui une parcelle de vie, et une volonté de survivre hors du commun. Teydo lui avait raconté que Golpi avait survécu par miracle lors de l’attaque du convoi, quatre ans auparavant. Une fois encore, l’agent secret s’était accroché à la vie, et Kyp arrivait juste à temps. Il enviait la chance de Teydo, mais la résistance de Rilim était tout aussi spectaculaire. Ce type a de l’énergie à revendre, pensa Durron. Dommage qu’il ne soit pas Jedi.
Quand Golpi le vit arriver, il tenta d’ouvrir ses yeux injectés de sang.
– Mon Dieu, murmura Kyp. Qui a pu te mettre dans un état pareil. Si c’est Kano…

Pour l’heure, le Maître Jedi ne s’était pas soucié de la disparition de Teydo Pa’aja. Faire survivre Golpi était déjà une tâche ardue. Le blessé essaya de bouger, mais Kyp l’en empêcha. Il se servit de la Force pour pénétrer l’esprit de Golpi, et parvint à minimiser l’idée de la douleur dans sa tête. Il appliqua ensuite ses mains sur les blessures du soldat, apportant quelques soins. Son amie la calamarienne Cilghal, qui avait été comme lui une des premières élèves de l’Académie et qui avait développé d’épatants dons de guérisseuse Jedi, lui avait appris quelques trucs de base.
– Tu vas t’en tirer, mon vieux, fit-il, essayant de se convaincre lui aussi.
Il n’avait pas encore mesuré l’étendue des dégâts. Une multitude d’os avait été fracassés, à divers endroits. Golpi cachait si bien sa douleur… Kyp fut tenté de l’interroger sur ce qui s’était passé, mais il était évident que, malgré toute sa bonne volonté, le soldat n’était pas en mesure de parler.
Pourtant, il avait été le seul témoin des évènements. Kyp ignorait quand Tolet, son espion zhin, l’informerait, et il avait donc besoin des informations de Golpi. Avec beaucoup de chance, une immersion prolongée dans une cuve bacta devrait le remettre en état de s’exprimer. Quant à être remis complètement, c’était une autre histoire.
Avec une infinie précaution, Kyp fit léviter l’invalide, évitant soigneusement de le brusquer. Il le poussa psychiquement vers l’extérieur. Le Dorsk 81 attendait dehors, et Kyp allongea doucement le corps sur la couchette du vaisseau. Il le laissa quelques instants pour inspecter plus en profondeur la maison de son apprenti. Le toit avait été défoncé, le mobilier ravagé, et des traces noires témoignaient d’un duel au sabre laser. En examinant de plus près, il distingua trois traces différentes. Kano n’est donc pas venu seul. A-t-il trouvé ce fameux Jedi Noir ?Il faut à tout prix que Tolet ou Golpi Rilim me dise ce qu’il s’est passé. Si quoi que ce soit est arrivé à Teydo, je ne me le pardonnerai jamais. Et quelqu’un devra payer.

Il commença à regretter d’avoir confié cette mission à Kano. C’était un jeu dangereux, et il avait peut-être permis à un criminel sanguinaire de retrouver sa liberté. Qu’à cela ne tienne, il le rattraperait à nouveau. Mais le problème était que d’autres personnes avaient subi les conséquences de ses actes. Teydo était peut-être déjà mort, et il ne pouvait être certain que Golpi allait s’en sortir.
Il quitta le lieu désolé, et le Dorsk 81 décolla peu après. Ses codes prioritaires lui permettraient de gagner au plus vite le meilleur centre médical de Coruscant.

– Vous avez raison, Kano, faisons table rase du passé. Une nouvelle ère de coopération s’ouvre aujourd’hui. Nous allons mettre la Nouvelle République à genoux, de même que cet incapable de traître de Pellaeon, et son pseudo-Empire.
Alors comme ça, pensa Kano, c’est cet incompétent qui m’a donné la chasse sur Tabal. C’est par sa faute que Marvic est mort… Et je me retrouve à faire des courbettes pour lui plaire !
Kano cacha de son mieux son mépris lorsqu’il répondit au Moff Danika. Le groupe composé des deux Jedi et des commandos cachés en renforts venait de revenir de sa mission de capture sur Koltary, et le Moff Danika était venu à bord du Survivant pour y rencontrer le fameux Kano.
– Absolument, Votre Excellence. Ces Rebelles comprendront vite qu’ils ne seront jamais débarrassés du Côté Obscur de la Force. L’Empereur a laissé un héritage.
Danika était le type même d’hypocrite que Kano exécrait. L’humain gras, aux cheveux blancs mal coiffés et à la toge ridicule, symbolisait bien à quel point les indépendantistes impériaux étaient pitoyables. Kano ne les aurait jamais imaginé comme étant une menace sérieuse s’ils ne s’étaient pas entourés de deux Jedi Noirs. S’ils n’avaient pas indirectement causé la mort de Marvic Sanaka. Et s’ils ne l’avaient pas fait accuser à leur place… En fait, Kano savait que déjà, du temps de Palpatine, la Cour Impériale était un ramassis de flagorneurs et d’incompétents. Mais ce Danika était tellement insupportable…
– Mon amnésie a été salutaire, fit Kano. Elle m’a permis de me réorienter. De choisir la bonne voie. Je suis libre de choisir mon camp. Je choisis celui qui vaincra. Le vôtre, Votre Altesse.
– Parfait, parfait. Je tenais à m’excuser pour… le petit incident qui vous a fait perdre la mémoire, et je…
– Je vous ai dit que cette amnésie avait été bénéfique. N’en parlons plus.
Tu me prends vraiment pour un imbécile ? se dit Kano. Je sais pertinemment que vous m’avez emprisonné, et que ma fuite vous a pris au dépourvu. Tout comme mon amnésie…
La nuit précédente, alors que Teydo Pa’aja était emprisonné, Kano avait fait un rêve. Une nouvelle fois, il estimait qu’il s’agissait d’images de son passé.

Il était dans la cellule même où Teydo était à présent retenu. On ne l’avait pas battu, il était nourri, mais personne ne lui parlait. Il y était depuis un bon bout de temps déjà, il en était persuadé. La durée dépassait peut-être même une année, voire deux… Kano avait fait son possible pour se maintenir en état : exercices physiques, entraînement à la Force, etc…Il tenait à être en pleine possession de ses moyens s'il devait avoir une occasion de s'échapper. Bizarrement, ses geôliers prenaient plutôt soin de lui.
Il continuait à attendre cette occasion. Il ignorait pourquoi on le retenait. Les gardes venaient par cinq, pour éviter que l’un manipulé par la Force se retourne contre un unique autre. Mais une fois, Kano avait joué en finesse. Il avait fait ployer l’esprit de l’un d’entre eux pour lui faire croire que le vaisseau était attaqué. Il avait quitté son poste, suivi par un des ses collègues. Kano en avait profité pour ordonner mentalement à un des trois gardes restants de le libérer. Ses camarades l’en avaient empêché, mais le contrôle de la Force était trop fort, et il avait abattu un garde. Les deux autres s’étaient purement et simplement entretués. Il n’avait eu aucun mal à les influencer, puis à récupérer la carte d’ouverture de la cellule, grâce à la Force. Quand les deux autres étaient revenus, Kano les attendait, et n'avait eu aucun mal à les neutraliser.
En réalité, Kano avait choisi son jour en toute connaissance de cause. Pendant toute la durée de son « séjour », il avait perçu la présence à bord d’un Jedi, qui devait être Reez. Celui-ci aurait senti toute tentative de contrôle par la Force, et aurait empêché Kano de fuir. Mais ce jour là, le Jedi avait quitté le navire. Cette erreur avait permis à Kano de lever le camp.


La suite du rêve avait été plutôt floue. Kano avait récupéré son sabre laser, avait subtilisé un vaisseau et avait mis le cap sur Tabal. Où les défenses du blocus avaient dû l’abattre, provoquant son trou de mémoire. Il s’était alors réveillé dans la jungle, chez le sullustéen Gwadj Olan.
Kano commençait à y voir clair. On l’avait capturé, et entretenu pendant une durée indéterminée. Les archives de Coruscant stipulaient que Kano avait rejoint le Côté Obscur deux ans auparavant, et Kano estimait donc avoir été enfermé pendant cette durée. Pendant ce temps, on commettait des crimes, certainement en empruntant son apparence. Les manipulateurs devaient envisager de le relâcher en temps voulu pour qu’il soit arrêté et que eux soient en sécurité. Kano avait réussi à rester en bon état ces deux longues années, au prix d'efforts auxquels il préférait ne pas penser. Deux années à croupir dans une cellule, et il avait gardé un esprit sain dans un corps sain. Il s'épatait lui-même, bien que d'un point de vue physique ceux qui le retenaient prisonniers l'avaient bien traité. La Force avait dû l'aider à ne pas sombrer dans la démence.
Kano avait fui, mais finalement, le plan avait fonctionné, favorisé par l’amnésie. Kano avait été accusé, ne se souvenant de rien, et n’avait même pas pu se défendre. En désespoir de cause, il avait rejoint les indépendantistes. Du moins, c’était ce qu’ils croyaient.

Le jeune Jedi abrégea la conversation avec le Moff.
– J’espère que le Maître appréciera mon présent. Je crois savoir que ce Pa’aja a de la valeur à ses yeux.
Il regarda Danika et Zosskan d’un air entendu et tourna les talons. Il était satisfait d’avoir appris qu’il y avait bel et bien un Maître derrière tout ça. Cependant, ce dernier n’était pas dans les parages : Kano ne ressentait que la présence de Teydo et de Reez. Teydo… Kano se demandait s’il n’avait pas aggravé son cas en le livrant au Maître. Teydo allait souffrir. Une mort rapide sur Koltary aurait peut-être été préférable. Kano souffrait de ne pouvoir venir en aide à son ami. Par sa faute, Marvic avait été tué, Alera emprisonnée, Edo détruit, il ignorait le sort de Golpi Rilim et le tour de Teydo arrivait. L’existence de Kano valait-elle tous ces sacrifices ?
La seule consolation de Kano serait de mettre un terme aux agissements de ce groupe d’indépendantistes, et de leur leader Jedi Noir. Par n’importe quel moyen.

Les rêves révélateurs encourageaient Kano. Il pensait bientôt être en mesure de reconstituer tout le puzzle. Petit à petit, la mémoire lui revenait. Parfois, sous une forme insignifiante, comme la peluche talz de son enfance dont il s'était brusquement souvenu, d’autres fois par des images de sa mère ou de ses amis. Il avait eu des souvenirs de son séjour, long de trois années à l’Académie Jedi. Teydo Pa’aja avait rejoint Yavin IV quatre ans après, et avait connu Kano lors de ses fréquents passages sur la planète.
Après les trois années basiques, Kano, selon les archives de Coruscant, avait quitté l’Académie en compagnie de son maître. Ils avaient travaillé comme ambassadeurs dans l’affaire de Caamas, et cela malgré l’âge de Kano, 15 ans. Il se souvenait vaguement de cette période. Il se souvenait avoir continué à voir Teydo, qui avait à son tour quitté l’Académie pour rejoindre Kyp Durron. Il se voyaient régulièrement.
Les souvenirs s’arrêtaient là. Selon les archives, Kano avait disparu deux ans auparavant, alors que son maître avait été tué dans des circonstances étranges. Puis Kano avait ressurgi pour commettre une multitude de crimes abjects. Il avait logiquement été accusé du meurtre de son maître. Enfin, Kyp Durron l’avait capturé.
Kano avait l’intime conviction que cette partie ne faisait pas partie de son histoire. Au fond de lui, les souvenirs vagues qui reliaient sa disparition et son réveil sur Tabal étaient d’avoir été enfermé dans la cellule de Teydo pendant un bon bout de temps. Il semblait donc évident que quelqu’un s’était fait passer pour lui pour commettre ces forfaits. Quand le vrai Kano était réapparu, il avait été accusé à tort. Il le savait. Malheureusement, personne ne partageait sa conviction. Sauf ceux qui avaient tout manigancé. Kano se jura d’arracher les preuves de son innocence.

Ses réflexions furent interrompues quand il tomba nez à nez avec un escadron de stormtroopers, accompagnés de Reez, toujours aussi sournois. Il tenait en respect un humain en piteux état, qui faisait de son mieux pour garder un peu de dignité.
Par le sabre de Skywalker, qu’est-ce qu’ils t’ont fait… Kano lutta pour ne pas hurler en voyant le corps de son ami Teydo Pa’aja. Reez avait dû s’en donner à cœur joie. Le visage du jeune Jedi était couvert de bleus, comme le reste de son corps. Visiblement, on l’avait soigné au bacta pour guérir ses fractures et le maintenir en vie pour faire durer les réjouissances. A cet instant, Kano eut envie de faire jaillir son sabre laser et de tailler en pièces tous les impériaux. Mais il devait continuer son jeu.
– Je vois que vous savez traiter nos invités, fit Kano, se forçant à sourire à Reez en évitant de rencontrer le regard de Teydo.
– Ce type est solide, fit Reez dans son basic lamentable. Le Maître va s’amuser.
Kano frissonna. Teydo n’était pas au bout de ses peines. Il devait faire quelque chose.
– Je suis curieux de voir ça. On part quand ?
Teydo redressa péniblement la tête, et Kano déglutit avec peine en voyant ses yeux injectés de sang. Le Jedi de Koltary parvint à articuler quelques mots.
– Espèce de fils de Sith ! cracha-t-il à Kano. Tu le payeras...
Ces paroles, qui auraient dû blesser Kano, le réconfortèrent. Il connaissait Teydo, et n’avait senti aucune rancœur dans son ton et dans son esprit. Teydo devait avoir compris à quoi jouait Kano, et perfectionnait sa couverture en simulant sa colère à son encontre. Néanmoins, Kano perçut de la peur. Si Teydo comprenait la mission, il ignorait qu’il était le sacrifice nécessaire au succès. Il devait espérer que Kano avait prévu quelque chose pour le tirer de là.
Reez fit taire Pa’aja, le frappant violemment à la tête.
– La ferme, vermine. Vous, fit -il à Kano, vous restez ici.
– Je refuse. J’estime avoir le droit d’assister à l’interrogatoire – ou l’exécution, on verra – de ce Jedi. C’est moi qui l’ai ramené. Et je veux voir le Maître.
– Vous le verrez en temps voulu, pas avant ! rugit le gran. Fichez moi le camp.
Kano fit un effort pour se calmer. Jusqu’ici, Reez avait fait semblant de respecter Kano comme le Maître. A présent que les masques étaient tombés, il se lâchait.
Il n’eut pas le choix. Teydo lui adressa un dernier regard, mi-rassuré mi-désespéré, alors que Reez le traînait vers le hangar des navettes. Kano serra les poings, voyant peut-être son ami pour la dernière fois. Il refusait que ce regard soit le dernier, comme avec Marvic, Edo et Alera. Il y avait déjà eu suffisamment de victimes, mais il ne pouvait rien faire pour l’instant. Quelques minutes plus tard, il ne perçut plus Reez et Teydo dans le champ de la Force. La navette avait dû quitter le système via l’hyperespace, menant le malheureux Teydo dans l’antre du monstre. Le repaire du Maître.

Tolet Tolfa observa la réaction de Kano. Il devinait qu’il faisait de son mieux pour cacher sa détresse. Depuis peu, l’espion zhin se sentait du côté de sa cible. Son analyse le poussait à croire à son innocence. Il n’y avait pourtant aucune preuve à fournir à Durron. Ce dernier allait se mordre les doigts si cette opération coûtait la vie à son élève et ami Teydo Pa’aja. Et tous les arguments de la galaxie auraient bien du mal à protéger Kano du courroux du Maître Jedi.

Teydo Pa’aja se réveilla dans une drôle de position. Il était couché à même le sol, sans la moindre entrave. Cependant, à sa plus grande surprise, il fut incapable de bouger. On l’avait à nouveau soigné, et il se sentait capable de se lever, mais n’y parvint pas. Il resta cloué au sol, incapable du moindre geste. Il avait l’impression d’avoir perdu son corps. Cette sensation le déconcerta particulièrement.
Soudain, la petite pièce dans laquelle il se trouvait s’éclaira intensivement, l’éblouissant. Il voulut fermer les yeux ou se les cacher, sans y arriver. Il réussit à supporter la lumière intense. Il ne pouvait même pas bouger les yeux. Son champ de vision lui permit de voir qu’il était entièrement nu, et la lumière l’empêchait de voir où il se trouvait. Une nouvelle fois, il tenta de bouger une jambe. En vain. L'impression était troublante. Il ne pouvait même pas forcer, comme si son esprit avait perdu tout contrôle sur son corps. Il n’avait ni chaud, ni froid, ni sommeil, ni faim, ni soif, rien. Le néant absolu. Comme la fin d'une existence.
Ca y est, songea-t-il. Ils se sont débarrassés de moi. Je vais revoir ma famille. Une voix le ramena à la réalité.
– C’est désagréable, n’est-ce pas, fit la voix, froide et métallique.
Teydo voulut chercher du regard son interlocuteur, qui éclata d’un rire sardonique.
– Excuse-moi, j’avais oublié que tu ne pouvais pas répondre ! Alors, tu découvres ce que tu m’infliges depuis des années !
Teydo ne comprit pas. Je connais ce type ? Il fouilla dans ses souvenirs. Il n’avait jamais provoqué cet effet bizarre sur un individu. Pas à sa connaissance. Et il ne pouvait même pas demander à qui il avait l’honneur.
– Tu te souviens de moi ? C’est par ta faute que, depuis quatre longues années, je vis dans ce maudit caisson, privé des sensations élémentaires, réduit à être une âme habitant une machine !
Malgré la sonorité électronique due au caisson de survie, Teydo perçut aisément de la haine dans la voix de l’homme. Plus inquiétant, il perçut le Côté Obscur dans toute son horreur. Néanmoins, il ressentit également une profonde tristesse, une détresse sombre.
– Ca te revient ? reprit la voix du Maître. Je n’étais qu’un jeune homme à l’époque. Cela ne t’a pas empêché de mettre en surchauffe les réacteurs du destroyer, me destinant à une existence sombre, m’ôtant les plaisirs que la vie et le Côté Obscur auraient promis à mon corps ! Tu m’as tout pris, Teydo Pa’aja ! Tout !
Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Soudain, Teydo se remémora. C’était juste avant qu’il ne découvre ses pouvoirs de Jedi. Il était une jeune recrue de l’Armée Républicaine. Il avait la charge d’un convoi, apparemment banal, mais qui transportait du matériel précieux pour l’Académie Jedi, et qui avait attiré les convoitises impériales.
La mission lui revenait. Golpi avait failli perdre la vie. Teydo avait infiltré le destroyer ennemi, et avait bel et bien eu affaire à un gamin utilisant la Force. Oui, il l’avait laissé griller dans les réacteurs internes du vaisseau. Il n’avait alors pas réalisé qu’il tuait un enfant.
Mais il était dangereux, se dit Teydo pour se justifier. C’était lui ou moi. J’ai été récompensé pour ça ! Mais personne n’avait su que le terrible Jedi Sombre n’avait qu’à peine seize ans. Or Teydo Pa’aja jugeait avoir abattu un individu qui représentait une menace réelle. Tant de républicains avaient péri dans cette affaire...
– Ne cherche pas à t’excuser ! se mit à brailler le Maître. Tu vas payer, misérable Jedi.
Ce type est vivant…songea le Chevalier Jedi. C’est incroyable. J’aimerais voir dans quel état il est à présent. Comment a-t-il pu survivre ?
Comme en réponse à son interrogation, la lumière baissa d’intensité et une porte s’ouvrit. Un bruit de répulseurs indiqua que le caisson de survie du Jedi Noir se déplaçait. Il vint se placer dans le champ de vision de Pa’aja.
– Tu vois, maudit Jedi, ce que tu as fait de moi ? Regarde bien !
Teydo, toujours incapable de bouger, ne put fermer les yeux. Il vit le triste spectacle du caisson empli de bacta. Le corps avait bel et bien été détruit. Par un miracle certain, l’esprit avait survécu. La Force devait y être pour quelque chose. Teydo avait entendu parler des moines Bo’marr de Tatooine, qui transféraient leur esprit et leur cerveau dans un corps mécanique doté d'une substance spécifique. Le Jedi Noir avait dû s’inspirer de leurs techniques.
– A toi de connaître cette sensation, fit le Maître. Les moines Nataï utilisaient la substance que je t’ai administrée pour se libérer des entraves physiques. Bien sûr, ils dosaient pour pouvoir être libres de revenir quand ils le voulaient. Mais pour toi et pour moi, le programme est différent. Nous sommes condamnés. Enfin, je te condamne, tant que je t’administre ce dosage. Nous partagerons la souffrance. Et crois-moi, ce n’est pas cet imbécile de Kano qui va te tirer de là !
Teydo comprit alors que son immobilité était due à une sorte de drogue hallucinatoire. Alors que celle du malade qui le torturait était bien réelle.
Le caisson se déplaça encore, et Teydo ne put plus le voir.
– Mais un jour, nous serons libérés tous les deux…
Le Maître s’arrêta un instant avant de s’expliquer.
– Depuis quatre ans, je cherche un hôte pour mon esprit. J’ai « habité » de nombreux corps. J’en ai même créé pour l’occasion. Mais aucun n’a su m’accueillir convenablement. Aucun n’a été capable d’héberger une telle source de pouvoir. Aucun ne m’a mérité.
"Pendant deux ans, j’ai gardé ce misérable Kano. Son corps m’intéressait au plus haut point. J’avais compris que seul un Jedi confirmé pouvait recevoir un tel niveau de Force. D’autant que Kano avait certaines… prédispositions. Je voulais briser sa volonté, chasser toute parcelle de son esprit, pour placer le mien en lui. Je voulais que Kano ne soit plus qu’une coquille vide, prête à être habitée."
"Tout se passait comme je le voulais. J’avais presque réussi, ses souvenirs disparaissaient, sa volonté allait en faire de même. J’avais même pris soin de son enveloppe charnelle, ne tenant pas à récupérer un déchet. Il était bien traité. Mais il m’a trompé. Cet espèce de larve de Hutt s’est fichu de moi ! Il a fui. Et voilà que cet imbécile revient tout droit dans mes pattes ! Mais j’ai de nouveaux projets pour lui."
"Tu vas prendre sa place. Vois-tu, Teydo Pa’aja, je vais te détruire. Tu vas avoir l’honneur d’être mon hôte. Bien entendu, tu ne seras plus là pour en profiter. Nos souffrances s’arrêteront simultanément quand je prendrai ta place. J’aurai enfin un corps stable et toi… tu n’existeras plus. Ta maîtrise de la Force va te permettre de recevoir mon pouvoir. Et il paraît que tu plais aux femelles…"

Malgré tous ses efforts, Teydo fut dans l’incapacité physique de rétorquer quoi que ce soit. Le type était un malade. Teydo pouvait éprouver un minimum de compassion envers cet homme privé de corps, mais ses délires sur la prise de possession des corps étaient de la pure science-fiction, digne des pires holo-Z corelliens. Cela n’arrangeait pas la situation du jeune Jedi. Contrairement à Kano, il ne serait pas en position de fuir. La seule consolation était qu’il ne serait certainement pas torturé physiquement. Le Maître voulait récupérer un corps en bon état.
– Tu te dis peut-être que je baratine, poursuivit le Jedi Noir. Mais tu ignores ce qui t’attend. Cette position te détruira bientôt le moral, tu ne souhaiteras qu'une chose : que cela cesse, d'une manière ou d'une autre. Et ce n’est pas tout. J’ai plein d’autres projets pour toi. Tout d’abord, tu seras l’instrument de la chute de Kano. Il me rejoindra pour de bon du Côté Obscur de la Force. C’est son destin, il est né pour cela. Il n’y peut rien. Tu vas m’y aider. Et ensuite… tu découvriras un monde d’horreurs qui te donnera une telle envie de mourir que tu m’offriras ton corps avec plaisir pour que je t’achève. Crois le ou non Jedi, tu finiras vite par vouloir m'accueillir à bras ouverts pour que cela cesse !
La porte se referma violemment, laissant Teydo Pa’aja avec ses craintes. Il n’avait qu’une seule consolation : quand il sortirait d’ici, il réduirait à néant la machination contre Kano. Le Maître en avait trop dit. Kyp Durron écouterait son élève. Il lui suffirait d’un mot pour innocenter Kano.

Alors que le Jedi Kano dormait paisiblement, Tolet Tolfa s’entretenait avec son employeur Kyp Durron. Après quelques minutes, il coupa la communication. Malgré les conséquences de cet événement, Tolet faisait confiance au Jedi depuis l’altercation sur Koltary. Il en avait fait part à Durron, mais le Maître Jedi restait sceptique, tout en tenant compte des observations de son espion. En fait, Kyp était troublé par l’implication de son élève et ami Teydo Pa’aja dans cette affaire. Jusqu’à présent, il n’y avait aucun signe montrant que Pa’aja était encore en vie. L’espion zhin devait maintenant également découvrir ce qu’il était advenu de l’élève. Bien sûr, cela se répercuterait sur ses honoraires.
Kano se leva lentement. Tolet Tolfa allait se cacher, mais savait que c’était inutile. Kano s’habilla lentement, et s’arrêta soudainement, fronçant les sourcils. Tolet songea qu’il devait percevoir quelque chose par la Force.
– Teydo… murmura le Jedi.
Il l’avait senti dès son arrivée à bord, et fut soulagé. Son ami était encore vivant, même après son « interrogatoire » par le Maître. Il y avait encore un espoir de le sortir de là.

Teydo Pa’aja avait perdu la notion du temps. Il réalisait seulement sa souffrance. Depuis combien de temps supportait-il cela ? Il savait que ce n’était qu’un rêve. Mais ce rêve se répétait des milliers de fois, fouillant dans son passé pour en retirer toute la douleur. Il se voyait lui, Teydo Pa’aja, pleurant sur les tombes de sa famille. Il voyait le B-Wing de son père explosant sous les tirs de l’Executor lors de la Bataille d’Endor. Il voyait l’X-Wing de son frère Lizki percuter un vaisseau de la flotte Katana au cours de la guerre contre le Grand Amiral Thrawn. Il voyait son frère Trame tué dans l’attaque du Complexe de la Gueule de l’Amiral Daala. Il voyait son frère Rena torturé par les Yevethas. Il voyait Golpi Rilim poussant des râles de souffrance sur le sol de sa maison. Son ami de Coruscant, Quasy Br'asn, avait aussi péri dans de terribles circonstances, et il en vit les images. Enfin, il voyait sa mère, morte de chagrin, le suppliant de vivre vieux. Il revivait la douleur, le cœur déchiré, les larmes chaudes sur ses joues, la torture des pertes successives. Il avait réussi, après des années et en s’investissant dans sa formation de Jedi, à chasser ces cauchemars et à accepter la disparition de sa famille. Kyp Durron l’y avait aidé.
Par un sombre procédé démoniaque, son bourreau était allé chercher ses pensées les plus douloureuses et les projetait sans discontinuer dans son esprit. Le Maître mettait son projet à exécution, massacrant psychologiquement le Jedi, brisant ses barrières mentales pour ne plus faire de lui qu’un pantin disloqué, vivant avec sa seule douleur. Teydo ne pouvait même pas se réveiller, se lever pour chasser ces idées. En fait, il ne dormait pas. Il était toujours étendu, immobile. Il avait senti qu’on le transportait, probablement était-il à nouveau à bord du Survivant.

Teydo était prêt à accepter son sort. Mais il ne supporterait pas que le Maître utilise sa douleur pour faire plonger Kano dans les abîmes du Côté Obscur.
Le rêve s'acheva par une image de lui hurlant sa souffrance au sommet d'une falaise de Koltary. Puis, sans laisser de répit à Teydo, le rêve recommença. Inlassablement.
Pleurer ou hurler aurait été un réconfort relatif. Mais Teydo ne pouvait même pas le faire. Il ne pouvait que subir cette douleur. Les larmes s'accumulaient, mais elles ne pouvaient pas sortir. Les cris de rage ne retentissaient que dans son esprit. Il revit son père mourir, il revit Lizki, Trame, Rena, Quasy, sa mère, Golpi. Et encore une fois. Une douleur inimaginable, une tristesse qui ne pouvait même pas éclater.
Teydo aurait voulu tout laisser tomber, préférant mourir que de souffrir éternellement. Mais il ne put rien faire qu'attendre. Et subir, encore et toujours.
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