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Ozymandias
 
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21/03/2001
Et voici la minute littéraire du jour. :)
Je ne parle pas ici de l'Univers Etendu, mais de Littérature avec un grand L: Percy Bysshe Shelley, poète britannique du XIXe siècle.
Le site Themestream a publié un long article comparant l'un de ses sonnets à une scène de La Menace Fantôme située sur le sanctuaire Gungan. L'article donne aussi une analyse très intéressante des relations Naboo/Gungans présentées dans le film. En voici la traduction:

Ozymandias Rencontre Boss Nass
par Paul McDonald
12 mars 2001

J'admets que je vais pousser le symbolisme de STAR WARS EPISODE I: LA MENACE FANTOME à son extrême limite, mais à un certain niveau, ça semble fonctionner.

La meilleure façon de commencer, c'est avec un des poèmes les plus connus et les plus publiés de Shelley, un sonnet que je présente comme le point de rencontre entre la littérature du XIXe siècle et la culture populaire de la fin du XXe siècle:

J'ai rencontré un voyageur venant d'un pays antique
Qui m'a dit: Deux immenses jambes de pierre sans corps
Se tiennent dans le désert. Près d'elles, sur le sable,
A demi enterré, un visage brisé gît, dont les traits sévères,
et les lèvres plissées, et l'expression froide de commandement
Révèlent que le sculpteur a su bien lire ces passions
Qui survivent encore, imprimées sur ces choses sans vie,
A la main qui les a imitées et au coeur qui nourrissait;
Et sur le piédestal ces mots apparaissent:
"Mon nom est Ozymandias, roi des rois:
Regardez mes oeuvres, ô puissants, et désespérez!"
Il ne reste rien d'autre. Autour des débris
De ces ruines colossales, infinis et nus
Les sables plats et déserts s'étendent au loin.


On a souvent considéré qu'OZYMANDIAS avait une morale simple et directe, à savoir l'hypocrisie des rois. Cet élément est certainement présent; la statue brisée témoigne d'oeuvres et de civilisations qui ont apparemment été envahies depuis longtemps par les sables du désert, et par là le piédestal proclame plus d'ironie que de louanges. Mais comme avec tout ce qui concerne Shelley, les choses sont plus compliquées que ne le fait paraître une revue superficielle du texte.

Afin d'établir un parallèle entre ce poème et une scène clé de LA MENACE FANTOME, je n'ai qu'à montrer qu'il s'agit d'un poème de contradiction. La dualité est très présente dans le Romantisme. C'est un mouvement construit sur des opposés.

On retrouve cette fracture, cette fragmentation inhérente dans OZYMANDIAS. Le poème n'est pas à la première personne, le narrateur est un voyageur d'un "pays antique". Il parle de "jambes de pierre" qui sont "immenses" mais paradoxalement "sans corps". Un "visage" gît sur le sable au lieu d'être au sommet de la statue, et se trouve incomplet. Il est "brisé" en morceaux et "à demi enterré" dans le sable. Tout n'est que "choses sans vie" et "il ne reste rien d'autre". L'arrogance est toujours présente malgré son état de décadence, mais c'est une arrogance née d'une polarisation, d'éléments disparates qui ne sont pas correctement agencés.

Cette situation est analogue à celle d'une certaine scène et d'un certain personnage dans LA MENACE FANTOME. Ce n'est que spéculation de ma part, mais Lucas et Shelley sont tous les deux des poètes, qu'ils utilisent des images ou des mots, et il est inévitable qu'ils finissent par approcher quelque chose d'une façon similaire.

Dans LA MENACE FANTOME, la luxuriante et verdoyante planète Naboo est envahie par la Fédération du Commerce. Deux sociétés vivent sur cette planète: des humains, les Naboo, et des êtres amphibiens, les Gungans. Ces deux civilisations ne sont pas en guerre, mais elles s'évitent, ignorant le "cercle symbiotique" qu'elle partagent de fait. Les armées droïdes de la Fédération du Commerce déplacent les deux populations, envahissant leurs habitations; les Naboo sont placés dans des camps d'emprisonnement, et les Gungans sont chassés de leur magnifique cité sous-marine. C'est après que toutes les autres possibilités sont épuisées qu'ils sont forcés à se tourner l'un vers l'autre pour s'en sortir.

Les Naboo sont dirigés par une reine jeune et inexpérimentée appelée Amidala, qui plusieurs fois pendant le film échange sa place avec une de ses servantes et devient Padmé Naberrie, une simple paysanne. Par contraste, les Gungans sont menés par Boss Nass, un dirigeant puissant qui a déjà refusé de reconnaître le lien entre son peuple et celui des Naboo, ce qui lui a coûté la plus grande partie de son territoire. Quand le public le voit pour la première fois, il est installé sur un trône légèrement surélevé (un peu comme Amidala) et déclare aux Jedi venus demander son aide qu'il ne se préoccupe pas des Naboo. Un peu comme OZYMANDIAS, il montre ses sentiments par "des traits sévère", des "lèvres plissées", et une "expression froide de commandement".

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Observation: Boss Nass et la Reine Amidala ont tous les deux un conseil qui les aide à gouverner. Chaque conseil est installé en demi-cercle. Ce n'est que lorsque les deux conseils sont réunis que l'idéal du cercle parfait peut se réaliser.
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La scène suivante avec Boss Nass se passe dans le Sanctuaire où se sont réfugiés les Gungans après l'invasion des droïdes. Cette fois, il est approché par Amidala et ce qui reste de la force de sécurité Naboo. Le Sanctuaire est une clairière envahie de vigne et de mousse au bord d'un marécage.

Le décor de cette scène semble très important, comme si le paysage lui-même était une métaphore de ce qui va se passer là. Il était aussi parsemé de ruines très Shelleyennes, un grand temple qui s'était effondré en "ruines colossales". Dans le roman adapté du film, Terry Brooks les décrit: "Seuls les plates-formes et les escaliers restaient intacts, les colonnes et le toit s'étant effondrés et brisés depuis longtemps. Des têtes et des membres massifs de statues de pierre sortaient de la boue, les doigts enserrant des armes, les yeux aveugles regardant dans le vide". Le temple était prétendument si ancien que personne ne se souvenait à qui il appartenait, ce qui en fait très certainement un "pays antique". C'était le décor de l'effondrement d'une civilisation, mais aussi de sa possible renaissance. Le marais lui-même est le lieu de rencontre de deux opposés, la terre et l'eau, la première représentant les Naboo, la seconde les Gungans.

Avant d'examiner le magnifique échange entre Boss Nass et Amidala, je pense qu'il est nécessaire de montrer qu'il existe une symbiose dans le poème, et pas seulement une polarisation. Dans l'esprit Romantique, les opposés existent toujours, mais on essaie la plupart du temps de les réconcilier. Ozymandias est incomplet. Tout ce qui reste de la statue, c'est un visage brisé et deux jambes sans corps. Mais le roi orgueilleux n'est pas le seul élément de l'équation.

Il y a le sculpteur sans qui la statue n'aurait jamais existé. Les sculpteur a su bien lire les "passions" de son sujet, et le poème mentionne "la main qui les a imitées" et "le coeur qui nourrissait". Ainsi, l'artiste et son sujet sont liés dans une sorte de cercle symbiotique perpétuel. Sans l'un, nous n'aurions pas connaissance de l'autre. Ils se complètent, à la fois littéralement et métaphoriquement. Le sculpteur a une main et un coeur, et vraisemblablement un torse, tandis que la statue a deux jambes et une tête. Dans le contexte du sonnet, ils ne forment un être humain complet qu'une fois réunis. Et sans chacun deux, nous les lecteurs n'aurions pas de poème.

Les Naboo, artistes et pacifiques, et les Gungans, simples et guerriers, fonctionnent à peu près de la même manière, du moins d'un point de vue culturel.
La scène du Sanctuaire se passe quand les deux civilisations, l'une primitive, l'autre moderne, ont été brisées et doivent aller l'une vers l'autre. Les deux dirigeants ont été éloignés de leur trône. Ainsi, une clairière dans un marais est l'endroit idéal. Le voyageur du poème a approché Ozymandias sur des "sables plats", tout comme les Naboo approchent les Gungans sur un pied d'égalité, du moins métaphoriquement.

Bien sûr, Boss Nass, encore incapable de renoncer à sa fierté, domine tout le monde du haut d'une tête de statue tombée. C'est littéralement un "visage creux", et le symbolisme est évident.
La scène commence après que le maladroit Gungan Jar Jar Binks, une merveilleuse contradiction à lui tout seul (un paria qui circule dans deux mondes sans appartenir à aucun, et qui pourtant aide à faire du cercle symbiotique une réalité), mène les Naboo aux Gungans. Sabé, une servante, joue le rôle de la Reine au cas où ils seraient capturés par la Fédération, et c'est elle qui approche d'abord Boss Nass. Il reste indifférent à son appel à l'aide, rendant les Naboo responsables de l'invasion des droïdes.

La véritable Reine Amidala est en arrière, habillée en servante, mais elle réalise vite qu'elle seule peut raisonner avec Boss Nass. Il existe un magnifique livre de l'Episode I pour les jeunes lecteurs, écrit par Jude Watson, qui donne un sublime récit de cette scène. Le livre est écrit comme un journal tout au long de l'histoire, et donne un aperçu des pensées et sentiments personnels de la Reine.

"Ca n'allait pas marcher," écrit Watson par la voix d'Amidala. "Je le savais, le ressentais dans un éclair de lucidité. Sabé pouvait faire tant de choses en tant que Reine. Mais ça elle ne pouvait pas le faire. Amidala ne pouvait pas le faire. Elles devaient le faire toutes les deux."

Ainsi, Amidala ne pouvait pas réconcilier les dualités conflictuelles des Naboo et des Gungans tant qu'elle ne résolvait pas celles de sa propre psyché. Elle est tant de choses à la fois. Une jeune fille mais aussi une dirigeante. Une pacifiste mais aussi une combattante. Une Reine mais aussi une servante. Une dirigeante passive ("Je ne cautionnerai pas une escalade qui nous mène à la guerre"), mais finalement agressive ("Je vais reprendre ce qui nous appartient"). Au final, ces contradictions s'expriment dans deux personnalités fragmentées et opposées: la froide et sévère Amidala, la chaleureuse et compatissante Padmé.

Mais dans cette scène, ce qui se trouvait incomplet s'assemble. Comme Amidala le proclame dans son JOURNAL, "J'étais satisfaite. Les deux parties de mon être s'emboîtaient. Je pouvais presque entendre résonner le déclic alors que les deux contradictions ne faisaient plus qu'une". Son triomphe personnel sur la dualité semble entraîner une réaction en chaîne.

Elle se tient devant Boss Nass et annonce son intention de former une alliance. Les contradictions commencent à s'effacer, tandis qu'elle se tient habillée en servante tout en acceptant le titre de Reine. Dans le script, elle s'adresse à Boss Nass avec passion, déclarant avec diplomatie: "Même si nous ne sommes pas toujours d'accord, nos deux sociétés ont toujours vécu en paix. La Fédération a détruit tout ce que nous avions mis tant de temps à bâtir. Vous êtes en exil, mon peuple est prisonnier. Si nous n'agissons pas rapidement, tout sera perdu à jamais... Aidez-nous je vous en prie... ou plutôt je vous en supplie". Elle s'agenouille alors devant les Gungans. Elle s'adresse à lui en tant que Reine, mais s'agenouille en soumission, la dichotomie n'étant plus son ennemie. "Nous sommes vos humbles serviteurs" déclare Amidala en faisant preuve d'une adroite psychologie inversée. "Notre destin est entre vos mains".

Après un instant de réflexion, Boss Nass réalise que les Naboo ne se considèrent pas supérieurs à son peuple. Il éclate d'un rire tonitruant, et déclare dans son dialecte, "Missa 'précie ça. Noussa peut-être bons amis". Les Naboo et les Gungans s'unissent, acclamant ensemble cette déclaration. Les cris de joie des créatures sont indistinguables de ceux des humains, et à la fin, ils se rassemblent, élaborent un plan, et reprennent leurs territoires respectifs.

Pour conclure, la scène finale du film montre une gigantesque célébration dans les rues de Theed, la capitale des Naboo. Après une immense procession, la Reine Amidala remet solennellement le Globe de la Paix à Boss Nass, et les deux se tiennent côte à côte en haut des escaliers du palais. Tout au long de LA MENACE FANTOME, Amidala porte un magnifique assortiment de robes, et la dernière est tout simplement angélique. Trisha Biggar, la costumière du film, a expliqué que la robe de la célébration devait être "très légère et magnifique, avec l'allure d'une robe de mariée". L'ironie est présente, qu'elle soit intentionnelle ou non. La dernière scène est fondamentalement un mariage de polarités. Elle montre l'union, non pas d'un homme et d'une femme, mais de deux cultures distinctes.

Shelley lui-même n'aurait pas pu mieux l'exprimer.


Vous pouvez retrouver l'article et le poème original ici.
Parution : 21/03/2001
Source : Themestream.com
Validé par : Lili
Section : Films > Prélogie
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