Depuis Coruscant : Un documentaire diffusé sur l’un des réseaux Holonet de Coruscant a suscité quelques remous parmi les ses spectateurs. Réalisé par Ho’li Verstonn, célèbre cinéaste doublé d’un militant ayant pris parti contre la Guerre des Clones, La Menace Fantôme (ainsi est-il intitulé) n’accuse rien moins que le Chancelier Palpatine d’avoir sciemment recherché le conflit, sans égard aux négociations qu’il aurait mené avec la plus grande hypocrisie.

A grand renfort de documents d’archives – de provenance parfois douteuse – et d’interviews, Verstonn dresse un portrait sans nuance du Chancelier, le décrivant comme un homme sournois, démagogue, assoiffé de pouvoir. A cet effet, le film sombre souvent dans l’excès, compilant les petits détails énigmatiques sans nécessairement leur donner une grande cohérence, rebondissant difficilement de pièce annexe en pièce annexe. A suivre l’exposé, si tant est qu’il soit aussi clair, Palpatine aurait pactisé avec certains Jedi pour se commander une armée de clones dont il savait que l’intervention amènerait la guerre avec les factions séparatistes. Le film insinue ainsi, sans réellement franchir le pas, qu’il aurait commandité l’attentat contre la Sénatrice Amidala – dont on sait qu’il a été planifié par le Comte Dooku – parce qu’elle avait manifesté son opposition à la création de la Grande Armée de la République. Et tout en négociant avec les émissaires des secteurs en voie de dissidence, le Chancelier aurait soigneusement préparé l’attaque des bases séparatistes sur Geonosis, y expédiant à la dernière minute l’élite des formations clones et plusieurs commandos Jedi. Le but est d’assurer, par le biais du vote sur les pleins pouvoirs, la domination totale de Palpatine sur le Sénat, et un retour en force des Jedi dans l’arène politique. On connaît la suite...

Il va sans dire que Verstonn s’égare souvent dans les méandres de sa paranoïa. En tout état de cause, l’accusation faisant de Palpatine un pion de l’Ordre Jedi, ne résiste guère à l’analyse. Le Chancelier, s’il a certes collaboré avec les « Êtres de Lumière », tient également à s’en démarquer, et la guerre a bien montré que le fossé s’était creusé entre lui et eux. Par ailleurs, le film est victime d’une pénurie de sources fiables : diffuser par exemple l’extrait d’une conversation entre l’ex-Chancelier Valorum et un Sénateur à propos des ambitions de Palpatine est une chose, en établir la véracité en est une autre. Faute de reposer sur des fondements solides, La Menace Fantôme s’échoue fréquemment sur les écueils de la vérité.

Certaines questions posées par le film n’en sont pas moins troublantes. Il est un fait que le Chancelier Palpatine négociait fiévreusement un arrangement avec les Séparatistes. Mais il est aussi avéré que l’intervention républicaine sur Geonosis a été à la fois soudaine et brutale. Or, de qui dépendent ces troupes ? Qui était alors le Commandant en Chef des Armées ? Qui, sinon celui qui venait de se faire attribuer les pleins pouvoirs ? Si l'on songe au continuel renforcement des prérogatives du Chancelier Palpatine depuis l'ouverture des hostilités, les thèses extrêmes de Verstonn acquièrent une saveur particulière. Voire inquiétante.

Du côté des Jedi, aucune explication satisfaisante n’a été apportée quant à leur présence sur cette planète avant l’attaque des clones, pas plus que sur la rapidité de réaction des nouvelles légions produites par Kamino. Plus dérangeant encore, ces dernières auraient été commandées voici plus de dix ans par un Maître Jedi anonyme – et Verstonn de nous signaler, avec un clin d’œil entendu, que ce Jedi a péri peu après la passation de ce « marché » ...

Tel est le film. Nous sortons de son visionnage secoués d'images fortes, voire enivrés, grisés, par cette version si simple de l'Histoire qu'elle en ferait oublier qu'elle n'est que simpliste. Le désenchantement cérébral reprend vite sa place, et la lucidité revient en force. Et l'on se rappelle que Verstonn n'ait que le produit - réussi - de millénaires de thèses de la conspiration.

Après la diffusion de l'holo-film, ni les Jedi, ni le Bureau du Chancelier ne se sont risqués au moindre commentaire. Et qui ne les comprendrait pas ? Ce n’est pas la première fois qu’est rendu public un pamphlet, si virulent soit-il, fustigeant le Chancelier Palpatine, les Jedi, la République… N’a-t-on pas vu certains illuminés clamer que la bataille de Naboo n’avait été qu’un vulgaire canular destiné à faire « tomber » le Chancelier Valorum, ou certains mystiques avertir les pauvres béotiens que nous sommes d’un imminent retour des guerriers Sith ?

Comme tout "conspirationniste", Verstonn va trop loin pour acquérir cette crédibilité qu'il revendique. Les théories du complot datent de la nuit des temps, se nourrissent de la peur et de l’ignorance. Il est certes plus facile de s’imaginer que l’Histoire résulte des machinations d’une poignée d’individus bien placés : une telle opinion nous évite d’avoir à nous pencher sur nos propres responsabilités, tant il paraît préférable à nombre d’entre nous de nous croire manipulés au lieu d’agir par nous-mêmes. Que certaines questions entourant la Guerre des Clones demeurent actuellement sans réponse et que la conduite de Palpatine ou des Jedi ait souvent été douteuse ne signifient nullement qu’il y a là matière à fantasmer sur une gigantesque conspiration cherchant à abattre la République, ou je-ne-sais quoi d’autre. La cohérence intellectuelle est à ce prix.

Garh Yson