StarWars-Universe.com utilise des cookies pour faciliter votre navigation sur le site, et à des fins de publicité, statistiques, et boutons sociaux. En poursuivant votre navigation sur SWU, vous acceptez l'utilisation des cookies ou technologies similaires. Pour plus d’informations, cliquez ici.  
Chapitre Premier : Retrouvailles
 

Le Smashing Stars réintégra l’espace normal au beau milieu de nulle part. L’étoile la plus proche se situant à trois parsecs de là, nulle lumière ne se réfléchissait sur le cargo. Seul l’éclairage émanant du cockpit aurait pu révéler sa présence à un éventuel observateur. Les réacteurs de l’engin s’éteignirent, et le Smashing se laissa flotter, inerte, au milieu de l’éternité. Dengar Xun se tourna vers le Questeur Slugh.

— Je crois qu’on va le laisser se reposer un peu. Il y a quelques réparations à effectuer. J’espère que Hierrulf ne nous en voudra pas trop.

Tubrah haussa ce qui lui tenait lieu d’épaules et ouvrit la porte du cockpit. Ils traversèrent le couloir pour rejoindre les autres dans la pièce principale. Ils les trouvèrent en train de détacher leurs ceintures.

Dengar s’approcha  du Rodien et se présenta.  Les deux pilotes échangèrent des compliments sur leurs talents respectifs.

Tubrah avisa les deux Gamorréens.

— Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire de vous ?

— Je les connais, intervint le Rodien. Voici Donk et Skarr. Ils sont OK. J’irais même jusqu’à dire qu’ils sont d’une rare intelligence pour des Gamorréens.

Il y eut quelques rires. Seuls Yurwick et Darcy, qui se tenaient à l’écart, ne semblaient pas vouloir partager cet instant de détente. Hierrulf s’approcha d’eux.

— Quelque chose ne va pas ? s’enquit-il.

Le Wookie poussa un grondement sinistre. Apparemment, il désirait qu’on les laissât tranquilles, lui et Darcy. Néanmoins, cette dernière leva la main.

— Laisse-nous, Yurwick.

Visiblement mécontent d’être ainsi évincé, le Wookie se leva néanmoins sans un mot, et partit rejoindre les autres.

Darcy fit signe à Hierrulf de s’asseoir à côté d’elle.

— Fran est morte, Hierrulf, dit-elle au bout de quelques instants.

Le jeune homme ne répondit pas tout de suite. Darcy semblait anéantie, au bord de la crise de nerfs.

— Je sais, finit-il par dire. Cela a beau être notre quotidien depuis des années, on ne s’habituera jamais à voir mourir ses amis.

Il marqua une pause avant de reprendre :

— J’ignorais que vous étiez si proches, toutes les deux.

Darcy eut l’air gênée.

Elle répondit néanmoins.

— Depuis quelque temps, on avait appris à se connaître un peu mieux. On s’était raconté nos vies, nos espoirs, tout le baratin habituel. Tu sais, c’était vraiment quelqu’un d’extra, une fille fantastique. Dire que nous nous sommes quittées sur un froid...

Les larmes lui remontèrent aux yeux.

— Que s’est-il passé ? demanda Hierrulf.

— Oh, c’est sans importance. De toute façon, maintenant...

Ils furent interrompus par Dengar Xun, qui posa brutalement ses mains sur les épaules de son coéquipier.

— Dites voir, il faudrait peut-être penser à ce qu’on va faire, maintenant. Je suppose qu’il va être difficile de retourner à bord du Crystal ! C’est toi le plus haut gradé, Hierrulf, c’est à toi de décider.

Hierrulf se leva, exaspéré.

— Très bien, fit-il. (Il s’adressa à Darcy.) On reparlera plus tard, si tu veux, OK ?

La jeune femme hocha la tête.

— Je voudrais avoir votre attention, lança Hierrulf aux autres passagers. Les conversations se turent immédiatement. Hierrulf poursuivit.

— Nous devons envisager l’hypothèse selon laquelle notre vaisseau porteur a été détruit. Cela implique que nous sommes livrés à nous-mêmes et que...

Le Defel l’interrompit.

— Il faudrait qu’on reparle de cette histoire d’espion, tu ne crois pas ?

— Chaque chose en son temps, Shadow. Si nous avons été vendus, ce ne sera pas la première fois, et nous ne pouvons rien y faire. Cela a toujours été ainsi. Nous-mêmes avons des espions au sein de l’Empire. Et même si cet espion est parmi nous en ce moment, il ne sert à rien de pousser la paranoïa trop loin : il ne peut plus contacter ses supérieurs, et de toute façon, le mal est déjà fait.

— Une chose est sûre, l’Empire s’intéresse de près à ce vaisseau que nous venons d’acquérir. Cela explique tout ce chambardement sur Coruscant. Quand j’ai demandé à Jodrow s’il existait une copie des coordonnées du vaisseau, il m’a dit qu’il en restait une trace dans ses banques de données centrales et qu’il l’effacerait plus tard. Hélas, il n’en a pas eu le temps. Nous avons été attaqués tout de suite après, et les impériaux se sont rendus maîtres de l’installation. Ce qui implique que les impériaux sont à présent en possession de ces données.

Des murmures inquiets parcoururent la petite assemblée.

Hierrulf reprit :

— Nous n’avons pas le temps de retourner à la base pour faire notre rapport à la Nouvelle République. Le temps qu’elle prenne une décision, les impériaux auront déjà mis la main sur le vaisseau. Non, notre seule chance de le garder, c’est d’aller le chercher sans plus tarder.

— Mais, protesta Tubrah, une expédition de ce genre, ça se prépare ! On a besoin d’une escorte, d’armes plus puissantes, de moyens quoi !

Hierrulf écarta les bras en signe d’impuissance.

— Il va falloir faire avec ce qu’on a. Nous pourrons toujours signaler notre position à notre base de Mon Calamari et demander des renforts, mais seulement une fois que nous serons sûrs de l’exactitude de ces coordonnées. Nous ne pouvons pas faire se déplacer la flotte pour rien et laisser Mon Calamari sans défense. Nous avons au moins un avantage sur les impériaux : le temps. J’imagine qu’il leur faudra une bonne journée pour extraire l’ordinateur de Jodrow des ruines du palais, puis encore pas mal de temps avant d’en craquer les codes d’accès. Nous, nous pouvons exploiter ces données dès à présent, ce qui nous donne une certaine longueur d’avance. Et puis, ajouta-t-il avec un léger sourire, nous avons le deuxième vaisseau le plus rapide de la galaxie !

 

Le Commandant Patler retourna le cadavre carbonisé du bout du pied. La vibro-lame était toujours logée dans le visage de Kane. Cette canaille nous aura au moins été utile à quelque chose, pensa-t-il. D’autant plus que l’on n’aura pas à lui reverser sa récompense. En ces temps difficiles, une dépense en moins était toujours la bienvenue pour l’Administration Impériale !

Il se tourna vers le groupe de stormtroopers qui fouillaient parmi les décombres.

— Vous avez trouvé quelque chose ?

— Pas encore, Commandant, répondit l’un des soldats, mais nous pensons que l’ordinateur principal devrait se trouver par-là.

— Accélérez vos recherches, fit Patler, avec un zeste d’impatience dans la voix, le temps nous est compté.

Puis il ajouta :

— Le temps vous est compté.

— B... bien, Commandant.

Patler fut content de l’effet produit par sa petite remarque. La peur du soldat était presque palpable.

Satisfait,  il  quitta  ce  qui  restait  de  la  salle  d’audience,  laissant  derrière  lui  les stormtroopers qui venaient d’accélérer la cadence de leur déblaiement.

Lorsqu’il fut sorti du palais, un officier lui tendit une feuille de papier plastifié.

— Commandant, je crois que vous devriez lire ce message.

Patler fronça les sourcils. Il s’empara du message, prit connaissance de son contenu. Un sourire sans joie se dessina sur ses lèvres, tandis qu’il empochait la feuille de plastique.

—  Je crois que j’ai une bonne nouvelle à annoncer à une jeune enseigne de ma connaissance.

 

— Tu crois que tu vas arriver à le réparer ? demanda Hierrulf au Defel. Sinon, je comprendrais, tu sais...

Shadow laissa la tête du droïd de protocole retomber avec un bruit métallique au milieu du tas de pièces détachées.

— Ne porte pas son deuil trop vite, l’ami, répondit-il. Je vais te le remettre sur pieds en moins de deux.

— Surtout, prends ton temps. Rien ne presse.

Shadow émit un petit rire, et s’attela à la tâche. Hierrulf le laissa à ses réparations, et se dirigea vers le cockpit.

Tubrah était déjà installé dans le siège du copilote. Hierrulf s’arrêta sur le pas de la porte et le considéra quelques instants. Comme Shadow, le Questeur Slugh appartenait à une espèce dont Hierrulf n’avait jamais rencontré le moindre spécimen auparavant. C’était l’un des rares avantages de l’enrôlement dans la Rébellion que de découvrir des peuples inconnus dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Quoiqu’en l’occurrence, Hierrulf s’en serait bien passé : à chaque fois que Tubrah quittait son siège, il en avait bien pour une heure de nettoyage !

Les Questeurs Slugh étaient une race d’invertébrés, assimilables aux mollusques de Véridel VII, qui peuplaient une planète assez éloignée du centre de la galaxie. Bien que d’une consistance assez fragile, ils pouvaient néanmoins évoluer dans n’importe quel environnement, grâce à leurs exo-armures mécaniques.

Hierrulf avait dû mettre pas mal de temps avant de s’habituer à l’apparence repoussante de la créature, mais il avait appris à l’apprécier, au même titre que le Defel, avec lequel Tubrah traînait d’ailleurs assez souvent. Ces deux-là étaient à vrai dire quasiment inséparables, bien que le Questeur Slugh fût nettement moins turbulent que son invisible compagnon.

— Tu as déjà calculé le saut en hyperespace ? lui demanda Hierrulf en se glissant dans le siège de pilotage.

— Oui, répondit Tubrah. J’ai entré les coordonnées il y a deux minutes. On devrait pouvoir y aller, à présent.

— Combien de temps avant d’arriver à destination ?

Le Questeur Slugh consulta le navicomputer.

— Environ six heures.

— Parfait. Hierrulf activa le comlink interne. Attachez vos ceintures, derrière. C’est reparti !

— Attends deux secondes, fit la voix du Defel dans le haut-parleur, je suis encore empêtré dans les fils de cette boîte de conserve !

— Eh bien, accroche-toi aux fils ! répondit Tubrah avec un large sourire, ou ce qui y ressemblait le plus.

Hierrulf lui fit un clin d’œil et, sourd aux protestations du Defel, baissa quelques leviers. En un instant, les étoiles laissèrent la place au maelström scintillant de l’hyperespace.

 

Les portes du turbolift s’ouvrirent silencieusement sur le Commandant Patler, qui s’avança prestement sur la passerelle du Hoth Victory. Aussitôt qu’elle le vit, une enseigne cria :

— Commandant sur la passerelle !

Tout le personnel de quart se mit instantanément au garde-à-vous. Patler les ignora superbement. Il balaya le poste de commandement du regard. Ne semblant pas trouver ce qu’il cherchait, il se dirigea droit vers la console de l’enseigne Devon.

— Où est-elle ? demanda-t-il froidement à la jeune femme.

— Je crois qu’elle est dans son bureau, Commandant.

Patler toisa l’enseigne un court instant.

— Je suppose que vous êtes contente ?

L’enseigne Devon rougit, visiblement gênée.

— Qui ne le serait pas en pareille occasion ? trouva-t-elle le courage de répondre.

Patler ne releva pas, et repartit aussi sec en direction du turbolift.

Cette enseigne Devon commence vraiment à m’exaspérer, pensa-t-il. Et juste au moment où je ne peux plus rien y faire !

Quelques minutes plus tard, il arrivait à destination. La porte était grande ouverte : il était visiblement attendu. Néanmoins, il pressa le buzzer, au lieu de pénétrer directement dans le bureau.

— Entrez, Patler, je vous attendais, fit une voix féminine.

Patler s’avança dans le bureau. Une silhouette blonde en uniforme lui tournait le dos, perdue dans la contemplation du ciel étoilé.

Patler se racla la gorge.

Le capitaine Fran Dimma se retourna.

— Content de me revoir, Commandant ?

— Bien entendu, capitaine. Je suis ravi de voir que vous êtes revenue indemne de cette périlleuse mission.

— Vraiment ? J’espère que vous ne vous êtes pas trop habitué au commandement de ce bâtiment, Patler, car à présent, je reprends les rênes. Pas trop déçu ?

Patler contempla la pointe de ses bottes.

— Chacun d’entre nous sert l’Empire à sa façon, capitaine. Ma place me convient parfaitement.

Fran  fit  une  moue dubitative. Elle n’avait jamais aimé  Patler. Trop sûr de lui, obséquieux, opportuniste, il avait toutes les qualités requises pour vite gravir les échelons dans la Marine Impériale, mais pas celles pour lui plaire à elle.

Ce sentiment était réciproque. Patler n’avait pas caché sa joie quand la Directrice Isard lui avait donné l’ordre, en guise de sanction pour une grave erreur tactique de sa part, de se charger personnellement de l’infiltration du Blue Bolt Squadron. Ce charognard avait dû espérer ardemment qu’elle ne revienne pas.

Eh bien, me voilà de retour, que ça vous plaise ou non !

Certes, cela n’avait pas été facile. Elle avait dû apprendre à assumer l’identité de quelqu’un d’autre, suivre un entraînement physique particulièrement intensif, et surtout revoir ses notions de pilotage. Dans tous les combats qu’elle avait menés aux côtés du Blue Bolt Squadron, elle avait réellement risqué de perdre la vie, mettant ainsi en danger le succès de la mission. Et même la mise en scène de sa « mort » héroïque n’était qu’à moitié fictive. Elle avait bel et bien manqué d’être réduite à l’état de bouillie sanguinolente en s’écrasant délibérément sur la plateforme trois cent dix-neuf. Mais elle s’en était sortie. Et quel résultat !

Ils avaient finalement pu mettre la main sur les coordonnées du vaisseau dont Kane leur avait signalé l’existence six mois auparavant. Dire que ce gros tas de graisse de Jodrow ne voulait même pas qu’ils en profitent ! Le vieux Hutt n’avait eu que ce qu’il méritait, et en cela aussi, la mission avait été un vrai succès : ils avaient enfin pu mettre un terme aux activités de Jodrow, dont ils avaient désespérément recherché la cachette des mois durant. Quand je pense qu’il était sur Coruscant pendant tout ce temps !

La seule ombre au tableau était la fuite des Rebelles et des hommes du Hutt. C’était d’ailleurs à ce sujet qu’elle avait convoqué Patler. Les Rebelles avaient en leur possession, eux aussi, la position exacte de l’appareil, et ils ne manqueraient pas d’essayer de s’en emparer avant l’Empire.

— Le décryptage des données de l’ordinateur du Hutt est-il terminé ? demanda-t-elle.

— Presque, répondit Patler. Nos techniciens pensent en avoir encore pour une heure ou deux.

— C’est trop long, s’impatienta Fran. Pendant ce temps-là, Hierrulf et les autres ont largement le temps d’atteindre le vaisseau avant nous !

— Ils font aussi vite qu’ils peuvent, capitaine, rétorqua Patler. L’informatique a aussi ses lois.

Fran lui tourna le dos, et laissa de nouveau son regard errer parmi les étoiles. Sans se retourner, elle posa une dernière question au commandant.

— À part moi, d’autres membres du Blue Bolt Squadron ont-ils été    tués ?

Patler fronça les sourcils. Pourquoi Dimma lui demandait-elle cela ? Ne se serait-elle pas un peu trop attachée à cette bande de va-nu-pieds de l’espace ? Il répondit néanmoins :

— Non, Capitaine. Nous n’avons trouvé aucune identiplaque militaire parmi les cadavres. Ce n’étaient que des contrebandiers.

— Dommage, fit Fran sans réelle conviction. Dommage... Très bien, Commandant. Dès que vous aurez les coordonnées, entrez-les dans le navicomputer et faites le saut hyperspatial. Nous n’avons pas de temps à perdre. Vous pouvez disposer.

— À vos ordres, fit Patler avant de quitter la pièce.

Fran éteignit les lumières de son bureau, et resta plongée dans le noir.

Darcy ! Tu es vivante !

Elle sentit des larmes de soulagement couler sur ses joues.
Chapitre Deux : Expédition
 

Hierrulf contempla le droïd de protocole. Il gisait, inerte sur l’établi, tandis que Shadow achevait de ressouder ses membres disloqués.

Après d’ultimes vérifications, le Defel éteignit le laser à souder et referma le clapet situé à l’arrière du crâne du robot. Il se tourna vers le jeune homme.

— Et voilà ! Il est comme neuf.

Hierrulf grimaça. Il aurait préféré que le Defel mette un peu plus de temps à réparer cette machine de malheur !

— Je suppose que je dois te remercier pour ton zèle ?

Il ne pouvait pas le voir, mais Hierrulf était sûr que le Defel souriait jusqu’aux oreilles. Celui-là, alors !

— J’espère que l’administration ne m’en voudra pas trop, fit Shadow, mais je me suis permis d’apporter quelques petites modifications à sa programmation de base.

Aussitôt, Hierrulf fut sur le qui-vive : il savait de quoi le Defel était capable.

— Quelles modifications ? fit-il d’un ton menaçant.

Le Defel recula de quelques pas.

— Tout beau, tout beau, mon grand ! Je suis quasiment sûr que ça va te plaire !

Hierrulf pointa un doigt dans sa direction.

— Shadow...

La créature invisible l’ignora, et se dirigea vers le corps inanimé de        C-4PO. Il activa l’interrupteur dans le cou du droïd.

Aussitôt, ses yeux jaunes s’illuminèrent, et la machine se redressa d’un bond. Il agitait ses bras dans tous les sens et étreignait l’air, comme s’il se battait contre un ennemi invisible.

— Où sont-ils, ces enfoirés ? demanda le droïd, hors de lui.

Hierrulf ne réagit pas tout de suite. Il ne réalisait pas ce qu’impliquait ce que le droïd venait de dire, et pour cause : il refusait d’y croire. C’était impossible, il avait dû mal entendre ! C-4PO poursuivit pourtant sa harangue :

— Si je mets la main sur celui qui m’a tiré dessus, il va passer un sale quart d’heure, c’est moi qui vous le dis !

Hierrulf éclata de rire. Il administra au Defel une grande claque dans le dos.

— Shadow, je t’adore !

Attirés par le tintamarre occasionné par le droïd, Grisson, Darcy et Yurwick vinrent voir ce qui se passait. Aussitôt, C-4PO se rua sur le Rodien et essaya de l’étrangler.

— Toi ! Misérable face d’insecte ! Si tu savais mieux piloter, je n’en serais pas là. Jamais ce sac à conneries de Defel n’aurait eu l’occasion de me trifouiller les entrailles !

Le pauvre droïd était donc conscient du changement qui s’était opéré en lui ! Plus amusé qu’effrayé, Grisson désactiva le droïd et se tourna vers la forme imprécise de Shadow.

— Je l’aime mieux comme ça, mais il ne pourrait pas être un tantinet moins agressif ?

Le Defel haussa les épaules, bien qu’un tel geste fût totalement inutile, étant donné que les autres ne pouvaient pas le voir.

— Je peux toujours altérer sa programmation pour qu’il soit un peu plus buvable, mais ça sera moins drôle !

La voix de Tubrah se fit soudain entendre dans le comlink.

— Objectif en approche. Arrivée à destination dans trois minutes. Hierrulf activa son propre communicateur.

— OK. J’arrive.

Il laissa les autres avec le droïd et le Defel, et partit en direction du cockpit. En chemin, il croisa les deux Gamorréens qui étaient en train de s’affronter aux échecs tridi. Ils le saluèrent tous deux, puis reprirent leur partie. Incroyable ! pensa-t-il. C’est vraiment le monde à l’envers : je fais ami-ami avec un Rodien, je reçois des Gamorréens dans mon vaisseau, et je déjeune avec un Hutt qui est plus sympathique que certains de mes supérieurs ! Qu’est-ce que l’avenir me réserve encore ?

Il arriva jusque dans la cabine de pilotage, où le Questeur Slugh préparait déjà le vaisseau à la rentrée en espace normal. Sur l’écran du navicomputer, les chiffres décroissaient rapidement. Plus qu’une minute avant la rentrée.

Hierrulf se sentit soudain mal à l’aise. Quelque chose n’allait pas, mais quoi ? Ce n’était pas de la peur, qu’il ressentait, mais plutôt la sensation qu’ils avaient oublié quelque chose d’essentiel.

Plus que trente secondes.

Hierrulf prit le bloc de données, le parcourut, et son regard tomba sur la légende qui accompagnait les coordonnées de l’appareil.

Il demanda brusquement à Tubrah :

— Tu as entré ces coordonnées telles quelles ?

— Oui, répondit l’autre. Pourquoi ?

Hierrulf ne prit même pas la peine de répondre. Il se jeta sur les commandes, et désamorça la vitesse lumière deux secondes avant la rentrée prévue par le navicomputer.

À l’extérieur, les étoiles retrouvèrent leur forme normale... pour être aussitôt occultées par une immense masse sombre, quasiment invisible sur le fond le noir de l’espace.

— Oh, putain ! jura le Questeur Slugh. Qu’est-ce que... ?

Les senseurs de proximité hurlèrent, les avertissant un peu tard qu’ils étaient sur le point de percuter quelque chose. Les phares du Smashing éclairèrent une vaste surface métallique, et Hierrulf eut juste le temps de redresser l’appareil pour éviter la collision. Il éloigna à toute vitesse le cargo de l’énorme masse obscure.

Lorsqu’ils furent hors de danger, Hierrulf, après avoir épongé la sueur qui perlait sur son front, se tourna vers son copilote.

— Espèce d’abruti ! Tu ne sais pas lire ?

— Quoi ? demanda le Questeur Slugh, pas encore remis de la frayeur qu’il venait d’éprouver.

Hierrulf lui montra les coordonnées.

— Regarde la légende : CE ! Coordonnées Exactes !

La compréhension, puis la honte mélangée à de la colère contre lui-même se lurent sur les traits de Tubrah.

— Bon sang ! J’ai programmé notre rentrée aux coordonnées exactes du vaisseau ! Quel imbécile ! Si tu n’avais pas été là, nous nous serions écrasés sur ce truc comme un insecte sur une vitre !

Le Questeur Slugh n’était pas entièrement fautif. En effet, la plupart du temps, les coordonnées d’un objet céleste figurant sur un bloc de données destinées à un navicomputer étaient des Coordonnées Approximatives (CA), pour que, lors de la rentrée, celle-ci se fasse légèrement en retrait par rapport à l’objectif. Les Coordonnées Exactes n’étaient en général utilisées que pour situer une planète sur une carte galactique officielle, et non pour effectuer un saut  hyperspatial.  Si  un  vaisseau  réintégrait  l’espace  normal  exactement  aux  mêmes coordonnées que son objectif, c’était la destruction assurée !

Tubrah, gêné, se tourna vers le jeune homme.

— Les autres sont obligés de le savoir ?

Hierrulf poussa un long soupir, avant de répondre :

— Je n’en vois pas l’utilité. Envoie plutôt un message par l’Holonet à notre base de Mon Calamari pour leur indiquer notre position. Les impériaux ne vont certainement pas tarder à arriver, et on aura besoin de renforts.

Tubrah s’exécuta. Il initialisa la procédure de connexion au vaste réseau Holonet, qui permettait de transmettre une communication à l’autre bout de la galaxie en un rien de temps. Rien ne se passa.

— Je crois que nous avons un problème, fit le Questeur Slugh. Impossible d’avoir l’Holonet. Nous avons dû prendre un coup sur la parabole de transmission. Je vais faire effectuer un diagnostic à l’ordinateur.

Il vérifia les données qui défilaient sur son écran.

— C’est grave, Médic ? demanda Hierrulf, d’un ton résigné. Parlez, je serai fort.

— Il n’y a pas de quoi rire, répondit Tubrah. Ta parabole est à moitié bousillée. Il n’y a plus que les communications à courte portée qui fonctionnent. Pas moyen de joindre Mon Calamari.

— Que si, fit Hierrulf. Nous n’avons qu’à utiliser la bonne vieille méthode du message dans la bouteille.

— Le message dans la bouteille ? demanda le Questeur Slugh, interloqué.

— Une ancienne technique, qui remonte à l’époque d’avant l’Holonet, fit le jeune homme. Les messages à longue distance étaient enregistrés sur un bloc de données, qui était ensuite  encastré dans une petite sonde  équipée d’un moteur hyperdrive. Il suffisait de programmer le mini-navicomputer de la sonde avec les coordonnées du lieu d’arrivée, et le destinataire recevait le message. Certes, ce n’était pas un moyen de communication très rapide, mais c’était toujours mieux que rien.

— Et tu as un de ces trucs sur le Smashing? lui demanda Tubrah.

— Bien sûr. J’ai pour habitude de parer à toute éventualité. C’est grâce à ça que je suis toujours en vie après toutes ces années.

Les spots du Smashing Stars n’étaient certes pas assez puissants pour éclairer ne fût-ce qu’un centième de l’énorme structure qu’il longeait, mais il ne faisait aucun doute dans l’esprit de ses passagers qu’il s’agissait bien là du vaisseau dont ils avaient vu l’holo chez Jodrow.

Ils étaient tous agglutinés dans l’étroit habitacle, ébahis devant le spectacle que leur offrait cette gigantesque forme imprécise et obscure qui semblait absorber toute lumière.

Shadow, pour une fois, était bouche bée. Ce fut néanmoins lui qui rompit le silence.

— Wahou ! Alors ça, c’est... c’est... Wahou, quoi !

Tubrah lui jeta un regard en coin.

— Dis-moi, Shadow, tu as fait des progrès en expression !

— J’étais juste en train de penser que ça ressemblait vachement à mon grand-père. En plus grand, bien sûr, mais il avait cette même façon d’absorber les particules lumineuses.

Hierrulf frappa dans ses mains.

— Bon allez, les enfants ! Fin de la récréation ! Il est temps de se mettre au boulot. Dégagez le cockpit.

Le Questeur Slugh fit mine de se lever.

— Non, pas toi, Tubrah. J’ai besoin de toi pour trouver une ouverture quelconque dans ce... machin.

Une fois qu’ils furent tous retournés à l’arrière de l’appareil, Hierrulf donna ses instructions.

— Écoute : on va d’abord passer ce mastodonte aux senseurs. Ensuite, si on trouve quelque chose, on avisera.

Le Questeur Slugh émit un rire gras.

— Tu viens de me rappeler cette fois sur Chandrilla où on t’avait demandé quel était ton plan.

— Et qu’avais-je répondu ?

—  « Voilà mon plan : on va improviser ».

Ils éclatèrent tous les deux de rire. Lorsqu’ils furent calmés, Tubrah initialisa la séquence de senso-scanning. L’image radar que les senseurs leur renvoyèrent correspondait tout à fait à l’holo.

— Au moins, fit Hierrulf, on est sûr que le Hutt ne s’est pas foutu de nous. Ce qui m’inquiète plus, c’est que je ne vois rien là-dessus qui ressemble à un hangar ou à une baie de lancement. Et pourtant, il doit bien y avoir un moyen d’entrer dans ce truc-là !

Hierrulf détacha son regard de l’écran et scruta les ténèbres qui s’étalaient derrière le cockpit, espérant y découvrir quelque chose qui aurait échappé aux senseurs.

Et c’est à cet instant qu’au beau milieu de cette mer d’obscurité apparut un mince fil de lumière, qui grandit, grandit, jusqu’à emplir tout l’espace devant eux.

L’humain et le Questeur Slugh se regardèrent.

— Un système d’ouverture automatique ! souffla Hierrulf.

Ils faisaient face à une vaste baie d’amarrage, très vaste, qui pourtant devait être de taille insignifiante par rapport au reste du vaisseau. Il émanait de l’ouverture béante une douce lumière blanche, qui semblait les inviter à entrer.

Hierrulf haussa les épaules.

— Après tout, on est là pour ça.

Il dirigea le Smashing à l’intérieur du monstre d’acier.

 

Les trois Ailes-A émergèrent de l’hyperespace près du système de Mon Calamari. Jeg Luxan, Anton Starwatcher et Moira Fedz étaient exténués. Ce séjour cauchemardesque dans les entrailles du Crystal, suivi de ces dix heures de voyage hyperspatial avaient drainé toutes leurs forces. Ils n’aspiraient plus qu’à une seule chose : se reposer. Et pourtant, ils savaient que cette récompense ne leur serait pas accordée avant qu’ils eussent fait leur rapport aux autorités de la Nouvelle République.

Jeg Luxan mit fin au silence radio.

— Nous voilà enfin arrivés. Pas trop nases, les bleus ?

— Ici Bleu Deux. Je n’en peux plus. Une douche ne serait pas de refus.

— Tu ne vas pas être déçue, alors, intervint Starwatcher. Tu es déjà allée sur Mon Calamari ? Il n’y a que de la flotte là-dessus !

Luxan eut un sourire fatigué.

— Ça doit vous changer de Tatooine, Bleu Cinq.

— Effectivement, Bleu Leader, répondit l’intéressé. Chez moi, on se douchait avec du sable ! C’est l’eau des pauvres !

Les trois pilotes rirent nerveusement à cette mauvaise blague. Ils étaient trop fatigués pour faire les difficiles !

Ils passèrent près des chantiers navals, qui orbitaient non loin de l’unique lune de la planète. Quelques vaisseaux étaient en pleine construction, d’autres en cours de réparation. La réputation des chantiers de Mon Calamari n’était plus à faire, mais, s'ils fournissaient l’essentiel de la flotte de la Nouvelle République, leur rendement était loin de suffire, comparé aux besoins du gouvernement provisoire. Les travaux de réparation et de contrôle technique opérés sur les vaisseaux actuellement en service mobilisaient plus de la moitié du personnel, ce qui ralentissait considérablement la cadence de construction des nouveaux appareils. Le seul espoir de la Nouvelle République était que les chantiers de Sluis Van acceptent de travailler pour elle. Autrement, elle ne s’en sortirait jamais.

Jamais plus le Crystal ne viendra se faire réviser ici, pensa lugubrement Luxan. Je me demande comment ce vieil Ackbar va réagir à l’annonce de la mort de l’amiral Cynderill.

Plusieurs droïds-sonde vinrent dans leur direction, les passèrent rapidement au scanner, puis, visiblement satisfaits, repartirent vers d’autres tâches.

Quelques minutes plus tard, ils entraient dans l’atmosphère de la planète aquatique. Ils passèrent au travers d’une épaisse masse nuageuse. Quand ils en furent sortis, ils purent voir l’immense dôme de Foamwander City, l’installation flottant au milieu la vaste étendue d’eau qui s’étalait sous eux. Jeg Luxan ouvrit un canal pour joindre les autorités Calamariennes.

— Mon Calamari, ici le colonel Jeg Luxan. Autorisation Un-Trois-Neuf-Deux-Huit, Blue Bolt Squadron. Prévenez immédiatement la Conseillère Mon Mothma de mon arrivée. Je répète...

 

Si Coruscant avait possédé des lacs ou même des océans, l’image inversée que ces derniers auraient renvoyée de ses buildings les plus hauts aurait incontestablement ressemblé à Foamwander City. L’immense ville sous-marine était bâtie sur le principe de l’iceberg : un gigantesque dôme en surface masquant la cité démesurée qui s’étendait vers les profondeurs abyssales de la planète.

Des siècles plus tôt, les Calamariens et leurs compatriotes Quarrens avaient entrepris de vivre en communauté, malgré leurs antagonismes ancestraux. Ils avaient uni leurs efforts pour édifier des douzaines de villes flottantes du type de Foamwander City, car il était clair pour les Calamariens que leur évolution devait absolument passer par l’élaboration de nouvelles technologies, qui devraient plus tard leur permettre d’explorer ces innombrables « îles dans les étoiles ». Ils devraient d’ailleurs par la suite payer très cher cette passion pour l’espace, lorsque l’Empire prendrait le pouvoir et ferait d’eux une nation d’esclaves.

Moins traditionalistes que les Quarrens, qui penchaient plus à présent en faveur d’un retour à la mer que d’une colonisation du cosmos, les Calamariens étaient cependant loin de vouloir oublier leurs origines. C’est la raison pour laquelle chaque construction Mon Calamari, fût-elle terrestre ou spatiale, respectait les lois de l’hydrodynamique. Foamwander City ne faisait pas exception à cette règle, et trouver le moindre angle dans cette ville où la courbe était reine relevait du défi.

C’était ici, dans la capitale de Mon Calamari, que la Nouvelle République avait provisoirement installé son quartier général itinérant, en attendant la reconquête de Coruscant. Même si elle ne devait rester ici que quelques semaines, la plupart du personnel administratif et militaire, disséminé dans toute la galaxie, n’étant même pas sur la planète, c’était une façon comme une autre de rendre honneur à tous les habitants de Mon Calamari, qui avaient été les plus farouches résistants à l’oppression impériale.

Jeg Luxan avait les yeux rivés sur le hublot de la salle d’attente dans laquelle lui, Starwatcher et Fedz patientaient déjà depuis un bon quart d’heure. Derrière la large fenêtre évoluaient quantités de créatures aquatiques plus étranges les unes que les autres.

À un moment donné, Luxan vit un immense prédateur aux ailerons innombrables et acérés nager non loin de la station. La chose ne semblait pas effrayer outre mesure les Quarrens qui travaillaient à quelques mètres à peine d’elle. L’un d’entre eux leva juste les yeux de son extracteur minier afin de vérifier qu’il n’y avait aucun danger imminent. Le prédateur, ne prêtant aucune attention aux Quarrens, se précipita pour décimer un banc de poissons colorés qui passait par-là, puis, rassasié, partit s’enfoncer dans les profondeurs de l’océan

Luxan laissa son regard partir à la dérive, emmagasinant ainsi dans sa mémoire le plus grand nombre possible d’images de ce monde étrange. Il sourit en s’imaginant tout ce qu’il aurait à raconter à ses petits-enfants, quand il serait vieux. Quand je serai vieux... Son expression se rembrunit aussitôt. Derrière le hublot, l’image des paisibles Calamariens et Quarrens, qui semblaient plus voler que nager, céda subitement la place à celle des membres d’équipage du Crystal, cadavres gelés dérivant lentement dans le vide de l’espace, la bouche ouverte et les yeux exorbités.

Luxan poussa un hurlement de frayeur. Il sentit quelqu’un l’agripper.

— Colonel ! Colonel ! fit doucement une voix toute proche.

Luxan rouvrit les yeux. La belle Moira Fedz le serrait dans ses bras, tout en lui caressant les cheveux.

— Là ! Du calme, colonel. Tout va bien. C’est fini.

— Que... que s’est-il passé ? demanda-t-il.

— Vous vous êtes assoupi, colonel. Vous dormiez profondément, aussi n’avons-nous pas voulu vous réveiller. Mais vous vous êtes subitement mis à crier comme un dément.

Starwatcher et Fedz aidèrent Luxan à se lever.

— Merci, les enfants. Vous savez, je crois que le Crystal et ses passagers vont nous poursuivre pas mal de temps.

Anton et Moira échangèrent un bref regard. Ils étaient justement en train d’évoquer ce sujet quand le colonel s’était réveillé en hurlant. Eux aussi avaient été traumatisés par cette expérience. À un tel point, même, qu’ils se demandaient s’ils n’eussent pas mieux fait d’y rester. Et si même un vétéran comme Luxan commençait à perdre les pédales...

La porte de la salle d’attente s’ouvrit sur un Calamarien qui semblait dans tous ses états. Il pointait un blaster d’une main tremblante.

— Que se passe-t-il, ici ? demanda-t-il.

— Rien, rien, fit Luxan. Juste de nouveaux fantômes qui venaient me hanter. La perplexité se lut dans les grands yeux du Calamarien. Il rengaina néanmoins son arme.

— La Conseillère en Chef Mon Mothma et l’amiral Ackbar sont prêts à vous recevoir. Si vous voulez bien me suivre...

Luxan jeta un dernier regard à la baie vitrée, avant d’emboîter le pas au Calamarien.

Le Calamarien leur fit traverser un large couloir cylindrique en transpacier, aux parois suintantes d’humidité, derrière lesquelles ils pouvaient contempler la faune aquatique de la planète.

Une forte odeur de marée assaillait les narines d’Anton Starwatcher. C’était mille fois pire qu’à bord du Crystal. Il fit part de son malaise à Moira Fedz.

— Je ne suis pas habitué à un air si humide. Sur Tatooine, l’air est sec, poussiéreux. Rien à voir avec celui que l’on respire dans cette baignoire géante qu’ils osent appeler une ville !

La jeune femme lui tapota amicalement le bras.

— Allons, allons ! Ne te mets pas dans des états pareils. Profite plutôt de cette occasion de découvrir un monde complètement différent du tien. D’autant plus que je suppose que tu as quitté Tatooine parce que tu en avais marre de rester là-bas.

— Pas du tout ! s’offusqua le jeune homme. J’adore Tatooine ! C’est un endroit fascinant, avec toute une population hétéroclite et mystérieuse, qui a ses traditions, ses coutumes. Je ne sais pas si tu as entendu parler des conteurs d’histoires chez les pillards Tusken, ou des relations étroites que les hommes des sables entretiennent avec les Banthas, mais c’est tout à fait captivant. Et que dire sur ces sacrés Jawas qui ont peur de leur ombre ! Non, si j’ai quitté Tatooine, c’est juste pour rejoindre la République dans sa lutte contre l’Empire, pas par ce que je souffre du « syndrome de Skywalker ».

Il s’adressa à Luxan.

— À ce propos, colonel, comment avez-vous su que je venais de là-bas ? Vous n’avez pas pris le temps de consulter nos fiches, que je sache.

Jeg Luxan émit un petit sourire.

— Votre nom : Starwatcher, « Celui-qui-regarde-les-étoiles ». C’est un nom purement d’origine Tatooienne, au même titre que Skywalker et Darklighter, « Celui-qui-marche-dans-le-ciel » et « Celui-qui-éclaire-les-ténèbres ».

Anton éclata de rire.

— Vous êtes déjà allé sur Tatooine !

— Effectivement, il m’est plusieurs fois arrivé d’aller faire un tour à Mos Eisley et à Mos Espa, répondit Luxan. J’ai été un jour reçu chez un autochtone qui m’a appris que ces noms dataient de la colonisation de Tatooine par les pionniers de l’époque, qui avaient vu qu’avec beaucoup de travail, la planète finirait par devenir habitable. Les premiers colons eurent une vie très dure, car ils devaient faire face à un environnement hostile et dangereux. Les dragons Krayt et les Banthas n’étaient pas des hôtes très chaleureux ! Il fallait pourtant que le terraformage se poursuive, en dépit de tous ces écueils. Aussi, pour encourager la bravoure, tout individu qui accomplissait un acte héroïque recevait un nouveau nom évoquant l’exploit dont tout le monde devait se souvenir. Cela invitait la jeunesse à suivre l’exemple, et ce faisant, à faire évoluer la société. Par la suite, c’est devenu une tradition, et de nombreuses personnes reçurent des noms dépeignant leur caractère. J’imagine que le premier Starwatcher devait être un sacré rêveur !

Anton était sidéré par les connaissances de son supérieur. Il ne l’en apprécia que davantage.

Le couloir s’arrêta devant une porte scellée magnétiquement. Leur guide appuya sur le buzzer, et attendit qu’une voix lui répondît :

— Oui ?

— Le colonel Luxan et ses hommes sont là.

— Parfait, nous vous attendions. Vous pouvez entrer.

La porte s’ouvrit en sifflant sur une large salle de conférence, où siégeaient une douzaine de personnes, dont Mon Mothma, l’amiral Ackbar, et Borsk Fey’lya.

La Conseillère en Chef du gouvernement provisoire de la Nouvelle République vint accueillir les nouveaux venus.

— Bienvenue, colonel Luxan. Elle se tourna vers Anton et Moira.

— Et à vous aussi, lieutenant Starwatcher et lieutenant Fedz. Je suis heureuse que vous soyez sains et saufs, mais par la galaxie, que s’est-il passé ?

— Le Crystal a été détruit, Conseillère, répondit Luxan. L’amiral Cynderill et tous les autres membres d’équipage ont péri. Nous sommes les seuls survivants.

L’effroi se lut sur les traits de Mon Mothma.

— Détruit ? Mais comment est-ce arrivé ? La mission sur Coruscant a-t-elle échoué ?

— Nous n’avons même pas eu le temps de nous rendre jusqu’à Coruscant, Conseillère. Nous avons été attaqués alors que nous attendions le signal du Smashing Stars. C’était une embuscade : l'Empire avait envoyé un classe Victoire et un Interdictor, pour nous empêcher de fuir dans l’hyperespace. Ils devaient donc savoir exactement où nous étions.

L’amiral Ackbar, visiblement retourné, se mêla à la conversation.

— Vous rendez-vous compte de ce que cela implique ?

Luxan hocha la tête.

— Oui, amiral. Nous avons été vendus.

— Encore une fière opération, commenta Fey’lya.

Ackbar lui jeta un regard noir. Ce Bothan commençait vraiment à l’agacer. Depuis qu’il était entré au Conseil, quelques mois plus tôt, Fey’lya n’avait cessé de souligner la moindre de ses faiblesses, le moindre de ses échecs. Ackbar ne savait pas exactement ce que cela cachait, mais il soupçonnait le Bothan de vouloir le discréditer aux yeux du Conseil.

Luxan poursuivit :

— Très peu de personnes étaient au courant de la position du Crystal, mis à part son personnel naviguant, bien évidemment. À vrai dire, il n’y avait que les membres du Blue Bolt Squadron qui la connaissaient. Il fallait bien qu’ils puissent nous rejoindre en cas de pépin. Je suis bien forcé d’admettre que si nous avons été livrés aux impériaux, c’est parmi mes hommes qu’il faut chercher le traître.

— Mais quel pilote de votre escadron aurait pu commettre un acte pareil ? demanda Mon Mothma. Une telle chose me parait inconcevable.

— C’est pourtant la seule explication, Conseillère. J’en suis aussi navré que vous, d’autant plus que c’est moi qui ai formé ces hommes, que j’ai combattu à leurs côtés, que j’ai risqué ma vie pour eux. J’admets que concernant Zoffir, j’avais toujours eu des doutes, mais je n’ai rien vu qui clochait dans la nouvelle formation du Blue Bolt Squadron. Je ne vois vraiment pas qui a bien pu nous trahir.

— Et qu’en est-il des autres membres de votre escadron ? demanda Ackbar. Savez-vous s’ils ont réussi à s’évader de Coruscant avec les coordonnées du vaisseau ?

Jeg Luxan haussa les épaules.

— Comme je vous l’ai dit, le Crystal a été attaqué avant que nous puissions recevoir le moindre message du Smashing Stars. Nous n’avons aucun moyen de savoir ce qu’il est advenu d’eux. Il ne reste plus qu’à attendre qu’ils nous recontactent. S’ils le font un jour.

Mon Mothma posa une main sur l’épaule de Luxan.

— Je vois que vous êtes épuisé, colonel. Je suggère que vous et vos hommes alliez vous reposer un peu.

Luxan poussa un long soupir, avant de répondre.

— Merci, Conseillère. Je dois admettre que nous en avons bien besoin. Juste une chose, Conseillère...

— Oui ? fit Mon Mothma.

— J’aimerais que l’on envoie quelqu’un récupérer les corps des passagers du Crystal, et qu’on leur donne une sépulture décente. Je crois qu’ils le méritent bien.

Mon Mothma émit un sourire triste.

— En effet, colonel, répondit-elle. N’ayez crainte, nous allons faire en sorte que cela soit accompli dans les plus brefs délais.

— Merci, Conseillère.

Les trois pilotes saluèrent les membres du Conseil, avant de quitter la salle de conférence.
Chapitre Trois : Rencontres
 

La gigantesque spatioporte se referma derrière le Smashing Stars. Le cargo s’avançait à présent au milieu d’un vaste hangar à vaisseaux, qui semblait ne pas avoir rempli sa fonction depuis fort longtemps.

Hierrulf fit se poser l’appareil le plus près possible de ce qui ressemblait à l’entrée intérieure du hangar.

Une fois les moteurs coupés, il se tourna vers le Questeur Slugh.

— Bon ! Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait, à ton avis ?

Tubrah haussa les épaules.

— Déjà, prévenons les autres que nous sommes entrés. Quoiqu’ils aient bien dû sentir que nous nous étions arrêtés.

Effectivement, la porte coulissa bientôt derrière eux, pour laisser Darcy se faufiler dans le cockpit.

— Où sommes-nous ? demanda-t-elle. À l’intérieur du vaisseau ?

— Non, dans la tranchée de l’Etoile Noire ! fit Hierrulf.

La jeune femme ne releva pas. Au lieu de cela, elle demanda à Tubrah d’effectuer un balayage de senseurs.

— Il semblerait qu’il y ait de l’oxygène dans ce truc, fit-elle au bout d’un moment.

Hierrulf jeta à son tour un œil à la console.

— Exact. Cela m’intrigue, d’ailleurs. L’air ne devrait pas présenter ce niveau de pureté. C’est comme si ce vaisseau avait été entretenu régulièrement. Pourtant, nous savons qu’un tel appareil doit avoir des siècles !

— Très étrange, en effet, répondit Tubrah, mais on ne va pas rester ici à en discuter indéfiniment. Il faudrait peut-être penser à trouver le poste de commandes de ce vaisseau. Il faudrait que nous puissions le déplacer, ne serait-ce que d’une minute-lumière ; nous rendrions ainsi caduques les informations de l’Empire.

Hierrulf et Darcy approuvèrent d’un hochement de tête. Le petit groupe quitta le cockpit pour rejoindre les autres passagers.

Quand il fut sûr qu’ils étaient bien tous réunis, Hierrulf s’adressa à ses compagnons.

— Mesdames, Messieurs. Nous venons de nous garer à l’intérieur du Grand Vaisseau Inconnu. J’espère que le voyage a été agréable, et je vous remercie d’avoir choisi le Smashing Stars.

Personne ne rit. Gêné, Hierrulf poursuivit néanmoins.

— Notre premier objectif va être de trouver un plan de cet appareil, si une telle chose est disponible. Ce rafiot doit bien faire dans les dix kilomètres, aussi risquons-nous de nous paumer très facilement. Tout ce que j’espère, c’est qu’il y a ici un ordinateur central auquel Womprat pourra se connecter, et qui pourra nous indiquer le chemin. Autrement, nous serons venus jusqu’ici pour rien.

— Je dois admettre que ça me déplairait, fit le droïd de protocole sur un ton menaçant. Que monsieur Shadow n’oublie pas qu’il m’a appris à manier n’importe quel type d’arme, s’il voit où je veux en venir...

Le Rodien se tourna vers l’ombre mouvante du Defel.

— Je croyais que tu allais le reprogrammer pour qu’il soit « plus    buvable » !

— Mais je l’ai reprogrammé ! Tout ce qu’il pourra te raconter, ce ne seront que des fanfaronnades, étant donné qu’il est conditionné pour ne jamais nous faire de mal. Il devra même nous protéger contre tout danger.

— Tu peux toujours courir ! fit C-4PO.

Le Defel émit un petit rire. Il se tourna vers Yurwick.

— Yurwick, pourrais-tu, s’il te plaît, avoir l’obligeance de me coller une droite ?

— Tu es fou, Shadow ! intervint Darcy. Ne le provoque pas, il risque de te tuer !

D’autre part, le Wookie n’avait pas l’air disposé à se battre contre son coéquipier. Il semblait plutôt troublé par la requête du Defel. C’était bien la première fois que quelqu’un lui demandait de lui mettre une raclée !

Shadow décida de mettre un terme à l’hésitation du Wookie. Il alla se planter juste sous le menton de Yurwick. Il leva les yeux vers ceux de la gigantesque créature.

— Yurwick, ta mère avait des puces !

Immédiatement, le Wookie abattit son poing sur le Defel. Il ne le toucha jamais : son poing avait rencontré le bras de C-4PO. Le droïd tourna sur lui-même du fait de l’impact, puis réussit à se rétablir et à attraper le Wookie par la peau du cou. Yurwick ne sentit aucune douleur. Il était juste incapable d’effectuer le moindre mouvement. Impuissant, il poussa un beuglement pathétique tout en jetant un regard étonné au Defel.

Darcy était hors d’elle. Elle ne pouvait pas supporter de voir son ami réduit à l’état de carpette.

— Lâche-le tout de suite, C-4PO ! Tu m’entends ? Tout de suite !

Le droïd s’exécuta immédiatement.

— Alors, fit Shadow, satisfait de ma petite démonstration ?

Le droïd poussa un long soupir électronique.

— Hélas oui. Dire que je vais devoir faire ça à chaque fois !

Le Defel aida Yurwick à se relever, non sans mal. Qu’il était lourd !

— Sans rancune, Yurwick ? A notre retour, je te paie un coup, ça  marche ?

Le Wookie poussa un grognement qui signifiait : Tu ne t’en tireras pas à si bon compte !

Hierrulf les rappela à l’ordre.

— J’aimerais que vous cessiez vos enfantillages, à présent. Nous avons du pain sur la planche. Donk, Skarr, vous parlez le galactique standard ?

— Pas très bien nous parler, mais nous bien tout comprendre, répondit Skarr.

— C’est comme il a dit lui, fit à son tour Donk.

RD-69 émit un rire musical, tandis que Hierrulf et Grisson échangeaient un regard amusé.

— On va dire que ça ira, fit le jeune homme. Prenez tous vos armes. On ne sait pas ce sur quoi on risque de tomber, d’autant plus que ce bâtiment m’a l’air un peu trop bien entretenu pour avoir été laissé à l’abandon des années durant.

Quelques instants plus tard, ils descendaient tous la rampe du Smashing Stars. Hierrulf prit une forte inspiration.

— Pas la moindre odeur, pas la moindre trace de poussière. C’est assez hors du commun. Cet appareil est dans un meilleur état que s’il était habité !

Le bruit de leurs pas résonnait étrangement dans le vaste hangar vide, vu que les seuls obstacles que le son rencontrait étaient les murs nus de la salle.

— C’est assez flippant, fit Dengar Xun. Cet endroit me file la pétoche, pour je ne sais quelle raison.

Hierrulf se contenta de hausser les épaules. Il ne voulait pas l’admettre, mais dès qu’il avait mis les pieds hors de l’habitacle réconfortant du Smashing, il avait été pris d’un étrange malaise, un mélange de peur, d’excitation et d’appréhension.

C’est bizarre, pensa-t-il, la dernière fois que j’ai ressenti un tel malaise, c’est lorsque nous étions dans la salle d’attente de Xizor, sur Coruscant.

Cela  remontait  à presque deux ans, à présent. À cette  époque, Hierrulf et ses compagnons Mix Tarix, Jiix Tabot, et Bayee travaillaient pour le compte du Soleil Noir.

Un jour, ils avaient été convoqués chez le prince Xizor, lequel avait une importante mission à leur confier. Lorsqu’ils s’étaient présentés au rendez-vous, Guri, l’assistante de Xizor, leur avait demandé de patienter quelques instants dans la salle d’attente, le maître du Soleil Noir étant en train de recevoir un important visiteur.

La porte du bureau de Xizor ne s’était ouverte qu’au bout d’une bonne demi-heure, et leur sang à tous s’était glacé dans leurs veines quand ils avaient vu une imposante silhouette noire en franchir le seuil d’un pas décidé. L’homme, qui respirait fort bruyamment, mesurait près de deux mètres de haut, et portait un lourd casque surmontant un masque hideux qui cachait complètement son visage. Une grande cape noire enveloppait son armure de même couleur. L’identité du sinistre personnage ne faisait aucun doute.

Darth Vader s’était dirigé vers le turbolift sans leur accorder un regard, mais juste avant que les portes de l’ascenseur ne se referment, le Seigneur Noir des Sith s’était retourné et les avait regardés droit dans les yeux, lui et Bayee.

Lorsqu’ils en avaient reparlé la nuit même, entre deux vomissements suite à une indigestion occasionnée par un fruit vénéneux mal préparé, les deux jeunes apprentis Jedi en étaient arrivés à la conclusion que Vader avait ressenti quelque chose en leur présence... et cela avait été réciproque ! Le bon côté de la Force en avait reconnu le mauvais, et l’interaction des deux champs d’énergies opposées leur avait procuré cette étrange sensation. Celle-là même que Hierrulf ressentait en ce moment.

Il décida toutefois de mettre ce malaise de côté, quitte à y réfléchir plus tard. Il avait mieux à faire pour l’instant.

Ils arrivèrent à la sortie du hangar, laquelle était bien sûr hermétiquement fermée. Hierrulf pointa du pouce un terminal d’ordinateur qui jouxtait la porte blindée.

— Womprat, tu peux te brancher, s’il te plaît ?

Le petit droïd sortit sa fiche de raccordement et entreprit de la faire entrer dans le terminal, avant d’émettre un bip de frustration.

— Quoi ? demanda Darcy. Que se passe-t-il ?

— Il dit que ce terminal n’est pas aux normes auxquelles il est habitué, expliqua C-4PO. Il s’agit d’une trop vieille conception. RD-69 ne peut pas se brancher. Je suggère que nous fassions sauter cette porte avec les canons du Smashing, ou bien de...

— Ton avis ne nous intéresse pas, 4PO, fit Dengar Xun. (Puis, à Hierrulf) Et maintenant, chef ?

Hierrulf poussa un long soupir. Il s’affaissa contre la porte.

— Franchement, je ne sais pas quoi faire. Tout ce chemin, et se retrouver comme des cons devant une porte, à attendre que les impériaux se radinent ! Ce n’est vraiment pas ce que j’imag...

À ce moment, la porte se souleva sans un bruit, leur ouvrant le passage sur une longue et large coursive brillamment éclairée. Hierrulf, déséquilibré, partit à la renverse, ce qui détendit quelque peu l’atmosphère.

Une fois qu’il se fut relevé, les autres franchirent la porte pour le rejoindre.

 — Comment as-tu fait ? demanda Tubrah, ébahi.

Cet étonnement était partagé par tous, Hierrulf y compris. Les deux Gamorréens crièrent même à la sorcellerie !

— Je n’en ai pas la moindre idée, répondit le jeune homme. Je me suis juste appuyé sur la porte, et elle s’est ouverte, c’est tout. Il s’agit peut-être tout bêtement d’un système d’ouverture automatique avec détecteur de présence, qui sait ? Mais ne restons pas ici. Il faut qu’on s’active un peu. Suivons donc cette coursive.

Ils traversèrent nombre de couloirs, tous aussi immaculés les uns que les autres. Les parois des coursives étaient entièrement couvertes de sculptures, très diverses, qui semblaient raconter une histoire aussi longue que complexe. Les explorateurs, qui étaient tous sans exception fascinés par les hiéroglyphes, en vinrent presque jusqu’à oublier la raison de leur présence dans ce vaisseau exotique. Leur progression s’en ressentit, jusqu’à ce que Dengar Xun leur fasse remarquer que cela faisait presque cinq minutes qu’ils regardaient le même mur. Ils hâtèrent le pas. Hierrulf, qui ouvrait la marche, semblait étrangement savoir quel tournant prendre, quel couloir éviter.

— Qu’est-ce qui te fait croire que c’est dans cette direction qu’il faut aller ? lui demanda soudainement Darcy. Tu as les plans du vaisseau dans la tête, ou quoi ? Même RD-69 n’a pas été fichu de nous en dégoter un exemplaire !

Hierrulf se retourna, et la regarda froidement. L’espace d’un instant, Darcy aperçu une sombre lueur dans les yeux du jeune homme qui la terrifia.

— Je le sais, c’est tout, répondit Hierrulf sur un ton glacial.

L’instant d’après, il était de nouveau jovial et plein d’entrain.

— Ou alors, il se peut que je me trompe totalement. De toute façon, c’est le mieux que nous puissions faire en avançant à l’aveuglette comme nous le faisons. On finira bien par tomber sur une salle intéressante, ou au moins sur un turbolift. Ce que j’espère, d’ailleurs, ajouta-t-il, car ce vaisseau doit bien comporter une cinquantaine de ponts, et s’il faut que nous les fassions tous... !

Comme par magie, un turbolift leur apparut au détour d’un couloir. Ils échangèrent tous un regard ébahi, avant de river leurs yeux sur Hierrulf.

— Hé ! fit-il, gêné. Ce n’est pas ma faute si je suis un génie !

— Du calme, dit Darcy, le frimeur, ici, c’est Dengar.

— Je te remercie, rétorqua l’intéressé. Je t’aime bien aussi.

— Au lieu de vous balancer des fleurs, intervint Grisson, si vous pouviez vous presser de prendre cet ascenseur ! N’oubliez pas que les impériaux ne vous attendront pas. C’est une course dans laquelle il n’y a pas de médaille d’argent pour le second !

Hierrulf approuva d’un mouvement de tête, et pressa le bouton d’appel du turbolift. L’appareil arriva dix secondes plus tard.

Ils entrèrent tous dans la cabine, et à leur grande surprise, ils virent qu’il restait encore de la place pour quatre ou cinq personnes.

— Une chose est sûre, dit le Defel, c’est que celui qui a fait construire ce truc devait souffrir de claustrophobie, et être plein aux as. Vous avez vu comme tout est spacieux et confortable ?

— À quel pont nous rendons-nous ? demanda le Questeur Slugh.

— On a le choix, fit Hierrulf. Déjà, je n’arrive pas à lire les chiffres. C’est une écriture trop ancienne. Je vais saisir une destination au hasard.

Il pressa un bouton sans regarder lequel. Aussitôt, la cabine se déplaça à une vitesse incroyable, d’abord à la verticale, puis à l’horizontale ; puis encore à la verticale, en descente, cette fois-ci. Les deux Gamorréens, qui, à l’inverse de leurs compagnons, n’étaient pas pilotes et donc n’étaient pas habitués aux brusques accélérations et décélérations, eurent du mal à garder leur petit déjeuner.

L’engin s’arrêta enfin, et la porte s’ouvrit sur une énorme salle dont émanait une vive lumière bleue.

Le groupe sortit du turbolift, et demeura quelques instants silencieux. Ce qu’ils avaient devant eux était d’une beauté à couper le souffle.

Au centre de la vaste pièce aux murs tapissés de câblages et de circuits électriques, se trouvait une grande pyramide de cristal, gigantesque prisme transparent à l’intérieur duquel d’innombrables formes imprécises se mélangeaient dans un maelström d’éclairs bleus.

Le spectacle était apaisant, féerique, tout en créant cependant un certain malaise parmi les observateurs. Ce fut RD-69 qui vit le premier ce qui ne cadrait pas avec cette magnifique vue. Il pépia quelques trilles électriques, que C-4PO s’empressa de traduire aux autres.

— Womprat nous dit de regarder sur le sol, au pied de la pyramide.

Ils portèrent tous leurs regards dans la direction indiquée. Là, étendues côte à côte, inertes, gisaient deux formes vaguement humaines.

Une fois le choc passé, Hierrulf décida d’avancer vers les deux corps. Lorsqu’il fut arrivé à leur niveau, il se pencha sur eux pour les observer.

— Fausse alerte, fit-il. Ce ne sont que des vêtements. Un habit d’homme, et un habit de femme.

C’est alors qu’il remarqua quelque chose à côté des deux piles de vêtements.

— Bon sang ! Venez voir ça !

Les autres se précipitèrent autour de lui pour savoir ce qui avait provoqué cet émoi soudain, et restèrent bouches bées devant ce qu’ils virent.

Sur le sol, reposaient deux formes cylindriques au design familier.

— Des sabres laser ! souffla Darcy.

 

Le buzzer de la porte des appartements de Jeg Luxan sonna soudain, tirant le colonel de ses sombres pensées. Que lui voulait-on, encore ?

— Entrez, fit-il sèchement.

La porte s’ouvrit sur la silhouette désormais familière de Moira Fedz. Par les Sith ! Qu’est-ce qu’elle peut être jolie ! pensa-t-il. La jeune femme avait abandonné sa combinaison de vol au profit d’une magnifique robe moulante, de la même couleur que sa peau bleue, et elle était tout bonnement époustouflante dans cette tenue.

— J’espère que je ne vous dérange pas, colonel.

— Pas du tout, répondit Luxan, charmé par la candeur de la jeune femme. J’étais juste en train de ruminer dans mon coin. C’est à quel    sujet ?

— Oh ! Rien d’important. Anton et moi nous rendons au casino. Nous nous sommes dits que ça vous plairait peut-être de venir avec nous, histoire de vous changer les idées.

— Je vous remercie, Moira, mais je n’en ai vraiment pas envie. Pas maintenant.

La jolie rouquine le prit par la main.

— S’il vous plaît. Venez. Pour me faire plaisir.

Elle plongea ses yeux bleus sur fond bleu dans les siens. Luxan se sentit chavirer.

— Si vous voulez rester cloîtré, poursuivit la jeune femme, vous aurez tout le temps de le faire plus tard. Mais pour l’instant, je vous en supplie, venez avec nous.

— Vous allez finir par me faire craquer, Fedz.

— Moira, s’il vous plaît, le reprit-elle sur un faux ton de reproche. Et je sais que vous allez craquer.

Luxan poussa un long soupir.

— Très bien, Moira. Attendez-moi, le temps que je me change.

La jeune femme, folle de joie, frappa dans ses mains avant de déposer un baiser sur la joue du colonel, lequel, rougissant jusqu’aux oreilles, se précipita sans se retourner vers son dressing.

Le casino était plein à craquer. Il fallait admettre que l’endroit était conçu pour attirer les foules : situé près de la surface, il permettait aux visiteurs d’admirer le panorama sous-marin de Mon Calamari à travers l’immense baie vitrée qui lui tenait lieu de plafond et de murs. Même les cloisons séparant les différentes salles de jeu étaient en fait de minces aquariums dans lesquels nageaient des anguilles multicolores. De temps en temps, un grand mammifère marin passant au-dessus du casino projetait son ombre sur les tables de jeu. Où que son regard se posât, il était impossible à Luxan d’oublier qu’il se trouvait sous l’eau, et ce n’était pas forcément pour lui déplaire.

— Finalement, je ne regrette pas de vous avoir accompagnés, dit-il à Moira.

— Vous voyez ? fit-elle. Je vous l’avais dit. Nous allons bien nous amuser, vous verrez.

— À condition que nous trouvions une table libre, intervint Starwatcher. Regardez, elles sont toutes occupées.

— Allons donc prendre un verre en attendant qu’une d’entre elles se libère, proposa Luxan.

— Bonne idée, fit Starwatcher.

Ils s’installèrent à une banquette près de la scène, sur laquelle jouait un orchestre assez hétéroclite. Au clavier, un Ortolan bleu aux grandes oreilles. À la flûte électronique, un Kitonak obèse qui se dandinait dans tous les sens. À l’harmonica synthétique, une sorte de petit lézard au regard mauvais, et enfin, les deux chanteurs : une créature perchée sur deux longues jambes, avec une petite bouche placée au bout d’une grande trompe, et un Yuzzum velu à la voix cassée. La chanson qu’ils jouaient, Lapti Nek, était assez connue dans la galaxie.

Luxan les observa quelques instants, avant de demander à Starwatcher :

— Dites-moi, ce ne serait pas...

— Si, répondit le jeune homme. Il s’agit bien là de Sy Snootles, Joh-Yowza, et du Max Rebo Band. J’ai déjà eu l’occasion de les voir se produire sur Tatooine, à Mos Espa. Ils font vraiment bien les choses, ici. Ils ne reçoivent pas n’importe qui.

La chanson se termina. Le public applaudit, et en demanda une autre. Pour lui faire plaisir, le Max Rebo Band enchaîna sur Jedi Rock.

Luxan jeta un regard circulaire sur la salle. Ses yeux s’arrêtèrent sur les simulateurs de vols, situés près de la sortie. Un grand écran à plasma permettait au public d’observer le combat spatial que se livraient les joueurs, enfermés dans leurs cockpits hermétiques. Il s’agissait  là  d’une  bataille  assez  simple :  deux  Ailes-X  contre  une  escadrille  de  TIE Interceptors, lâchés par un Star Destroyer virtuel.

Luxan aurait donné cher pour voir à quoi ressemblait le deuxième pilote d’Aile-X, qui avait déjà une demi-douzaine d’Interceptors détruits à son actif.

Il bouge bien, celui-là, pensa-t-il. Surtout que les Interceptors sont assez difficiles à avoir. C’est un type comme ça qu’il faudrait à mon escadron.

Il allait faire part de son idée à ses compagnons, lorsque, sur la scène, le Max Rebo Band  termina  sa  chanson,  et  déclencha  un  tonnerre  d’applaudissements.  Luxan  décida d’attendre que le public se fût calmé pour parler.

Le  Max  Rebo  Band  s’éclipsa,  pour laisser la place au  directeur du casino, un Calamarien habillé d’une étincelante combinaison à écailles.

— Et maintenant, chers clients, nous avons le plaisir de vous présenter, en exclusivité galactique, pour la première fois ensemble... Waneugh Ehn et les Modal Nodes !

Il y eut un nouveau tonnerre d’applaudissements quand monta sur scène le fameux orchestre Bith, accompagné d’un humain assez grand, aux cheveux châtains bouclés, qui caressa son bouc avant de saluer le public.

— Merci. Ce soir, avec Figrin D’an et son groupe, nous allons vous interpréter un air que nous avons composé ensemble, Music Sounds Better With You !

La musique commença doucement, répétant sans cesse le même thème. Puis les basses et les percussions entrèrent en lice, tandis que Waneugh Ehn se mettait à chanter :

Hummm Baby ! The music sounds better with you !

I feel right, the music sounds better with you !

À cet instant, une demi-douzaine de danseuses Twi’lek entrèrent en scène et vinrent se trémousser autour de lui. Deux d’entre elles se couchèrent à ses pieds, tandis que les quatre autres dansaient en rythme avec la musique, fouettant l’air de leurs lekku, leurs tentacules cervicaux.

— Incroyable ! fit Luxan. Waneugh Ehn ! Depuis quand s’est-il lancé dans la chanson, celui-là ?

— Vous connaissez cet homme, colonel ? lui demanda Moira.

— Si je le connais ? Ma petite, Waneugh et moi avons pour ainsi dire grandi ensemble, sur Bespin. On a fait les quatre cents coups, tous les deux. On a appris à piloter ensemble, on a détruit des centaines de simulateurs ensemble ! On s’est même fait virer ensemble de l’école de pilotage pour indiscipline ! Nous nous sommes séparés quand il a décidé de se lancer dans la contrebande, alors que je m’étais engagé dans la Marine Impériale. La dernière fois que je l’ai vu, il venait d’acheter son propre cargo, le Stardust, et s’était associé avec un pirate Gungan, un certain Yom.

À l’autre bout de la salle, les simulations de vol venaient de toucher à leur fin. Les deux cockpits s’ouvrirent, exposant enfin les visages de leurs occupants au regard du public. Il s’agissait d’un Sullustain et d’un jeune homme brun à l’allure débraillée.

Luxan eut un léger pincement au cœur quand il vit le Sullustain. Qu’est-ce qu’il peut ressembler à Numb Yihn ! En plus jeune, évidemment, mais autrement, c’est la même personne !

Numb Yihn avait été l’ailier de Luxan pendant de nombreuses années, années durant lesquelles ils avaient remporté victoires sur victoires. Ils avaient toujours réussi à s’en tirer, parfois avec de simples éraflures, parfois avec plus de la moitié des systèmes inopérants, mais à chaque fois, ils s’en étaient sortis vivants. Jusqu’à Endor.

Luxan s’adressa à Starwatcher.

— Anton, vous voyez cet humain et ce Sullustain, là-bas ?

—Oui ?

— J’aimerais beaucoup que vous alliez me les chercher. Qu’ils viennent à notre table. Pendant ce temps, je vais attendre qu’Ehn ait fini de pousser sa chansonnette pour pouvoir lui parler.

— Bien, colonel.

Quand la chanson de Waneugh Ehn se termina, lui et les Bith furent acclamés par la foule. L’humain apposa une petite claque sur le fessier d’une des Twi’lek, et s’apprêtait à rentrer en coulisse quand Luxan le héla.

— Waneugh ! Quoi de neuf à Tibannapolis ?

Ehn se retourna.

— Jeg ! Sacrée vieille fripouille, que fais-tu ici ?

— Je cherchais les ennuis. Je n’avais plus qu’à te trouver !

Waneugh Ehn sauta de la scène pour rejoindre son vieil ami. Les deux hommes s’étreignirent quelques instants, s’administrant de grandes claques dans le dos.

Moira  était  sidérée.  Etait-ce  là  le  même  homme  qui  se  morfondait  dans  ses appartements quelques minutes plus tôt ?

Ehn aperçut la jeune femme.

— Hé ! Mais qui est-ce que nous avons là ? Bonjour !

Luxan s’interposa.

— Hé, là ! Pas touche, Waneugh. Moira, je vous présente Waneugh Ehn.

Moira serra la main que l’homme lui tendait.

— Je vois que tes goûts se sont nettement améliorés, Jeg, fit Ehn. Il faut admettre que même moi, j’aurais eu du mal à résister à une aussi jolie jeune femme.

Le sourire de Luxan mourut immédiatement, pour laisser la place à une colère feinte.

— Le lieutenant Moira Fedz fait partie de mon escadron. Depuis peu, c’est vrai, mais nous avons déjà traversé pas mal d’épreuves ensemble. Cela ne nous laisse pas trop de temps pour ce que tu penses, Waneugh. Par ailleurs, s’empressa-t-il d’ajouter, jamais une telle chose ne me viendrait à l’idée !

Moira, qui jusque-là était tout sourire, décocha un regard mauvais à Luxan. Quoi ? s’interrogea Luxan. Qu’est-ce que j’ai dit ?

Ils furent bientôt rejoints par Starwatcher et les deux pilotes.

— Paraît que vous voulez nous parler ? demanda l’humain.

— Oui, jeune homme. Je suis le colonel Jeg Luxan, chef d’escadron de l’armée de la Nouvelle République, et voici le lieutenant Moira Fedz, ainsi que mon ami Waneugh Ehn, un civil, qui pourtant pourrait facilement vous battre, que ce soit en simulateur ou en combat réel.

— Tu sais, intervint Ehn, je me suis quelque peu rouillé, avec l’âge.

Luxan l’ignora.

— Et vous êtes... ?

Le jeune homme se présenta à son tour.

— Je m’appelle Vihn Sroder, et lui, c’est mon ami Guryl Yihn. Si vous pouviez nous dire ce que vous nous voulez, parce qu’on n’a pas que ça à faire...

— Guryl Yihn ? demanda Luxan, abasourdi. Vous n’êtes quand même pas parent avec Numb Yihn ?

Le Sullustain approuva de la tête.

— C’est mon oncle, mais je n’ai pas eu de nouvelles de lui depuis qu’il s’est engagé dans la Rébellion. Pourquoi, vous le connaissez ?

Oui, je l’ai connu, pensa tristement Luxan. Je l’ai connu...

— Nous avons servi ensemble pendant très longtemps. Il était mon ailier, et aussi mon ami. Hélas, le pauvre s’est fait descendre lors de la bataille d’Endor. Je suis vraiment désolé que vous l’appreniez de cette façon, mais Numb n’avait jamais fait mention d’une famille quelconque. Si j’avais su...

— Ne vous en faites pas, l’interrompit le Sullustain. Je ne l’ai pas beaucoup connu. À vrai dire j’ai dû juste le voir une fois ou deux, lors de réunions de familles.

Luxan hocha la tête, puis il sortit un petit bout de papier d’une de ses poches, y griffonna quelque chose, et le tendit à Vihn Sroder.

— C’est l’adresse de mes appartements, ici, à Foamwander City. J’aimerais beaucoup que vous veniez me rendre visite demain, à 1400. Tous les deux, bien évidemment.

— Pour quelle raison ? demanda Sroder, méfiant.

— Piloter une Aile-A, ça vous dirait ?

Un grand sourire se dessina sur les lèvres du garçon. Quant au Sullustain, il sautillait sur place.

— À demain, monsieur, dirent-ils en chœur, avant de partir en courant. Luxan les regarda s’éloigner en riant.

— Alors, mon vieux, fit Ehn, on recrute n’importe où, maintenant ? Apparemment,  les choses ne vont pas si bien pour la République.

— Tu peux le dire, répondit Luxan. Rien qu’hier, nous avons encore perdu un croiseur avec tout son équipage. Starwatcher, Fedz et moi sommes les seuls survivants. Nous sommes un peu à cran, c’est pourquoi nous avions décidé de venir nous détendre un peu. Mais toi ! Peux-tu me dire ce que tu fichais sur cette scène ? Je croyais que tu étais contrebandier ?

L’autre éclata de rire.

— Mais je le suis toujours ! J’ai juste eu envie de me taper un petit délire avec Figrin D’an. C’est un vieux copain, que j’ai rencontré à Mos Eisley. Comme je compose quelques chansons pendant mon temps libre, je me suis dit que ça pouvait être marrant de les chanter avec lui et sa bande.

— Et tu traînes toujours avec Yom et ses grandes oreilles ?

— Toujours. Il est en train d’effectuer quelques réparations sur le Stardust. Il faut dire que cette casserole tombe en ruine !

Il regarda sa montre.

— Tiens, d’ailleurs, il est temps que j’aille le rejoindre. Écoute, voilà mon numéro de bipeur. Si tu as besoin de moi, tu n’as qu’à appeler, et j’arrive tout de suite, comme au bon vieux temps !

— Et ça me coûtera combien ? demanda Luxan.

— Que dalle, répondit l’autre avec un sourire. Je ne mélange pas l’amitié et le business. La paix soit sur toi et sur ta maison !

Sur ce, Waneugh Ehn quitta la salle de jeu.

— Eh bien ! fit Starwatcher. Au moins, on ne sera pas venu pour rien.

Ce fut à peine si Luxan l’entendit. Il observait Moira, dont le comportement l’intriguait.

— Quelque chose ne va pas, lieutenant ?

— Tout va très bien, colonel, répondit froidement la jeune femme.

— Vous n’avez pas dit un mot depuis que je vous ai présentée à Waneugh. Vous ne feriez pas la tête, par hasard ?

— Pas du tout. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’ai un peu mal à la tête. Je vais rejoindre mes quartiers.

Moira Fedz s’en alla à son tour, laissant les deux hommes se regarder en haussant les épaules.

 

— Bon sang ! cria Dengar Xun ! Venez vite voir ! Là ! Là !

— Quoi ? demanda Darcy.

Le jeune homme impétueux, si flegmatique d’habitude, semblait être dans tous ses états. La peur se lisait sur son visage. Il pointait le prisme scintillant du doigt.

— Là-dedans ! J’ai vu...

— Du calme, mon vieux, fit Hierrulf. Qu’est-ce que tu as vu ?

— Il y avait quelqu’un ! Je m’étais approché pour mieux voir, et à ce moment-là, j’ai vu un visage sortir de la nuée et me fixer droit dans les yeux !

— Qu’est-ce qu’il raconte encore, celui-là ? fit le Defel d’un ton détaché, bien qu’il ne fût pas aussi à l’aise qu’il voulait le faire croire.

— Je vous jure ! s’écria Xun. On aurait même dit qu’il essayait de me parler !

Hierrulf se gratta le menton.

— Cette mission devient de plus en plus étrange, murmura-t-il.

Yurwick poussa un beuglement sinistre, montrant par-là qu’il n’était pas rassuré non plus.

— Je propose que nous déguerpissions, fit Grisson. Nous devons absolument trouver la passerelle.

— Entièrement d’accord avec toi, fit Xun. Je ne resterai pas une seconde de plus dans cette pièce.

— N’empêche que j’aimerais bien savoir à quoi sert cet engin, dit Hierrulf. Il n’est pas là pour rien.

— Chaque chose en son temps, lui répondit Darcy. Grisson a raison : une fois qu’on aura réussi à déplacer ce vaisseau, nous aurons tout le temps de l’explorer.

Hierrulf les regarda fixement pendant quelques instants. Puis, sans dire un mot, il ramassa les deux sabres laser, et se dirigea vers le turbolift.

— Très bien. Suivez-moi.

Dès  qu’ils  furent  tous  entrés  dans  l’ascenseur,  Hierrulf  saisit  de  nouveau  une destination au hasard, bien qu’encore une fois, il semblât bien savoir exactement quel bouton presser.

La  cabine  reprit ses acrobaties, cette  fois  pendant plus  d’une minute, avant de s’immobiliser de nouveau.

— Qu’est-ce qui nous attend, cette fois-ci ? marmonna Darcy.

Le turbolift s’ouvrit sur ce qui ressemblait à un vaste local d’habitation, douillet, et richement décoré.

— Mazette ! fit le Defel. Vous avez vu ça ?

Plus personne ne douta que celui qui avait construit ce vaisseau fût un homme de goût. Les murs blancs de la pièce circulaire étaient percés tous les cinquante centimètres de larges baies vitrées, offrant une vue magnifique aux visiteurs. Une haute colonne de plastacier blanc occupait le centre de la salle, entourée par un confortable canapé en cuir de même couleur. C’était d’elle qu’émanait la chaude lumière rose qui projetait sur les murs les ombres des statues meublant la pièce.

Dengar Xun pointa du doigt deux portes au fond du salon, à trente mètres d’eux.

— J’irais bien voir où elles peuvent mener. Tubrah, Shadow, vous venez avec moi ?

Les deux compères le suivirent sans broncher, tandis que le reste du groupe restait sur place, examinant les lieux. Hierrulf se dirigea vers le groupe de statues, tandis que Darcy se perdait dans la contemplation du ciel étoilé qui s’étendait derrière les baies vitrées.

Les deux Gamorréens, plus que fatigués, allèrent se vautrer dans le canapé, et s’assoupirent aussitôt, faisant profiter tout le monde de leurs ronflements sonores.

— Il n’y a pas à dire, même si je les aime bien, ils ne tiennent pas le coup, plaisanta Grisson. Ils sont bien trop habitués à pioncer pendant leurs heures de garde !

Hierrulf ne l’écoutait pas. Il semblait plutôt intrigué par les sculptures qu’il observait attentivement depuis plusieurs minutes. Elles représentaient toutes sortes de personnages différents, humains ou aliens, qui avaient toutefois un point commun : ils étaient tous armés de sabre lasers. L’étrange sensation que Hierrulf avait éprouvée à la descente du Smashing s’empara de nouveau de lui. Cette fois, pourtant, il ne ressentait ni peur, ni colère, mais plutôt un affreux sentiment de tristesse et de désespoir, comme si ces lieux avaient connu un drame dont ils avaient retenu les échos des siècles durant.

Il appela Darcy.

— Dis-moi, tu ne trouves pas que celle-ci est vraiment réaliste ? lui demanda-t-il en désignant la silhouette d’un homme qui semblait figée dans un énorme monolithe de métal gris.

Les traits contorsionnés de l’homme exprimaient un mélange de souffrance et de rage.

— Je ne sais pas qui a sculpté ça, poursuivit Hierrulf, mais il devait être pas mal dérangé. C’est dingue comme cette chose peut me mettre mal à l’aise.

Darcy haussa les épaules.

— Nous ne sommes pas ici pour jouer les critiques artistiques. C’est toi qui nous as amenés là, Hierrulf, alors maintenant, que fait-on ?

— Je suggère que nous allions voir où en sont les autres, intervint C-4PO. Il ne nous servira à rien de rester plantés ici avec le doigt dans le...

— Ça va, ça va, fit Hierrulf. Il va vraiment falloir que tu te calmes, le droïd.

Ils laissèrent Donk et Skarr dormir, et se dirigèrent vers le passage que Xun, Tubrah et Shadow avaient emprunté dix minutes plus tôt.

À peine eurent-ils franchi le seuil de la porte... qu’ils se retrouvèrent propulsés vingt mètres plus haut à travers une longue cheminée cylindrique ! Yurwick poussa un jappement de surprise. Effrayés, le Wookie, les deux humains, les deux droïds et le Rodien regardèrent au-dessous d’eux : ils flottaient dans le vide, soutenus par un puissant champ antigrav.

— Nous allons de surprise en surprise, s’exclama Darcy. Personne n’a rien de cassé ?

— Mes systèmes gyroscopiques sont momentanément déréglés, mais à part ça, ça peut aller, dit C-4PO. Je risque juste de vous gerber de l’huile dessus, c’est tout.

RD-69 pépia un trille de dégoût.

— Il va falloir s’y habituer, que veux-tu ? dit Darcy au petit droïd.

Dans la pièce baignée d’une lueur rouge et dont émanaient des sons étranges, Dengar Xun, Shadow et Tubrah, assis dans des sièges archaïques, manipulaient sans succès toutes sortes de manettes et de leviers.

Tubrah se retourna vers les nouveaux venus.

— Ah ! Vous voilà ! Regardez autour de vous : il semblerait bien que ce bon vieux Hierrulf nous ait amenés jusqu’à la passerelle. Il faudra que tu me dises comment tu as fait pour la trouver aussi vite dans ce labyrinthe volant.

Hierrulf ne répondit pas. Au lieu de cela, il s’avança prudemment sur la passerelle, regarda tout autour de lui, caressa les diverses consoles du bout des doigts, avant de s’adresser à Dengar Xun.

— Vous avez réussi à voir comment cette bécane fonctionne ?

— Malheureusement, non, répondit le Coruscanti. Cela ne fait que quelques minutes que nous sommes là, mais j’ai bien l’impression que les commandes ont été verrouillées et codées. Cela risque de prendre des heures avant que nous puissions seulement savoir si c’est bien le cas, ou si nous ne sommes que des Ewoks qui veulent se servir d’un blaster comme d’un lance-pierres.

Hierrulf ferma les yeux, et posa ses deux mains sur les commandes. Il attendit quelques instants ; rien ne se passa.

Frustré, Hierrulf s’écarta de la console et se laissa tomber dans un siège.

— Il semblerait que mon inspiration m’ait lâché. Désolé, les gars, mais je ne vous serai d’aucune utilité, cette fois-ci.

RD-69 se mit à siffler à tue-tête.

— Pas la peine, Womprat, dit Shadow. J’ai déjà jeté un œil à tout ce qui pouvait ressembler à un terminal d’ordinateur. Ils sont tous du même modèle que celui sur lequel tu t’es cassé les dents.

Hierrulf se leva brusquement.

— Par les Sith ! s’écria-t-il, furieux. Il doit bien y avoir un moyen, quelque chose à faire ! Nous n’allons tout de même pas attendre que les impériaux viennent nous dépanner !

— Remarque, dit Darcy, peut-être qu’ils ne s’en sortiront pas mieux que nous. Dans ce cas, le vaisseau ne profitera à personne, ce qui est toujours mieux que son appropriation par l’Empire.

Hierrulf la foudroya du regard. Une fois encore, la jeune femme sentit un frisson la parcourir.

— Je crois que tu devrais prendre du repos, Hierrulf. Tu agis étrangement depuis que nous sommes arrivés ici. Nous l’avons tous remarqué.

— Ne dis pas n’importe quoi, explosa Hierrulf. Je vais parfaitement bien. Cette situation me met hors de moi, c’est tout.

— Écoute, fit Xun, jusqu’ici, c’est toi qui as pris toutes les décisions, qui as veillé à ce que la mission soit menée à bien. Maintenant, il faudrait que tu te reposes un peu sur nous. Va donc dormir un peu, pendant que nous essayons de faire marcher cette machine. Si tu ne veux pas être dérangé, tu n’as qu’à aller dans cette pièce, à côté. (Il désigna une porte magnétique à l’autre bout de la passerelle.) Ça devait être une chambre de méditation, ou quelque chose comme ça. Il y a une couchette, si tu veux.

Hierrulf poussa un long soupir. Sa colère était retombée.

— OK ! Comme vous voulez. Réveillez-moi dès qu’il y a du nouveau, dit-il avant de quitter la salle.

Quand il fut parti, ses compagnons échangèrent tous un regard inquiet.

 

Jeg Luxan toisa le jeune homme et le Sullustain, assis en face de lui, de l’autre côté de son bureau.

— Je vous préviens, dit-il au bout de quelques instants, ce n’est pas forcément une faveur que je vous fais en vous proposant d’intégrer mon escadron. L’espérance de vie moyenne d’un pilote de chasse est environ de dix missions. Passé ce cap, vous entrez déjà dans la catégorie des vétérans. Ce ne seront pas des vacances, je veux que vous le sachiez. Vous côtoierez la mort à chaque instant, vos camarades et amis mourront sous vos yeux, et il vous faudra néanmoins continuer à vous battre. Réfléchissez bien à tout cela, avant de signer votre engagement.

— Pourquoi nous dites-vous tout cela, colonel Luxan ? demanda Yihn.

— Parce que, répondit Luxan, je vous ai observés, hier, après que je vous ai parlé. Vous sautiez de joie à l’idée de vous battre contre de vrais ennemis, et non contre un ordinateur. J’étais comme vous, autrefois, rêveur, impatient, influencé par les appels à l’héroïsme lancés par l’Empire, puis par la Rébellion. Mais je vous jure que la guerre n’apporte aucune gloire, que l’héroïsme ne mène à rien. Si je continue à me battre, ce n’est pas par plaisir, mais parce que je veux contribuer à la chute de l’Empire, même si ma participation n’est pas remarquée. N’espérez pas devenir des héros. Le commandant Skywalker et Wedge Antilles ne sont que des exceptions.

Vihn Sroder et Guryl Yihn s’entre-regardèrent, puis se tournèrent vers Luxan.

— Merci de nous avoir mis tous les éléments en mains, colonel, dit Sroder. Nous voulons néanmoins toujours nous engager. Vous comprenez, toute ma famille est toujours sur Coruscant, et je veux participer à sa libération.

Luxan se tourna vers le Sullustain.

— Et vous ? Ne me dites pas que vous voulez venger votre oncle que vous n’avez jamais vu !

Yihn sourit.

— Non, mais vous ne voudriez quand même pas que je laisse mon meilleur ami tout seul, là-haut, sans défense ?

Luxan soupira, et leur tendit les registres d’incorporation. Au moment où ils s’en saisissaient, le comlink de Luxan se mit en marche.

— Excusez-moi, fit-il, avant de répondre. Oui ?

— Colonel Luxan, c’est l’amiral Ackbar qui vous parle. Nous venons de recevoir un message qui risque fort de vous intéresser.

Luxan se leva d’un bond.

— Le Blue Bolt Squadron ?

— Vous avez vu juste, colonel, fit la voix rocailleuse du Calamarien dans le comlink. Ils semblent avoir décidé, compte tenu des circonstances, d’aller directement prendre possession de l’engin. Ils craignent l’arrivée imminente des impériaux, et nous demandent des renforts. Étant donné que le message a été envoyé il y a plusieurs heures, nous n’avons aucun moyen de savoir quelle est leur situation actuelle. Cependant, le fait qu’ils aient dû utiliser une vieille sonde messagère ne laisse rien présager de bon.

— Nous devons monter une expédition immédiatement, dit Luxan, au summum de l’excitation.

— La Conseillère Mothma a déjà donné ses ordres, colonel. Nous partons dans une heure, avec le Home One et l’Emancipator. Rassemblez vos hommes, et préparez-vous à embarquer. Ackbar, terminé.

Luxan, souriant jusqu’aux oreilles, regarda ses deux nouvelles recrues.

— Mes enfants, je crois qu’il est temps d’aller chercher vos coéquipiers.

 

Jeg Luxan et Wedge Antilles se saluèrent rapidement, juste pour la forme, avant de se jeter dans les bras l’un de l’autre en riant.

— Jeg ! fit le Corellien. Je suis content de te revoir. Te rends-tu compte que nous ne nous sommes pas retrouvés ensemble depuis la fête d’Endor, l’année dernière ?

Luxan s’écarta de lui pour le regarder en souriant.

— Je sais, Wedge, mais mon escadron a eu beaucoup à faire, ces temps-ci. Et toi ? Comment ça se passe ? J’ai entendu dire que tu étais devenu une célébrité !

Le pilote d’Aile-X balaya l’air d’un geste de dépit.

— Ne m’en parle pas, vieux. Les ronds-de-cuir de la Nouvelle République se servent de mon escadron pour faire la publicité de l’Alliance auprès des systèmes tangents.

Il montra du doigt la douzaine d’Ailes-X stationnées dans le hangar.

— Par exemple, tel que tu me vois en ce moment, je reviens de Thyferra, où j’ai passé le plus clair de mon temps à faire des sourires et à donner des poignées de mains ! Oh ! Bien sûr, nous ne faisons pas seulement office de décoration. De temps en temps, on nous donne une petite mission, mais il n’y a pas de quoi faire exploser une Étoile Noire. Et pour combler le tout, voilà que Hobbie et Wes viennent de m’apprendre qu’ils vont bientôt quitter l’escadron pour former des recrues !

— Le Rogue Squadron ne sera plus le même sans Klivan et Janson ! protesta Luxan. Par qui comptes-tu les remplacer ?

— Je n’en ai pas la moindre idée, répondit Antilles. C’est Ackbar qui mène la danse. C’est lui qui va sélectionner ceux qui pourront se porter candidats pour intégrer la nouvelle formation de l’escadron. Cela ne me laissera qu’un choix limité. De toute façon, une chose est sûre, ces bleus devront être plus doués que les membres actuels de l’escadron. La Nouvelle République veut absolument faire du Rogue Squadron une machine qui dépassera sa propre réputation.

— Luke Skywalker n’a qu’à y reprendre sa place, et vous serez imbattables !

— Facile à dire, fit Wedge. Même s’il vole avec nous de temps à autre, Luke a bien d’autres choses à faire. La dernière fois que je l’ai vu, il a évoqué un projet qui lui trottait dans la tête depuis quelque temps. Il parlait de fonder une Académie Jedi, ou un truc du genre.

Luxan s’esclaffa.

— Une Académie Jedi ! Bonne idée ! Comme ça, moi aussi, je vais commencer à perdre les membres de mon escadron. Quand Hierrulf va apprendre ça, tu peux être sûr qu’il va nous plaquer pour suivre l’enseignement du commandant Skywalker !

— Hierrulf ? demanda Wedge, interloqué.

— Un de mes hommes, qui a un certain pouvoir sur la Force. D’après ce que je sais, il a suivi une formation incomplète il y a quelques années ; depuis, il veut absolument devenir un Jedi. Alors je t’en prie, plaisanta-t-il, ne lui en parle pas, lorsque tu le verras. J’ai grand besoin d’hommes !

Les deux pilotes partirent d’un grand éclat de rire. Quand ils furent calmés, Wedge Antilles surprit une étincelle de tristesse dans le regard de son ami.

— Jeg, qu’est-ce qui ne va pas ?

Luxan poussa un long soupir.

— Je crois que je suis allé trop loin dans ma carrière. Je me demande si je n’en ai pas trop vu pour ensuite mener une vie normale, avec une femme et des enfants.

— Je vois tout à fait ce que tu veux dire, fit Wedge. Moi aussi, il m’arrive parfois d’avoir envie de tout plaquer. Mais immédiatement, je pense à tout ce qu’il reste encore à faire avant que l’Empire ne disparaisse totalement, et je me dis que je n’ai pas le droit de laisser tomber la galaxie. Des peuples entiers attendent qu’on vienne les délivrer.

— Je comprends tout cela, fit Luxan, mais tu n’en as pas marre de voir tous tes gars crever les uns après les autres ? Rien qu’hier, j’ai vu tout un escadron d’Ailes-B se faire décimer, puis est venu le tour des bleus que j’étais en train de former, tout cela sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Tout ce que j’ai trouvé pour sauver ma peau et celle de mes hommes a été de nous cacher au beau milieu de l’épave du Crystal. C’était affreux, Wedge. Il y avait des cadavres partout, et pourtant, je ne pouvais pas m’empêcher de regarder.

Luxan s’aperçut que les larmes lui étaient montées aux yeux. Il les essuya du revers de sa manche.

— Excuse-moi. Tu vois, ce que je te disais ? J’en ai trop vu.

Wedge lui tapota l’épaule amicalement.

— Tu n’es pas le seul, Jeg. N’oublie pas que j’ai vu mes parents mourir sous mes yeux, et que j’ai vécu l’enfer de la tranchée de l’Étoile Noire, puis la débâcle de Hoth. Mais nous devons prendre sur nous. Nous devons continuer à nous battre pour éviter qu’à l’avenir, d’autres soient obligés de vivre la même chose. En attendant, il faut que nous allions récupérer tes gars.

— S’il y a encore quelqu’un à récupérer, répondit lugubrement Luxan. Quoi qu’il en soit, je suis bien content de savoir que nous allons mener cette mission ensemble. Cela fait du bien de voir que certains vieux amis ne sont pas encore partis.

Wedge eut un grand sourire.

— De ce côté-là, ne t’inquiète pas. Je compte bien m’accrocher encore pas mal de temps !

 

Waneugh Ehn et Yom réparaient les stabilisateurs du Stardust quand l’humain aperçut, à l’autre bout du hangar, près de la flottille d’Ailes-X, deux pilotes en train de converser. Il reconnut celui qui portait une combinaison de vol vert foncé.

— Tu vois qui est là-bas, Yom ? demanda-t-il au Gungan. La créature aux longues oreilles émit un petit gloussement.

— Allez, ce stabilisateur peut attendre quelques instants. J’ai l’impression que Jeg va se tirer, et je veux pouvoir le saluer avant qu’il ne s’en aille. Tu viens avec moi ?

Le Gungan approuva d’un signe de tête. Les deux contrebandiers se laissèrent glisser le long  de  la  coque  du  cargo,  et  atterrirent  au  beau  milieu  d’une  grande  flaque  d’eau, éclaboussant le bas de leurs pantalons.

— Il est décidément plus que temps que nous foutions le camp de Mon Calamari ! fulmina Ehn.

Ils traversèrent le grand hangar, jusqu’à ce qu’ils arrivent au niveau de Jeg Luxan et Wedge Antilles.

— Jeg ! le héla Ehn. On part sans dire au revoir ?

Les deux pilotes se tournèrent dans leur direction.

— Tiens, Waneugh ! Il jeta un rapide coup d’œil à leurs pantalons mouillés. Vous avez eu un petit accident ?

— Oh ! Rien de grave, fit Ehn. Il faudrait juste qu’ils entretiennent mieux ce hangar. Malgré tous leurs efforts, cette ville prend la flotte de partout ! Tu te souviens de Yom ?

— Tout à fait, répondit Luxan. Content de te revoir, vieux.

Le Gungan lui fit comprendre à sa manière que le sentiment était partagé. Yom savait parler le galactique standard, mais il avait conscience d’avoir un accent ridicule et irritant lorsqu’il le faisait. Aussi avait-il décidé de ne s’exprimer que dans sa langue natale, excepté en cas d’urgence.

Wedge se racla la gorge.

— Oh ! Où sont mes manières ? fit Luxan. Yom, Waneugh Ehn, je vous présente Wedge Antilles.

Les deux humains se serrèrent la main, tandis que le Gungan se contentait de hocher la tête.

— Wedge Antilles, hein ? dit Ehn. J’ai beaucoup entendu parler de vous. Vous avez deux Étoiles Noires à votre actif, n’est-ce pas ? Vous êtes très connu dans la galaxie, vous savez ?

Wedge fit un petit clin d’œil à Luxan.

— Qu’est-ce que je te disais ? Enchanté, monsieur Ehn. Jeg m’a déjà parlé de vous, par le passé. Je crois savoir que vous faites de la contrebande ?

Waneugh Ehn fronça les sourcils.

— Effectivement. Je sais que la Nouvelle République ne voit pas les contrebandiers d’un très bon œil, mais j’espère qu’un Corellien comme vous ne m’en tiendra pas rigueur.

Wedge partit d’un grand éclat de rire.

— Vous n’avez rien à craindre de ma part. J’ai moi-même fait pas mal de contrebande avant de rejoindre l’Alliance. Je suis très ami avec Booster Terrik.

— Les amis de Booster sont mes amis ! fit Ehn. Je n’irai pas jusqu’à dire que nous avons fait les quatre cents coups ensemble, mais j’ai quand même eu une aventure avec sa fille.

Wedge poussa un sifflement admiratif.

— Si vous avez réussi à faire craquer une fille aussi difficile que Mirax Terrik, vous méritez vraiment tous les honneurs.

— Alors, vous mettez les voiles ? demanda Ehn.

— Oui, répondit Luxan. Nous avons reçu un message de mes hommes, que je croyais morts il y a encore une demi-heure. Ils étaient partis récupérer un vaisseau pour le compte de la Nouvelle République, et nous n’avions plus de nouvelle depuis plusieurs jours. Nous partons de ce pas à leur secours, sachant qu’il risque d’y avoir une sacrée flopée d’impériaux dans les parages. Je crois que deux croiseurs et une quinzaine de chasseurs ne seront pas de trop, n’est-ce pas, Wedge ?

— Effectivement, répondit le Corellien. Vu l’ampleur de cette mission, cela m’étonnerait que l’Empire n’envoie là-bas qu’un seul chasseur TIE !

— Je peux peut-être vous accompagner, proposa le contrebandier. Yom et moi n’avons rien de particulier à faire, et je ne laisserai certainement pas mon vieil ami affronter l’Empire à lui tout seul ! Qu’est-ce que tu en penses, Yom ?

Le Gungan émit quelques borborygmes enthousiastes signifiant qu’il était partant. Wedge et Luxan échangèrent un regard.

— Je ne sais pas si c’est bien réglementaire, ça, fit Antilles. Il faudrait que j’en parle à l’amiral Ackbar, et que je le fasse vite. Nous partons dans vingt minutes.

— Je viendrai avec toi, intervint Luxan. Je me porterai garant pour Waneugh. En tous cas, fit-il au contrebandier, j’apprécie ta proposition.

Waneugh Ehn fit un geste évasif de la main.

— Oublie ça. En souvenir du bon vieux temps, sur Bespin. Il bourra un coup de coude au Gungan. Tu viens, Yom ? Il faut que nous ayons remis ce stabilisateur en place d’ici un quart d’heure. À tout à l’heure.

Wedge et Luxan les regardèrent s’éloigner.

— Un drôle de personnage, ton ami, fit le Corellien. Je n’en connais pas beaucoup qui se seraient dévoués sans réfléchir, comme il l’a fait. Même le général Solo travaillait pour de l’argent, à une certaine époque.

Luxan sourit.

— Il a toujours été comme ça. C’est une grande gueule, mais il place l’amitié au-dessus de tout. Jamais il ne laissera un copain dans la panade. Et Yom est comme lui.

— S’ils sont comme toi, cela me suffit largement, dit Wedge. Au fait, que font tes hommes ?

— Je n’en sais rien, répondit Luxan. Ils ne devraient pas tarder à arriver. D’ailleurs, il faudra absolument que je te les présente. Ils ne sont pas nombreux, mais je crois que je me suis entouré de très bons pilotes, et d’un caractère excellent.

 

Loin de se douter que leur supérieur parlait d’eux en des termes si élogieux, Moira Fedz, Starwatcher, Sroder et Yihn se dirigeaient d’un pas pressé vers le hangar principal.

— Dépêchez-vous, les bleus, fit Anton aux deux nouvelles recrues du Blue Bolt Squadron. Le colonel ne va pas nous attendre cent sept ans.

Moira lui jeta un regard en coin.

— Qu’est-ce qui te donne le droit de les appeler « les bleus », Anton ? Tu crois qu’une mission a suffi à faire de toi un vétéran ?

Gêné, Starwatcher se retourna vers le jeune homme et le Sullustain.

— Je vous prie de m’excuser, les gars. Nous sommes aussi bleus que vous, mis à part le fait que nous nous en sommes déjà pris pas mal dans la gueule lors de notre première mission.

— Je dois admettre qu’il a raison, sur ce point, fit la jeune femme. Nous avons vite été mis dans le bain.

Pendant une minute, on n’entendit plus que le bruit de leurs bottes dans le couloir menant au hangar. Puis, Vihn Sroder relança la conversation.

— Ça a été si dur que ça ? Je veux dire : tout à l’heure, le colonel Luxan a tout fait pour nous dissuader de nous engager. Vous pensez qu’il avait raison ?

Moira s’arrêta pour le regarder droit dans les yeux. Son regard n’était pas dur, au contraire, mais il en émanait une certaine tristesse qui retourna Sroder.

— Sincèrement, dit-elle au bout de quelques secondes, je pense que Jeg... je veux dire le colonel Luxan, a de très bonnes raisons de chercher à décourager tous ceux qui veulent faire de la guerre leur métier, même si le recrutement entre dans ses fonctions. Beaucoup d’hommes sont morts sous son commandement, et cela l’a énormément éprouvé. Anton et moi en savons quelque chose ! Tout ce que je veux dire, et je pense que tu seras d’accord avec moi, Anton, dit-elle au Tatooien, c’est que même si nous ne connaissons pas le colonel depuis beaucoup plus longtemps que vous, nous savons à quoi nous en tenir avec lui. Il aura beau essayer de se montrer froid et distant, ne vous y fiez pas. S’il vous a recrutés, c’est qu’il estime que vous en êtes dignes, et que vous avez autant de chances que nous de sortir vivants de votre première mission. Il voulait juste que vous ne fonciez pas tête baissée, sans savoir qu’une guerre, ce n’est pas toujours très propre, que d’un coup de turbolaser, vous pouvez en une seconde passer du statut d’être vivant à celui d’amas de chair fondue, instantanément gelé par le froid de l’espace.

— Mon vieux Guryl, fit Sroder au Sullustain, je commence à me demander si nous avons bien fait de nous engager.

L’autre haussa les épaules.

— Maintenant que nous sommes là, autant aller jusqu’au bout.

Ils arrivèrent à l’entrée du hangar spatial, devant laquelle étaient assemblés une dizaine de pilotes vêtus de combinaisons de vol orange. L’un d’entre eux, un homme robuste aux cheveux bruns et aux yeux bleus, leur fit signe de se dépêcher.

— Je suppose que vous êtes les pilotes du Blue Bolt Squadron, fit-il. Il était temps que vous arriviez. Nous partons immédiatement.

— Nous  sommes  désolés  pour  le  retard,  fit  Moira,  mais  il  fallait  trouver  des combinaisons de vol pour ces deux nouvelles recrues. Nous ne pensions pas que cela prendrait autant de temps.

L’homme les scruta du regard quelques instants. Il semblait évident qu’il s’agissait là d’un pilote émérite qui jaugeait les nouveaux venus dans la cour des grands.

— C’est votre première mission, dit-il, souriant.

Ce n’était pas une question.

— Seulement pour moi et pour mon camarade Sullustain, fit Vihn Sroder. Nos deux autres coéquipiers viennent juste de nous apprendre qu’ils avaient une mission de plus que nous à leur actif.

L’homme haussa un sourcil.

— L’attaque du Crystal, n’est-ce pas ? On vient de nous briefer, là-dessus. Vous avez réussi à vous tirer de là. Chapeau !

Il leur tendit la main.

— Au fait, j’ai oublié de me présenter. Capitaine Tycho Celchu.

Une fois les présentations faites, les deux groupes de pilotes pénétrèrent dans le hangar. Wedge Antilles et Jeg Luxan, vite suivis de Waneugh Ehn et de Yom, vinrent les accueillir.

Wedge prit la parole :

— Jeunes gens, nous n’avons pas énormément de temps devant nous, aussi vais-je essayer de ne pas trop m’étendre. Il fallait juste que nous effectuions une petite mise au point. Comme vous le savez déjà, nous partons avec le Home One et l’Emancipator. De ce côté-là, rien de changé. Vous devez juste savoir que le capitaine Ehn et son copilote Yom viennent de se porter volontaires pour partir avec nous. Leur cargo, le Stardust, volera avec le Blue Bolt Squadron. Votre effectif sera ainsi à moitié complet, ajouta-t-il en se tournant vers Luxan.

Ce fut au tour de ce dernier de prendre la parole.

— J’ai déjà ma propre Aile-A. Il en va de même pour Fedz et Starwatcher, mais il va y avoir un petit problème vous concernant, messieurs Yihn et Sroder.

Le jeune homme et le Sullustain firent la grimace. Cela n’échappa pas au colonel, qui eut un large sourire.

— Je sais, vous vous attendez au pire. Nous n’avons malheureusement pas d’Ailes-A surnuméraires disponibles actuellement. Nous remédierons à cette situation plus tard, mais, pour l’instant, vous devrez vous contenter de ces deux Z-95 que vous voyez là-bas. Ça ira ?

Sroder haussa les épaules.

— C’est en commençant par le programme Z-95 que nous avons appris à voler sur les simulateurs, quand nous avions douze ans. Je pense que ça fera l’affaire.

Luxan  sourit. D’après  ce  que  j’ai  vu  au  casino,  je  pense  qu’ils  s’en  tireront parfaitement.

Wedge frappa dans ses mains.

— Allons-y, les enfants, nous perdons un temps précieux.

Tous les pilotes se dirigèrent vers leurs appareils respectifs. Avant de monter dans son Aile-A, Moira interpella Waneugh Ehn. Ce dernier fit signe à Yom de l’attendre à bord du Stardust, avant de rejoindre la jeune femme.

— Que puis-je faire pour vous, gracieuse demoiselle ? demanda-t-il.

La jeune Klathooienne parut hésiter quelques instants, puis elle se décida à parler.

— Je   me   demandais... Vous   qui   connaissez   le   colonel   Luxan   depuis   si longtemps... Pourriez-vous  me  raconter  quelques  anecdotes  à  son  sujet,  quand  nous rentrerons ? J’aimerais beaucoup apprendre à mieux le connaître.

Waneugh Ehn partit d’un grand éclat de rire. Il posa sa main sur l’épaule de la jeune femme.

— Décidément, ce bon vieux Jeg ne sait pas la chance qu’il a. Ne vous inquiétez pas, mon petit. À notre retour, vous saurez tout de lui. Jusqu’à la couleur de ses chaussettes !

Les joues de Moira rosirent légèrement. Elle remercia Waneugh, puis gravit l’échelle menant au cockpit de son appareil. Elle se faufila dans le siège étroit mais confortable du chasseur, et ajusta son casque sur sa tête. Juste avant que la verrière ne se referme, elle héla Ehn une dernière fois.

— Vous ne lui dites rien, n’est-ce pas ? hurla-t-elle pour se faire entendre en dépit du rugissement des moteurs des chasseurs qui décollaient.

— Motus ! fit Ehn en se retournant vers elle. Puis il s’éloigna en direction du Stardust. Quelques minutes plus tard, une douzaine d’Ailes-X, trois Ailes-A, deux Z-95 et un cargo interstellaire de type YT-2000 jaillissaient du hangar de Foamwander City. Le groupe de vaisseaux alla rejoindre les deux croiseurs qui les attendaient en orbite de Mon Calamari.

Harnaché dans le cockpit de son chasseur, Jeg Luxan jeta un regard lourd en direction de l’Emancipator et du Home One.

C’est reparti, pensa-t-il. Comme si la dernière fois ne m’avait pas suffi !

 

La porte s’ouvrit avec un léger crissement qui réveilla Hierrulf. Il se retourna sur sa couchette pour faire face au nouveau venu. Il cligna des yeux. Une mince silhouette se découpait gracieusement dans le halo lumineux émanant du couloir.

— Je te réveille, Hierrulf ? demanda Darcy.

— Oui, fit Hierrulf, mais ce n’est pas grave. Entre.

La jeune femme alluma la lumière dans la chambre et referma la porte. Après avoir jeté un regard circulaire sur la salle de méditation, elle alla s’asseoir sur le lit, à côté de Hierrulf.

— Je suis venue voir comment tu allais. Tu sais qu’on se fait du souci pour toi ?

Hierrulf sourit.

— Je te garantis que vous n’avez aucun mouron à vous faire. J’étais juste un peu fatigué, c’est tout. Je vais beaucoup mieux, maintenant. Ça m’a fait un bien fou, de dormir un peu.

Il la regarda quelques instants, avant de continuer :

— Dis-moi, c’est bien la première fois que tu ne viens pas pour me casser les pieds. Je vais finir par me demander si ce n’est pas toi qui ne vas pas bien.

Ils éclatèrent tous les deux de rire. Quand ils furent calmés, Darcy répondit :

— Je sais que je peux être une véritable emmerdeuse, quand je m’y mets. Ce n’est pas ma faute, je suis comme ça. Seulement là, nous sommes dans une situation un peu spéciale. Tu nous fais une dépression nerveuse, nous n’arrivons pas à faire démarrer ce coucou, les impériaux vont bientôt se pointer... Ce n’est vraiment pas le moment de nous bouffer le nez. J’ai pensé qu’il serait mieux que j’apprenne à te connaître un peu.

Hierrulf eut l’air gêné.

— Tu sais, dit-il, il n’y a pas énormément de choses à apprendre sur moi, et le peu qu’il y a à raconter ne t’intéresserait sûrement pas.

— Essaie toujours, fit Darcy.

Elle caressa du bout des doigts la vieille cicatrice qui barrait l’œil gauche du jeune homme.

— Tu pourrais commencer en me disant comment tu as récolté ce truc-là, par exemple.

— C’est quelque chose dont je n’aime pas trop parler, commença Hierrulf, visiblement mal à l’aise. À vrai dire, je ne me souviens pas l’avoir déjà fait. Mais bon… Si tu y tiens... Tu es prête ?

La jeune femme ramena ses jambes sur le lit et s’assit en tailleur.

— Je suis toute ouïe.

Hierrulf grimaça.

— Ce n’est pas un conte de fée, crois-moi. C’était il y a de cela une dizaine d’années. J’étais alors un contrebandier Freelance. Mon cargo - ce n’était pas le Smashing, à l’époque - a eu un jour une grave avarie qui m’a contraint de le poser en catastrophe sur une lointaine planète isolée du nom de T’jur. Plus de la moitié des systèmes étaient hors d’état de marche, y compris les suspenseurs antigrav, ce qui te laisse imaginer que l’atterrissage n’a pas été du gâteau-Rhys. J’ai quand même réussi à m’en sortir indemne.

Après avoir fait une petite tournée d’inspection de l’appareil, j’ai constaté que rien n’était irréparable, même avec le peu de moyens dont je disposais. J’ai donc décidé d’explorer un peu la planète sur laquelle je m’étais retrouvé. C’était un endroit assez sympa, en y repensant : des arbres partout, un peu comme sur Endor, des petites rivières, et pleins de petits animaux inoffensifs. Je te rassure tout de suite : pas d’Ewoks ! J’aurais donc vraiment pu tomber plus mal.

Comme je te l’ai dit, le vaisseau était réparable, mais je me suis vite aperçu que j’en aurais bien pour deux mois au bas mot. J’ai alors pris les choses avec philosophie. Je me suis dit : Tu es bloqué ici pour un bon bout de temps, alors profites-en pour te détendre. J’avais de quoi manger, étant donné que je transportais des produits alimentaires de luxe que je devais livrer à un client. De toute façon, ma course étais fichue, alors je n’allais pas laisser cette nourriture moisir dans mes soutes et mourir de faim en la regardant se décomposer !

Le deuxième jour après mon arrivée, j’ai commencé à me sentir mal à l’aise. J’avais la désagréable impression qu’on m’observait. J’ai tout d’abord pensé qu’il devait s’agir de quelque animal sauvage. J’ai donc décidé de rester sur mes gardes, tout en continuant mes réparations comme si de rien n’était. Et il ne m’est rien arrivé de fâcheux ce jour-là.

Deux jours plus tard, alors que je me lavais dans un ruisseau non loin du vaisseau, j’ai entendu des bruits de pas derrière moi. Comme j’avais gardé mon blaster sur moi, je l’ai dégainé et j’ai fait volte-face aussi vite que j’ai pu. J’aimerais que tu imagines la scène : j’étais nu comme un ver, l’arme au poing, face à un vieil homme hirsute qui me regardait en se marrant comme un singe-lézard Kowakien!

Sans comprendre ce qui m’arrivait, je me suis vu rengainer mon arme et m’habiller à toute vitesse. Ce n’est qu’après que nous avons fait les présentations.

Le vieux s’appelait K’tan et vivait dans la forêt sacrée de Vinyah (c’est là que je me trouvais) depuis plus de trente ans. Pendant tout ce temps-là, il n’avait vu aucun être humain, puisque la forêt était frappée d’interdiction.

« Que faisait-il là, alors ? » demanderas-tu. C’est exactement la question que je lui ai posée. Il m’a répondu qu’il était venu se réfugier dans ces bois pour fuir les persécutions dont il faisait l’objet dans la communauté au milieu de laquelle il vivait auparavant. D’après lui, il possédait un pouvoir que les autres ne comprenaient pas et qu’ils prenaient pour de la sorcellerie. Je me rappelle alors qu’il m’a dit : « Elle est d’ailleurs forte en toi ».

—  « Elle » ? demanda Darcy.

— La Force, répondit Hierrulf. C’est ce jour-là que j’ai appris que j’avais un potentiel Jedi. Je lui ai demandé s’il était lui-même un Jedi. Je me rappelle qu’il m’a répondu : « En quelque sorte ».

Les jours qui suivirent, K’tan entreprit de commencer ma formation. Oh, ce n’étaient que de simples petits exercices, au début : éviter les coups qu’il essayait de me donner, soulever quelques petits cailloux d’à peine une dizaine de grammes par la pensée, ce genre de trucs. Comparé à ce que je peux faire maintenant, ce n’était vraiment pas grand-chose, mais à l’époque, j’étais émerveillé de voir les prodiges que je pouvais accomplir rien qu’en me concentrant un peu.

— Plus tard, K’tan m’a fabriqué un sabre laser d’entraînement. C’était d’après lui un outil qui n’était pas utilisable dans un vrai duel, mais qui donnait une bonne approche du maniement de ce genre d’arme. Il était construit de telle sorte qu’il était impossible de trancher quoi que ce fût avec, pour éviter les accidents aux débutants. Je dois admettre, sans me vanter, que j’ai très vite appris les subtilités du combat au sabre laser. C’était inné, chez moi.

Là où les choses ont commencé à se gâter, c’est quand K’tan a voulu me montrer comment on pouvait faire prendre feu à un être vivant. Je lui ai demandé pourquoi un Jedi ferait une telle chose. Après tout, les Jedi n’étaient-ils pas censés être les protecteurs des opprimés ?

« Balivernes ! » m’a-t-il répondu. « Nous avons un pouvoir que les autres n’ont pas. Nous avons été choisis pour dominer, pas pour nous occuper du sort de misérables créatures qui se complaisent dans la médiocrité ».

Sur ce, il a pointé un doigt en direction d’un petit mammifère qui passait par-là, et j’ai vu la pauvre bête s’embraser d’un seul coup. C’est là que j’ai compris pourquoi je m’étais senti aussi mal pendant que K’tan m’observait, avant de se faire connaître. K’tan était un Jedi sombre. C’était sans doute pour cette raison qu’il avait été persécuté par les hommes de sa communauté. Il n’avait pas dû faire le poids devant leur nombre, et il avait dû être obligé de fuir.

Il s’est tourné vers moi et m’a dit : « J’ai de grands projets, pour toi. Tu es un élève doué, et puissant. Si nous quittions ce rocher avec ton vaisseau, nous pourrions nous rendre maîtres de n’importe quel monde de la galaxie ».

Voyant dans quelle galère je m’étais laissé embarquer, j’ai dégainé mon sabre laser bidon, et je me suis mis en garde. K’tan a éclaté de rire, et il m’a demandé ce que je comptais faire avec ce pauvre arc électrique. Pour toute réponse, j’ai abattu ma lame sur lui. Il a immédiatement activé son propre sabre, une arme redoutable avec une poignée sculptée. La lame blanche de mon sabre laser était un peu pâlotte à côté de la sienne, d’un bleu électrique. Cependant, je savais que ce ne sont pas les armes qui font la valeur d’un Jedi, mais plutôt son degré d’affinité avec la Force.

Il a paré mon coup d’un geste simple, plein d’élégance. Puis, ça a été à son tour d’attaquer. Comme je te l’ai déjà dit, je ne me débrouillais pas mal du tout, à ce petit jeu-là, aussi notre duel a-t-il duré une bonne demi-heure. Parades, feintes, bottes ; sans interruption. À la fin, j’étais exténué, et K’tan a profité d’une seconde d’inattention de ma part pour me laisser ce petit souvenir.

Il désigna sa balafre. Darcy hocha la tête.

— Que s’est-il passé, ensuite ?

Hierrulf poussa un long soupir.

— J’ai fini par réussir à donner un coup d’arc électrique sur son poignet. Le choc lui a fait lâcher son arme. J’ai appelé la Force, et son sabre laser s’est retrouvé dans ma main. Il m’a alors regardé droit dans les yeux, puis il m’a dit : « Tue-moi, Hierrulf. Sinon, à la première occasion, c’est moi qui te tuerai ! ». Je savais qu’il disait vrai. Mon intention de départ avait été de le laisser vivre, mais je devais finir de réparer le vaisseau, et je ne pouvais pas prendre le risque de laisser traîner un ennemi désormais mortel dans les parages. Je l’ai alors pourfendu de sa propre lame.

— C’est horrible, fit Darcy.

— Je sais, répondit Hierrulf. Ne sachant pas si K’tan ne m’avait pas déjà appris à utiliser des pouvoirs du côté obscur, j’ai décidé de laisser tomber, du moins pour un temps, tout ce qui pouvait avoir trait de près ou de loin à la Force. J’ai enterré les restes de K’tan avec son sabre laser, et j’ai quitté T’jur trois jours plus tard. Ce n’est que cinq ans après, quand j’ai fait la connaissance de ton copain Bayee, que j’ai repris mon entraînement Jedi sur de nouvelles bases. Voilà, fin de l’histoire.

Darcy et Hierrulf restèrent silencieux pendant quelques instants.

— Je comprends que tu aies eu envie de garder ça pour toi, fit Darcy au bout d’un moment. J’imagine que tu as honte de ce que tu as été obligé de faire. Mais, vu les circonstances, tu n’avais pas le choix.

— C’est ce dont j’essaie de me persuader, répondit Hierrulf, mais, même après toutes ces années, j’ai toujours le sentiment que j’aurais pu trouver une autre solution. C’était la première fois que je tuais quelqu’un que je croyais être mon ami.

Il regarda Darcy droit dans les yeux. Sans qu’aucun des deux n’en prenne conscience, les deux jeunes gens se rapprochèrent sensiblement sur le lit. Hierrulf continua :

— C’est étrange. Comme je te l’ai déjà dit, je n’avais jamais raconté cette histoire à qui que ce soit. J’étais à des parsecs d’imaginer que tu serais la première personne à l’entendre.

La Corellienne sourit.

— Que veux-tu ! fit-elle. Tu ne voulais pas me croire quand je disais que j’étais quelqu’un d’extraordinaire !

— Maintenant, ça ne fait plus aucun doute, répondit Hierrulf, avant de se pencher vers elle et de l’embrasser.

Immédiatement, la jeune femme le repoussa. Elle baissa les yeux, n’osant pas le regarder en face.

— Excuse-moi, finit-elle par dire, mais ça fait deux fois en quelques jours qu’une chose de ce genre m’arrive. Je crois que ça fait un peu beaucoup.

— Deux fois ? demanda Hierrulf. Mais qui... ?

La réponse lui vint tout naturellement à l’esprit.

— Je vois, dit-il. Fran.

Darcy releva subitement les yeux vers lui à la mention du nom de son amie.

— Comment as-tu deviné ? finit-elle par demander.

— Je ne sais pas, répondit Hierrulf. Curieusement, c'est le premier nom qui me soit passé par la tête. Et puis, à voir comme tu étais déprimée à l’annonce de sa mort...

La jeune femme prit sa main dans la sienne.

— Tu ne m’en veux pas, Hierrulf ? Je veux dire, ne sois pas vexé. C’est juste un peu trop tôt, pour moi.

Hierrulf leva une main.

— Pas de problème, dit-il sans grande conviction. Ça ne sera pas la première fois que je me prendrai un râteau ! Après tout, ça ne peut pas toujours se passer comme entre la princesse Leia et Han So...Bon sang ! Han Solo ! Mais c’est bien sûr !

Il se leva d’un bond et se rua vers la porte de sortie, laissant en plan la jeune Corellienne.

Darcy resta quelques secondes assise sur le lit, bouche bée. Puis elle se leva à son tour et emprunta le même chemin.

 

— Tu arrives à quelque chose, de ton côté ? demanda Xun à Tubrah.

— Toujours rien, mecton, répondit le Questeur Slugh. Il fit tourner son fauteuil en direction du Defel. Et toi, Shadow ?

— Oh ! fit l’intéressé. Je n’essaie même plus depuis dix minutes ! Si vous voulez mon avis, j’ai bien l’impression que nous n’arriverons pas à faire bouger ce rafiot d’un millimètre !

Visiblement mécontent, Yurwick émit un beuglement. Le Questeur Slugh se mit lui aussi en colère.

— Tu pourrais au moins essayer de faire un effort ! Nous sommes tous en train de nous acharner sur ces consoles, et monsieur baye aux corneilles ! Mais pour faire des conneries, alors là, il n’y a aucun prob... Tiens ! Une tornade blanche !

Hierrulf venait de traverser la passerelle en courant et en criant à tout le monde de le suivre. Intrigués, Tubrah, Shadow, Grisson, Xun et le Wookie lui emboîtèrent le pas, bientôt suivis de Darcy et des deux droïds.

Hierrulf leur fit redescendre le puits antigrav menant à la salle de séjour, où les attendaient les deux Gamorréens. Indifférent aux questions qui fusaient de toutes parts, il fit signe à RD-69 d’approcher, puis il désigna le groupe de sculptures.

— Dis-moi, Womprat, est ce que tu pourrais me donner la composition de ces horreurs que tu vois là-bas ? C-4PO, je compte sur toi pour traduire.

— Ai-je le choix, de toute façon ? demanda le droïd de protocole. Allez, vas-y, tas de ferraille sur pattes. Fais ta petite analyse.

Le petit droïd astromech poussa un trille de mécontentement, mais il entama tout de même son scanning des statues, tandis que C-4PO ânonnait :

— Duracier, transpacier, plastique, titane, bronze, argent, carbonite...

—Carbonite ! s’exclama Hierrulf. J’en étais sûr !

Les autres lui jetèrent un regard interrogateur.

— Tu étais sûr de quoi ? lui demanda le Questeur Slugh.

Hierrulf  s’approcha  de  la  statue  qui  avait  attiré  son  attention  plusieurs  heures auparavant. Ses mains parcoururent les côtés du monolithe, avant de s’arrêter sur un minuscule boîtier métallique muni d’un unique interrupteur.

— Là ! fit Hierrulf. Vous voyez ?

Darcy écarquilla les yeux.

— Tu ne veux quand même pas dire que... ?

— Oh que si ! répondit Hierrulf. Mes amis, je crois finalement qu’il y avait ici quelqu’un pour nous recevoir.

— Ce type est-il seulement vivant ? demanda Dengar Xun. Qui sait depuis combien de temps il est là-dedans ?

— Nous savons  que  la  carbonite permet de conserver un être vivant en parfaite hibernation, et ce, pour une durée indéfinie, intervint C-4PO. Il semblerait logique que le pauvre type qui est coincé dans ce truc soit toujours en vie.

— Il n’y a qu’un moyen de le savoir, fit Hierrulf.

Sans un mot, la petite assemblée se regroupa autour de la stèle de carbonite, tandis que Hierrulf activait l’interrupteur. Il y eut un bourdonnement sourd, et le voyant du boîtier de commande se mit à clignoter de plus en plus rapidement. La silhouette grise commença à rougeoyer. La carbonite fondit et se mit à couler sur le sol, libérant peu à peu son prisonnier.

Quelques secondes plus tard, l’homme s’écroulait par terre. Il fut heureusement rattrapé à temps par Yurwick et par le Questeur Slugh.

— Il respire, fit Tubrah. C’est incroyable ! Si ça se trouve, ce type est tricentenaire !

Ils l’allongèrent doucement sur le sol. Darcy leur fit signe de s’écarter et s’agenouilla à côté de lui.

— Laissez-moi faire, les gars. Je suis une fille, et je crois qu’il faut faire les choses avec délicatesse.

Yurwick émit un petit ricanement. Darcy le regarda en secouant la tête, puis elle se tourna vers l’homme. Il devait avoir la quarantaine : son visage comportait quelques rides, et ses cheveux grisonnaient légèrement. Son front était orné d’un tatouage étrange qui intrigua la jeune femme. C’est étrange, pensa-t-elle. Je suis sûre d’avoir déjà vu ce signe quelque part. À l’occasion, il faudra que je lui demande ce que ça représente.

— Vous m’entendez ? lui demanda-t-elle.

L’homme tourna légèrement la tête dans sa direction.

— Nomi..., murmura-t-il.

— Nomi ? Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Hierrulf.

Darcy lui fit signe de se taire. Elle continua à interroger le rescapé.

— Tout va bien, maintenant. Vous êtes libéré de la carbonite. Vous allez vite aller mieux.

L’homme cligna des yeux.

— Je... Je ne vois rien où suis-je ?

— Votre vue reviendra en temps voulu, le rassura Darcy. Vous subissez les effets de l’hibernation. Cela devrait durer une heure ou deux, pas plus. Quant à l’endroit où vous vous trouvez, on verra ça plus tard. Comment vous appelez-vous ?

L’homme essaya de se relever ; en vain. Il se rallongea.

— Combien de temps... ?

— Nous n’en savons rien, répondit Darcy. Mais vous n’avez pas répondu à ma question. Comment vous appelez-vous ?

— Ulic, dit l’homme. Ulic Qel-Droma. 

Chapitre Quatre : Légende Jedi
 

Tubrah se pencha sur Qel-Droma et lui mit une tasse de café chaud entre les mains. L’homme le remercia, et commença à avaler le breuvage ; doucement, d’abord, puis de plus en plus avidement. Le Questeur Slugh reprit la tasse avant qu’Ulic ne la vidât totalement.

— Ne va pas si vite, mon vieux, lui dit-il. Ton système digestif a dû rester inactif pendant pas mal de temps. Qui sait ce qui pourrait t’arriver, avec ce jus de chauss... ?

Il ne termina pas sa phrase. Comme il l’avait craint, Ulic fut pris de convulsions, se plia en deux, avant de vomir tout ce qu’il venait d’ingurgiter.

Darcy et Tubrah l’aidèrent à se relever.

— Merci, fit Ulic, avant d’émettre un rire sans joie. On ne peut pas dire que je sois au sommet de ma forme ! J’ai un mal de crâne épouvantable, je suis aveugle, et, de surcroît, je ne peux rien avaler !

— Ça va très vite aller mieux, je vous le promets, fit Darcy. Soyez patient.

Ulic Qel-Droma tourna ses yeux aveugles vers la jeune femme.

— La patience, fit-il d’un ton sec. C’est une des premières choses que Maître Arca m’ait apprises. J’ai dû apprendre la patience. Je crois que ce n’est pas un mot à utiliser à la légère. La patience n’est pas à la portée du premier venu.

— J’ai peur que le pauvre en ait pris un coup sur la cafetière ! railla       C-4PO.

Hierrulf appuya sur l’interrupteur situé à l’arrière du cou du droïd. C-4PO s’immobilisa et resta coi.

— Il était temps qu’il la mette en sourdine, se justifia-t-il. (Puis, s’adressant à QelDroma.) Maintenant que nous sommes tranquilles et que vous êtes bien réveillé, je vais vous dire où vous vous trouvez. Nous sommes tous à bord du vaisseau interstellaire le plus grand qu’il m’ait jamais été donné de voir.

— Le plus grand, dites-vous ? demanda immédiatement Ulic. Quelle est sa taille ?

Le son de sa voix laissait paraître une vive inquiétude.

— Il mesure à peu près une dizaine de kilomètres de long, répondit Hierrulf.

— Par les dieux immortels de Sith ! s’exclama Qel-Droma.

— Oui, je sais, intervint le Rodien. Ça en fait, de la place pour se perdre.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, fit vivement Qel-Droma. Écoutez, cela pourrait être grave. Très grave ! Mais il faut que je sois sûr… Quel malheur que je ne puisse pas voir !

Il réfléchit quelques instants, puis demanda :

— N’y aurait-il pas dans les parages un symbole, un insigne quelconque qui ressemble à celui que j’ai sur le front ?

Darcy claqua les doigts.

— Mais oui ! Ça y est ! fit-elle. Je savais bien que ce dessin me disait quelque chose. Rappelez-vous,  les  gars, quand nous  avons scruté ces hiéroglyphes, sur les parois des coursives.

Ulic Qel-Droma se leva d’un bond, comme s’il avait été instantanément remis sur pieds par ce qu’il venait d’apprendre.

— Nous  devons  quitter  ce  vaisseau  sur-le-champ  et  nous  rendre  sur  Coruscant, s’exclama-t-il. Il faut absolument mettre le Conseil des Jedi au courant. Nag’da a réussi à construire le Gloire des Sith !

Hierrulf le força à se rasseoir.

— Personne ne va nulle part. D’abord, le Conseil des Jedi n’existe plus depuis des décennies.

— Comment ? demanda Qel-Droma, abasourdi.

— Il y a de cela à peu près vingt-cinq ans, deux Seigneurs Noirs des Sith ont contribué à la chute de l’Ancienne République, dit Dengar Xun. Ils ont traqué et éliminé tous les Jedi afin d’instaurer un Ordre Nouveau, un Empire qui a remplacé la République. Nous sommes en pleine guerre civile.

— Alors, cette maudite prophétie s’est réalisée, murmura Qel-Droma.

— Quelle prophétie ? demanda Hierrulf, plus qu’intéressé.

— Une très vieille prophétie, selon laquelle de sombres heures viendraient un jour pour l’Ordre Jedi. Une période fort troublée, au terme de laquelle viendrait celui qui apporterait l’équilibre à la Force.

— Le Seigneur Noir des Sith et son Empereur ont été vaincus par un Chevalier Jedi du nom de Luke Skywalker, fit Hierrulf, pensif. Peut-être est-il l’Élu de la prophétie. À moins qu’il ne s’agisse de Vader, puisque c’est lui qui, en définitive, s’est retourné contre l’Empereur et l’a éliminé. Mais j’aimerais savoir, Ulic : Comment savez-vous toutes ces choses ?

Ulic Qel-Droma resta silencieux quelques instants, avant de se décider à répondre.

— Autrefois, j’étais un Chevalier Jedi, dit-il, presque à voix basse. Aujourd’hui, je ne suis plus rien.

Plus personne ne dit rien pendant plusieurs secondes. Puis, oppressé par ce silence qu’il détestait tant, Shadow se sentit obligé de combler le vide.

— Bon, je propose que nous essayions de savoir combien de temps vous êtes resté en hibernation. Ça nous permettra de dater ce vaisseau et de vous aider à vous situer dans le temps.

— Mais comment veux-tu que nous nous y prenions ? demanda Xun. Nous n’avons aucun indice.

— J’ai une idée, dit le Questeur Slugh. (Il se tourna vers l’ancien Jedi.) Ulic, vous rappelez-vous un événement important ? Je veux dire, important à l’échelle galactique ? Un fait qui se serait produit à votre époque et qui aurait été susceptible de marquer l’Histoire ?

Ulic poussa un soupir.

— Oh oui ! dit-il d’un ton las. Il s’est passé tant de choses, à mon époque. La bataille de Yavin, ça vous dit quelque chose ?

Yurwick émit un grognement surpris tandis que les Blue Bolt Squadron échangeaient un regard interloqué.

— Tu es sûr de ce que tu racontes là ? demanda le Questeur Slugh.

Ce fut au tour de Hierrulf de prendre la parole :

— Ce que nous voulons dire, c’est que les Jedi n’existaient déjà plus, lors de la destruction de la première Étoile Noire. La bataille de Yavin n’a eu lieu qu’il y a moins de cinq ans !

— Je ne sais pas de quelle Étoile Noire vous parlez, fit Qel-Droma. La bataille de Yavin à laquelle j’ai participé a mis un terme à ce qu’on a appelé la Guerre des Sith.

— La Guerre des Sith ? s’exclama le Rodien. Mais ça s’est passé il y a plus de quatre mille ans !

Ulic en resta bouche bée. Ses épaules s’affaissèrent.

— Quatre mille ans ! souffla-t-il. Quatre mille ans.

Darcy tenta de le réconforter, mais il la repoussa. L’ancien Jedi avait besoin de rassembler ses esprits.

Il pencha la tête en arrière et laissa une vague de souvenirs le submerger. Il se rendit vite compte que la plus grande partie d’entre eux n’étaient pas particulièrement agréables : mort, trahison, déchéance, humiliation, tristesse, rage, vengeance, haine, peur. Des souvenirs et des sentiments qui n’étaient pas ceux d’un Jedi.

Puis, comme par enchantement, toutes ces pensées néfastes furent balayées d’un seul coup, et ce fut comme une renaissance. Ulic avait l’impression de revoir le soleil après avoir passé une éternité dans les ténèbres. Les larmes lui montèrent aux yeux, et il se mit à rire tout doucement.

— Qu’est-ce qu’il lui arrive ? demanda Darcy à Hierrulf.

— Je ne sais pas plus que toi, répondit le jeune homme. Après tout, peut-être que le droïd avait raison. Il en a peut-être réellement pris un coup sur la cafetière.

— Je la sens de nouveau ! dit Ulic entre deux rires. Je la sens de  nouveau !

Ulic Qel-Droma se releva et marcha droit sur Hierrulf. Quand il fut arrivé à la hauteur du jeune homme, il le serra dans ses bras.

— Tu es un Jedi, n’est-ce pas ? lui demanda-t-il. Je t’ai senti ! C’est incroyable ! Je t’ai senti !

Hierrulf ne savait plus comment réagir. Il commençait à se demander si son séjour prolongé dans la carbonite n’avait pas rendu ce pauvre Ulic complètement fou. Et il avait déjà eu son compte de Jedi dérangés !

Ulic s’écarta de lui et le regarda droit dans les yeux. Visiblement, les effets de l’hibernation s’étaient dissipés, et il voyait parfaitement bien, à présent.

— Je suis désolé si j’ai du mal à cacher ma joie, dit-il, mais c’est comme si j’étais un aveugle qui recouvrait la vue. (Il marqua une pause.) À vrai dire, c’est aussi ce qui vient de m’arriver, mais ça, c’est secondaire.

— Mais enfin, fit Hierrulf, nerveux, qu’est-ce que vous racontez ? Machinalement, il posa sa main sur la poignée de son sabre laser.

— La Force ! répondit Ulic. Je ne suis plus aveugle à la Force. Le sortilège de Nomi est rompu !

Puis, s’apercevant à quel point ses nouveaux compagnons étaient perdus :

— Mais je pense qu’il vaudrait peut-être mieux reprendre l’histoire depuis le début.

— Effectivement,  dit  Shadow,  ça  pourrait  ne  pas être  inutile.  Nous n’avons pas forcément de temps à perdre à écouter des histoires, mais si cela peut nous permettre d’en savoir un peu plus sur ce vaisseau, alors, pourquoi pas ?

Ulic alla tranquillement se rasseoir sur son siège. Il rassembla ses robes autour de lui, s’éclaircit la voix, puis se décida à narrer son récit :

— Tout a commencé il y a… (il eut une brève hésitation) plus de quatre mille ans…

Nous venions, moi, mon frère Cay, et un autre apprenti Jedi de Maître Arca, un Twi’lek du nom de Tott Doneeta, d’accomplir notre première mission pour le compte de la République en tant que Chevaliers Jedi. Il ne s’était agi, au départ, que de mettre fin à une guerre civile sur la planète d’Onderon, gouvernée par le Roi Ommin et son épouse Amanoa. Nous savions que ce serait une mission particulièrement difficile, mais nous n’imaginions pas qu’elle serait le point de départ de la plus sombre histoire que la galaxie ait jamais connue.

Le conflit opposait depuis des centaines d’années les citadins d’Iziz, la capitale, aux hordes de hors-la-loi des provinces, qui se faisaient eux-mêmes appeler les Beast Riders, à cause des énormes dragons qui leur servaient de montures. Lorsque le roi Ommin a fait appel aux Jedi, les Beast Riders étaient sur le point d’investir Iziz et de renverser le gouvernement d’Onderon. Nous sommes arrivés à temps, à bord de notre vaisseau, le Nebulon Ranger, mais pas assez pour les empêcher d’enlever la Princesse Galia, la fille d’Ommin et d’Amanoa.

La Reine nous a alors personnellement chargés d’aller l’arracher aux griffes de leur ennemi juré, Modon Kira, chef des Beast Riders, lequel avait pour ambition de forcer Galia à épouser son fils, Oron.

Après avoir traversé une gigantesque forêt, montés sur des dragons contrôlés par les pouvoirs télépathiques de Tott, nous sommes parvenus jusqu’à la forteresse de Modon. Et c’est là que l’incroyable vérité nous a été révélée : Galia avait été enlevée de son plein gré, et elle souhaitait réellement épouser Oron ! Plus encore, les Beast Riders étaient ceux qui désiraient le plus la paix !

Modon Kira nous a alors raconté l’étrange histoire d’Iziz. Il arrive que des endroits soient habités par le côté obscur de la Force, ne serait-ce que parce qu’ils ont été la demeure d’une entité maléfique. C’était le cas d’Iziz, et ce, depuis plus de quatre cents ans. Un puissant Seigneur Sith du nom de Freedon Nadd y avait régné fort longtemps et y avait fondé une dynastie Sith, son esprit continuant d’influencer ses descendants. Ommin et Amanoa ne faisaient pas exception et ils ne vivaient que pour le côté obscur. Même Galia risquait de voir sa vie dominée par les Sith, en raison de son héritage génétique.

Il m’a alors semblé qu’essayer de négocier une paix entre les Beast Riders et Iziz était la solution la plus préférable, mais que, si cela s’avérait impossible, nous devrions nous joindre aux Beast Riders et renverser le Roi et la Reine. Bien entendu, Amanoa a refusé d’entendre raison et a déchaîné les forces du côté obscur sur nous, reniant sa fille par la même occasion. C’est à ce moment que nous avons lancé l’attaque et pris Iziz, avec l’aide des Beast Riders et de Maître Arca, qui était arrivé d’Arkania entre-temps.

Maître Arca était déçu que nous n’ayons pas pu trouver une solution autre que d’entrer en guerre contre Iziz, mais il nous a concédé le fait que le côté obscur était tellement fort sur Onderon qu’il nous aurait été impossible de nous en sortir autrement. Nous avons cherché la source de ce pouvoir maléfique, et nous avons fini par tomber sur la crypte de Freedon Nadd.

Quand nous l’avons ouverte, la balance des forces s’est trouvée modifiée, et la Reine Amanoa a été anéantie, tandis que Galia était libérée de sa sombre destinée. Elle épousa Oron, et la paix régna pour la première fois sur Onderon depuis des siècles, même si cela ne devait pas durer longtemps.

Pendant cette brève période de tranquillité, je me suis occupé de mon frère, Cay, qui avait perdu un bras au cours de la bataille et avait dû le faire remplacer par un membre bionique. J’étais tout de même intrigué. Comment Freedon Nadd, un Jedi, avait-il pu sombrer dans le côté obscur ? J’ai posé la question à Maître Arca, qui m’a répondu que c’était arrivé plus d’une fois. « Prie pour que cela ne t’arrive jamais. », avait-il ajouté.

Peu de temps après, nous fûmes obligés de retourner sur Onderon, les adorateurs de Freedon Nadd et du côté obscur ayant décidé de former une insurrection contre la jeune Reine Galia. Pour cette mission, un quatrième Jedi, Oss Willum, se joignit à nous.

A la suggestion de Maître Arca, nous avons décidé de transporter les sarcophages de la Reine Amanoa et de Freedon Nadd jusqu’au satellite d’Onderon, la lune de Dxun, espérant ainsi chasser la source du mal de la planète, mais avant que nous ayons pu décoller, les partisans de Nadd attaquèrent et s’enfuirent avec les sarcophages.

Galia nous a ensuite conduit devant son père Ommin, qui, du moins c’est ce qu’il laissait croire, ne survivait que grâce à l’assistance de machines. Mais c’est cet instant qu’il a choisi pour mettre un terme à sa tromperie. Il a invoqué l’esprit de Nadd, toujours lié à la planète grâce à sa magie Sith, puis il nous a révélé sa puissance dans le côté obscur en attaquant et en vainquant Maître Arca, le foudroyant sur place. Je n’ai pas pu l’empêcher d’enlever notre maître, étant trop occupé à protéger Galia des partisans de Nadd.

J’ai dû alors envoyer un signal de détresse à Ossus, la planète bastion des Jedi, ainsi qu’à Coruscant, espérant que la République nous envoie plus de Jedi pour remporter cette guerre. Les Chevaliers choisis pour cette mission comptaient parmi les meilleurs de l’Ordre : Dace Diath, Shoaneb Culu, Grrrl Toq, Kith Kark, et… Nomi. Nomi Sunrider.

Leur vaisseau réussit à abattre les murs de la citadelle d’Iziz, tandis qu’avec cinq autres Jedi et les Beast Riders, je parvenais à changer le cours de la bataille.

Tous les Jedi réunis, nous nous frayâmes un chemin jusqu’au repère souterrain d’Ommin, lequel nous attendait de pied ferme. Dans un accès de rage, j’ai détruit d’un revers de sabre laser l’exosquelette qui lui permettait de marcher, et le vieil homme est tombé à terre. C’est alors que l’esprit de Freedon Nadd est apparu et qu’il a englouti l’âme d’Ommin dans les profondeurs abyssales du côté obscur. Puis il s’est tourné vers nous, et nous a dit que, même si nous croyions avoir gagné la guerre, nous nous rendrions compte, plus tard, que nous l’avions perdue.

Bien entendu, nous n’avons pas tenu compte de cette menace, et l’Ordre Jedi a décidé de laisser notre groupe sur Onderon, afin que nous puissions aider les habitants dans leur tâche de reconstruction, ainsi qu’explorer les ruines d’Iziz et en apprendre un peu plus sur l’histoire de cette cité. C’est à cette époque que ma romance avec Nomi Sunrider a commencé. Seulement, de sombres heures nous attendaient.

Un jour, en restaurant les artefacts Sith de Freedon Nadd, j’ai trouvé une amulette qui s’est illuminée dès que je l’ai touchée. L’esprit de Nadd, toujours aussi puissant, m’est apparu et m’a annoncé que j’étais destiné à devenir un des plus grands Seigneurs de la Sith, mais que, toutefois, un autre que moi serait le plus grand. Confiant comme toujours, je savais que Nadd ne cherchait qu’à me leurrer. J’étais bien naïf !

Freedon Nadd avait perverti les esprits des deux héritiers du trône du système de l’Impératrice Têta, le principal producteur de carbonite de la galaxie. Ces deux jeunes gens, Satal et Aleema Keto, désormais rompus aux arts Sith, étaient à la tête d’un groupe d’adeptes du côté obscur qui se faisaient appeler les Krath. Ensemble, ils se sont débarrassés de leurs propres parents, les régents de l’Impératrice Têta, et ont pris le pouvoir. Leur ambition était de faire régner la terreur au sein de la République, en attaquant système après système.

Devant de tels événements, Maître Arca nous a désignés, Nomi et moi, afin que nous prenions la tête de la Flotte de la République Galactique. Lorsque nous sommes sortis de l’hyperespace pour protéger le monde de Koros Major, Aleema et sa flotte nous ont attaqués, créant des illusions Sith afin de nous faire croire à une attaque de méduses spatiales. Fort heureusement, Nomi a été capable de dissiper ces hallucinations, et nous avons pu nous battre à armes égales avec les Krath.

Cependant, au cours de la bataille, un chasseur ennemi s’est écrasé sur notre croiseur, et un éclat de métal est venu se loger dans mon flanc. Nomi a fait ce qu’elle a pu pour me soigner, mais, curieusement, la blessure n’a jamais vraiment cicatrisé. Pendant ce temps, le Commandant de la République ordonnait le repli. Nous avions été vaincus par les Krath.

Rendus encore plus téméraires par cette victoire, les Krath ont officiellement déclaré la guerre aux Chevaliers Jedi. Il nous fallait impérativement nous mettre d’accord sur la stratégie à adopter pour les contrer. C’est la raison pour laquelle presque tous les Jedi de la galaxie ont été convoqués à un concile sur le monde de Deneb. Je me suis adressé à la délégation rassemblée sur le Mont Meru, et j’ai tâché de leur faire comprendre qu’engager une guerre directe avec les Krath n’apporterait rien de bon, et qu’il serait plutôt préférable d’infiltrer un homme, de préférence moi-même, en leur sein afin de découvrir l’origine de leur puissance dans les arts Sith.

Nous n’avons pas vraiment eu le temps d’en débattre. Depuis le début du concile, certains Jedi avaient remarqué que les valets droïds avaient un comportement étrange. En plein milieu des délibérations, les machines se sont mises à nous attaquer. Puis de véritables droïds de guerre sont arrivés, et le Mont Meru s’est transformé en champ de bataille.

C’est ce jour là que j’ai appris que même un puissant maître Jedi n’est pas invulnérable. Maître Arca venait de détruire un droïd qui arrivait derrière moi, lorsque j’ai vu soudain un morceau de métal jaillir de sa poitrine. Il s’était fait avoir par surprise, par derrière. Dans un geste désespéré, j’ai anéanti son agresseur, mais le mal était déjà fait. Maître Arca est mort dans mes bras et s’est fondu dans la Force.

Sur sa dépouille, j’ai fait le serment de venger sa mort et d’abattre la Maison des Krath. Je conquérrais le côté obscur et le vaincrais de l’intérieur.

De nombreux maîtres Jedi ont tenté de m’en dissuader, mais rien n’y fit. Même Nomi ne réussit pas à me faire changer d’avis. Elle a vainement essayé de me retenir en me faisant part de ses craintes quant à l’avenir de notre relation, mais je lui ai dit que tout se passerait bien, et que je lui reviendrais vite. Je me trompais.

J’ai embarqué à bord d’un cargo de contrebande, le Kestrel Nova, jusqu’au système de Téta Impériale. À mon arrivée là-bas, je suis directement descendu sur la capitale, Cinnagar, où je me suis fondu dans la masse, dans un incognito que je croyais parfait. Malheureusement, j’ai sous-estimé mes adversaires. Satal et Aleema m’avaient repéré dès le jour de mon arrivée.

Aleema a monté de toutes pièces une tentative d’assassinat contre sa propre personne, ne doutant pas que j’interviendrais pour la sauver. Et je suis tombé dans le piège !

Satal, son frère, nourrissait beaucoup de soupçons à mon égard, aussi a-t-il décidé de tester ma loyauté envers les Krath. Il injecta un poison Sith dans mes veines. Si j’étais réellement fidèle aux Krath, ce poison ne me tuerait pas. Dans le cas contraire…

J’ai survécu, mais je sentais en permanence cette présence Sith dans mon sang. Un autre test de loyauté me fut imposé quelques mois après, lorsque Nomi, qui était venue sur Téta sous une fausse identité afin de voir comment j’allais, fut démasquée et faite prisonnière par les Krath.

Satal l’a fait amener devant moi et m’a demandé de l’exécuter sur-le-champ. Ce n’était qu’ainsi que je pourrais prouver mon allégeance envers les Krath. Incapable de soutenir le regard de Nomi, j’ai promis à Satal et Aleema que je la tuerais le lendemain à l’aube.

Bien entendu, il n’a pas cru une seconde que j’étais sincère. Persuadé que j’étais toujours du côté des Jedi, il tenta de me faire assassiner dans la nuit. Dans le même temps, Nomi s’évadait et appelait Cay et Tott à la rescousse.

Tous les trois ont tenté de me persuader de revenir avec eux, mais c’est à cet instant que le poison Sith s’est activé, me faisant entrer dans une rage folle. Tandis que je terrassais Satal dans un accès de fureur, je sentis le côté obscur me consumer. Je n’étais pas encore un Sith, mais je savais que je n’étais déjà plus un Jedi.

À contrecœur Nomi, Tott et Cay se sont enfuis sans moi. Je suis resté seul, avec Aleema qui, impressionnée par mes nouveaux pouvoirs, m’a proposé une alliance. Une alliance militaire et… charnelle. Elle me fit cadeau d’une amulette Sith que l’esprit de Freedon Nadd avait donnée à Satal. À peine l’eus-je acceptée que le hurlement des moteurs de chasseurs se fit entendre. Nomi et les Jedi étaient revenus en force, dans une ultime tentative pour me sauver du côté obscur.

Nomi a forcé l’entrée de la forteresse Krath et a détruit les illusions Sith d’Aleema. Avec Cay, elle a essayé de me faire réaliser à quel point j’étais immergé par le côté obscur. Ils n’ont réussi qu’à exciter ma colère, et je les ai repoussés d’un éclair d’énergie. Ils sont alors partis, les larmes aux yeux, sachant qu’ils m’avaient perdu à jamais.

Sur ces entrefaites, un nouvel ennemi s’est présenté devant moi et Aleema. Un autre Jedi déchu, Exar Kun, qui avait lui aussi entamé sa propre quête des Sith, nous a affrontés, prétendant être le maître absolu du côté obscur. Au cours de notre duel au sabre laser, les amulettes Sith que nous portions se sont illuminées, faisant apparaître entre nous deux l’esprit d’un très ancien dieu Sith, s’adressant à nous du passé.

Le Sith conféra à Exar Kun le titre longtemps disparu de Seigneur Noir des Sith, tandis qu’il me nommait Apprenti Sith. La prophétie de Nadd s’était réalisée. J’étais un des plus puissants Sith, mais Kun était plus fort que moi. L’apparition toucha du doigt nos deux fronts, et un tatouage Sith y apparut, pour ne jamais s’effacer. Exar Kun s’est tourné vers moi et m’a dit : « À nous deux, nous dominerons la galaxie ».

Durant les années qui suivirent, nos pouvoirs s’accrurent considérablement. En alliant les Krath aux Sith, nous mîmes sur pied une formidable armada de vaisseaux, dévastant les planètes sur notre passage. Exar Kun réussit à corrompre de nombreux Jedi, les amenant même jusqu’à massacrer leurs propres maîtres. La République m’a officiellement déclaré ennemi d’État, ce qui, loin de me chagriner, me rendit encore plus fier. Nos victoires incessantes nous donnèrent assez d’assurance pour viser une cible beaucoup plus importante : Ossus, la planète bibliothèque des Jedi.

Cependant, de graves tensions régnaient au sein de notre alliance, et Exar Kun et moi en sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait nous débarrasser d’Aleema. Nous lui avons alors confié le commandement de l’ancien vaisseau de Naga Sadow, un Sith d’une autre époque. Ce croiseur était doté d’une arme terrible. Aleema était supposée l’activer durant la bataille, ce qui lui permettrait de détruire tous les appareils ennemis. Ce que nous lui avons caché, c’est que cette arme allait transformer l’étoile la plus proche en supernova. Elle signa son arrêt de mort en acceptant.

Nous lançâmes l’attaque sur Ossus, tandis que l’armée des Mandaloriens, qui s’était alliée à nous, déferlait de la lune de Dxun sur Onderon et dévastait Iziz. Comme prévu, Aleema déclencha l’arme en plein cœur d’un amas instable de dix étoiles, dans le système de Cron. Elle ne comprit notre trahison qu’au moment de mourir. L’amas se transforma en un véritable enfer, les étoiles implosant les unes après les autres. Une onde de choc phénoménale se répandit dans tout ce secteur de la galaxie. Ossus était sur son chemin.

Les Jedi, conscients du fait que leur planète allait être détruite, tâchèrent de rassembler durant les quelques heures qui leur restaient le maximum de documents, afin de les sauver de l’anéantissement. Nous avons profité de leur confusion pour attaquer et pour tenter de nous emparer de quelques-uns de leurs secrets.

Sur place, Cay a essayé une ultime fois de me faire revenir à la raison. Je lui ai dit de ne pas se mettre sur mon chemin, qu’il risquait de le regretter, mais il n’a pas voulu m’écouter. Rien n’aurait pu l’empêcher de vouloir me sauver. Nous nous sommes alors battus, et notre duel ne s’est achevé que lorsque je lui ai fendu la poitrine. Il est mort dans mes bras, en me disant qu’il m’aimait.

C’est alors que je me suis rendu compte de ma folie, et j’ai éclaté en sanglots sur le corps de mon frère. Rendue folle de rage par la mort de Cay, Nomi a décidé que j’étais allé trop loin et s’est résolue à utiliser sur moi le plus terrible des pouvoirs Jedi. Son maître lui avait enseigné la technique de la méditation guerrière, qui permet d’enfermer un Jedi dans un mur de lumière et de le rendre à jamais aveugle à la Force. C’est la pire chose que l’on puisse faire endurer à un Jedi, et je parle en connaissance de cause. D’un seul coup, je me suis senti si misérable, si faible, que je n’avais plus envie de vivre. Nomi était vraiment désolée d’avoir dû employer une solution si radicale, mais elle savait que c’était le seul moyen de me faire reprendre mes esprits. La seule façon d’anéantir un Sith, c’est de lui faire perdre ses pouvoirs. Autrement, il n’y a aucun moyen qu’il reprenne le chemin de la lumière par lui-même.

Une fois le choc passé, j’ai décidé d’aider les Jedi à neutraliser Exar Kun en leur révélant l’endroit où il se terrait. Il s’agissait de la quatrième planète du système de Yavin, où Kun avait fait construire par les Massassi de gigantesques temples à la gloire des Sith. Nous avons quitté Ossus très peu de temps avant que la masse de feu ne s’abatte sur elle. Une grande part de savoir Jedi a été perdue, ce jour-là.

Immédiatement, une énorme flotte Jedi s’est regroupée en orbite de Yavin IV, et les Chevaliers ont tous unis leurs pouvoirs afin de mettre Exar Kun hors d’état de nuire. La surface de la planète s’est embrasée, et les forêts ont été dévastées. Lorsque nous avons exploré les temples Massassi, il n’y avait plus personne. Les autochtones et Exar Kun étaient morts, sans laisser de trace.

Renié par les Jedi, je suis parti en exil, parcourant la galaxie à bord de mon nouveau vaisseau, le Rêve de Cay, à la recherche d’un moyen de recouvrer mes pouvoirs. Sans succès. Je suis un jour retourné sur Yavin IV, espérant peut-être y sentir la présence d’Exar Kun, mais ce pèlerinage a été vain, comme tous mes précédents voyages.

Dix ans plus tard, j’ai fini par échouer sur le monde glacé de Rhen Var, où je me suis terré, espérant que l’Histoire oublie tout le mal que j’avais fait.

Mais  personne  ne  m’avait  oublié.  Ni  Sylvar,  une guerrière Jedi Cathar  dont le compagnon se trouvait à bord du vaisseau de Naga Sadow lors de son explosion et qui voulait se venger de moi, ni Vima Sunrider, la fille de Nomi, qui voulait absolument me retrouver afin de découvrir qui j’étais vraiment.

C’est elle qui m’a trouvé la première. Elle s’était fait amener sur Rhen Var par le même pilote que celui qui m’y avait amené des mois plus tôt. J’ai pris sur moi d’entamer sa formation de Jedi. La Force était aussi puissante en elle qu’en sa mère. Mais, même s’il s’agissait d’une excellente élève, sa présence m’insupportait. Elle me rappelait trop ce que j’avais été jadis et ce que je ne serais plus jamais.

Un jour, Sylvar et Nomi sont arrivées sur Rhen Var. Nomi a essayé de convaincre Vima de repartir avec elle, puis elle a fini par admettre que sa fille était assez âgée pour prendre ses propres décisions. Sylvar a été moins compréhensive, et elle s’est jetée sur moi pour me faire payer la mort de l’amour de sa vie. Cependant, lors du combat, elle a fini par réaliser l’absurdité de la situation. Me tuer ne ferait pas revenir son amant. Pire encore, chercher la revanche risquait de l’entraîner sur le même chemin que celui qui m’avait conduit à la déchéance. Elle m’a donc laissé en paix.

Je suis sorti grandi de cette expérience. Même si je savais que l’on ne me pardonnerait jamais totalement mes crimes, je pouvais toujours me rendre utile. Mon expérience avec Vima m’avait prouvé que j’étais capable de former des Jedi, même si je ne pouvais plus sentir la Force. Et c’est là que j’ai commis mon ultime erreur, celle qui devait me coûter le sort que vous connaissez.

Un jeune homme du nom de Faust se présenta à moi afin que je le prenne comme étudiant Padawan. Il était particulièrement brillant, et doté d’un grand sens de l’humour. Nos rapports ont vite dépassé le cadre de la simple relation maître/élève, et nous sommes devenus de très bons amis. Notre amitié était peut-être même plus forte que celle qui me liait à Maître Arca.

Hélas, le fait d’être aveugle à la Force m’a empêché de suivre correctement son évolution. Je n’ai pas su voir à quel point Faust était plein de colère et de haine. Il faut dire que ses parents, tous deux des Jedi, avaient péri dans la Guerre des Sith, massacrés par les Krath. Lorsque je me suis rendu compte de mon erreur, il était trop tard. D’un naturel curieux, Faust s’était rendu sur le monde Sith de Korriban, où se trouve le Mausolée des Seigneurs Noirs. C’était là même qu’Exar Kun avait sombré dans le côté obscur des années plus tôt. Faust est revenu changé de cette expédition. De toute évidence, il avait été corrompu par les anciens dieux Sith qui hantaient les cryptes de Korriban.

Je me suis efforcé de lui rappeler ce que j’avais vécu, espérant ainsi l’empêcher de commettre les mêmes erreurs que moi, mais je savais au fond de moi, pour l’avoir déjà vécu moi-même, que c’était peine perdue. Je ne pouvais tout de même pas me battre contre lui : je n’étais qu’un simple mortel !

Faust est parti mettre la galaxie à feu et à sang sous le nom de Darth Nag’da. Il regroupa ce qu’il restait des forces Krath en une nouvelle armada et lança de nombreuses attaques surprises sur les mondes de la République.

Eprouvant un fort sentiment de culpabilité, j’ai décidé de m’infiltrer anonymement parmi les Krath. C’était moi qui avais formé Nag’da, c’était donc à moi de le mettre hors d’état de nuire. Je suis par conséquent revenu sur Téta, le fief des Krath, d’où Darth Nag’da commandait toutes les attaques dirigées contre la République. J’y ai découvert que Nag’da avait ordonné la construction d’une arme absolue, un vaisseau assez puissant pour annihiler des flottes entières. Cet appareil démesuré devait porter le nom de Gloire des Sith. Si je ne me trompe, nous sommes à son bord, en ce moment même.

Si Nag’da devait se trouver en possession d’une arme aussi redoutable, c’en serait fini de la République. Décidé à contrecarrer ses plans, je me suis introduit dans l’usine de carbonite où l’on construisait les moteurs hyperdrive du Gloire des Sith. J’avais dans l’intention de les saboter, afin qu’ils explosent au moment où Nag’da tenterait de les utiliser. Malheureusement, à l’instar de Satal et d’Aleema, il avait été capable de sentir ma présence sur Téta Impériale, et il m’attendait à l’usine, sabre laser à la main.

Nous nous sommes battus avec une violence rare. J’ai été surpris de voir à quel point je me défendais bien, même sans mes pouvoirs. Mais cela ne suffisait pas pour arrêter un Sith. Pris dans le feu de l’action, nous nous sommes retrouvés sur un pont suspendu au-dessus d’une cuve de carbonite en fusion. Nag’da m’a porté un coup mortel que j’ai pu parer, mais le choc m’a fait perdre l’équilibre et je suis tombé.

Tout ce dont je me rappelle, c’est que j’ai senti un très grand froid m’envahir. Et puis plus rien. Jusqu’à ce que je me réveille parmi vous.

Ulic se tourna vers Hierrulf.

— Tu m’as certainement libéré d’une éternité d’inexistence. Je t’en suis reconnaissant, mais j’ai bien peur que la galaxie ait beaucoup changé, depuis mon époque. M’adapter va certainement être une épreuve difficile.

Hierrulf sourit.

— Ne vous inquiétez pas, Ulic. S’il est vrai que vous avez récupéré vos pouvoirs de Jedi, tout devrait très bien se passer. À ce propos, comment expliquez-vous ce miracle ?

Qel-Droma haussa les épaules.

— Je pense que les quatre mille ans que j’ai passés dans cette gangue de carbonite ont dû permettre à mon organisme de régénérer, lentement mais sûrement, un taux suffisamment élevé de midi-chloriens.

— Excusez-moi, intervint Grisson, mais là, je suis un peu largué. Les midi-quoi ?

L’ancien Sith poussa un bref soupir.

— Les midi-chloriens sont des organismes microscopiques vivant en symbiose avec toute créature de l’Univers. Ils sont les relais de la Force. C’est la raison pour laquelle on en trouve de très importantes quantités dans les cellules des Jedi. Ma théorie est que Nomi, en usant de la méditation guerrière, a détruit la majeure partie de mes midi-chloriens. Cela expliquerait pourquoi aucun Jedi n’utilisait cette technique, de mon temps. Détruire des midi-chloriens est un crime contre la Force.

— Une chose m’intrigue, dit Darcy. Comment expliquez-vous votre présence à bord du Gloire des Sith ?

— Oh, dit Ulic, ce n’est pas difficile à deviner. Nag’da a dû me faire récupérer dans la cuve de carbonite et me faire enchâsser dans cette stèle afin que je serve de décoration. Ce genre d’ornementations macabres est tout à fait du goût d’un Sith. Mais passons. Ce qui m’intéresse surtout, c’est de savoir ce qui s’est passé. Le Gloire des Sith a-t-il seulement servi, en quatre mille ans ? Et qu’est-il advenu de Darth Nag’da ?

— Je ne sais pas si cela peut vous mettre sur la voie, dit Hierrulf en fouillant dans son sac à dos, mais nous avons trouvé ceci en explorant le vaisseau.

Il lui tendit les deux sabres laser qu’il avait ramassés dans la salle de la pyramide. Une onde traversa le regard de Qel-Droma.

— Par les cendres de Freedon Nadd ! Je reconnais ces armes. Celle-ci appartenait à Faust, et celle-là à… Nomi ! Où les avez-vous trouvées ?

— Dans une pièce très étrange et fort inquiétante, répondit Dengar. Une sorte de salle des machines, ou quelque chose de ressemblant.

— J’ai le regret de vous dire, Ulic, fit Darcy, que ces armes reposaient à côté de deux robes vides.

Qel-Droma la fixa plusieurs seconde, comme s’il ne comprenait pas ce que la jeune femme lui disait. Puis il baissa la tête et commença à verser quelques larmes. S’ils avaient trouvé l’arme de Nomi Sunrider à côté de sa robe vide, cela ne pouvait que signifier…

— Nomi est morte, finit-il par dire, l’air abattu. Oh, bien sûr, poursuivit-il, après quatre mille ans, ce n’est pas une surprise, mais… Qu’elle ait perdu la vie en se battant pour réparer ma dernière erreur !

— Vous pensez qu’elle et Nag’da se sont entretués ? demanda Hierrulf.

— C’est  la  seule  explication  logique,  fit  Qel-Droma.  Avant  de  partir  pour  Téta, j’ai tout de même envoyé un message à Coruscant pour mettre en garde le Conseil des Jedi à propos du projet de Darth Nag’da, juste au cas où ma mission échouerait. Après ma disparition, ils ont dû envoyer Nomi, et certainement d’autres Jedi, pour le contrer. Je suis sûr qu’un bain de sang a encore eu lieu par ma faute !

Fou de chagrin, il frappa violemment du poing sur une cloison.

— Par les Sith ! N’arriverai-je donc jamais à réparer tout le mal que j’ai fait ?

Darcy vint s’agenouiller au pied du fauteuil d’Ulic Qel-Droma et lui prit la main.

— Calmez-vous, Ulic, dit-elle. Tout est terminé, à présent. C’était il y a une éternité, et, de plus, vous êtes de nouveau sensitif à la Force. Considérez que c’est une deuxième chance qui vous a été donnée. Vous pourriez peut-être aider Luke Skywalker à faire revivre l’Ordre Jedi.

— Oui, renchérit Hierrulf. Votre réapparition, ici, dans ce temps, au moment où la présence d’un Maître Jedi est si indispensable, n’est peut-être pas le fruit du hasard.

Qel-Droma eut un sourire forcé.

— Je sais qu’il n’y a pas de hasard, que c’est en grande partie la Force qui décide que tel ou tel événement doit se produire. Malheureusement, dans le choix des destinées, le bon et le mauvais côté de la Force sont à puissance égale. Qui me dit qu’une fois encore, le côté obscur ne fait pas appel à moi et qu’encore une fois, je ne vais pas faire le mauvais choix ? Non ! Je refuse de courir un tel risque !

— Malheureusement pour toi, intervint le Questeur Slugh, nous allons bientôt devoir nous voir confrontés aux forces du mal. Que ça te plaise ou non.

Qel-Droma jeta un regard interrogateur à Hierrulf.

— J’ai bien peur qu’il n’ait raison, Ulic. D’ici peu, nous allons recevoir la visite des impériaux, toujours fidèles à la mémoire de l’Empereur Palpatine. Ils veulent s’emparer du Gloire des Sith pour l’utiliser à des fins destructrices.

Yurwick émit un grondement sourd.

— Tu as raison, dit Darcy. Avec deux Jedi à nos côtés, nous devrions être capables de faire face.

Qel-Droma baissa les yeux.

— Pourriez-vous me faire une faveur ? finit-il par demander.

— Bien sûr, dit Hierrulf. Que voulez-vous ?

Ulic releva les yeux vers lui. Ils étaient à nouveau baignés de larmes.

— Emmenez-moi à l’endroit où Nomi a rejoint la Force. S’il vous plait.

 

L’enseigne Tiana Devon s’arrêta juste devant la porte des appartements du capitaine Dimma. Elle resta là un moment, sans bouger, ne sachant pas si elle pouvait entrer directement, comme elle le faisait autrefois, ou si elle devait se faire annoncer. Préférant jouer la prudence, elle décida de presser le buzzer.

— Qui est-ce ? demanda la voix du capitaine à travers le comlink.

Il en émanait une telle froideur que Devon eut un moment de recul.

— Enseigne Devon, capitaine, finit-elle par articuler.

— Tiana ? Entrez, vite.

La porte magnétique s’ouvrit, et l’enseigne Devon la franchit timidement. Le capitaine Fran Dimma était assise à son bureau, toujours en uniforme. Elle se leva pour aller accueillir Devon.

— Ravie de vous revoir, Tiana.

— Le sentiment est réciproque, capitaine, répondit l’enseigne Devon. Je me demandais si je vous reverrais un jour.

Fran eut un léger sourire.

— Ces six derniers mois n’ont pas été trop durs pour vous, Tiana ? Avoir le Commandant Patler sur le dos pendant tout ce temps n’a pas dû être une sinécure.

Tiana Devon alla s’asseoir dans un fauteuil, prés du bureau.

— Effectivement, le Commandant Patler est assez dur. De plus, j’ai bien l’impression qu’il ne m’apprécie guère. Mais ma principale préoccupation était de savoir s’il ne vous… s’il ne t’était rien arrivé.

En entendant Tiana passer du vouvoiement au tutoiement, Fran poussa un soupir. Elle alla s’asseoir à côté d’elle.

— Je ne te cache pas que j’ai souvent cru que j’allais y passer, dit-elle. Mais grâce à l’entraînement que j’ai suivi sur Carida, j’ai pu m’en sortir sans trop de difficulté. J’aurais juste aimé apprendre à piloter une Aile-A là-bas, plutôt que sur le Crystal. Cela m’aurait évité de me ridiculiser devant ces rebelles lors de mes premiers essais.

Devon eut un sourire timide.

— Qu’y a-t-il, Tiana ? demanda Fran.

— Rien, fit l’autre. C’est juste que…

— Oui ?

— C’est étrange. À l’instant, quand tu as évoqué ton séjour au sein de la Rébellion, j’ai cru déceler une pointe de nostalgie dans ta voix. Si tu continues, je vais finir par me demander…

Fran partit d’un grand éclat de rire.

— Ne te fais pas de souci. Si tu te demandes si je n’ai pas changé de camp, rassure-toi tout de suite. Il est vrai, je te le concède, qu’il m’est arrivé de passer de bons moments avec eux, mais j’ai toujours foi en l’œuvre de l’Empereur. La République n’est que chaos, car les rebelles ne connaissent rien de la discipline. Si tu avais vu à quoi ressemble la vie à bord du Crystal, tu serais atterrée. Tiens, par exemple, il y avait un Defel qui…

— Tu vois, fit Devon, presque en riant, tu recommences ! Je suis sûre que tu regrettes cette époque. Tu as changé, Fran. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas plus mal.

L’expression de Dimma se durcit. Tiana commençait à dépasser les limites.

— Je suis toujours la même ! Accorde-moi deux ou trois jours, et je referai marcher ce vaisseau à la baguette ! L’équipage regrettera même le commandement de Patler !

Devon se leva, furieuse.

— Cesse de jouer la comédie, Fran ! Comment peux-tu continuer à vouloir soutenir un gouvernement qui considère une relation telle que la nôtre comme un crime ? Parce que, il faut quand même que je te le dise, je pense de plus en plus à déserter. Tu pourrais partir avec moi. L’Empire n’est pas fait pour nous deux.

Fran se leva à son tour et la toisa froidement. Une fureur à peine retenue se lisait dans ses yeux verts.

— Tu sais que je pourrais te faire exécuter sur-le-champ pour avoir osé suggérer une telle chose ? Es-tu devenue folle ? N’oublie pas que je suis le capitaine de ce vaisseau !

Devon ne se laissa pas démonter.

— C’est moi qui suis folle ? Qui est le capitaine de la flotte impériale qui entretient une relation avec un officier subalterne du même sexe qu’elle ? Si Isard venait à découvrir cette histoire, nous y passerions toutes les deux. Toi et moi !

— Mais, ma pauvre amie, hurla presque Fran, Isard est au courant ! À ton avis, quelle faute assez grave un capitaine peut-il commettre pour avoir à effectuer le travail d’un simple espion ?

Devon resta bouche bée. Elle commençait à comprendre.

— Oui, c’était pour ça ! continua Fran. Et c’est aussi pour ça que je pense qu’il faudrait que nous réglions la question du « Toi et moi » ! Et pas plus tard que maintenant !

Devon se laissa retomber dans son fauteuil.

— Tu veux… Tu veux qu’on arrête de se voir ?

Fran croisa les bras et détourna le regard.

— Oui, dit-elle.

— Ce n’est pas possible, dit Tiana. Pas après tout ce qu’on a vécu ensemble. Il y a autre chose.

Cette fois, Fran eut le courage de la regarder en face.

— Je ne t’ai jamais aimée, Tiana. Tu n’étais… qu’une distraction parmi les autres. Et maintenant, j’en ai assez. Ces six mois passés sans te voir m’ont remis les idées en place. De plus, Isard ne sera pas aussi magnanime la prochaine fois.

Elle montra la porte de sortie du doigt.

— Sors d’ici, à présent. Et dis-toi bien que si je te laisse en vie, ce n’est qu’en souvenir des quelques bons moments que nous avons partagés.

Devon était en larmes. Elle ne bougea pas de son fauteuil.

— Va-t-en ! aboya Dimma.

— Je ne crois pas une seconde que tu aies pu changer à ce point, dit Tiana entre deux hoquets. Tu veux te débarrasser de moi parce que tu as rencontré quelqu’un d’autre !

Fran resta bouche bée. Comment avait-elle pu deviner ?

Elle alla ouvrir la porte de ses appartements et fit signe à Tiana de sortir.

— Je te demande une dernière fois de t’en aller d’ici, Tiana. Si tu n’obtempères pas, je serai obligée de te tuer. Est-ce là ce que tu désires ?

Sans un mot, Devon se leva de son siège et se dirigea vers la sortie. Avant de quitter la pièce, elle se tourna vers Fran et lui cracha au visage avant de se détourner.

Fran dégaina son blaster et posa l’index sur la détente. Elle se retint de tirer au dernier moment et regarda Devon disparaître au coin de la coursive.

Plus tard, se raisonna-t-elle. Plus tard.

 

Ulic entra dans la salle de la pyramide dans un silence religieux. C’est à peine s’il jeta un regard aux deux robes qui jonchaient le sol. L’effroi pouvait se lire sur son visage tandis qu’il faisait lentement le tour du prisme de cristal.

— Par les dieux immortels de Sith ! finit-il par s’exclamer. Il l’a fait ! Ce fou a fini par le faire !

— Vous savez ce que c’est ? demanda Hierrulf.

Qel-Droma approuva d’un signe de tête.

— C’est un cristal Sith.

— Et ça fait quoi, ça ? demanda le Defel. Ulic se tourna vers la créature invisible.

— Un cristal Sith permet d’emprisonner l’âme d’un Jedi. Elle ne peut plus en sortir et est condamnée à une éternité de tourments. Je savais que Darth Nag’da avait l’intention de s’en servir pour se débarrasser de ses ennemis, mais qu’il lui avait aussi trouvé une autre utilité.

Hierrulf fronça les sourcils.

— Laquelle ?

Ulic fit un signe de main embrassant toute la pièce.

— Un vaisseau d’une si grande envergure a besoin d’une quantité inimaginable d’énergie pour fonctionner. Rien que son entretien requiert vingt pour cent de l’énergie nécessaire. Nag’da s’était mis dans la tête de trouver une source d’énergie abondante et inépuisable. Il semblerait qu’il ait réussi.

— Vous ne voulez quand même pas dire… ? commença Dengar Xun.

— Si, répondit Qel-Droma. Nag’da a voulu se servir de l’énergie vitale des âmes Jedi qu’il a emprisonnées dans cette… chose.

— Vous voyez, fit Xun, vous ne vouliez pas me croire, lorsque je vous disais que j’avais vu quelqu’un, là-dedans !

— Par la galaxie, souffla Darcy. Qui peut savoir combien d’esprits sont en train de souffrir, en ce moment ?

Qel-Droma s’approcha du cristal Sith. Il colla sa tête contre la paroi scintillante et ferma les yeux.

— Plus d’une centaine, dit-il au bout d’un moment. Nag’da a dû vraiment donner des frayeurs au Conseil des Jedi ! Heureusement qu’il a été mis hors d’état de nuire !

Cela lui rappela la raison pour laquelle il était venu jusque-là. Il se pencha pour ramasser la robe de Nomi, et pressa le tissu contre sa joue.

— Nomi… Pardonne-moi. J’ai fait ce que j’ai pu.

Hierrulf se racla la gorge.

— Excusez-moi, Ulic, mais que fait-on, maintenant ?

Gêné, Ulic reposa la robe délicatement sur le sol.

— Il faut détruire cette chose et libérer ces âmes le plus vite possible. Leurs tourments ont assez duré comme ça.

— Vous avez raison, dit Darcy. Cependant, si nous détruisons ce cristal, qu’adviendra-til du reste du Gloire des Sith?

— Il est fort probable que l’explosion du cristal Sith entraînera une réaction en chaîne qui détruira le vaisseau entier et tout ce qui se trouvera dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres.

À ces mots, Hierrulf sortit de ses gonds. Il alla se placer entre le groupe et le cristal Sith, comme s’il voulait le protéger de sa vie.

— Attendez, dit-il. Vous ne voulez tout de même pas dire que nous nous sommes donnés tout ce mal pour, au final, faire exploser ce foutu vaisseau ?

— Tu as entendu comme moi, intervint Darcy. Ces Jedi vivent un enfer depuis plus de quatre mille ans. Nous n’avons décemment pas le droit de les abandonner à leur sort.

Hierrulf la toisa de nouveau avec ce regard glacial qui l’avait tant mise mal à l’aise, quelques heures plus tôt.

— Et les centaines de mondes que nous pourrions sauver de l’oppression impériale, si le Gloire des Sith faisait partie de la Flotte Républicaine, tu y as pensé, pauvre idiote ?

Le ton sur lequel il avait prononcé les deux derniers mots était vraiment cassant. Tout le monde le dévisagea, tandis que Yurwick s’approchait de lui, menaçant.

— Est-ce que tu t’entends parler ? lui demanda Darcy.

Ulic lui-même semblait choqué par l’attitude de Hierrulf. Qu’est-ce qui lui prend ? s’interrogea-t-il. Il serait prêt à sacrifier ces âmes! J’ignore qui l’a formé, mais il ne lui a pas appris à dominer sa colère. Mauvais. Très mauvais. Se pourrait-il que…

À cet instant, le comlink de Xun émit un grésillement. Le Coruscanti répondit.

— Oui, Tubrah. Qu’y a-t-il ?

— Je pense que vous devriez venir voir ça, fit la voix du Questeur Slugh. Et le plus vite possible !

 

Dans la salle de relaxation de Darth Nag’da, Tubrah, Grisson, les droïds et les Gamorréens avaient les yeux rivés sur la baie vitrée.

— Cela devait bien arriver à un moment ou à un autre, fit le Rodien.

— Oui, renchérit le Questeur Slugh. Comme tu le dis si souvent, il faut bien mourir de quelque chose.

Le droïd de protocole se tourna vers eux.

— Vous ne pourriez pas la fermer, tous les deux ? !

Dehors,  un  Star  Destroyer  et  un  croiseur  Interdictor  venaient  de  sortir  de l’hyperespace. 

Chapitre Cinq : Délivrance
 

Hierrulf sentit sa gorge se serrer lorsqu’il vit la vingtaine de navettes de classe Lambda jaillir du Star Destroyer et s’approcher à grande vitesse du Gloire des Sith.

Des transports de troupes, pensa-t-il. Ils vont investir chaque pont de ce foutu rafiot ! Autant pour les renforts que nous avons demandés !

Derrière lui, il entendit Qel-Droma pousser un sifflement admiratif.

— Par les Sith,  dit  le Jedi.  Sont-ce là des vaisseaux de guerre ? Ils sont plutôt impressionnants. Rien à voir avec ce qui se construisait de mon temps !

— Et encore, fit Tubrah. Vous ne vous êtes jamais retrouvé en face d’un Super Star Destroyer. Ces bébés font leurs huit kilomètres de long.

Ulic se tourna vers Hierrulf.

— Il n’est guère étonnant que cet Empire ait pu aussi facilement se faire imposer, s’il disposait de si formidables moyens ! Une telle démesure est bel et bien l’œuvre d’un Sith ! Toutefois, peu importe la taille de ces machines de guerre. La taille ne compte pas. Ces choses, aussi immenses soient-elles, ne représentent rien, comparées au reste de l’Univers. Pour l’espace, pour le temps, et surtout, pour la Force, un vaisseau aussi grand que le Gloire des Sith a quasiment la même importance qu’un grain de sable.

— Et pourtant, intervint Hierrulf, visiblement contrarié, ce grain de sable pourrait bien faire la différence, dans le combat que nous menons. Avez-vous vu à quoi nous sommes confrontés ?

Yurwick  grogna  quelque  chose  dans  son  langage.  Qel-Droma  jeta  un  regard interrogateur à Darcy. La jeune femme s’empressa de traduire.

— Yurwick fait judicieusement remarquer qu’il a suffi d’un seul chasseur X doté de torpilles à protons pour faire exploser l’Étoile Noire. De plus, lui et moi avons réussi à anéantir les boucliers déflecteurs d’un Super Star Destroyer, pendant la bataille d’Endor. Et c’est un autre chasseur X qui a détruit la seconde Étoile Noire. Comme mon ami à poils, je suis d’accord avec vous, Ulic. La taille n’a aucune importance. Tout est une question d’ingéniosité.

— Vous avez presque un mode de pensée Jedi, jeune fille, répondit Qel-Droma. À ce propos, j’aimerais que vous me décriviez plus tard ce qu’étaient ces fameuses Étoiles Noires dont vous parlez sans arrêt.

— Il s’agissait de redoutables forteresses de la taille d’une petite lune, et dotées d’une puissance de feu assez forte pour détruire une planète tout entière, dit Dengar Xun. De belles saloperies, offertes avec les compliments de son Altesse Impériale Palpatine. Heureusement que nous avons pu les détruire toutes les deux, et l’Empereur avec !

Ulic  eut  un  air  vraiment  inquiet.  Il  jeta  un  nouveau  regard  aux  navettes  de débarquement qui avaient presque achevé de rejoindre le vaisseau, avant de reprendre la conversation.

— Cet Empereur disposait décidément de ressources incroyables. Et, à en croire la situation, sa mémoire est toujours vivante et influe sur la vie de nombreuses personnes. Un Sith aussi puissant a-t-il vraiment pu disparaître lors d’une attaque menée par quelques rebelles ? Cela me paraît assez difficile à croire. Je parle en me fondant sur mon expérience. Un Sith ne se laisse pas vaincre aussi facilement. Êtes-vous sûrs que ce Palpatine soit réellement mort ?

— Sûrs et certains, répondit Hierrulf. Le général Skywalker a reporté que Darth Vader, l’Apprenti Sith de Palpatine, s’est retourné contre son maître et l’a précipité dans un puits de ventilation de l’Etoile Noire, laquelle a explosé peu de temps après. Il est impossible que l’Empereur ait pu survivre.

C-4PO, qui jusque-là n’avait pas dit un mot, laissa éclater sa colère et son anxiété.

— Suis-je le seul ici à me soucier de l’arrivée des impériaux ? Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais ils sont en train d’aborder le Gloire des Sith pendant que vous retracez l’historique de la Rébellion ! Est-ce que vous comptez faire quelque chose ? Parce que, si vous le souhaitez, je peux leur organiser un pique-nique sympa, avec petits fours et ballons, pendant qu’ils nous réduiront en chair à Bantha !

Hierrulf caressa ses joues mal rasées. Le droïd marque un point.

— Bon, dit-il, c’était prévisible. On savait qu’ils allaient arriver à un moment ou à un autre. Maintenant, reste à savoir ce que nous allons faire.

— Je propose que nous envoyions quelqu’un pour observer leur progression, dit Ulic. Je connais assez bien les plans de ce vaisseau, pour les avoir consultés sur Téta. Il est si grand que, si cet observateur peut nous dire à quels endroits se trouvent les impériaux, nous pourrons les éviter et détruire cet engin sans qu’ils aient pu soupçonner notre présence à bord.

— Je ne suis toujours pas convaincu que faire disparaître le Gloire des Sith soit la meilleure solution, protesta Hierrulf.

Darcy intervint.

— Écoute, Hierrulf, on ne va pas revenir là-dessus. Nous devons libérer ces âmes. Il est hors de question de faire durer leurs tourments plus longtemps. C’est notre devoir, et tant pis pour la victoire finale sur l’Empire ! Nous n’aurons qu’à retrouver la flotte Katana ! Il ne reste plus qu’à trouver à qui confier cette mission. Personnellement, je ne suis pas chaude.

— J’ai une idée, les mecs, fit Shadow. On n’a qu’à faire pouf-pouf.

— Pouf-pouf ? demanda Qel-Droma.

— Oui, répondit le Defel.

Il alla se positionner au milieu du groupe, puis il ânonna en pointant chacun du doigt :

— Pouf-pouf ! Un Hutt qui pisse dans un tonneau, c’est rigolo, mais c’est salaud. Mais, puisque l’Empereur ne le veut pas, ça ne sera pas toi le Sith.

Son doigt s’arrêta sur Dengar.

— C’est pas toi.

Tubrah l’interpella.

— Euh… Shadow, on est douze. Ça va prendre trois heures, espèce de malade mental !

— Je suis d’accord, renchérit Hierrulf. Je pense plutôt qu’il faudrait envoyer quelqu’un qui puisse passer inaperçu, si vous voyez où je veux en venir.

Shadow jeta un coup d’œil circulaire sur le groupe. Tous les regards étaient rivés sur lui.

— Oh non, les mecs ! Merde ! Pas encore !

 

Le Defel jeta un œil rageur sur les chiffres (ces hiéroglyphes indescriptibles étaient-ils seulement des chiffres ?) qui semblaient décroître à une vitesse inouïe sur le panneau de commande du turbolift. Pour une fois, il aurait donné cher pour ne pas posséder le don d’invisibilité. Certes, la chose avait ses avantages, mais en l’occurrence, cela allait l’envoyer vers une mort certaine !

Il sursauta en entendant son comlink grésiller.

— Shadow, fit la voix de Tubrah. Tout se passe bien ?

— Ne refaites jamais ça, bande d’idiots, répondit-il furieusement. Et si je m’étais trouvé au beau milieu d’une escouade de stormtroopers ? Bravo la discrétion !

— Relax, Shadow ! fit le Questeur Slugh. Ulic savait que tu serais encore dans le turbolift. Nous devions seulement te le passer pour qu’il te dise où aller.

Effectivement,   après   qu’ils   eurent   décidé   d’envoyer   Shadow   en   mission   de reconnaissance, Ulic Qel-Droma avait, en observant la trajectoire empruntée par les navettes de classe Lambda, deviné dans quelle baie d’amarrage elles s’étaient posées. Sa connaissance approximative du vaisseau et ses pouvoirs récemment retrouvés, bien qu’encore un peu engourdis, devraient suffire à guider Shadow jusqu’aux impériaux. Ce serait ensuite au Defel de leur servir d’indicateur, Qel-Droma n’étant pas encore assez puissant dans la Force pour sentir la présence de chaque membre de l’armée d’invasion impériale.

À l’autre bout du comlink, Tubrah céda la parole à l’ancien Seigneur Sith.

— Shadow, vous me recevez ? demanda ce dernier.

— Cinq sur cinq, répondit le Defel. Alors ? De quel côté la mort m’attend-elle ?

Qel-Droma émit un petit rire.

— Tout ira très bien, vous verrez, le rassura-t-il. Une fois que le turbolift sera arrivé à destination, vous déboucherez sur une grande coursive couverte d’inscriptions Sith. Il vous faudra aller à gauche en sortant du turbolift. Je sais qu’il y a une large porte magnétique en face de l’ascenseur, mais il ne s’agit pas du hangar. Si je ne me trompe pas, ce doit être une des nombreuses salles d’entraînement pour les troupes que ce vaisseau aurait dû avoir à son bord. Vous n’avez pas à vous en préoccuper. Vous irez donc à gauche, et vous continuerez tout droit jusqu’à ce que vous arriviez devant les doubles portes magnétiques du hangar spatial. Ne cherchez pas à y entrez. Laissez plutôt nos hôtes sortir, et ensuite, suivez-les. Hierrulf me dit que nous ne vous contacterons plus sans votre requête préalable, afin d’éviter de trahir votre présence.

— Sage décision, en effet, fit le Defel d’un ton amer. Autrement dit, c’est moi qui vous appelle si je suis dans le pétrin.

— Mes genoux ! fit Tubrah, qui venait de reprendre le comlink. Si tu te fais choper, tu te démerdes tout seul !

Shadow grimaça.

— Tubrah, quand tout sera fini, rappelle-moi de te tuer !

— Je n’y manquerai pas, répondit le Questeur Slugh en riant. Fin de communication.

Le comlink émit un ultime crachotement avant de rester silencieux. Ça y est, pensa Shadow. Cette fois-ci, je suis seul. À partir de maintenant, finie la rigolade.

Il vérifia que toutes ses armes étaient bien à leur place, et prêtes à être dégainées rapidement si cela s’avérait nécessaire. Il sentit une boule se former dans son estomac, tandis que les derniers symboles disparaissaient sur le panneau de commande.

Puis, la cabine s’arrêta net, et la porte s’ouvrit sans un bruit.

 

— Je ne comprends vraiment pas les raisons qui vous ont poussée à venir avec nous à bord de ce vaisseau fantôme, mon capitaine, protesta Patler. Il ne s’agit que d’une mission de reconnaissance. Les stormtroopers sont parfaitement capables de s’en occuper seuls.

Fran Dimma fixa le Commandant Vaal Patler dans le blanc des yeux. Le dédain pouvait se lire aussi bien dans l’expression froide de son beau visage que dans la manière dont ses bras étaient croisés sur sa poitrine.

— Je n’ai pas à justifier de mes actes auprès d’un inférieur hiérarchique, Commandant, dit-elle  d’un  ton cassant, soulignant  au passage le grade de son interlocuteur. Je vais néanmoins vous répondre. Quelque chose me dit que le Blue Bolt Squadron se trouve à bord de ce vaisseau, et je suis la seule à pouvoir anticiper ses actions.

— Comment pouvez-vous en être sûre ? demanda Patler. Nous n’avons rien détecté, lorsque nous sommes sortis de l’hyperespace. À ce propos, je suis contraint de l’admettre, il conviendra de féliciter l’enseigne Devon d’avoir fait remarquer à temps que les Coordonnées Exactes avaient été entrées dans le navicomputer, au lieu des Coordonnées Approximatives. Sans son intervention, notre mission aurait pris fin de manière un peu prématurée. Ce qui m’amène, sauf votre respect, à vous poser une autre question : Que diable l’enseigne Devon vient-elle faire avec nous ? Sa place est à bord du Hoth Victory. Elle n’est que navigatrice.

Dimma haussa un sourcil.

— Depuis quand vous souciez-vous du sort de Devon, Commandant ? Je crois savoir que vous ne l’aimez pas trop, si je ne me m’abuse ?

— Là n’est pas la question, capitaine. Je suis simplement forcé de vous faire remarquer que votre conduite ne suit aucune logique, ces derniers temps. Si les choses devaient continuer ainsi, il serait de mon devoir de vous destituer de votre commandement. Et ne criez pas à la mutinerie. Je pense que la Directrice Isard jugera que je n’aurai fait que mon devoir.

Pendant quelques instants, Fran sembla ne plus savoir quoi répondre. Elle parcourut du regard le hangar où ils avaient atterri. Outre les navettes Lambda nouvellement débarquées, ce dernier abritait d’antiques chasseurs qui devaient dater de plusieurs millénaires, à en juger par leur conception. Les appareils reluisaient néanmoins de propreté et semblaient prêts à décoller.

Fran fit signe à Patler de la suivre, et ils se dirigèrent vers l’un des chasseurs, à l’abri des oreilles indiscrètes. Lorsqu’ils furent arrivés, elle se décida à parler.

— Je déteste vous faire ce plaisir, Patler, mais il semble que je sois obligée de vous dire la vérité, de peur que vous ne foutiez toute la mission en l’air avec vos excès de zèle.

— Je n’en attendais pas moins de vous, capitaine, rétorqua Patler.   Alors ?

Fran jeta un autre regard en direction des troupes qui continuaient de débarquer leur équipement avant de répondre.

— Aussi absurde que cela puisse vous paraître venant de moi, Patler, j’ai requis la présence  de  l’enseigne  Tiana  Devon  pour  cette  mission  afin  qu’elle  soit  victime  d’un regrettable… « accident ».

Patler resta bouche bée quelques secondes, avant de reprendre le contrôle de soi.

— Effectivement, capitaine, je ne comprends pas. Je pensais que Devon était votre protég… Enfin, je veux dire, se reprit-il à temps, vous n’avez jamais rien eu à redire sur son travail. Pourquoi vouloir vous en débarrasser ?

— Je la soupçonne tout simplement de sympathiser avec les idées de la Nouvelle République. Un officier subalterne m’a reporté l’autre jour une conversation à laquelle elle a participé au mess des sous-officiers, et d’où il ressortait qu’elle remettait en cause la version officielle de la bataille d’Endor.

Patler secoua la tête.

— Je ne comprends toujours pas, capitaine. Premièrement, cet incident n’a jamais été porté à ma connaissance, et deuxièmement, s’il s’agit d’une traîtresse, pourquoi ne pas la faire exécuter, purement et simplement, plutôt que d’agir de manière aussi indirecte ?     

Fran réduisit la distance qui les séparait, pour pouvoir lui parler encore plus bas.

— Vous ne voulez tout de même pas qu’Ysanne Isard apprenne que nous n’avons pas pu déceler dans les temps la dérive idéologique de certains membres de l’équipage. Vous croyez qu’elle nous félicitera de les avoir exécutés ? Vous plaisantez ! C’est nous qu’elle fera exécuter, pour ne pas avoir été plus vigilants. Le fait que vous n’ayez pas entendu parler de cet incident serait par ailleurs une preuve de votre incompétence. Croyez-moi, Patler, je connais ses méthodes. La meilleure solution, c’est de montrer à Isard un équipage parfaitement endoctriné, sans le moindre élément perturbateur. Un équipage sans reproche, dont quelques membres ont malheureusement péri en mission pour la gloire de l’Empire.

Vaal Patler hocha la tête.

— Je suis d’accord avec vous, capitaine. Je suis désolé d’avoir mis vos agissements en doute, mais maintenant que vous avez fait toute la lumière…

— Vous ne faisiez que votre devoir, Commandant. Continuez de la sorte, et vous irez loin. À condition que vous ne vous mettiez jamais sur mon chemin, ajouta-t-elle d’un ton sec. Rompez. Et oh ! J’allais oublier : dites à vos hommes de régler les senseurs optiques de leurs casques sur la fréquence des ultraviolets. Il ne fait quasiment aucun doute qu’ils nous enverront leur Defel.

— Bien, capitaine.

Patler la salua, puis il partit donner ses ordres au capitaine des stormtroopers. Fran le regarda s’éloigner avec une moue de dégoût. Pauvre imbécile, pensa-t-elle. Vous êtes vraiment crédule, Patler. Dommage qu’il faille que vous deveniez vous aussi un sympathisant de la Nouvelle République. Vous me manquerez. Vous m’amusiez énormément.

 

Shadow laissa passer la première escouade de stormtroopers. Il resta caché quelques instants dans le renfoncement du couloir qu’il avait remarqué peu de temps avant d’entendre le martèlement rythmé des bottes des soldats sur le sol métallique de la coursive.

Tandis que les impériaux le dépassaient, le Defel explora du regard sa cachette improvisée. Il s’agissait d’une sorte de niche qui abritait, deux mètres au-dessus de la tête de Shadow, un immense buste fait d’un matériau non identifiable. La statue représentait un guerrier noir, qui reposait les deux mains sur le pommeau de son épée pointée vers le sol.

Quel mégalo, ce Darth Nag’da, pensa le Spectre. Comme si une statue grandeur nature ne lui suffisait pas ! Néanmoins, je suis bien content d’avoir pu trouver ce refuge.

En effet, même si les Defels étaient quasiment invisibles, ils n’absorbaient la lumière que dans certaines bandes du spectre, ce qui les faisait ressembler à des ombres aux yeux de la plupart des non-Defels. Shadow était par conséquent presque indiscernable, mais quiconque faisait un peu attention pouvait tout de même l’apercevoir. C’est pourquoi il se hasardait rarement à avancer à découvert en terrain ennemi.

Tubrah lui avait demandé un jour à quoi ressemblaient les Defels sans leur camouflage naturel.  Pour  toute  réponse,  Shadow  lui  avait  posé  sur  les  yeux  une  paire  d’électrobinoculaires réglées pour ne laisser passer que la lumière ultraviolette, une des seules que la race des Defels n’absorbait pas.

Le Questeur Slugh avait pouffé de rire en voyant son ami sous son vrai jour. Il s’était imaginé voir une sorte de forme incorporelle, semblable à un esprit divin. Au lieu de cela, il s’était trouvé en face d’une créature de taille moyenne, couverte d’une fourrure abondante, et dont chaque bras démesuré se terminait par une main aux trois doigts griffus. Vexé par l’hilarité de son compagnon, Shadow avait décidé ce jour là qu’il ne se montrerait plus à personne.

Après avoir vérifié qu’il n’y avait plus de danger imminent, le Defel réactiva son comlink et le porta près de sa bouche.

— Shadow à Hierrulf. Tu me reçois, Bleu Deux ?

— Ici Hierrulf. Je te reçois, Shadow. Inutile d’employer les noms de code. Que t’arrive-t-il ?

— Je n’ai pas eu le temps d’arriver au hangar. Une escouade est déjà partie explorer le vaisseau. Il va de soi qu’il ne s’agissait que de la première vague. Je ne pense pas qu’ils aillent bien loin. Ils ne doivent certainement que repérer les environs immédiats et vérifier qu’il n’y a personne.

— Très bien. Continue selon le plan initial. Rends-toi à la baie de lancement et essaie de t’approcher assez prés de leurs officiers pour savoir quelle direction ils comptent emprunter. Nous devons tout faire pour éviter de tomber sur eux au détour d’un couloir !

— Nous aurions effectivement du mal à faire le poids, répondit Shadow. Combien d’hommes de troupe peut transporter une vingtaine de classes Lambda, à ton avis ?

— Trop pour nous, fit Hierrulf. Mais ce vaisseau a la taille d’une ville. Si tu fais bien ton boulot, nous n’aurons pas à nous soucier d’eux.

— C’est facile à dire pour toi, qui reste peinard, là-haut.

— Nous n’allons pas tarder à bouger. Les autres veulent que nous allions jusque dans la salle du générateur pour détruire le cristal Sith. Mais il se trouve trop près de la zone de débarquement des impériaux. C’est pourquoi nous avons besoin de tes renseignements avant de faire quoi que ce soit. Ulic estime que le vaisseau explosera quinze minutes après que nous aurons brisé le cristal. Il faudra donc que tu te dépêches de nous rejoindre au Smashing sitôt que nous t’aurons envoyé le signal. Il ne faut surtout pas que nous soyons retardés par les impériaux dans notre fuite.

— Surtout que je pense qu’ils sont préparés à nous rencontrer. Ils se doutent bien que nous ne les avons pas attendus pour venir ici !

— Bien vu, l’aveugle. Alors reste vigilant. Hierrulf, terminé.

Shadow rangea le comlink dans la fine bandoulière qui lui barrait le torse. Après avoir scruté la coursive de droite à gauche, il se décida à sortir de sa cachette et à repartir en direction du hangar.

Tandis qu’il reposait le comlink, Hierrulf sentit une main lui tapoter amicalement l’épaule. Il se retourna pour faire face à Qel-Droma.

— Je te sens d’humeur bien agitée, lui dit celui-ci. Si tu veux un jour être un Jedi à part entière, il faudra que tu apprennes à être beaucoup moins impatient, moins enclin à la colère. Si tu le souhaites, je pourrais te prendre comme apprenti Padawan. Mis à part le cas de Faust, je ne me suis pas trop mal débrouillé, avec Vima.

Hierrulf sourit légèrement.

— Vous feriez ça ?

— Mais oui, répondit le Jedi. Tu m’as dit tout à l’heure qu’il ne restait plus qu’un seul Chevalier Jedi dans toute la galaxie. Il aura besoin d’assistance pour faire renaître l’Ordre. Il ne pourra pas former tous les apprentis à lui tout seul.

— Vous marquez un point. Et il est vrai que je serai ravi de devenir votre… Padawan. Je suis honoré par votre proposition que j’accepte volontiers. Cela dit, je voudrais vous demander une dernière fois s’il n’y a pas une autre solution que de détruire le Gloire des Sith. Ce navire aurait tant à nous apporter et à nous apprendre ! N’est-il pas possible de délivrer les âmes de ces Jedi sans pour autant tout faire exploser ?

Ulic secoua tristement la tête.

— Hélas non. Comme je te l’ai déjà dit, c’est la force vive dégagée par ces esprits prisonniers qui alimente tout le vaisseau en énergie. Sans cette énergie, tous les systèmes du Gloire des Sith tomberaient en panne petit à petit, y compris les systèmes de survie. Mais là n’est pas le seul problème. L’explosion du cristal Sith et la libération des âmes des Jedi dégageront une énergie extrêmement destructrice qui ne pourra aucunement être contenue. Nous parlons tout de même de la Force. Rien n’est plus puissant dans toute la galaxie. Si nous voulons que ce vaisseau reste intact et opérationnel, nous devons laisser ces Jedi en enfer, ce qui est inacceptable. Nag’da avait vraiment l’esprit pervers. Il mérite amplement de figurer aux côtés d’Exar Kun au panthéon des Grands Seigneurs Sith. Et à mes côtés aussi, je suis bien obligé de l’admettre.

Hierrulf évita de rencontrer son regard. Il sentait bien que Qel-Droma avait honte de son passé, et que rien de ce qu’il ferait ne pourrait lui faire oublier le Sith sanguinaire qu’il avait été autrefois. Il décida de lancer la conversation sur un autre sujet.

— À quoi la galaxie ressemblait-elle, lorsque les Jedi existaient encore, Ulic ?

Le Jedi soupira.

— À vrai dire, la République n’a jamais été calme. Tout d’abord, nous avons eu la Guerre des Sith. Mais, même après qu’elle fut réglée, la paix était loin de régner partout. Les Jedi étaient fort actifs, à cette époque. Leur intervention était requise pour mettre fin au moindre conflit entre systèmes, ou même entre les divers groupes ethniques résidant sur la même planète. Ma mission sur Onderon est un bel exemple de ce que devaient accomplir les Jedi au nom de la République. Nous étions les gardiens de la paix et de la justice dans la galaxie. Nous étions les piliers de la République, sans lesquels elle n’aurait jamais pu perdurer.

— Et cela, Palpatine le savait, continua Hierrulf. C’est la raison pour laquelle il a exterminé tous les Jedi une fois qu’il est devenu Chancelier de la République. Très peu de Jedi ont survécu à la Guerre des Clones, et Vader s’est chargé de ceux qui restaient. Quelque part, on ne peut pas nier que l’Empereur était diaboliquement intelligent.

— Tu as dit le mot juste, Hierrulf : diaboliquement. Le côté obscur est puissant. Tu ne dois surtout pas le sous-estimer. Sinon, tu subiras le même sort que moi.

Hierrulf demeura silencieux l’espace de quelques secondes. Il brûlait d’envie de poser une question à Ulic, sans savoir s’il était judicieux de le faire. Après une brève réflexion, il se décida.

— Dites-moi… Maître, demanda-t-il, usant du titre d’Ulic pour la première fois, ne vous est-il jamais arrivé de penser que chaque Jedi serait quelque part destiné à rester bon, ou à devenir mauvais ? Qu’en fait, il n’y aurait aucun choix à faire, que tout serait décidé à l’avance ? Peut-être qu’après tout, la Guerre des Sith devait arriver parce qu’elle était nécessaire. Même Vader, qui a été un Seigneur Sith des plus redoutables, a fini par tuer l’Empereur et par revenir du bon côté de la Force. S’il n’avait pas été l’Apprenti de Palpatine, jamais il n’aurait pu avoir l’occasion de le faire disparaître. Et je pense que cela rejoint parfaitement l’idée de la prophétie de l’Élu qui apportera l’Équilibre à la Force dont vous parliez tout à l’heure. Il n’était pas dit que cet Élu serait forcément une personne bonne, n’est-ce pas ?

Ulic Qel-Droma se caressa le menton en contemplant le sol, tandis qu’il pesait les arguments de son nouvel élève.

— Effectivement, finit-il par dire, de ce point de vue-ci… Mais je ne peux pas expliquer la raison pour laquelle il fallait impérativement que je devienne un Sith. Il y a du vrai, dans ta théorie, mais elle ne tient pas tout à fait la route.

— Au contraire ! répondit Hierrulf avec passion. Toutes vos mésaventures vous ont mené dans cette stèle de carbonite dont nous vous avons extrait à une époque où toute une nouvelle génération de Jedi a besoin d’être formée. Il y a là un schéma tout tracé, j’en suis certain.

Ulic eut un sourire indulgent.

— Comme je viens de te le dire, c’est la vérité selon ton point de vue. Personnellement, je préfère croire que nous avons toujours le choix.

— Je vous dérange ? fit une voix féminine derrière eux.

Les deux Jedi se retournèrent vers Darcy.

— Pas le moins du monde, répondit Qel-Droma. Mon élève et moi venions de terminer notre petite discussion.

La Corellienne jeta un regard interrogateur à Hierrulf.

— Élève ?

— Oui, fit crânement le jeune homme. Ulic a accepté de me prendre comme Apprenti Padawan.

— Eh bien, toutes mes félicitations, jeune Padawan. Espérons que ta formation Jedi bonifie ton caractère. Tu permets que je m’entretienne deux secondes avec ton Maître ?

Hierrulf se leva de son siège.

— Bien sûr. Vas-y. Moi, en attendant, je vais vérifier que les autres sont prêts.

Darcy le regarda s’éloigner. Une fois qu’il eut quitté la pièce, elle se retourna vers Ulic.

— J’espère que vous savez ce que vous faites.

— Je ne suis pas sûr de vous comprendre, Darcy, répondit Ulic, intrigué.

— Je parle du fait que vous preniez sur vous d’entamer la formation de Jedi de Hierrulf. Je sais que je ne suis nullement compétente en la matière et que vous vous y connaissez mieux que moi en ce qui concerne la Force et tout ce genre de choses, et, d’autre part, j’aime beaucoup Hierrulf, mais il a eu un comportement étrange, ces derniers temps. Quelque chose ne tourne pas rond, chez lui, et je me demande s’il est approprié de commencer son entraînement tout de suite.

Qel-Droma hocha la tête.

— Il est vrai que j’ai senti un grand trouble en lui. Cependant, cela peut s’expliquer de différentes façons. C’est un jeune homme qui n’a de toute évidence pas eu une vie facile. De plus, si j’ai bien compris ce qu’il m’a dit, il a suivi une formation incomplète, il y a plusieurs années. Il n’y a eu aucun suivi dans son entraînement. Il manque de repères, c’est tout. Un Apprenti a besoin d’être encadré durant toute sa formation. De mon temps, les Jedi étaient éduqués dès leur plus jeune âge. Hierrulf n’a pas eu cette chance, et tout ce qu’il connaît de la Force se résume à ce que je peux considérer comme de simples tours de passe-passe. Ajoutez à cela une vie de soldat sans cesse confronté à la peur, au stress et à la violence, et cela nous donne un pseudo Jedi instable. C’est pourquoi je peux vous affirmer que suivre un vrai entraînement dans les règles du Code Jedi lui remettra les idées en place. Il n’a besoin que de quelqu’un pour le guider.

— Si vous le dites. À ce propos, où en êtes-vous, vous-même ?

Ulic poussa un profond soupir.

— Eh bien, cela revient petit à petit.

— Vous sentez-vous assez puissant pour sentir la présence des impériaux ?

— Je sens leur présence, oui, répondit le Jedi, mais c’est une sensation assez diffuse. Je ne pourrais pas encore vous dire d’où elle provient exactement. Je sais qu’ils sont là, c’est tout. Nous avons toujours besoin de votre ami invisible. Nous ne devons pas bouger d’ici avant de savoir vers où vos ennemis se dirigent.

Darcy fit la moue.

— Si nous en sommes arrivés à confier nos vies à ce fanfaron, c’est que nous sommes réellement dans le pétrin.

 

Shadow suivait prudemment le long corridor lorsqu’il entendit un léger sifflement dans son oreille droite. Tiens, on parle de moi ! J’ose espérer qu’ils sont en train de me couvrir d’éloges, parce que ça me coûte vraiment d’assurer leurs arrières. Quand on pense que...Oh ! Merde !

Il venait de tourner au coin de la coursive pour trouver le hangar grand ouvert devant lui. Il se plaqua précipitamment contre le mur. Je ne m’attendais pas à y arriver si tôt ! pensa-t-il en reprenant son souffle.

Le Defel risqua un bref regard à l’intérieur de la baie. De nombreux stormtroopers en armes continuaient de débarquer des navettes de classe Lambda tandis que des techniciens en uniformes gris déchargeaient leurs lourds appareils de détection. Son attention fut attirée par la multitude de droïds-souris qui allaient et venaient au milieu des caisses de matériel entassées au milieu du hangar.

Ils nous ont sortis le grand jeu, cette fois-ci. C’est une vraie expédition qu’ils nous préparent là !

Après avoir vérifié qu’il n’y avait aucun danger imminent, Shadow prit une profonde inspiration, et se décida à pénétrer dans l’arène. Il entra discrètement dans le hangar, le dos collé au mur. Personne ne sembla remarquer sa présence. Je ne vais pas non plus m’en plaindre ! S’ils me voyaient, je risquerais de passer un très mauvais quart d’heure.

Tout prés de l’amas de caisses métalliques, un Commandant impérial aboyait des ordres aux hommes de troupes. Le regard de Shadow dépassa le groupe pour inspecter les autres vaisseaux présents dans la baie. Il fut surpris de constater la présence des chasseurs Sith de Nag’da. Après tout, le hangar dans lequel le Smashing Stars avait atterri quelques heures plus tôt avait été complètement désert. Les appareils, d’une conception archaïque mais terriblement efficace, étaient couverts de symboles Sith, comme s’il s’agissait de formules magiques dont la seule présence sur la coque des chasseurs suffirait à effrayer leurs éventuels adversaires. Tout ici repose sur l’intimidation. Il n’est pas étonnant que Darth Nag’da ait représenté une telle menace à son époque. Hierrulf n’a peut-être pas tort, lorsqu’il dit qu’utiliser cet engin pour servir la Nouvelle république pourrait changer le cours de la guerre.

Cependant, la République était flanquée d’un désavantage que l’Empire ne connaissait pas : la compassion. Jamais elle ne pourrait admettre que l’on sacrifiât les esprits Jedi prisonniers du cristal Sith. L'Empire, lui, n’aurait eu aucun scrupule. Et c’est pourquoi nous devons les empêcher de prendre le contrôle de cette machine de destruction. C’en serait fini de l’Alliance et de tout ce qu’elle a construit jusqu’à présent.

Comme galvanisé après avoir réellement pris conscience de l’importance de sa mission, le Defel avança plus hardiment au milieu des troupes ennemies. Son travail n’était-il pas après tout d’apprendre quel était le plan d’investigation des impériaux ? Et pour cela, il fallait qu’il entende les ordres que l’on donnait aux stormtroopers.

Tandis  qu’il  approchait  du  Commandant,  se  cachant  derrière  chaque  caisse  qu’il rencontrait sur son chemin, Shadow aperçut une silhouette familière du coin de l’œil. Il s’agissait d’une jeune femme blonde portant un uniforme de capitaine. Elle était assez éloignée, mais Shadow la reconnut immédiatement.

Fran ! Par les os pourris de l’Empereur ! Comment est-ce poss… ?

— Alerte intrus ! hurla soudain une voix de l’autre bout du hangar.

Le Defel tourna la tête vers l’endroit d’où était parti le cri. Un stormtrooper avait le doigt pointé sur lui.

Shadow n’eut pas le temps de réfléchir. Déjà, les stormtroopers avaient dégainé leurs fusils-blasters et commencé à tirer dans sa direction. Évitant les rayons mortels, il courut s’abriter derrière l’aile  repliée du chasseur Sith le plus proche. En un instant, la salle d’embarcation s’était transformée en champ de tir, et sans cette aile protectrice, Shadow n’aurait plus été qu’un petit tas de cendres bien visible.

Ils me voient ! Comme si j’étais un non-Defel ! Ils savaient que j’allais me pointer et comment me détecter. Pas difficile, avec Dathori pour les tuyauter. Cette salope nous a bien eus. Que faire, maintenant ?

D’une main, il dégaina son blaster et répliqua au tir de l’assaillant, tandis que de l’autre, il activait son comlink.

— Shadow à Hierrulf ! hurla-t-il pour couvrir le bruit des coups de feu. Shadow à Hierrulf ! Tu m’entends, bordel ?

Le comlink resta silencieux deux secondes, puis il émit le crachotement caractéristique.

— Hierrulf à Shadow, dit le jeune homme. Un problème ?

— Oui, et de taille, répondit le Defel. Je me suis fait griller. Ils sont tous en train de me canarder en même temps, et je ne crois pas que je vais pouvoir tenir très longtemps. Venez m’aider, les mecs ! Ne m’abandonnez pas ici !

— Surtout, ne bouge pas, fit la voix inquiète de Hierrulf. Nous venons tout de suite te tirer de…

Le comlink se tut brutalement.

Ils brouillent nos transmissions ! Nous sommes foutus !

Un  tir de blaster ricocha sur le sol, à vingt centimètres  de lui.  Il répondit en dégoupillant une des thermo-grenades qu’il portait sur lui et en la lançant en direction d’une navette de classe Lambda.

La grenade passa à travers l’ouverture béante laissée par la rampe baissée et atterrit à l’intérieur de l’appareil. Deux secondes plus tard, la Lambda explosait, soufflant plusieurs stormtroopers par la même occasion.

Les survivants doublèrent d’acharnement contre le Defel.

Bravo, Shadow ! Tu n’as réussi qu’à les énerver encore plus !

Il décocha quelques tirs de blaster avant de se terrer de nouveau dans sa cachette.

Je ne sais pas quand ni comment, mais un jour, tu me paieras ça, Fran !

 

Hierrulf se tourna vers ses compagnons. L’inquiétude se lisait sur tous leurs visages.

— Vous avez entendu, fit-il sur un ton décidé. Shadow a des ennuis. Prenez vos armes et en avant !

— N’est-ce pas peine perdue ? demanda le droïd de protocole. Le temps que nous arrivions là-bas, le Defel sera déjà mort. Si ça se trouve, il l’est déjà.

— Nous n’avons rien à faire de tes états d’âme, tas de ferraille, intervint le Rodien. Tu étais bien content quand il t’a reconstitué, hier !

— Grisson a raison, fit Darcy. 4PO, Shadow t’a bien appris à te battre, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit le droïd. Pour mon grand malheur !

— Alors prends un flingue et amène-toi. On aura besoin de tout le monde. Le groupe se hâta en direction du turbolift.

— Et la destruction du cristal ? demanda Xun une fois qu’ils furent à l’intérieur.

Hierrulf eut l’air de prendre conscience du problème pour la première fois. Personne ne fut surpris de constater qu’il ne semblait pas chagriné.

— La destruction du cristal n’est plus l’objectif numéro un, dit-il d’un ton neutre. Shadow passe en premier. De toute façon, les impériaux savent désormais que nous sommes à bord. Inutile de se cacher : ils vont déployer tous leurs moyens pour nous traquer, alors autant les affronter dès maintenant. Qui sait ? Peut-être arriverons-nous à les confiner dans leur hangar, puisqu’ils y sont encore. Nous pourrions ensuite nous occuper de la patrouille de reconnaissance que Shadow a rencontrée tout à l’heure. Ainsi, nous aurions le temps de retourner à la passerelle et de débloquer les commandes avec l’aide d’Ulic.

Il se tourna vers le Jedi.

— Rassurez-vous, Maître. Ce serait juste pour utiliser les armes du Gloire des Sith afin de neutraliser les Destroyers qui attendent dehors. Ensuite, nous libèrerions les Jedi.

Ulic Qel-Droma hocha la tête.

— Ce n’est pas une mauvaise idée, mon jeune Padawan. Mais je m’aperçois que même les Gamorréens sont armés, alors que je n’ai que mes pouvoirs pour me défendre. Pourrais-tu me donner le sabre laser de Nomi ?

— Oh, bien sûr, fit Hierrulf, embarrassé à l’idée de ne pas y avoir pensé avant. (Il retira son sac à dos, le posa sur le sol de l’ascenseur, et commença à fouiller à l’intérieur.) Ah ! Ils sont tout au fond. Il y a toutes ces foutues rations alimentaires par-dessus, attendez… voilà !

Il tendit un sabre à Qel-Droma. Le Jedi prit la poignée, la contempla un instant, puis adressa un sourire indulgent à son élève.

— Hierrulf… C’est celui de Nag’da. Drôle de choix, tu ne penses pas ?

Yurwick poussa un petit rire nerveux, bien qu’il ne fût pourtant pas d’humeur à plaisanter. Il aimait beaucoup le Defel, et il ne voulait pas qu’il lui arrivât le moindre mal. Son rire était plutôt une sorte d’hommage à Shadow, qui savait garder son humour dans les pires situations.

Une fois qu’il eut récupéré l’arme de Nomi, Qel-Droma désigna le panneau de commandes.

— Nous sommes bientôt arrivés. Préparez-vous à courir derrière moi dès que la porte de la cabine s’ouvrira.

— Et surtout, n’oubliez pas la règle première, ajouta Grisson.

— La quoi ? demanda Darcy.

Même RD-69 émit un bip interrogateur. Grisson eut l’air contrarié.

— Eh bien oui, quoi ! La règle première qui m’a permis de m’en sortir jusqu’à présent.

— Je te serais vraiment reconnaissant de partager ce secret avec nous, dit Dengar Xun. Je pense qu’il pourra être utile à tout le monde.

Il y eut quelques rires forcés.

— Quand vous vous trouvez dans une situation impossible, commença Grisson, et par là, je veux dire un merdier comme celui que nous avons traversé sur Coruscant, foncez dans le tas sans vous poser de question. Dès que vous commencez à vous demander ce que vous foutez là, c’est fini. Dans la seconde qui suit, vous vous faites descendre. C’est systématique.

— Nous essaierons de nous en rappeler, murmura Hierrulf.

À cet instant, le turbolift s’arrêta, et la porte s’ouvrit devant eux.

 

Ils approchent de plus en plus près ! pensa le Defel, paniqué. Je vais y rester ! Les deux autres thermo-grenades qu’il avait lancées un peu plus tôt avaient explosé sur le sol, ne faisant que très peu de victimes parmi ses agresseurs. D’autre part, ses munitions décroissaient à une allure inquiétante. Bientôt, la cellule énergétique de son blaster allait être complètement vide, et les Impériaux n’auraient plus qu’à venir l’achever.

Plus que quelques coups, et c’est fini. Mais je ne leur ferai pas le plaisir de me laisser descendre.

Shadow avait décidé de garder sa dernière thermo-grenade pour le cas où il serait obligé de se rendre. Si les stormtroopers décidaient de venir le chercher, c’est la mort qu’ils trouveraient.

Il  vida  son  chargeur  sur  une  caisse  de  matériel,  qui  explosa  dans  un  vacarme assourdissant. Il devait sans doute s’agir d’une réserve de munitions, car l’explosion eut des dizaines de sous-répliques, causant une désorientation momentanée des soldats impériaux. Cependant, ils ne tardèrent pas à reprendre leurs esprits et à repartir à l’assaut.

Shadow jeta son blaster sur le sol. Résigné, il décrocha la thermo-grenade de sa bandoulière et en activa le mécanisme. Il garda l’objet de destruction dans sa main, prêt à le lâcher sitôt que le premier stormtrooper pointerait le bout de son casque.

Tubrah, je te confie l’escadron. À toi de t’occuper d’eux, maintenant.

Il attendit l’arrivée de ses bourreaux et futures victimes. Puis il attendit encore.

Et encore. Et rien !

Au bout d’un moment, Shadow finit par se demander ce qui se passait. Bizarrement, les coups de feu semblaient s’être éloignés. Avec la plus grande précaution, Shadow sortit la tête de sa cachette pour voir ce qui en était.

À l’entrée du hangar, deux hommes armés de sabres laser, un rouge et un vert, renvoyaient les tirs de blaster des stormtroopers, tandis que d’autres silhouettes couraient pour se couvrir tout en mitraillant leurs agresseurs. Ulic Qel-Droma et le Blue Bolt Squadron étaient venus à la rescousse.

Sauvé ! Je suis sauvé !

C’est à ce moment qu’il repensa à la thermo-grenade activée qu’il tenait dans la main. Il s’en débarrassa précipitamment en l’envoyant au beau milieu d’une escouade de stormtroopers qui lui tournaient le dos. Les soldats furent balayés par le souffle de la détonation.

Ulic et Hierrulf évoluaient avec la plus grande des facilités au milieu des rangs ennemis. Ils semblaient littéralement danser sur le champ de bataille, évitant chaque tir de laser avec une aisance déconcertante.

— Shadow ! hurla Hierrulf en fauchant un soldat impérial. Tu es toujours parmi nous ?

— Oui ! s’époumona le Defel. On peut dire que vous tombez bien ! J’étais à court de munitions !

Il vit sur sa gauche Dengar Xun sortir de sous l’aile d’un chasseur Sith, lâcher quelques tirs de couverture, puis se baisser pour ramasser le fusil-blaster du cadavre d’un impérial. Il lança l’arme à Shadow avant de retourner dans sa cachette.

— Voilà ! lui cria le Coruscanti. Maintenant, tu peux te défendre !

Ulic Qel-Droma leva une main et repoussa tout une vague d’assaillants à l’autre bout de la baie de lancement. Ils avaient ainsi gagné quelques secondes pour évacuer.

— Repli général ! ordonna-t-il aux autres.

À cet instant, tous les membres du Blue Bolt Squadron jaillirent de leurs cachettes comme un seul homme et se ruèrent vers la sortie.

Hélas, tous les impériaux étaient loin d’être hors d’état de nuire, et quelques-uns effectuèrent un tir de barrage. Le temps que Hierrulf et Qel-Droma se retournent pour protéger leurs compagnons, Darcy et Skarr étaient déjà par terre et ne bougeaient plus.

— Darcy ! Non ! ! ! hurla Hierrulf.

Fou de rage, il fit mine de partir chercher ses camarades. Une main l’agrippa fermement par l’épaule. C’était celle d’Ulic.

— Ce n’est pas la peine, Hierrulf.

Il lui montra du doigt une classe Lambdaqui venait de décoller et qui pivotait sur place pour diriger ses armes vers leur position.

— Nous ne pouvons rien faire contre ça, et tes amis sont morts. Fuyons.

À contrecœur, Hierrulf abandonna ses deux compagnons et suivit son maître dans la coursive. Derrière eux, la Lambda fit feu.

La déflagration fit trembler tout le couloir. Les Blue Bolt Squadron eurent du mal à garder leur équilibre.

Yurwick, qui était tombé sur le sol, se releva en s’ébrouant. Il jeta un œil à chaque membre du groupe, et émit soudain un jappement inquiet.

— Le Wookie voudrait savoir où est passé la pizingue de Corellia, traduisit le droïd de protocole.

Hierrulf baissa les yeux.

— Nous sommes désolés, Yurwick, fit gentiment Qel-Droma. Elle s’est effondrée devant nous. Nous n’avons rien pu faire.

Le Wookie resta figé pendant une seconde. Puis il poussa un hurlement déchirant et se rua vers le hangar.

— Yurwick !  l’interpella  le  Questeur  Slugh.  Reviens !  Ils  vont  te  transformer  en descente de lit !

Ulic courut à la suite du Wookie, le rattrapa et se mit devant lui pour l’empêcher d’avancer plus loin. Yurwick découvrit ses dents dégoulinantes de bave en grondant. Sans se laisser impressionner, Qel-Droma passa sa main devant les yeux de l’imposante créature.

— Darcy est morte, dit-il calmement. Tu ne peux rien y changer. Viens avec nous.

Yurwick marmonna quelque chose dans son langage.

— Darcy est morte, traduisit C-4PO. Je ne peux rien y changer. Je viens avec vous. Hierrulf fit signe à Ulic.

— Il faudra que vous m’appreniez ce truc-là, Maître.

RD-69 émit soudain un trille alarmé.

— Womprat nous dit qu’ils reviennent à la charge, dit 4PO.

Effectivement, quelques instants plus tard, jaillit du rideau de fumée noire occasionné par l’explosion une nouvelle escouade de stormtroopers en armes.

Hierrulf réactiva son sabre laser et se tourna vers ses compagnons.

— Partez devant, je vous couvre.

Ulic protesta.

— Je reste avec toi, Hierrulf, dit-il en repoussant quelques tirs.

— On n’a pas le temps de discuter, Maître. Vous seul connaissez les plans du Gloire des Sith et pouvez guider mes amis. Ils doivent détruire ce vaisseau et regagner le Smashing. Sans vous, ils n’ont aucune chance. Quant à moi, je me débrouillerai.

Qel-Droma acquiesça.

— Que la Force soit avec toi, Hierrulf, lui dit-il avant de s’éclipser avec les autres.

— Que la Force soit avec vous, Maître, murmura le jeune homme.

Hierrulf prit une profonde inspiration et se rua vers les stormtroopers, renvoyant chacune de leurs salves sur les parois de la coursive. Lorsqu’il arriva au niveau des trois premiers soldats, il les coupa en deux au niveau du bassin. Sans prendre la peine d’écouter leurs râles d’agonie, Hierrulf s’attaqua au second rang.

Curieusement, tandis que sa lame répandait la mort et la souffrance autour de lui, Hierrulf s’aperçut qu’il y prenait plaisir. Voir ceux qui avaient tué son amie tomber sur le sol, sentir l’odeur du sang s’écoulant à flots hors de leurs artères sectionnées et entendre le ronronnement du sabre continuant de pousser son chant de mort lui procurait un sentiment malsain qui, il devait bien l’admettre, ressemblait à de la joie.

Le côté obscur !

Réalisant ce qui était en train de lui arriver, Hierrulf s’arrêta deux secondes. Ce fut assez pour qu’il ne voie pas à temps le rayon d’énergie atteindre la poignée de son sabre.

L’arme du Jedi explosa dans une gerbe d’étincelles, brûlant son avant-bras au troisième degré. Hierrulf contempla, incrédule, sa main carbonisée, couverte de cloques dont s’écoulait un sang noir.

La souffrance irradiant son bras, combinée à la rage de s’être fait avoir et à la tristesse d’avoir perdu Darcy, décupla sa puissance dans la Force.

Hierrulf, le visage déformé par un rictus haineux, leva une main en direction des stormtroopers,  qui  volèrent  jusqu’à  l’autre  bout  de  la  coursive  avant  d’aller  s’écraser violemment contre la paroi. Aucun d’entre eux ne se releva.

Il faut que je me reprenne, pensa le Jedi. Les choses prennent une tournure beaucoup trop grave. Le côté obscur m’envahit petit à petit. Mais peut-être est-il encore temps. Calmons-nous, et rejoignons les autres. Maître Ulic pourra certainement m’aider.

Il courut dans la direction que ses compagnons avaient empruntée quelques minutes auparavant. Les murs défilaient à une vitesse vertigineuse à ses côtés, mais cela ne l’empêcha pas de voir un détail qui attira son attention. Il s’arrêta net.

Devant lui se dressait une niche abritant une énorme statue représentant Darth Nag’da. Les yeux du Sith arboraient une expression déterminée, et la statue semblait réellement sur le point de bouger.

Intrigué, Hierrulf avança à l’intérieur de la niche. La pointe de l’épée de Nag’da s’arrêtait juste au-dessus de sa tête.

Je ne comprends pas. Je ne sais plus ce que je fais. Pourquoi éprouvé-je le besoin d’entrer dans cette niche, quand j’ai bien mieux à faire ?

Il fut poussé par une irrésistible envie de s’enfoncer encore plus profondément dans la niche, comme pour fuir la lumière émanant des murs de la coursive.

Hierrulf ne toucha jamais le fonds de la niche. La partie du sol sur laquelle il se tenait pivota avec la paroi, l’amenant de l’autre côté. Où régnait le noir le plus complet.

 

Darcy reprit péniblement conscience. Une douleur fulgurante montait de sa jambe gauche. Une brûlure, sans aucun doute. Elle tenta de se redresser, en vain. Alors, elle resta étendue sur le sol, contemplant le plafond de la pièce où elle se trouvait, essayant petit à petit de recoller les morceaux de sa mémoire.

Tout ce dont elle se rappelait, c’était qu’elle courait à la suite de Hierrulf en direction de la sortie de la baie d’amarrage, sous le feu nourri des impériaux retranchés à l’abri derrière leurs navettes de classe Lambda. Elle avait vu la tête de Skarr, le Gamorréen, éclater devant elle, et son énorme corps s’effondrer. Puis ses propres jambes s’étaient dérobées sous elle, et son crâne avait percuté le sol sans qu’elle n’ait rien pu y faire. Et ensuite, plus rien.

Cette fois-ci, je me suis fait avoir. Et encore ! Je peux m’estimer heureuse de ne pas m’être fait tuer ! Le pauvre Skarr n’a pas eu autant de chance. Espérons que les autres ont pu s’en sortir sans problème. Les impériaux ne doivent surtout pas se rendre maîtres du Gloire des Sith. Quoique… apparemment, le mal est déjà fait.

Son bref examen de la geôle qui la retenait prisonnière lui avait appris qu’elle ne se trouvait pas à bord d’un vaisseau de l’Empire. Elle s’était déjà retrouvée dans une cellule du bloc de détention d’un Star Destroyer, et aucune n’était plus grande qu’un cagibi. Or, la pièce où elle reposait, sans être spacieuse, était loin d’inciter à la claustrophobie. De plus, Darcy doutait fort que les impériaux ornassent leurs prisons de symboles Sith.

Il  n’y  avait  qu’une  explication  possible  à  sa  présence  ici.  Ils  ont  besoin de renseignements. Autrement, ils m’auraient laissée mourir. Ils espèrent peut-être que je vais pouvoir leur servir de guide à travers cette ville volante. À moins qu’ils ne veuillent seulement en savoir plus sur le cristal Sith. Ça ne m’étonnerait d’ailleurs pas qu’ils soient arrivés jusque-là.

En effet, le fait que Darcy fût enfermée dans une salle du Gloire des Sith qu’elle n’avait jamais vue auparavant prouvait que les impériaux avaient certainement activé leur progression à travers les ponts de l’immense vaisseau.

Si ça se trouve, ils ont peut-être déjà neutralisé les autres et pris le contrôle total de cet engin. Dans ce cas, la République est promise à vivre de sombres heures.

Darcy ne savait pas depuis combien de temps elle était évanouie. Qui sait, cela fait peut-être deux jours. Ou deux heures.

Elle releva le bout déchiré de son pantalon de combat pour examiner sa blessure. De toute évidence, on l’avait soignée, mais de la manière la plus rudimentaire. Les droïds médic 21-B de l’Empire n’étaient pas réputés pour anesthésier leurs patients, ni même pour leur prescrire des remèdes contre la douleur.

Quel travail de sagouin ! Heureusement que je n’en ai plus pour très longtemps à vivre. Cela aurait pu me chagriner !

Elle jeta un regard à la porte. Un système de scellé magnétique codé avait été récemment ajouté au mécanisme originel de fermeture de la pièce. Une prison aménagée rien que pour moi ! Quelle bonté de leur    part !

De l’autre côté, dans le couloir, des bruits de pas pressés se firent entendre. Oh, oh ! De la compagnie.

La  porte  magnétique  s’ouvrit  pour  laisser  le  passage  à deux stormtroopers qui encadraient une jeune femme. Ils poussèrent brutalement leur prisonnière à l’intérieur la cellule et repartirent comme ils étaient venus, sans cérémonie.

En dépit de sa douleur, Darcy se traîna vers la nouvelle venue pour l’aider à se relever.

— Est-ce que tout va bi… ?

Elle ne finit pas sa phrase, tellement elle était stupéfaite.

— Fran ?!?

L’autre lui sourit.

— Contente de te revoir, ma chère Darcy.

 

Instinctivement, Hierrulf tenta de faire machine arrière. Il chercha à tâtons un éventuel mécanisme qui permette de faire pivoter la paroi mobile dans l’autre sens, mais il n’en trouva aucun. Il semblerait bien que je sois bloqué ici. Et en plus, je ne vois rien.

S’il y avait eu ne fût-ce qu’une minuscule source de lumière, les yeux du jeune Jedi auraient pu s’accoutumer à l’obscurité ambiante, mais en l’espèce, il n’y avait rien que les ténèbres. Les ténèbres et… quelque chose d’autre. Une chose impalpable mais puissante, et terrifiante.

Un frisson parcourut l’épine dorsale de Hierrulf. Je sens une présence. Je ne suis pas seul, ici. Il y a quelqu’un d’autre.

BIEN VU, JEUNE JEDI. JE T’ATTENDAIS.

Qu’est-ce que… ?

Personne n’avait parlé à côté de lui, il était prêt à le jurer. C’était plutôt une voix sombre et caverneuse qui avait fait irruption dans sa tête.

NE FAIS PAS L’ÉTONNÉ. JE T’AI OBSERVÉ DEPUIS TON ARRIVÉE À BORD, ET JE SAIS QUE QUELQUE PART, TU AS TOUJOURS SENTI QUE J’ÉTAIS LÀ. TU SAVAIS AUSSI QUE CET INSTANT VIENDRAIT TÔT OU TARD. C’ÉTAIT ÉCRIT.

Tu es l’esprit de Darth Nag’da, n’est-ce pas ? demanda intérieurement Hierrulf.

TU AS DEVINÉ JUSTE. JE SUPPOSE QUE NOUS DEVONS LES PRESENTATIONS À CE CHER ULIC. APRÈS PLUS DE QUATRE MILLE ANS D’ENNUI, JE TROUVE SA RÉAPPARITION… DISTRAYANTE.

Que me veux-tu, Jedi déchu ? Que te crois-tu capable de faire, alors que tu es désincarné ?

TU LE SAIS TRES BIEN, HIERRULF. TU N’ES PAS AVEUGLE AUX RAISONS QUI T’ONT POUSSÉ À VENIR JUSQU’ICI, JUSQU'A L’ENDROIT OÙ JE SUIS LE PLUS PUISSANT ET OÙ JE POUVAIS ENTRER EN CONTACT AVEC TOI.

Les ténèbres. Oui, je sais ce que tu cherches à faire. Mais Maître Ulic m’a prévenu. Je ne me plierai pas à tes désirs. Je suis un Jedi.

PAS ENCORE. MAIS LORSQUE TU AURAS FINI TA NOUVELLE FORMATION, TU SERAS BIEN PLUS QU’UN JEDI. PERSONNE NE SERA AUSSI PUISSANT QUE TOI, ET LA GALAXIE SERA À TES PIEDS.

La confrérie des Sith n’est pas près de revivre. En tout cas, cela ne se fera pas par moi, sinistre homme noir. Je sais qu’il y a encore beaucoup de colère en moi, mais j’apprendrai à la dominer. Je suis assez fort pour te résister.

TU CROIS CELA ? ET SI JE TE DISAIS QUE TON AVENIR EST TOUT TRAÇÉ DANS LE LIVRE DES DESTINÉES ? QUE TU ES PROMIS A DEVENIR LE PLUS GRAND SEIGNEUR SITH DE TOUS LES TEMPS, ET QUE TU FERAS NAÎTRE UN SECOND EMPIRE DES CENDRES DU PREMIER ?

Je ne te crois pas. Comment aurais-tu pu acquérir une telle connaissance du futur, alors que même Maître Ulic, lorsqu’il était encore un Sith, n’en a jamais eu vent ? Tu affabules pour me séduire.

JE  TIENS  CETTE  PROPHÉTIE  DU  DIEU  SITH  QUI  M’A  CONVERTI,  SUR KORRIBAN. CELUI-LA MÊME QUI A POSÉ LES TATOUAGES DU POUVOIR OBSCUR SUR LES FRONTS DE QEL-DROMA ET D’EXAR KUN. FAIS-MOI CONFIANCE, ET TU SERAS CRAINT ET RESPECTÉ. LA SEULE ALTERNATIVE EST LA MORT.

Tu ne peux rien contre moi. Je suis vivant, tandis que toi, tu n’as même pas de corps.

Nag’da ne répondit pas. Alarmé par ce silence soudain, Hierrulf commença à réellement s’inquiéter. Il entendit un grincement léger.

— Qu’est-ce qui se passe ? murmura-t-il.

Il ne pouvait rien voir, mais il était certain que de sombres formes se mouvaient dans le noir, tout autour de lui. Plusieurs grondements de bêtes féroces parvinrent à ses oreilles.

VOICI DE QUOI TE CONVAINCRE, HIERRULF. TU ENTENDS EN CE MOMENT MES FIDÈLES GARDIENS. CES CRÉATURES S’APPELLENT DES VORNSKRS. CEUX-CI SONT DES SPÉCIMENS MUTANTS QUE J’AI RÉCUPÉRÉS PENDANT UNE DE MES CAMPAGNES. RIEN NE PEUT LEUR RÉSISTER. JE LES GARDAIS EN STASE À BORD DU GLOIRE DES SITH POUR LES RÉANIMER QUAND J’AURAIS BESOIN D’EUX. SI TU NE VEUX PAS DEVENIR MON ALLIÉ, ILS TE DÉTRUIRONT, ET ENSUITE, LEURS FRÈRES, RÉPARTIS DANS LE RESTE DU VAISSEAU, S’OCCUPERONT DE TES AMIS.

Non ! Je ne peux pas te laisser faire ça. Je…

Les Vornskrs ne lui laissèrent pas le temps d’achever sa phrase. Hierrulf sentit une mâchoire puissante aux dents aiguisées comme des rasoirs se refermer sur sa jambe, le faisant tomber à la renverse.

N’essayant même pas de se retenir de hurler de douleur, il se débattit avec frénésie, ne réussissant qu'à sectionner sa jambe, qui resta dans la gueule de l’animal.

Garde le contrôle ! Garde le contrôle ! Concentre-toi ! Hierrulf appela la Force. En vain. La souffrance était trop intenable pour qu’il puisse focaliser son esprit sur autre chose.

Il sentit la gueule d’un Vornskr s’approcher de son visage. Il le frappa de son seul poing valide pour le repousser, mais, là encore, des crocs d’acier perforèrent ses chairs.

Hierrulf sentit son propre sang, comme jaillissant d’une source intarissable, inonder son visage.

Je suis en train de partir. Je me vide de mon sang.

VIENS AVEC MOI. ACCEPTE LE POUVOIR QUE JE TE PROPOSE, ET TU VIVRAS. TEL EST LE CHOIX QU’A FAIT EXAR KUN FACE A FREEDON NADD DANS LES RUINES DE KORRIBAN. CE MÊME CHOIX, AUJOURD’HUI, C’EST MOI QUI TE LE DONNE.

Non…

Plusieurs images apparurent devant ses yeux voilés par la souffrance. Ce fut d’abord celle d’un jeune homme en tenue de contrebandier, le regard fier, armé d’un sabre laser.

Bayee !

L’apparition le regarda fixement.

— Hierrulf,  dit  l’image  de  Bayee.  Pourquoi  m’as-tu  abandonné  dans  l’épave du Subjugator ? Par ta faute, mon âme n’a pas trouvé le repos ! Maintenant, à ton tour de connaître la damnation.

Je n’y suis pour rien. Jiix et Tarix, eux aussi, se sont fait avoir, et moi-même, je m’en suis sorti de justesse. Je n’ai rien à me reprocher. Repars d’où tu viens !

Bayee disparu. À sa place, Fran Dathori et Darcy, couvertes de sang noir, arrivèrent en se tenant par la main. Elles s’embrassèrent avec passion, puis se tournèrent vers Hierrulf en riant.

— On s’amuse bien, toutes les deux, dit Darcy, et c’est grâce à toi. On est si bien, de l’autre côté…. Rejoins-nous !

Arrêtez ça, par la galaxie ! Arrêtez !

 

Les deux femmes continuèrent de rire comme des hystériques tout en se couvrant de baisers. Puis elles disparurent à leur tour, pour céder la place à un vieux Jedi fou.

K’tan ! Toi aussi, tu es là !

— J’ai toujours su que tu serais un élève doué, lui dit le Jedi Noir en lui tendant les bras. Aujourd’hui, ta formation touche à sa fin.

Non ! Non ! Je vous en prie ! Arrêtez ce supplice !

Il sentit, dans le monde réel, des griffes et des crocs lui déchirer la gorge, dans un immonde bruit de gargouillis. La mort était terriblement proche, à présent.

ACCEPTE MON AIDE, HIERRULF. LE CÔTE OBSCUR PEUT TE SAUVER. IL NE SUFFIT POUR TOI QUE DE DIRE UN MOT, ET TES TOURMENTS PRENDRONT FIN. ENSUITE, UNE NOUVELLE VIE COMMENCERA. SINON… LES VISIONS QUE TU VIENS D’AVOIR NE SONT QU’UN APERÇU DE CE QUE SERA TON ENFER PERSONNEL POUR L’ÉTERNITÉ.

La respiration de Hierrulf se fit de plus en plus faible. Maître Ulic ! Aidez-moi ! supplia-t-il, répétant presque les mêmes mots qu’Exar Kun, quatre mille ans auparavant. Cette fois-ci, il n’y eut pas de réponse.

QEL-DROMA NE PEUT RIEN POUR TOI. JOINS-TOI A MOI. C’EST TA SEULE ISSUE.

— T… très b… ien, articula difficilement le jeune homme entre deux hoquets sanglants.

Sa voix n’était plus qu’un souffle.

PLAÎT-IL ?

Inutile de me torturer davantage. J’accepte. J’accepte.

BIEN ! BIEN ! TU VOIS, QUE TU PEUX ÊTRE RAISONNABLE !

Le corps de Hierrulf fut peu à peu enveloppé d’une lueur malsaine. Effrayés, les Vornskrs s’écartèrent de leur proie et allèrent de terrer au fond de la pièce.

Les blessures de Hierrulf se refermèrent, et ses membres arrachés se régénérèrent en moins de deux minutes. La douleur accompagnant le processus était insoutenable, mais elle s’en alla bientôt, laissant le jeune homme totalement guéri, allongé sur le dos.

Le cœur plein de haine, le jeune homme se releva lentement, extirpa le sabre laser de Darth Nag’da de son sac, et l’activa. À la lumière rouge émanant de l’arme Sith, il put voir la dizaine de Vornskrs enragés foncer sur lui.

— Venez ! Je vous attends !

Ce fut à peine s’il entendit l’esprit de Nag’da éclater de rire.

 

C-4PO reverrouilla la porte magnétique en entendant le bataillon de stormtroopers venir au loin. Il se tourna vers RD-69.

— Je ne sais pas ce qui se passe, dit-il au petit droïd astromech, mais je suis sûr que c’est ta faute.

L’autre siffla quelques bips intrigués.

— Je ne sais pas, répondit le droïd argenté. J’ai toujours rêvé de dire ça.

— Du nouveau ? demanda Tubrah.

C-4PO fit un signe en direction de la porte.

— Il y a un peloton qui passe en ce moment dans le couloir. Je suggère que nous restions planqués ici encore quelque temps.

Le Questeur Slugh soupira.

— On est vraiment mal barré. Nous avons perdu Darcy et Skarr, le Wookie se morfond, et nous sommes sans nouvelle de Hierrulf. Et pour couronner le tout, d’autres troupes impériales ont débarqué !

— Oh, pas beaucoup, intervint le Defel, à cran. À peine de quoi tenir dans dix navettes Lambda ! On va tous y passer, cette fois-ci. Ce n’était vraiment pas la peine de venir me chercher dans ce hangar. Et qu’on dise à ce Wookie de se taire, à la fin !

L’exaspération de Shadow était aisément compréhensible. Depuis la première minute des deux heures qu’ils avaient passées dans ce qui ressemblait à un réfectoire aménagé pour huit cents personnes, Yurwick n’avait cessé de pousser de longs gémissements plaintifs. Ils n’étaient certes pas assez stridents pour que les impériaux puissent détecter les rebelles, mais ils avaient fini par porter sur les nerfs de tout le monde. Le seul moment où il était sorti de cet état de lamentation perpétuelle, cela avait été pour entrer dans une rage folle lorsque le Defel leur avait annoncé que leur ennemi n’était autre que leur ancienne camarade Fran Dathori. Le Wookie avait alors pulvérisé une bonne partie des chaises et des tables métalliques du réfectoire. Dengar Xun, quant à lui, avait été navré d’apprendre que tous les Bleus Huit de l’Histoire du Blue Bolt Squadron avaient été des traîtres, et qu’ils avaient tous été ses ailiers. Cela avait été Xun et Zoffir, Xun et Dathori. Un palmarès peu reluisant !

Ulic s’interposa.

— Allons, allons. Gardons notre calme. Ce n’est pas le moment de vous chamailler. Nous devons rester unis, si nous voulons nous sortir de cette situation. Hierrulf est resté affronter les envahisseurs pour nous permettre de mener notre mission à bien, et c’est ce que nous allons faire.

— Vous voulez dire, demanda Xun, que nous allons toujours faire péter ce mastodonte, alors que nous n’avons pas la moindre chance de regagner le Smashing en un seul morceau ? Permettez-moi de protester vivement.

— Reste cool, lui dit Grisson. Après avoir réussi à t’échapper de Coruscant comme tu l’as fait, rien ne t’est impossible.

— Merci. Tu vas me faire rougir. Ah ! Si seulement nous pouvions savoir ce que fait Hierrulf !

Le Questeur Slugh s’approcha de Qel-Droma.

— Peut-être que vous pourriez essayer de le localiser, Ulic. Après tout, c’est un Jedi. Il doit être plus facile de le sentir que les autres mortels,   non ?

Ulic considéra la question un moment.

— Oui, finit-il par dire. Ce n’est pas une mauvaise suggestion. Je peux toujours essayer. Cela n’engage à rien.

Le Jedi s’assit en tailleur sur le sol. Il ferma les yeux, prit une grande inspiration, puis expira profondément. Il laissa son esprit entrer en communion avec la Force, ressentant par-là même une familière sensation de plénitude qu’il était resté si longtemps sans éprouver. C’était comme si son âme se propulsait à un autre niveau de conscience, séparée des contingences matérielles. Elle quitta son corps et commença à explorer le vaisseau.

En chemin, il croisa les esprits sous-aguerris à la réflexion des stormtroopers, ceux, un peu plus éveillés, mais toujours très étroits, de leurs commandants, puis celui d’une personne assez spéciale pour retenir son attention. Une femme. Certainement cette Fran Dathori dont ses compagnons  avaient  longuement  parlé.  Mais  aucun  signe  de  Hierrulf.  Comment  est-ce possible ? Il n’a tout de même pas pu disparaître !

Il décida de chercher un peu plus longuement. Sans succès. Frustré par cet échec, il revint sur l’esprit de celle qui s’appelait Dathori. Elle n’était pas seule. Une autre personne se trouvait avec elle. Quelqu’un d’indiscipliné, mais qui recelait énormément de bonté. Et aussi, quelqu’un d’apeuré.

— Darcy ! s’écria-t-il.

Yurwick, qui était resté assis à l’autre bout du réfectoire en pleurant doucement pendant des heures, se releva brusquement en entendant le nom de celle envers qui il avait une dette de vie.

— Quoi, « Darcy » ? demandèrent en chœur Tubrah, Shadow et Xun. Grisson, quant à lui, se contenta de sourire.

— Elle est en vie, dit Qel-Droma. Darcy est vivante !

Yurwick poussa un beuglement de joie.

— Vous savez où elle se trouve ? demanda précipitamment Dengar Xun.

 Qel-Droma fit la grimace.

— Je ne pourrais pas la localiser avec précision, mais je peux vous dire qu’elle est certainement retenue prisonnière quelque part sur les ponts supérieurs.

Le Wookie, sans dire un mot, rechargea son arbalète laser et fonça en direction de la porte de sortie.

— Attends, boule de poils, le héla Tubrah. Tu comptes peut-être réussir à la libérer tout seul ?

Yurwick le regarda en penchant la tête sur le côté. Il grogna quelque chose dans son langage.

— Venez avec moi si vous voulez, ou bien restez ici, traduisit C-4PO. Moi, j’y vais.

— T’emballe pas ! répondit le Questeur Slugh. Après tout, au point où on en est ! Et puis, je ne vois pas pourquoi le Defel aurait eu droit à un traitement de faveur, et pas Darcy.

— Hé ! protesta Shadow, feignant la contrariété.

— Je propose que nous nous séparions en deux groupes, dit Qel-Droma. Dengar, Yurwick et Grisson, vous viendrez avec moi à la recherche de Darcy. Tubrah, vous savez piloter ?

— Bien sûr ! répondit le Questeur Slugh, piqué au vif. Je suis pilote de chasse, comme tout le monde ici !

— Désolé, je ne voulais pas vous vexer. Tubrah, vous irez avec les autres rejoindre votre vaisseau, et vous ferez chauffer les moteurs en attendant que nous arrivions. Il se pourrait que nous soyons pressés de partir, surtout si je réussis à briser le cristal Sith, comme j’ai l’intention de le faire.

— Une question, demanda Xun. Comment allons-nous faire pour savoir où se trouve Darcy ?

— J’ai un plan, répondit Qel-Droma, confiant.

 

Les deux femmes se regardèrent un instant, sans dire un mot. Puis, elles se jetèrent dans les bras l’une de l’autre en riant et pleurant à la fois.

— Fran ! C’est tellement bon de te revoir en vie !

— J’en ai autant à ton service, répondit l’autre. J’avais si peur qu’il te soit arrivé quelque chose !

Elles relâchèrent leur étreinte. Fran jeta un regard vers la jambe de Darcy.

— Tu n’as pas l’air bien en point. Que t’est-il arrivé ?

La Corellienne se caressa le mollet avec un sourire qui ressemblait plus à un rictus douloureux qu’à autre chose.

— Un coup de blaster. Récolté en sauvant la peau du Defel.

— Vous êtes tous là ? Je veux dire, vous avez  tous réussi à vous échapper de Coruscant ?

— Pour ainsi dire, oui, répondit Darcy. Mais toi ! Qu’est-ce que tu fiches ici ?

Fran écarta les bras.

— Prisonnière, comme toi. Les impériaux m’ont récupérée inconsciente, sur la plateforme trois cent dix-neuf. Je me suis réveillée dans une de leurs cellules, sans même savoir si j’étais à bord d’un de leurs Destroyers, ou si j’étais détenue dans une des prisons de Coruscant. Ce n’est que lorsqu’ils m’ont transférée ici par navette que je me suis rendue compte que j’étais dans l’espace.

Darcy posa doucement sa main sur l’avant-bras de son amie.

— Ils t’ont torturée ? demanda-t-elle d’une voix blanche.

L’autre regarda le sol sans répondre. Elle se contenta de hocher la tête.

— Je suis désolée, fit Darcy en l’enlaçant. Ça a dû être horrible. Je connais leurs méthodes.

— Ne t’inquiète pas, dit Fran avec un sourire forcé. Je n’ai rien dit. À vrai dire, j’aurais eu du mal, vu le peu que je savais ! Et puis… ils ne m’ont quasiment pas posé de question.

À ces mots, les larmes montèrent aux yeux de la jeune Corellienne. L’idée que l’on ait pu torturer Fran par pur sadisme la révoltait. Elle imaginait avec effroi son amie sanglée sur une table d’une salle d’interrogation, se contorsionnant sous l’impulsion des chocs électriques infligés par un droïd de torture dépourvu d’âme et de compassion. Elle voyait les extracteurs de nerfs et les aiguilles s’acharner sur la moindre parcelle du corps de Dathori, lui arrachant des hurlements auxquels ses bourreaux restaient insensibles, toute émotion dissimulée derrière leurs masques de métal.

— Ça va aller, lui assura Fran. Je suis vivante, et toi aussi. C’est tout ce qui compte.

Darcy hocha la tête. Puis, comme si quelque chose l’intriguait, elle fronça les sourcils.

— Pourquoi t’ont-ils transférée ici, à bord du Gloire des Sith ? Tu étais prisonnière à leur bord. Quelle raison a pu les pousser à t’emmener avec eux ? Ça n’a aucun sens !

— Que si ! répondit la Tatooienne. À vrai dire, je me suis aussi posée cette question, quand on m’a fait embarquer à bord de la classe Lambda qui m’a amenée jusqu’ici. Je n’ai compris qu’en te voyant.

Darcy lui fit signe qu’elle était perdue.

— Ils nous ont mises ensemble pour que nous échangions des informations. Ils doivent certainement se poser une foule de questions à propos de ce vaisseau, et ils doivent penser qu’ayant été à bord depuis plus longtemps qu’eux, tu dois en savoir un peu plus. Ils te mettent avec moi, nous nous racontons tout, et pendant ce temps-là, un comlink leur retransmet toute la conversation. Cette méthode marche mille fois mieux que la torture.

Elle fit le tour de la cellule en s’adressant au plafond.

— Eh oui ! J’ai compris votre petit manège. Pas de chance, ça ne marchera pas ! Il ne fallait pas non plus nous prendre pour des idiotes !

À ce moment, la porte magnétique de la cellule improvisée s’ouvrit avec un sifflement discret.

— Personne n’a jamais dit que vous étiez une idiote, capitaine, fit le nouveau venu.

Les deux femmes firent volte-face simultanément pour voir le commandant Patler qui les regardait depuis le couloir, l’arme au poing.

— Patler ! cracha Fran, un mépris écrasant dans la voix.

Le regard de Darcy allait sans arrêt de son amie à l’impérial.

— Capitaine? demanda-t-elle, abasourdie.

Vaal Patler eut un rire sans joie.

— Elle ne vous a rien dit ? À vrai dire, ce n’est pas surprenant. Et pourtant, c’est bien la vérité.  Votre  camarade  de  cellule  n’est  autre  que  le  capitaine  Fran  Dimma,  officier commandant le Star Destroyer Hoth Victory. Du moins, jusqu’à présent.

— Que cherchez-vous à faire, misérable vermine ? demanda Dimma, les dents serrées.

Patler sourit.

— Mais à vous éliminer, chère capitaine. Oh, n’y voyez là rien de personnel. Je ne fais pas  cela  pour  devenir  capitaine  à  votre  place.  Ce  ne  sera  qu’une  des  conséquences avantageuses de votre disparition, mais là n’est pas mon but principal. Je vous soupçonne simplement d’avoir parti lié avec les rebelles. Le fait que vous soyez venue rendre visite à cette républicaine tout en gardant votre identité secrète prouve que vous vous êtes attachée à cet escadron que vous avez intégré. Vous n’avez pas non plus été très claire quant aux raisons pour lesquelles l’enseigne Devon devait mourir. Je me chargerai d’ailleurs plus tard d’élucider ce mystère avec elle. Mais chaque chose en son temps.

— Qu’est ce que vous allez faire ? lui demanda Dimma. Nous abattre toutes les deux d’une décharge de blaster ?

— Non, non, répondit l’autre en riant. J’ai trouvé bien plus raffiné.

Il produisit devant elles une thermo-grenade à minuterie.

— Rassurez-vous. Cet engin ne contient pas d’explosif. Juste assez de dioxis pour tuer un Rancor. Je vais vous le laisser et repartir à mes occupations. D’ici cinq minutes, vous serez mortes toutes les deux. J’ai réglé le minuteur moi-même, pour que vous ayez le temps de régler vos comptes. Je pense que la Corellienne m’en saura gré.

— Effectivement, fit Darcy d’un ton glacial, les yeux fixés sur Fran. Je vous remercie.

Patler éclata de rire.

— Vous pouvez. J’aurais pu choisir un gaz moins rapide, et infiniment plus douloureux. Mais il est temps pour moi d’y aller. Amusez-vous bien. Adieu.

Sur ce, le commandant Vaal Patler déposa la grenade délicatement sur le sol, puis referma la porte sur les deux condamnées.

— Patler ! hurla Dimma. Vous me paierez ça ! Vous m’entendez ? Vous me paierez ça !

Elle se retourna pour faire face à Darcy. L’autre la regardait toujours, une lueur meurtrière dans les yeux.

— Je vais te tuer, dit calmement la Corellienne.

 

Même après des années de service, Jeg Luxan était toujours fasciné par les couleurs chatoyantes et tourbillonnantes qu’il pouvait contempler derrière son cockpit lors de ses voyages en hyperespace. Je crois qu’il s’agit en fait d’une des rares raisons qui me poussent à continuer, pensa-t-il. Si je n’aimais pas autant voler, il y a en fait longtemps que j’aurais raccroché.

Le navicomputer de son appareil lui indiqua qu’il ne se trouvait à présent plus très loin de leur objectif. La rentrée en espace normal devait se faire dans la minute. Prenant conscience de ce fait, Luxan tira machinalement sur les manches de ses gants de vol, initialisa les armes de son Aile-A, et vérifia que tous les boucliers étaient bien opérationnels.

Très bien. Maintenant, soyons vigilants. Ça risque de ne pas être de la tarte. Plus que dix sec…

Le tunnel scintillant de l’hyperespace céda contre toute attente la place à l’espace normal. Paniqué, Luxan jeta un regard à ses instruments.

Qu’est-ce que… ? Bon sang ! Un champ d’interdiction !

Il scruta rapidement l’espace derrière sa verrière de plastacier. Il eut le temps de voir, en orbite autour d’un vaisseau démesuré, un Star destroyer de classe Victoire et un croiseur Interdictor. Il reconnut immédiatement les deux appareils. Il s’agissait de ceux qui avaient détruit le Crystal le jour d’avant. L’image du croiseur Mon Calamari se déchirant en deux sous le tir nourri de ses agresseurs revint instantanément dans l’esprit de Luxan.

Non ! Non ! Je ne dois pas me laisser distraire. L’heure est venue de se battre. Je n’ai plus le temps d’avoir des appréhensions.

Il déclencha son comlink.

— Ici Bleu Leader. Vaisseaux ennemis droit devant. Je répète : vaisseaux ennemis droit devant.

— Ici Rogue Leader, fit la voix de Wedge Antilles. Je confirme. Ennemis droit devant. Un classe Victoireet un Interdictor. On va avoir du pain sur la planche.

— C’est pour ça que la République nous paie une solde de misère, rétorqua Hobbie. Luxan jeta un œil à son navicomputer.

Il eut une expression terrifiée une fois qu’il eut pris connaissance des informations que la machine lui avait délivrées.

— Les amis, dit-il, je crois que nous pouvons remercier ce croiseur Interdictor. Sans lui, nous nous serions écrasés sur l’objectif. Personne n’a donc remarqué qu’on nous avait filé les Coordonnées Exactes de cet  engin ?

— Trêve de bavardages, intervint la voix rocailleuse de l’amiral Ackbar. Si nous voulons arracher ce vaisseau aux mains des Impériaux, il va falloir que nous puissions prendre la fuite avec. Je vous préconise donc de concentrer votre feu sur les générateurs de puits gravitationnel de l’Interdictor. Nous devons récupérer la possibilité de partir en hyperespace, surtout si les choses se gâtent.

— Compris, Home One, répondit Jeg Luxan. Fedz, Starwatcher, Sroder, Yihn, vous êtes OK ?

— Nous sommes OK, Bleu Leader, firent ensemble les Blue Bolt Squadron.

— Stardust opérationnel et prêt à foncer dans le tas, ajouta la voix de Waneugh Ehn.

Luxan sourit.

— Très bien. Wedge, toi et le Rogue Squadron, occupez-vous du classe Victoire. Nous, nous allons nous charger d’abattre les boucliers  de l’Interdictor  et  de faire sauter ses générateurs de gravité.

— Reçu, Bleu Leader, fit Antilles. Hobbie, Janson, Tycho, suivez-moi.

Les deux escadrons se séparèrent, chacun partant vers sa cible respective. Les croiseurs impériaux  entamèrent  immédiatement  les procédures défensives standards.  Bientôt,  une multitude de chasseurs TIE envahit le ciel, fonçant sur leurs agresseurs tels des frelons de Kashyyyk provoqués par un Wookie trop gourmand. L’Emancipator et le Home One, quant à eux, pilonnèrent les deux vaisseaux ennemis de tirs de turbolaser.

Par la galaxie ! C’est vrai qu’ils ont des Interceptors ! Jeg Luxan pensa à Vihn Sroder et Guryl Yihn, qui pilotaient des Z-95. Même si ce sont d’excellents pilotes, j’ai bien peur que des Z-95 ne fassent pas le poids face à des Squints.

— Bleu Quatre, Bleu Six. Faites très attention. Encore une fois, je suis désolé de ne pas avoir pu vous fournir de Aile-A. Faites en sorte de ne pas vous faire descendre dès votre premier engagement.

— Nous essaierons, répondit Sroder. Guryl, tu as entendu ? On ne se quitte pas d’une semelle, OK ?

Ça y est. Ils sont à portée de tir, à présent. Luxan vit le Stardust le dépasser et se ruer vers les chasseurs ennemis, faisant feu de toutes ses armes.

— Laisse-m’en quelques-uns, dit-il au contrebandier.

— Hé ! répondit la voix nasillarde d’Ehn. Premier arrivé, premier servi !

— Noussa’ller tous les descendre, renchérit Yom, parlant le galactique standard pour l’occasion.

Qu’est-ce que les Gungans peuvent m’énerver ! pensa Luxan.

Un signal de son ordinateur de bord lui indiqua la présence d’un Interceptor dans ses six heures. Allons bon ! Ça commence bien !

Il fit partir son chasseur en chandelle inversée, évitant de justesse le double tir de laser du TIE. L’autre ne se laissa pas décourager et continua de le poursuivre.

 

Le poing de Darcy alla s’écraser sur le visage de Fran Dimma. Sous le choc, la Tatooienne tomba à la renverse sur le dur sol métallique de la cellule.

— Espèce de salope ! lui siffla la Corellienne entre ses dents serrées. Nous te faisions confiance ! Nous t’avions confié nos vies, et protégé la tienne !

Elle lui donna de furieux coups de pied dans les côtes.

— Et dire que j’ai pleuré pour toi ! cria-t-elle, ponctuant chaque syllabe d’un nouveau coup.

Dimma réussit cependant à attraper au passage la jambe de Darcy et à la déséquilibrer. La Corellienne s’effondra sur elle. Les deux femmes roulèrent l’une sur l’autre à travers la pièce, jusqu’à ce que Darcy réussisse à reprendre le dessus et à bloquer son adversaire.

— Maintenant, tu vas crever, comme tu le mérites, lui dit-elle en appuyant sans pitié son genou sur la gorge de Fran.

Les yeux de l’autre commencèrent à se révulser, sa respiration à devenir de plus en plus faible. Elle fit tout de même l’effort surhumain de parler.

— D… Darcy… dit-elle péniblement. Je… je peux… nous faire sortir…

— Comment ? demanda Darcy, toujours enragée. Parle plus fort, je n’entends rien !

— Lâche-moi… Je peux nous faire (elle toussa) sortir d’ici.

À ces mots, la Corellienne desserra à regret sa prise sur la gorge de Dimma. L’autre se releva avec difficulté, se massant la trachée d’une main.

— Tu as intérêt à ne pas raconter d’histoire, lui dit Darcy. Autrement, nous allons mourir toutes les deux, mais je te jure que je serai la dernière.

Fran fouilla dans sa poche et en ressortit un petit émetteur.

— Il me suffit d’appuyer là-dessus, et les troopers qui m’ont amenée ici viendront me rechercher. C’est aussi simple que ça.

— Quoi ?

— Eh oui ! Tu ne crois quand même pas que je faisais assez confiance à Patler pour ne pas assurer mes arrières !

— Eh bien, vas-y ! lui ordonna une Darcy excédée. Qu’est-ce que tu attends pour les appeler ? Que le dioxis nous fasse piquer un roupillon éternel ?

L’autre obtempéra sans broncher. Très peu de temps après, la porte magnétique s’ouvrait sur deux stormtroopers.

— Faites-nous sortir d’ici, leur dit Fran. La fille vient avec moi.

Les soldats leur cédèrent le passage. Fran se tourna vers l’un d’entre eux.

— Lancez l’ordre d’abattre le Commandant Patler à vue. Il s’est rendu coupable de mutinerie.

L’autre activa le comlink intégré à son casque et commença à retransmettre ses ordres.

— Donnez-moi des armes, et repartez à vos postes, lui demanda Fran, une fois qu’il eut terminé.

Les stormtroopers lui donnèrent leurs fusils-blaster, la saluèrent, puis s’en allèrent. Les deux femmes étaient seules à présent. Pendant qu’elles se dévisageaient, la grenade à dioxis explosa dans la pièce à côté. Elles ne bougèrent pas, la porte hermétique les protégeant du gaz mortel.

— Et maintenant ? demanda Darcy. Que comptes-tu faire ? C’est toi qui tiens le flingue.

Fran Dimma lui sourit.

— Tu penses vraiment que je pourrais te faire le moindre mal ?

— Eh bien… oui. Pourquoi devrais-je penser autre chose ?

— Parce que je t’aime, petite conne, rétorqua l’impériale.

— Hé ! fit Darcy en levant une main comme pour la repousser. Ce n’est pas parce que tu es armée que tu as le droit de te foutre de ma gueule !

— Peu importe. Viens avec moi, et je te trouverai un moyen de t’enfuir.

— Tu ferais vraiment ça ? demanda la Corellienne, méfiante.

— Je viens de te dire que je ne pourrais jamais rien laisser de mal t’arriver. (Elle lui tendit un blaster, que Darcy s’empressa de prendre.)

— Nous devons faire vite, alors, car ce vaisseau, et tous ceux qui sont à son bord, ne seront bientôt plus que de la poussière cosmique.

— Que dis-tu ? fit Fran, abasourdie.

— Lorsque nous avons appris que le Gloire des Sith se servait de la force vitale d’esprits Jedi prisonniers dans un cristal Sith, nous avons décidé de briser leur prison. La destruction de ce générateur entraînera celle de tout le reste du vaisseau, et de tout ce qui se trouve dans un rayon assez large. Je pense que Hierrulf et les autres, me croyant morte, ont déjà amorcé le processus.

— Nous devons alors vite rejoindre le hangar et prendre une classe Lambda pour nous enfuir. Viens, suis-moi.

 

— Halte ! ordonna l’officier. Où allez-vous, avec cette… chose ?

Les trois stormtroopers se retournèrent. Ils tenaient prisonnier, attaché par de lourdes menottes, un énorme Wookie dont un bras et une jambe avaient été remplacés par des implants bioniques.

Leur capitaine salua l’officier avant de répondre à la question posée.

— Nous escortons ce prisonnier jusqu’au bloc de détention. Sa capture a causé pas mal de problèmes, mais nous avons fini par y arriver.

L’impérial scruta l’imposante créature des pieds à la tête en faisant une moue dégoûtée.

— Très bien, finit-il par dire. Vous pouvez procéder.

— À vos ordres, fit le capitaine des troopers. Il fit signe aux autres de le suivre.

— Une minute ! fit l’officier.

— Oui, monsieur ? demanda le trooper.

— Vous vous trompez de direction. (Il leur montra du doigt l’autre extrémité de la coursive) Prenez le turbolift qui se trouve au bout de ce couloir. Le bloc de détention se trouve au quatorzième pont supérieur.

— Merci, monsieur.

Il fit mine de repartir. Mais l’officier le héla de nouveau.

— Attendez-moi. Je vous accompagne.

Le capitaine des stormtroopers pencha la tête de côté, comme s’il considérait la question. Au bout d’un moment, il passa la main devant les yeux de l’officier.

— Il n’est pas nécessaire que vous veniez avec nous.

— Il n’est pas nécessaire que je vienne avec vous, répéta l’officier.

— Nous sommes capables de remplir cette mission sans assistance. Nous pouvons disposer.

— Vous êtes capables de remplir cette mission sans assistance. Disposez.

Les trois stormtroopers firent demi-tour et partirent en direction du turbolift. Le Wookie poussa un beuglement.

— Allez ! Avance, toi ! fit l’un des soldats.

L’officier regarda le quatuor disparaître au coin de la coursive. Puis il haussa les épaules et repartit vaquer à ses occupations.

Une fois que la porte du turbolift se fut refermée, Dengar retira son casque.

— Alors, c’était ça, votre plan, Ulic ? dit-il. Pas très original.

Ses deux compagnons découvrirent à leur tour leurs visages.

— La plus vieille ruse du monde, renchérit le Rodien. Et pourtant, elle fonctionne encore.

Il jeta un œil au panneau de commande du turbolift.

— Vous avez vu ça ?

Pour une fois, les impériaux avaient fait montre d’intelligence. Sur la plupart des boutons de la console de commande avaient été posés de petits autocollants indiquant en galactique standard le niveau auquel on pouvait accéder en les pressant.

— Ils ont dû perdre un temps fou à répertorier toutes les destinations possibles, fit Xun. Ils ont certainement utilisé des appareils de détection pour se repérer par rapport au reste du vaisseau à chaque fois qu’ils ont essayé un bouton. En tout cas, c’est de cette manière que j’aurais procédé à leur place.

Il se tourna vers Yurwick.

— Tu veux peut-être que je te retire les menottes ?

L’autre hocha la tête en grognant.

— Ça va, ça va ! dit Dengar en le libérant. C’était juste pour donner le change. Tu ne vas pas non plus nous en faire une maladie !

— Sitôt que nous aurons délivré Darcy, fit Qel-Droma, vous l’emmènerez à votre vaisseau, en espérant que les autres auront pu vous ouvrir la voie. Quant à moi, j’irai m’occuper de ce cristal Sith.

Dengar hocha la tête.

— Il faudra que vous vous dépêchiez ensuite de nous rejoindre.

— En effet, répondit Ulic. Toutefois, si jamais vous ne me voyez pas revenir, partez sans moi. Je me débrouillerai.

Il ferma les yeux un court instant.

— Darcy est proche, dit-il. Je sens sa présence.

— Tout le monde reprend son rôle, fit Xun.

Les deux humains et le Rodien remirent leurs casques en place, tandis que Yurwick croisait les bras sur sa poitrine, refusant qu’on lui remette les menottes.

Grisson émit un petit rire.

— Si quelqu’un nous pose des questions, Ulic arrivera bien à lui faire croire que nous te terrorisons à un tel point qu’il n’est pas nécessaire de t’attacher !

— Ça, je ne crois pas, dit Xun. On voit du premier coup d’œil que Yurwick s’envoie une escouade de stormtroopers à chaque petit   déjeuner !

Ulic Qel-Droma sourit derrière son masque.

— Faites-moi confiance. Nous délivrerons Darcy. Je vous le promets.

 

            C’est vrai que ça me change des simulateurs de vol de Foamwander City, pensa Vihn Sroder en évitant de justesse un tir de turbolaser craché part les batteries du croiseur Interdictor. Ici, la tension est réelle. À l’intérieur de chaque chasseur TIE que je vaporise, il y a un homme en combinaison de vol dont les chairs se consument en une fraction de seconde. Il ne s’agit pas d’un programme informatique qui sera ressuscité au jeu suivant. Et il en va de même pour moi. Je ne verrai pas GAME OVER s’inscrire sur mes moniteurs de vol si on me descend. Je cesserai tout simplement d’exister.

Le jeune garçon de Coruscant secoua la tête. Cessons de réfléchir pour l’instant, ça vaut peut-être mieux. Il fallait certes qu’il prenne conscience du fait qu’il ne s’agissait pas d’un jeu, tout comme le colonel Luxan le lui avait dit lorsqu’il avait consenti à son enrôlement au sein du Blue Bolt Squadron, mais cela ne devait pas pour autant monopoliser ses pensées pendant  qu’il  combattait.  Sinon,  cela  finirait  à  coup  sûr  par  le  déconcentrer,  et  les conséquences en seraient alors funestes.

Il  envoya  une  salve  de  laser  sur  le  bouclier  protégeant  le  générateur  de  puits gravitationnels de l’Interdictor. La décharge d’énergie fit briller le champ de force pendant une seconde. Un coup pour rien !

— Bleu Quatre, fit la voix de Luxan dans le comlink. Vous pouvez me dire ce que vous essayez de faire ?

Sroder, intrigué, fronça les sourcils. Quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ?

— J’essaie de faire flancher ces boucliers, Bleu Leader, répondit-il.

— Ce n’est pas de cette manière que vous arriverez, Bleu Quatre. Vos armes ne sont pas assez puissantes, pour ça. Nous devons d’abord détruire leur générateur de bouclier. S’ils avaient été là, Yurwick et Darcy auraient pu vous montrer comment faire !

Jeg Luxan fit la grimace. La bataille prenait un mauvais tour. Nous ne faisons pas assez de dégâts.

Derrière le Blue Bolt Squadron, le Home One faisait, lui aussi, feu de toutes ses batteries sur l’Interdictor, mais il devait aussi se protéger des nombreux TIE qui avaient déjà réussi à réduire au silence une bonne partie de ses pièces d’artilleries. Luxan avait ordonné à Fedz et Starwatcher de repartir en arrière pour défendre le Home One, mais deux Ailes-A pilotées par des bleus ne pouvaient pas faire grand-chose contre toute une escadrille de TIE. Même Waneugh Ehn et Yom, qui s’étaient lancés dans la bataille le sourire aux lèvres, étaient à présent en perte de vitesse.

— Bleu Leader à Stardust. Waneugh ? Tout va bien ?

— Nous venons de perdre un déflecteur avant, ainsi que le canon laser dorsal, répondit le contrebandier. À vrai dire, ça pourrait aller mieux. (Il s’adressa à son copilote) Yom, verrouille-moi celui-là, et balance-lui une de nos torpilles.

— T’sé mais ! Noussa n’avons presque pu’ ! entendit Jeg à travers le communicateur. Es-Yissa sûr de tissi ?

— Feu ! aboya Ehn, sans prendre la peine de répondre.

Luxan vit une torpille à protons jaillir du tube de lancement du cargo YT-2000 en direction d’un TIE Interceptor. Le chasseur se transforma bientôt en une boule de feu, qui s’effondra sur elle-même une seconde plus tard.

Espérons que cela suffise pour qu’ils soient tranquilles un petit instant, le temps qu’ils reprennent leur souffle, pensa Luxan.

Un choc à l’arrière de son Aile-A l’informa qu’un TIE se trouvait dans son sillage. Je ne l’ai pas vu venir, celui-là !

Luxan décrocha à bâbord, tandis que son poursuivant, qui n’avait pas su anticiper, déviait à tribord. Profitant de la confusion momentanée du pilote du TIE, Luxan fit effectuer un virage à trois cent soixante degrés à son chasseur, pour se retrouver dans les six heures de l’assaillant.

Tiens, tu iras dire bonjour à Palpatine de ma part, pensa-t-il en envoyant une salve d’énergie dans le cockpit de l’appareil ennemi. Les deux panneaux latéraux du TIE se détachèrent proprement, tandis que la sphère centrale se changeait en mini-super nova.

— Rogue Leader à Bleu Leader, fit la voix de Wedge. Comment ça se passe de ton côté, Jeg ?

— Ça pourrait aller mieux, répondit-il, mais nous n’avons pas de perte à déplorer. C’est déjà ça. Et toi ?

— Idem, fit Antilles. Il faut absolument que vous mettiez cet Interdictor hors d’état de nuire. Sinon, nous n’aurons aucun moyen de nous en sortir. Nous ne faisons pas le poids !

— Je sais, je sais, répondit Luxan. Mes hommes et moi nous y employons. Bleu Leader, terminé.

Je crois que j’ai parlé un peu vite. Je ne suis pas si sûr que nous arrivions à abattre ces  boucliers.  Et  même  si  nous  y  parvenons,  il  faudra  ensuite  se  charger  des  puits gravitationnels. Nous aurions dû partir plus nombreux. On nous demande l’impossible. Il regarda l’évolution de son escadrille sur son moniteur, et il réalisa que ses hommes, même à un contre dix, se battaient comme des enragés. Mais, si on va par-là, détruire l’Étoile Noire était impossible. Peut-être avons-nous une chance. Une chance minime, mais une chance quand même.

 

— Je crois qu’il y a un turbolift après ce tournant, dit Fran en pointant du doigt l’extrémité de la coursive.

— Tu es sûre que personne ne se mettra sur notre chemin ? lui demanda Darcy. L’autre hocha la tête.

— Mes hommes sont trop occupés à chercher tes amis pour se soucier de la sécurité de nos navettes. Ils sont à des années-lumière d’imaginer que nous pourrions leur en voler une. Et puis, n’oublie pas que je suis leur capitaine. Le seul dont je me méfierais, à la limite, c’est Patler. Il est plus malin qu’il n’en a l’air. Ah ! Tiens, nous arrivons.

Elles venaient de tourner au coin du couloir, et, effectivement, une porte de turbolift se trouvait là. À leur grande surprise, celle-ci s’ouvrit sur trois stormtroopers en armes, qui escortaient un Wookie qu’elles connaissaient bien.

— Yurwick ! cria Darcy en reconnaissant son compagnon.

Furieuse de constater que l’on avait capturé son ami, la Corellienne mit les troopers en joue et en abattit un d’un coup de fusil-blaster. C’est à peine si elle réalisa que l’un d’entre eux se précipitait pour s’inquiéter de l’état de son camarade, attitude inconcevable de la part d’un stormtrooper. Son attention fut plutôt attirée par le capitaine des gardes, qui venait de dégainer un sabre laser et de tendre la main dans sa direction.

— Darcy ! hurla le trooper. Cessez de tirer immédiatement ! C’est moi, Ulic !

Oh mon Dieu ! pensa Darcy avec effroi. Si cet homme est Ulic, alors sur qui ai-je… ? Yurwick poussa un beuglement strident. Ulic et le deuxième trooper, qui s’avéra être Grisson, retirèrent leurs casques et les jetèrent sans ménagement sur le sol, avant d’enlever délicatement celui de leur camarade étendu par terre.

Darcy courut les rejoindre et se laissa tomber à genoux devant le corps de sa victime.

— Dengar ! fit-elle en pleurant doucement. Je suis désolée ! Je ne voulais pas… !

Dengar avait été touché en pleine poitrine, et le plastron de son armure avait fondu, mêlant la chair carbonisée au métal fumant. Du sang coulait de sa bouche, et ses yeux commençaient déjà à devenir vitreux. Le Coruscanti regarda Darcy, et réussit à émettre un léger sourire.

— Ce n’est pas… ta faute, croassa-t-il. Sur ce coup… le plan d’Ulic a… merdé !

— Dengar, pleura Darcy. Ne meurs pas ! Je t’en prie, ne meurs pas ! Ulic, vous ne pouvez rien faire ?

Le Jedi secoua tristement la tête. Darcy éclata à nouveau en sanglots en pressant le visage de Xun entre ses mains.

— Reste avec nous, s’il te plait. Je t’en conjure ! Ne meurs pas par ma faute !

Dengar Xun sourit une dernière fois, puis ses yeux se fermèrent, pour ne jamais se rouvrir.

Grisson et Qel-Droma se relevèrent lentement. Yurwick, quant à lui, posa gentiment une main sur l’épaule de Darcy.

— Ce n’est pas de ta faute, dit Fran, qui venait de les rejoindre. Comment aurais-tu pu savoir ?

Sitôt qu’il eut pris conscience de la présence de la Tatooienne, le Wookie entra dans une rage folle et se précipita sur celle qui avait été sa partenaire pendant les six derniers mois. Il saisit la jeune femme par les cheveux et la projeta contre un des murs de la coursive.

— Yurwick ! hurla Darcy. Laisse-la ! Elle est avec nous.

Le Wookie la regarda comme si elle était devenue folle et aboya quelque chose dans son langage.

— Je sais qu’elle est une traîtresse, dit Darcy entre deux hoquets, mais c’est grâce à elle si je suis encore en vie. Elle m’aidait à m’échapper. Alors, s’il te plait, arrête tout de suite. Elle sera jugée à notre retour sur Mon Calamari. Un mort, cela ne te suffit pas ?

À regret, Yurwick renonça à achever la Tatooienne. Il se pencha sur le corps de Dengar, et s’empara délicatement de son identiplaque militaire, qu’il glissa dans sa bandoulière.

— Darcy, dit doucement Qel-Droma, nous devons y aller, à présent. Les autres nous ouvrent la voie vers votre vaisseau. Il est temps de les rejoindre. Je suis désolé, pour votre ami. Je n’ai pas eu l’occasion de beaucoup le connaître, mais je suis sûr qu’il était un excellent compagnon.

— Oui, c’était un combattant exemplaire, et un bon ami, dit Darcy. Et c’est moi qui ai tiré ! Je ne me le pardonnerai jamais.

Yurwick, de son côté, agrippa Fran par le bras et la releva sans ménagement.

— Allons-y, fit le Rodien. Nous perdons un temps précieux.

La Corellienne hocha la tête, et entra dans le turbolift, non sans avoir jeté un dernier regard au corps de Dengar. Tout le groupe lui emboîta le pas, à l’exception d’Ulic.

— Notre mission est terminée, fit-il. Il est temps désormais pour moi d’aller libérer les âmes de ces Jedi.

— Vous ne venez pas avec nous ? lui demanda Darcy.

— Non, répondit le Jedi. Nous en avions convenu avec Dengar. C’est à moi d’aller détruire ce cristal. Par ailleurs, il faut que je retrouve Hierrulf. Il n’est pas normal que je ne puisse plus sentir sa présence.

Darcy sortit de l’ascenseur et serra Qel-Droma dans ses bras.

— Bonne chance, lui murmura-t-elle. Que la Force soit avec vous.

— Que la Force soit avec vous, lui répondit le Jedi.

La jeune fille rejoignit le Wookie et le Rodien. Son regard ne quitta pas Ulic, pendant que la porte du turbolift se refermait.

Une fois seul, Ulic retourna auprès du corps de Xun. Il étendit les jambes du cadavre et lui croisa les mains sur la poitrine, la laissant reposer dans une position décente avant que son corps ne soit vaporisé pendant l’imminente destruction du Gloire des Sith.

Et maintenant, allons sauver ces âmes Jedi. Nag’da, je réparerai tout le mal que tu as fait à cause de moi. Tu as ma parole.

L’endroit était beaucoup trop calme. Trop silencieux. Tubrah, Shadow et Donk échangèrent un regard inquiet.

— Womprat, demanda le Questeur Slugh au petit droïd astromech. Je sais que ces parois sont assez épaisses, mais tu ne pourrais pas essayer d’effectuer un balayage de senseurs ? J’ai un mauvais pressentiment. Nous sommes arrivés ici trop facilement à mon goût.

RD-69 émit un bref bip et s’exécuta. Sa tête hémisphérique tourna sur elle-même à trois cent soixante degrés, scannant les environs. Au bout de dix secondes, le petit droïd poussa un trille de frustration.

— Pas le moindre signe de vie à proximité, traduisit C-4PO.

Le Questeur Slugh grimaça, mais se décida tout de même à déclencher l’ouverture de la large porte du hangar où le Smashing les attendait. La porte s’ouvrit sans un bruit, comme tous les autres systèmes d’ouvertures installés à bord du Gloire des Sith.

Le Smashing Stars était toujours là, intact. Tel n’était pas le cas de la vingtaine de stormtroopers dont les corps en charpie sanguinolente jonchaient le sol métallique du hangar.

— Par la nébuleuse pourrie ! s’exclama Shadow. Vous avez vu ce carnage ?

Instinctivement, Donk brandit sa lance et commença à épier les quatre coins du hangar, tournant lentement sur lui-même, son groin reniflant l’air avec attention.

— Bonté Gracieuse ! jura le droïd de protocole, retrouvant le langage châtié de sa programmation de base du fait de l’émotion. On dirait que ces stormies ont été découpés en petits morceaux et mâchouillés par un Rancor !

Avec une extrême prudence, Tubrah alla examiner le corps le plus proche. C-4PO avait raison. L’homme qu’il avait à ses pieds n’avait plus de tête. Un bout de vertèbre brisé dépassait du col dégoulinant de sang de son armure blanche. Un de ses avant-bras avait lui aussi disparu, ne laissant plus qu’un moignon sanglant.

Le Questeur Slugh jeta un regard circulaire sur la baie d’amarrage. Les murs étaient couverts d’impacts de tirs de blaster.

— Quelqu’un les a attaqués, dit-il. Ils se sont battus jusqu’au bout, mais cela a été en vain.

— Qu’est-ce que faire penser ça à vous ? lui demanda le Gamorréen. Tubrah fit un large geste embrassant le tas de cadavres.

— Est-ce que tu vois le corps de leur agresseur quelque part ? Non. C’est pourquoi je pense que celui qui a tué ces troopers, qui qu’il soit, n’est pas mort, et qu’il risque de revenir.

À ces mots, le Defel fut pris de panique.

— Tu penses qu’il va revenir ? cria-t-il. Mais alors, qu’est-ce que nous faisons encore ici ? Montons à bord du Smashing et n’en sortons plus tant que les autres ne seront pas revenus !

Le Questeur Slugh hocha la tête.

— Oui, dit-il. Tu as raison. Tous à bord du Smashing, et que ça saute ! Le petit groupe pressa le pas en direction du vieux cargo YT-1300, ne pouvant résister toutefois à la tentation de regarder derrière eux toutes les deux secondes.

Ils allaient atteindre la rampe d’accès, lorsque soudain un rugissement terrible leur glaça le sang dans les veines.

Tubrah fit volte-face, l’arme au poing, et tira sans prendre le temps de viser. L’énorme Vornskr au pelage noir comme la nuit évita sans peine la salve d’énergie, qui alla ricocher sur une paroi à l’autre bout de la baie. Rendu furieux, l’animal fondit sur le Questeur Slugh, toutes griffes dehors.

Tubrah, les yeux fermés, prêt à accueillir la mort, vida son chargeur sur la bête. Il s’attendait déjà à sentir les mâchoires d’acier lui broyer le crâne, et les griffes lui labourer la poitrine. Rien ne se passa. Il rouvrit les yeux.

Donk luttait contre le Vornskr, sa vibro-lance gamorréenne fichée dans le thorax du monstre. Dans un accès de rage, l’imposante créature, qui mesurait bien trois mètres de haut, brisa net le manche de la lance d’un simple coup de patte. Donk n’eut pas le temps d’échapper aux crocs meurtriers de la bête assoiffée de sang. Bientôt, ses entrailles se répandirent sur le sol.

Le Gamorréen poussa un petit gémissement de surprise en contemplant ses intestins, puis il mourut, sans avoir vraiment compris ce qui lui était arrivé.

Les autres, l’accès au Smashing leur étant coupé, firent tout leur possible pour abattre le Vornskr. Tubrah, Shadow et le droïd de protocole décochaient salve de blaster sur salve de blaster,  tandis  que  RD-69  épuisait  ses  batteries  en  essayant  d’électrocuter  la  créature ténébreuse, mais rien ne semblait pouvoir décourager la Chose. Elle abattit violemment une de ses lourdes pattes sur le droïd de protocole, qui s’effondra sur le sol. Les griffes déchirèrent son revêtement argenté et extirpèrent une multitude de fils électriques. La lumière jaune habitant habituellement les yeux de C-4PO vacilla, puis s’éteignit.

Finalement, ses munitions épuisées, Tubrah eut l’idée de dégoupiller une de ses thermogrenades et de l’expédier dans la gueule grande ouverte du Vornskr. L’animal engloutit l’explosif d’une bouchée. Il contempla ses victimes une seconde en penchant la tête de côté, puis il éclata en milliers de morceaux de chair et d’os sanguinolents.

— Sacré bestiau ! jura le Defel, une fois qu’il fut remis de ses émotions. Je me demande bien d’où il peut sortir !

— Je ne sais pas, répondit Tubrah, mais je ne veux pas le savoir. Regarde ce gâchis !

 — Oui, fit Shadow. C’est dommage pour Donk. Il ne pourra plus jamais apprendre à viser correctement. Mais peut-être que le droïd a eu plus de chance.

Les trois survivants, couverts de sang de la tête aux pieds, se penchèrent sur C-4PO.

— Cette fois, dit le Defel, je ne sais pas si je vais pouvoir y faire quelque chose. Ça sera aux ingénieurs de la République de s’en occuper.

Il se baissa et commença à traîner la carcasse du droïd en direction du Smashing.

— Tu ne vas tout de même pas l’emmener ! protesta Tubrah. Tu vois bien qu’il est irréparable !

— C’est un de nos compagnons, au même titre que Darcy, Dengar ou Hierrulf, rétorqua le Defel, et, contrairement, à un être vivant, il est possible de le réanimer. Je ne l’abandonnerai pas, et je pense que Womprat sera d’accord avec moi.

L’intéressé pépia quelques trilles insistants.

— Très bien, très bien, capitula le Questeur Slugh. Mais je voudrais seulement te rappeler qu’il ne voulait pas qu’on vienne te sauver, dans la baie des impériaux, tout à l’heure.

Shadow sourit.

— T’es vraiment un fouteur de merde, toi ! Ce n’est pas sa faute, le pauvre ! C’est moi qui l’avais programmé comme ça. Allez, aide-moi à le transporter à bord du Smashing.

Au loin, un grondement sinistre se fit entendre.

— Nous ferions bien de nous dépêcher, fit le Defel. Il semblerait qu’il y en ait d’autres qui viennent par ici.

Le Questeur Slugh et le Defel, chargés de leur fardeau, et suivis de près par RD-69, montèrent rapidement à bord du cargo.

 

— Bleu Cinq, ici Bleu Deux, fit Moira Fedz à Starwatcher. Tout va bien ?

— Pas trop, Bleu Deux, répondit le Tatooinien. Ça se resserre drôlement autour de moi, et j’ai bien peur de pas pouvoir tenir très longtemps.

La Klatooienne poussa un bref soupir. Cela faisait maintenant près de vingt minutes que la bataille faisait rage, et pour l’instant, aucun des deux croiseurs impériaux ne semblait avoir subi le moindre dommage. Le Home One et l’Emancipator, en revanche, avaient fort à faire. Les impériaux n’avaient pas lésiné sur les TIE, qui venaient toujours en surnombre remplacer ceux qui avaient été détruits par les chasseurs Républicains.

La jeune femme jeta un œil sur son moniteur, qui lui indiquait le parcours du reste de l’escadron. Elle put constater que les deux bleus, Sroder et Yihn, se débrouillaient plutôt bien, à bord de leurs Z-95. Waneugh Ehn et Yom, quant à eux, semblaient être la cible privilégiée des chasseurs TIE, qui harcelaient sans relâche le cargo YT-2000 des deux contrebandiers. Fedz se surprit à craindre le pire pour les amis du colonel Luxan. Et elle-même ne se sentait pas très en sécurité, sanglée dans un fauteuil installé au milieu de deux moteurs hyper puissants, sachant qu’elle pouvait être vaporisée à tout instant comme les autres recrues du Blue Bolt Squadron lors de l’attaque du Crystal.

Starwatcher la tira de ses pensées en l’appelant au secours.

— Moira ! J’en ai deux qui me collent au train ! Je ne crois pas que je vais pouvoir m’en débarrasser ! Viens vite !

— Reçu, Bleu Cinq ! répondit Fedz, avant de virer brutalement à bâbord.

Son nouveau cap l’amena directement dans les six heures des deux Interceptors qui déchaînaient leurs lasers sur le pauvre Anton. La jeune femme verrouilla son viseur sur le chasseur de tribord et, une fois que le signal eut retenti, expédia un missile à concussion en plein milieu du cockpit de l’appareil ennemi. Les débris du TIE allèrent ricocher sur la coque du Home One.

Le deuxième Interceptor se résolut à abandonner Starwatcher et vira à tribord. Moira partit immédiatement à sa poursuite.

— Merci, Bleu Deux, lui dit Starwatcher. Tu peux le laisser, si tu veux. Je peux m’en charger.

— Pas la peine, répondit Fedz. Il est déjà dans mon collimateur.

Deux rayons laser meurtriers jaillirent des canons de l’Aile-A de Moira, parcoururent l’espace à la vitesse de l’éclair, et finirent par traverser de part en part la cabine de pilotage de l’Interceptor. L’appareil ennemi explosa dans une gerbe de flammes qui illumina quelques secondes cette partie de l’espace. Moira put discerner la silhouette du pilote au milieu du maelström éblouissant. Celle-là, tu ne l’as pas volée !

— Grande nouvelle, fit soudain la voix de Wedge Antilles dans son comlink. Nous avons réussi à détruire les boucliers du classe Victoire. Mes hommes se chargent déjà d’abattre son artillerie.

Galvanisés par cette annonce, les membres du Blue Bolt Squadron redoublèrent de combativité. Ils savaient que le Rogue Squadron n’en aurait plus pour très longtemps avant de mettre le classe Victoire hors d’état de nuire, et qu’ensuite, il pourrait venir les aider à s’occuper de l’Interdictor.

Un large sourire affiché sur ses lèvres, Moira Fedz se relança dans la bataille, libérée de toute peur.

 

Jeg Luxan voulut essuyer une goutte de sueur qui coulait le long de son arête nasale. Ses doigts gantés rencontrèrent la visière de son casque. Luxan poussa un juron et secoua la tête de gauche à droite.

— Stardust à Bleu Leader, fit la voix de Waneugh Ehn. Jeg, est-ce que tu pourrais venir me débarrasser de cette nuée d’insectes ? Yom et moi ne savons plus où donner de la tête.

— Bien sûr, répondit Luxan. Sroder, Yihn ! Venez avec moi. Ehn est dans un mauvais pas.

L’Aile-A et les deux Z-95 foncèrent vers la dizaine de TIE qui tournaient autour du Stardust. Leurs efforts combinés à ceux du cargo YT-2000 parvinrent à décimer la majeure partie des chasseurs ennemis. Les survivants partirent protéger ce qui restait des défenses du classe Victoire.

— Je vous remercie, les gars, fit Ehn. Je ne sais pas comment j’aurais pu m’en tirer sans vous.

— Styyyyyle ! s’exclama le Gungan, soulagé. Voussa tous bombad !

Il semblerait que la bataille prenne un meilleur tour que ce que j’avais craint, pensa Luxan. Il lança un regard inquiet sur la masse inquiétante du vaisseau qu’ils étaient venus chercher.  L’appareil  démesuré  semblait  observer  le  combat  spatial  d’un  air  impartial, gigantesque témoin passif de la petite guerre que se livraient les mouches virevoltant autour de lui. J’aimerais bien savoir ce qui se passe, là-dedans. Y reste-t-il seulement quelqu’un à secourir ?

Un cri alarmé le ramena soudain à la réalité.

— Bleu Leader ! hurla la voix paniquée d’Anton Starwatcher. Bleu Deux a été touché !

Bleu Deux... Moira !

Les senseurs de Luxan lui indiquèrent que le chasseur de Moira Fedz avait été atteint au moteur bâbord. L’Aile-A de la jeune femme, incontrôlable, avait amorcé une vrille qui la menait dangereusement en direction de la cuirasse blindée de l’Interdictor.

— Bleu Leader à Bleu Deux ! aboya-t-il dans son comlink. Moira, éjectez-vous ! Vous m’entendez ? Ejectez-vous !

Des bribes de réponse lui parvirent.

— Arrive pas... atteindre... manette... La gravité... trop forte... force centrifuge.

Ses compensateurs de gravité ont dû être endommagés. Enfer !

— Moira, je vous en prie ! Faites un effort. Vous pouvez y arriver. Je le sais. Dépêchez vous.

Avec effroi, Jeg Luxan vit le chasseur de la Klathooienne foncer à une vitesse vertigineuse sur l’Interdictor. Encore une seconde et...

Le pilote poussa un cri de joie quand la verrière de l’Aile-A de Fedz se détacha du cockpit, permettant à la jeune femme d’abandonner l’appareil qui s’écrasa sur le croiseur impérial et se changea en un mini-soleil aveuglant. Le souffle de l’explosion propulsa la Klatooienne vers l’infini de l’espace.

— Bleu Leader à Rogue Leader ! J’ai une H.V. Je répète : J’ai une H.V. Venez me couvrir pendant que je vais la récupérer.

— Rogue Leader à Bleu Leader, répondit Antilles. Cela ne peut pas attendre ? La procédure voulait qu’en cas de H.V. (pilote Hors Véhicule), le pilote soit laissé là où il se trouvait, en attendant que l’engagement fût terminé, surtout si aucune navette de sauvetage n’était disponible, comme c’était le cas en l’espèce.

— Négatif, fit Luxan. Le lieutenant Fedz est probablement inconscient et s’éloigne très vite. Nous risquons de la perdre, et je refuse qu’une telle chose arrive. Occupez-vous, toi et le reste de mon escadron, de cet Interdictor. Vous en avez fini avec le classe Victoire, non ?

Au moment même où il prononçait ces paroles, l’Emancipator neutralisait le Hoth Victory d’un coup de canon à ions.

Il entendit Antilles pousser un bref soupir.

— Très bien, Bleu Leader. Rogue Squadron, concentrez vos efforts sur l’Interdictor. Nous devrions vite en venir à bout.

Les Ailes-X rejoignirent l’Aile-A de Starwatcher, le Stardust, et les deux Z-95. L’escadrille nouvellement constituée partit affronter les derniers TIE qui défendaient avec acharnement le croiseur impérial.

Jeg Luxan, une fois sûr que la mission serait remplie, dirigea son appareil vers le point fuyant qu’était le corps de Fedz.

Accrochez-vous, Moira. J’arrive.

 

Un frisson parcourut Qel-Droma lorsqu’il vit les deux Vornskrs tourner au coin de la coursive. Heureusement pour lui, le Jedi eut le temps de se plaquer dans un renfoncement de la paroi avant que les bêtes ne l’aperçoivent.

D’où sortent donc ces créatures ? Encore un de tes coups tordus, Faust. Une chose est sûre, tu étais plein de ressources. Exar Kun aurait été jaloux de toi. Comment vais-je me débarrasser de ces choses, à présent ?

Qel-Droma s’ouvrit à la Force pour sentir la présence des monstres et, éventuellement, pour apprendre dans quelle direction ils comptaient aller. Il ne décela rien.

Ces créatures sont manipulées  par  le  côté obscur de la Force. C’est la seule explication.

Frustré et inquiet à la fois, le Jedi se décida à sortir prudemment de sa cachette et à jeter un coup d’œil rapide sur les bêtes.

Elles s’étaient arrêtées et assises devant l’entrée du turbolift menant à la salle du générateur. Ulic n’aurait su dire pourquoi, mais il avait l’intime conviction que les Vornskrs montaient la garde, qu’ils voulaient empêcher quiconque d’approcher du générateur.

De sombres forces sont à l’œuvre, ici, pensa-t-il. Quelqu’un cherche à tout prix à éviter que ces Jedi soient libérés. Nag’da. Est-ce toi ?

Aucune réponse ne lui parvint. Cela ne voulait pas pour autant signifier que l’âme tourmentée du Sith n’était pas en train de se jouer de lui. Il se rappelait en ce moment un des enseignements de Maître Arca : « Le côté obscur est difficile à voir. » Le fait même qu’Ulic n’ait pas été capable de sentir la présence des Vornskrs était en soi une preuve qu’il se passait quelque chose d’anormal.

Ulic entra dans un état de profonde concentration. Lentement, il décrocha de sa ceinture le sabre laser de Nomi, tandis qu’il posait sa main libre sur sa gorge.

Une fois qu’il eut trouvé la bonne modulation de ses cordes vocales, Qel-Droma poussa un cri strident, bestial, qui fit se lever en sursaut les monstres de leurs séants. Les mastodontes se précipitèrent dans la direction dont ils croyaient que le hurlement provenait.

Profitant de leur confusion, Ulic se rua sur la porte du turbolift et pressa le bouton d’appel. Hélas, la cabine n’était pas à l’étage, et il allait falloir que le Jedi l’attende au moins dix secondes. Une éternité qui pourrait bien jouer en sa défaveur.

Qel-Droma n’attendit pas que les deux créatures revinssent à leurs postes. Il courut à leur rencontre à une vitesse démultipliée tout en faisant en sorte que ses pas ne fassent pas le moindre bruit, usant ainsi d’une très ancienne technique Jedi.

C’est à peine si les Vornkrs virent la lame verte fluorescente qui les décapita. Ulic Qel-Droma jeta un œil aux deux carcasses étendues à ses pieds pour vérifier que les créatures étaient bien mortes, puis il désactiva son arme de Jedi.

Le regard sombre et inquiet, il se dirigea vers le turbolift dont la cabine venait de s’ouvrir.

 

Une fois qu’il fut arrivé au niveau du corps de Moira Fedz, Jeg Luxan ralentit au minimum la vitesse de son chasseur. Après s’être assuré que les moteurs poussaient toujours l’appareil à vitesse constante, il tira d’un compartiment situé sous son siège de pilotage le cordon  d’amarrage  réglementaire  prévu  pour  les  procédures  d’urgence.  Il  attacha  une extrémité du filin à l’anneau prévu à cet effet en dessous de la verrière, tandis qu’il fixait le rouleau à la ceinture de sa combinaison.

Il vérifia une dernière fois que son casque était bien soudé à son col, ainsi que ses gants à ses manches, puis il initialisa l’ouverture de la verrière. L’ordinateur de bord sachant, grâce aux senseurs externes de l’appareil, que l’Aile-A flottait dans le vide, demanda confirmation à Luxan de l’ordre d’ouvrir le cockpit.

Mais oui, je sais qu’il n’y a pas d’air, dehors ! fulmina Luxan en tapant le code de sécurité. Dépêche-toi, machine de malheur !

La verrière finit par s’ouvrir et Luxan, tout en poussant un soupir de soulagement, décolla de l’appareil d’un léger coup de pied sur le plancher.

Sa trajectoire n’était pas bonne. S’il continuait ainsi, il passerait trop à gauche de Moira. Luxan activa du pouce le propulseur à gaz situé sur le côté gauche de sa combinaison, afin de corriger sa route. Il laissa le gaz s’échapper du propulseur l’espace d’une seule seconde. Cela suffit à le remettre dans l’axe de son objectif.

Le cordon se déroulait lentement tandis que Luxan volait vers Moira.

Pour l’instant, tout va bien. Espérons que cela continue.

Finalement, les bras du colonel se refermèrent autour du corps de la jeune femme. Je la tiens ! triompha-t-il.

Il tourna le corps pour faire face au visage de la Klathooienne. Elle était inconsciente.

— Fedz ? lui dit-il en la secouant gentiment. Vous m’entendez ?

Les yeux de la jeune femme s’agitèrent sous leurs paupières fermées.

— Fedz ! poursuivit Luxan, encouragé. Vous allez bien ? Cette fois-ci, Moira Fedz ouvrit les yeux pour de bon.

— Ce n’est pas la grande forme, dit-elle d’une voix faible, mais je pense que ça ira. Où sommes-nous ?

Jeg Luxan sourit.

— Regardez autour de vous.

La Klatooienne s’exécuta. Elle resta silencieuse un instant, puis elle se retourna vers son supérieur en souriant légèrement.

— Jolie vue, dit-elle. Vous ne pouviez pas trouver un endroit plus romantique. C’est magnifique.

Luxan eut un mouvement de recul.

— Fedz ! demanda-t-il, inquiet. Vous êtes sûre que tout va bien ?

— Tout à fait sûre, répondit Moira d’un ton épuisé. Je vous mettais en boîte, c’est tout.

Soulagé, Luxan régla son comlink sur la fréquence commune et appela des secours.

— Bleu Leader à Stardust. Waneugh, peux-tu venir chercher Fedz ? Il n’y a pas de place pour deux à l’intérieur de mon Aile-A.

— Ça roule, répondit le contrebandier. J’arrive, ne bougez pas.

— Nous n’irions pas bien loin, rétorqua Luxan en riant.

Il vit au loin un point minuscule s’éloigner du croiseur triangulaire pour venir dans leur direction. Plusieurs autres points l’accompagnèrent.

— Waneugh ? demanda-t-il. Ce sont les autres, qui te suivent ?

— Négatif, répondit Ehn. À moins que tes hommes ne pilotent des TIE.

— Tissa cocotte pas bon, dit Yom en se tournant vers son partenaire. Noussa’vons perdu tous les déflecteurs arrières. Encore deuss ou trois coups, et noussa chair à Bantha !

— Je sais, répondit Ehn en grinçant des dents. Mais Jeg est dans le pétrin, et il est hors de question que nous l’abandonnions à son sort. Je lui dois trop.

De deux mouvements synchronisés, l’humain dévia l’énergie restante des déflecteurs avant vers ceux de l’arrière et accéléra la vitesse du Stardustau maximum. La distance séparant le cargo YT-2000 des deux naufragés se réduisit avec beaucoup plus de rapidité.

Malheureusement, les Interceptors étaient connus pour leur très grande célérité, et c’est à peine si Waneugh Ehn eut l’impression de les avoir semés, ne fût-ce que l’espace d’une seconde. Les salves d’énergie verte continuaient d’affaiblir ce qui restait des boucliers.

— Yom, dit Ehn au Gungan. On ne va pas s’en sortir si ces TIE continuent à nous coller au train. Et cela ne servira à rien de récupérer Jeg et Fedz si c’est pour nous faire descendre juste après. Va te poster dans la tourelle de tir ventrale. Les senseurs n’indiquent que trois chasseurs ennemis. Je pense que tu peux y arriver. Moi, pendant ce temps, j’essaierai d’esquiver leurs tirs, si toutefois c’est possible.

Le Gungan approuva de la tête et se leva de son siège. Une fois que la porte du cockpit se fut refermée sur lui, Ehn remit en marche son micro et ses écouteurs.

— Stardust à Luxan, dit-il. Écoute, mon vieux, on va être obligé de se débarrasser de ces enquiquineurs. Vous pourrez tenir, jusqu’à ce que nous ayons fini ?

— Apparemment, Fedz n’est pas trop mal en point, répondit Luxan. Je pense qu’elle peut attendre les soins.

— Alors c’est une affaire entendue, fit le contrebandier. Mes chers petits Squints, tenez-vous bien !

Il fit plonger le Stardust à la verticale (si tant est qu’une telle notion existât dans l’espace) et évita ainsi deux tirs de laser ennemis.

Yom, à toi de jouer !

 

Tout comme la dernière fois où il avait pénétré dans la salle du générateur, Ulic fut accueilli par la féerique lumière bleue jaillissant du prisme de cristal. Toutefois, cette fois-ci, quelque chose avait changé. Quelqu’un l’attendait ou, du moins, ce fut l’impression qu’il eut.

Qel-Droma plissa les yeux, se demandant si la fatigue ne le rendait pas victime de quelque hallucination. La sombre silhouette se découpait de manière imprécise sur le halo bleuté parcouru d’éclairs silencieux.

Le doute ne disparut totalement de son esprit que lorsqu’il vit grandir, dans un hissement familier, la lame rouge d’un sabre laser.

— Je savais que vous viendriez, Qel-Droma, dit la voix grave de l’apparition.

L’homme fit un pas en avant, révélant son visage au Jedi.

— Hierrulf ! souffla Ulic, incrédule.

L’autre eut un rire sans joie.

— Oui, Maître. C’est bien moi.

Qel-Droma ne jugea même pas nécessaire de lui demander ce qui se passait. Dans les yeux du jeune homme, il avait reconnu, pour l’avoir vue trop de fois à son goût, la furie des Sith, cette flamme que rien ne pouvait éteindre, cette rage qui obscurcissait le jugement et qui interdisait tout retour à la raison.

— Jamais  aucun  retournement  ne  s’est  effectué  aussi  rapidement,  se  contenta-t-il seulement de constater.

Hierrulf haussa les épaules.

— Je pense que le côté obscur vivait déjà en moi depuis des années, sans que je le sache. K’tan a bien œuvré, ajouta-t-il avec un rictus qui se voulait être un sourire. Votre vieil ami Nag’da n’a eu qu’à me brusquer un peu pour que le travail du vieux fou porte ses fruits.

Ainsi, il a été confronté à l’esprit de Faust ! se dit le Jedi. Je suspectais bien une traîtrise quelconque.

TOUJOURS AUSSI PERSPICACE, CHER ULIC !

Darth Nag’da ! Je savais que tu étais derrière tout cela ! Dis-moi : quelle satisfaction vas-tu tirer de tout cela ? Tu ne reviendras jamais parmi les vivants. Ne peux-tu pas repartir au néant, comme tes prédécesseurs ?

CE SERAIT TROP FACILE, MAÎTRE. JE NE VOUS LAISSERAI PAS RUINER MON OEUVRE. LE GLOIRE DES SITH VA ENFIN POUVOIR RÉTABLIR L’ORDRE DANS CETTE GALAXIE CHAOTIQUE. CERTES, C’EST UNE AUTRE ÉPOQUE, MAIS LES CONDITIONS SONT PLUS FAVORABLES QU’À LA NÔTRE. JE PENSE QUE CE JEUNE HIERRULF SERA RAVI DE SE CHARGER DE CETTE MISSION EN MON NOM.

Je t‘en empêcherai, Nag’da. Ce n’est pas ton nouveau pantin qui m’arrêtera.

Il se tourna vers le jeune homme.

— Laisse-moi passer, Hierrulf, dit-il calmement.

Hierrulf secoua tristement la tête.

— Je ne peux pas, Ulic. Sinon, je sais que vous allez détruire le générateur, et le Gloire des Sith sera vaporisé. C’est quelque chose que je ne peux pas permettre. La République a besoin de ce vaisseau.

— La République ? fit Ulic, abasourdi. Mais de quoi parles-tu ? T’entends-tu seulement parler ? Tu crois encore vouloir ce vaisseau pour lutter contre l’Empire, alors que tu t’es lié à une cause similaire ? N’as-tu pas entendu ce que viens de dire Nag’da ?

— Vous ne comprenez pas ! explosa Hierrulf. Je suis passé du côté obscur parce que je n’avais pas le choix. C’était cela, ou la mort. Et si j’avais été tué, personne ne vous aurait empêché de détruire ce vaisseau, et la République n’aurait jamais pu le récupérer. Quant aux desseins de Nag’da... Je refuse de croire la moitié de ce qu’il m’a dit. Je suis capable de lui résister.

Qel-Droma eut un regard navré.

— Tu divagues. Ne te rappelles-tu pas mes mises en garde ? Ne crois jamais qu’une fois engagé sur le chemin des ténèbres, tu pourras en revenir. Je t’en conjure. Laisse-moi passer, et tu pourras te targuer d’être le premier Jedi à avoir su revenir sur le bon chemin à temps.

Hierrulf resta silencieux quelques instants, comme s’il considérait la proposition de son maître. Puis il finit par secouer de nouveau la tête.

— Non.

Il poussa un soupir désolé, avant de se jeter sur le Jedi et d’abattre sur lui la lame rouge de Darth Nag’da.

Ulic, plus rompu que le jeune homme à l’art du combat, eut amplement le temps d’activer son propre sabre laser et de parer le coup de son adversaire. Pour la deuxième fois en quatre mille ans, les armes de Nag’da et de Nomi Sunrider crissèrent l’une contre l’autre devant la prison scintillante des âmes Jedi.

Les deux hommes se firent face de part et d’autre de leurs épées en grimaçant du fait de l’effort.

— Très bien... Sith ! fit Qel-Droma. Tu l’auras voulu.

Il dégagea sa lame d’un geste, et partit à son tour à l’attaque. Il fit mine de porter un coup sur la droite du sombre guerrier, tourna sur lui-même au dernier moment, avant d’abattre sa lame verte sur le côté gauche de l’adversaire. Hierrulf para la feinte sans difficulté.

— Tu te défends bien, jeune homme, lui dit le Jedi en pointant un doigt sur lui.

L’autre ne répondit pas. Au lieu de cela, il jaillit dans les airs, effectua un salto, avant d’atterrir derrière Qel-Droma. Celui-ci eut juste le temps de sauter à son tour en l’air pour éviter la lame qui, sans cela, l’aurait coupé en deux au niveau du bassin. Quant ses pieds touchèrent le sol, il se retrouva de nouveau face à Hierrulf.

— Assez joué, dit le Jedi noir. Finissons-en !

Les deux guerriers se lancèrent dans un combat sans merci, les coups s’enchaînant à une telle vitesse que les deux lames n’étaient plus que des arcs de couleurs se rencontrant et se séparant aussitôt dans un vacarme assourdissant.

Malgré sa grande expérience et ses pouvoirs récemment retrouvés, Ulic dut se rendre à l’évidence : il ne faisait pas le poids. Hierrulf se battait bien. Trop bien. Le côté obscur avait décuplé sa force et sa capacité à anticiper les coups de l’adversaire. J’ai peut-être en face de moi le Sith le plus redoutable que cette galaxie ait jamais connu. Faust disait peut-être vrai.

Hierrulf  forçait  Ulic  à  reculer.  Dans  son  dos,  la  paroi  du  cristal  s’approchait inexorablement. Bientôt, elle lui couperait toute retraite.

Une lueur de joie malsaine se lut dans les yeux du Sith quand le Jedi fut adossé au mur transparent et brillant.

— Voilà donc toute l’étendue de vos pouvoirs, Maître ? demanda-t-il sur un ton sarcastique.

— La Force est mon alliée. Cela suffit largement, répliqua Qel-Droma. Toi, tu as certes le pouvoir de me tuer, mais tu ne connaîtras jamais la paix. Quelque part, je te plains.

Hierrulf poussa un hurlement de rage avant d’empaler furieusement le Jedi de sa lame. Ulic Qel-Droma, curieusement, ne sourcilla même pas. Il arborait un sourire serein. Hierrulf ne comprit que trop tard.

Il désactiva son sabre laser, mais le mal était fait. Le corps d’Ulic se fondit dans la Force, ne laissant sur le sol qu’une pile de vêtements et la poignée de son arme. Dans la paroi du cristal, juste à l’endroit où il s’était tenu une seconde plus tôt, un petit trou circulaire laissait s’échapper une lumière aveuglante.

— Noooooon ! hurla-t-il en tombant à genoux.

Le cristal Sith se fendilla, avant d’éclater en des milliers de petits morceaux avec un tintement de verre brisé. Les âmes chantantes des Jedi, libérées de leur prison, tournèrent quelques instants autour de lui avant de disparaître dans une explosion de lumière.

Au cri de rage de Hierrulf vint se joindre celui de Darth Nag’da, qui venait de perdre la source unique de son existence désincarnée. Le sol trembla violemment tandis que l’âme noire du Sith disparaissait à jamais en maudissant le nom de Qel-Droma.

 

Les membres du petit groupe tombèrent tous à la renverse. Une secousse d’une force incroyable venait de parcourir le sol et les parois de la coursive.

— Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda Fran en se relevant péniblement.

— Ulic a réussi, répondit Grisson. Le cristal Sith a été détruit. Nous devons presser le pas à présent. Ce rafiot est sur le point d’exploser.

— Fort heureusement, dit Darcy, le Smashing n’est plus très loin. En courant comme des dératés, on devrait pouvoir le rejoindre à temps.

— En espérant que nous ne tombions pas sur mes hommes, intervint Fran. N’oubliez pas que nous allons passer à proximité d’une de leurs installations.

Le Rodien et la Corellienne haussèrent les épaules.

— Entre une explosion à peine plus faible que celle d’une Étoile Noire et quelques stormies, mon choix est vite fait, fit Darcy. En avant !

Lorsqu’ils passèrent devant la salle où les impériaux étaient supposés se trouver, Yurwick émit un jappement inquiet. Le groupe s’arrêta pour connaître la cause de l’émoi du Wookie.

Un homme se tenait assis par terre, adossé à la porte fermée sur laquelle il avait laissé une traînée de sang en se laissant choir sur le sol. Il portait le grade de Commandant.

— Patler ! s’exclama Dimma.

Son étonnement était légitime. Elle avait certes ordonné à ses hommes de tirer à vue sur le commandant, mais Patler n’avait pas été tué par un blaster. Sa chair semblait plutôt avoir été labourée par un instrument aiguisé comme une lame de rasoir.

Elle se pencha sur le cadavre pour examiner les blessures de plus près. Elle sursauta lorsque Patler ouvrit les yeux.

— Par les os pourris de l’Empereur ! Patler ! Que vous est-il arrivé ?

— Ils ont... surgi de nulle part... répondit à grand-peine le Commandant du Hoth Victory. Des dragons... issus de l’enfer... Ils ont mis tout le peloton... en charpie.

Fran lui prit sans ménagement le menton entre ses doigts.

— Mais enfin, Patler, de quoi parlez-vous donc ? Répondez !

— Fran, intervint Darcy. Le temps presse.

Dimma l’ignora. Elle continua d’interroger le commandant en le secouant violemment. Patler fut pris d’une quinte de toux, cracha du sang, puis laissa sa tête tomber en arrière. La vie l’avait quitté.

— Cet idiot est mort, dit Fran en se relevant, dépitée. Nous ne saurons jamais ce qui lui est arrivé à lui et à ses hommes.

— Ils ont été tués par des créatures monstrueuses, fit une voix féminine derrière eux. Un drôle de spectacle. Vous auriez dû voir ça.

Les quatre fugitifs firent volte-face comme un seul homme, l’arme au poing. Une jeune femme brune les tenait en joue avec un fusil-blaster.

— Tiana ! souffla Fran.

L’autre sourit. Fran eut le temps de remarquer qu’elle portait des traces de coups au visage.

— Tu dois te demander comment je m’en suis sortie, n’est-ce pas ? À vrai dire, je ne sais pas trop moi-même ce qui s’est passé. Patler était en train de me cuisiner à propos de notre relation lorsque des stormtroopers ont débarqué et commencé à tirer sur nous ! À n’y rien comprendre !

— J’avais ordonné qu’il soit tué, expliqua Dimma. Il s’était rendu coupable de mutinerie en essayant de m’assassiner.

— Toujours est-il, continua Devon, sans relever l’intervention de Dimma, qu’ensuite, les événements se sont très vite enchaînés. Ces bêtes ont fait leur apparition en plein milieu de la bataille, décimant tous les soldats en moins d’une minute. Patler et moi avons réussi à sortir de la salle et à refermer la porte sur eux.

Grisson leva lentement une main.

— Désolé de t’interrompre, poulette, mais nous sommes assez pressés. Le vaisseau sur lequel nous sommes va bientôt sauter. Si tu le souhaites, on pourra reparler de tout cela une fois que nous aurons regagné notre cargo !

La jeune fille pointa son arme sur le Rodien.

— La ferme ! Je me fiche éperdument de ce qu’il peut advenir de vous ou de ce vaisseau. (Elle se tourna vers Fran.) Pendant, qu’il m’interrogeait, Patler m’a informée du sort que tu me réservais, Fran. Il voulait connaître tes motivations. À vrai dire, moi aussi, je me pose la même question. Pourquoi, Fran ?

Le capitaine déglutit avec difficulté. Tous la regardaient de travers, à présent.

— Il m’a dit que tu voulais me faire tuer parce que j’avais tenu des propos séditieux. Jamais je ne t’aurais cru capable d’une telle perfidie. Je pensais, à tort, que tes menaces n’étaient que des mots en l’air pour que je te laisse tranquille. Mais non ! Il fallait que je disparaisse, pour que tu puisses partir en paix avec elle !

Elle fusillait Darcy du regard.

— Hé là ! protesta la Corellienne. Ne me mêlez pas à ça. Je m’en contrefiche, moi, de vos histoires. Vous pouvez la garder, votre Fran. Tout ce qui me préoccupe, pour l’instant, c’est le chronomètre.

— Ne vous inquiétez pas, dit doucement Tiana Devon. Vous n’aurez bientôt plus à vous soucier de cela.

Elle pressa calmement la détente de son fusil-blaster. En face d’elle, Fran s’effondra, terrassée par la salve d’énergie.

Pendant que Darcy hurlait de terreur, Yurwick et Grisson relevèrent leurs armes et réduisirent l’impériale en une masse de chair carbonisée.

— Il n’y a plus de temps à perdre, Darcy ! fit le Rodien à la Corellienne.

L’autre ne l’écoutait pas. Elle alla s’agenouiller auprès de Fran. La jeune femme vivait encore, mais elle n’en avait plus pour longtemps.

— Je suis désolée, dit Fran du bout des lèvres. J’aurais aimé t’accompagner, mais, apparemment, c’est ici que je descends.

— Celle-là, tu ne l’as pas volée, lui dit Darcy en lui caressant doucement le visage.

Il n’y avait aucune animosité dans sa voix. Quelques larmes firent leur apparition aux coins de ses yeux.

Fran sourit faiblement.

— Je suis heureuse de voir que tu pleures ma mort. Cela prouve que tu tenais à moi.

— Darcy ! insista le Rodien. Il faut y aller. Laisse-la crever. Elle n’a que ce qu’elle mérite !

— Passez devant ! lui lança la jeune pilote d’un ton haineux. Je vous rejoins. Le Wookie et le Rodien s’éloignèrent lentement. Yurwick ne voulait visiblement pas laisser son amie trop loin derrière.

Une  nouvelle  secousse  ébranla  le  vaisseau.  Cette  fois-ci,  plusieurs  canalisations explosèrent, jaillissant des parois des coursives dans un torrent de vapeur.

— Va-t-en, Darcy, lui dit la Tatooienne. Le Rodien a raison. De toute façon, tu ne peux plus rien pour moi. À moins que...

Elle fit un signe de tête en direction du blaster de Darcy. La Corellienne acquiesça doucement, ravalant ses larmes. Elle se releva.

— Je t’aime, lui dit Fran.

— Je sais, répondit-elle avant de lui décocher une décharge de laser en plein cœur.

Le corps de Fran Dimma fut agité d’un soubresaut, puis reposa, inerte, sur le sol. Darcy, sans un regard en arrière, courut rejoindre ses compagnons.

 

Derrière la vitre de la cabine de pilotage, le Questeur Slugh et le Defel contemplaient la douzaine de Vornskrs qui s’étaient rassemblés autour du Smashing. Les animaux étaient calmement assis sur leurs derrières, guettant le moindre signe d’activité de leurs proies. C’était à peine s’ils avaient bougé lors des deux secousses qui venaient de traverser le Gloire des Sith.

— Ça sent mauvais, souffla Tubrah au Spectre.

— Tu m’ôtes les mots de la bouche, répondit Shadow. Tu as une idée ? Le Questeur Slugh laissa échapper un soupir.

— Pas la moindre. Et toi ?

— Non. Il va cependant falloir se bouger un peu, parce que les autres risquent de se faire massacrer s’ils essaient de nous rejoindre. Et puis, il faut compter avec ce compte à rebours. La première onde de choc s’est fait sentir il y a sept minutes, ce qui veut dire qu’il ne nous reste plus que huit minutes pour nous enfuir.

— Et ce, si les estimations de Qel-Droma sont correctes, renchérit Tubrah. Nous disposons peut-être de moins de temps. Ou peut-être plus. Hé ! (Il claqua ce qui lui tenait lieu de doigts.) Et si nous avancions le Smashing jusqu’à la spatioporte du hangar ? Elle s’ouvrirait automatiquement, et ces bestiaux seraient aspirés par l’appel d’air !

Derrière eux, RD-69 bipa furieusement.

— Womprat a raison, fit le Defel. Ce n’est pas parce que ce vaisseau est ancien qu’il est totalement désuet. Cette baie est certainement dotée d’un système de champ de force pour retenir l’atmosphère en cas d’ouverture de la spatioporte. Cela ne servira à rien.

— Dans ce cas, répondit le Questeur Slugh, il va falloir que nous y allions à la barbare.

— Qu’est-ce que tu veux dire par-là ? demanda le Defel, intrigué.

D’un geste vif, Tubrah ouvrit un panneau de la console de pilotage. Le compartiment abritait une poignée munie d’une gâchette, dont le Questeur Slugh s’empara avec vigueur.

Dans le même temps, sous le Smashing Stars, le canon de la tourelle ventrale pivotait sur lui-même et commençait à cracher ses rayons mortels sur les monstres qui cernaient le cargo.

Ils arrivaient enfin près du but. Encore une centaine de mètres, et ils auraient enfin rejoint le vieux cargo YT-1300 qui ensuite les emmènerait loin de cet enfer. Autour d’eux, des flammes jaillissaient des parois éventrées du couloir. Yurwick, courbé en deux, faisait tout son possible pour protéger Darcy du feu. Une légère odeur de roussi commençait déjà à émaner de son pelage.

La jeune femme trébucha sur un câblage tombé du plafond. Le Wookie et le Rodien l’aidèrent tant bien que mal à se relever, et le trio se remit à courir avec une vigueur renouvelée.

Ils crièrent tous de terreur, de rage et de frustration quand ils furent accueillis à l’entrée de la baie par un énorme Vornskr aux dents dégoulinantes de bave.

— Cette fois, c’est la fin, gémit Grisson, qui avait perdu son optimisme naturel.

Il savait qu’il avait épuisé son capital chance. Son heure avait sonné.

Darcy se blottit contre Yurwick, s’agrippant à ses poils pour être sûre d’être avec lui quand les crocs de la bête lui déchireraient la gorge. Le Wookie, quant à lui, défia le monstre d’un terrible cri de guerre. La créature se dressa sur ses pattes de derrière pour attaquer.

Les trois combattants, unis, attendirent la mort. Un bruit assourdissant leur perfora les tympans. Ils fermèrent les yeux.

Quand ils les rouvrirent, le Vornskr gisait sur le ventre, un énorme trou fumant au milieu de la colonne vertébrale.

Ne prenant ni la peine, ni le temps de comprendre par quel miracle la bête avait été tuée, Darcy, Yurwick et Grisson foncèrent vers le Smashing qui les attendait.

— Les voilà ! s’exclama le Questeur Slugh en pointant du doigt le trio qui courait à la rencontre du cargo. Shadow ! Va abaisser la rampe. Pendant ce temps-là, je fais chauffer les moteurs.

— Oui, M’sieur ! fit le Defel, fou de joie.

La créature invisible se leva précipitamment de son siège, se cogna la tête contre le plafond, poussa un juron, avant de se ruer hors de la cabine.

Jamais la petite coursive semi-circulaire menant à la rampe d’entrée ne lui avait paru aussi longue. Quand il parvint enfin au niveau de l’entrée du cargo, il se jeta sur le levier activant le système d’ouverture.

La rampe s’abaissa lentement. Trop lentement à son goût, mais les rescapés la gravirent avant même qu’elle n’eût touché le sol. Le Defel les accueillit à bras ouverts.

— Je suis drôlement content de vous revoir, les gars ! Dépêchez-vous, nous décollons immédiatement. Tubrah, tu peux y aller ! beugla-t-il dans son comlink.

— On est parti ! lui répondit le Questeur Slugh.

Le sol vacilla sous leurs pieds. Le Smashing Stars venait de décoller.

— Finalement, dit le Rodien, mon heure n’avait pas encore sonné.

— Ne parle pas trop vite, lui conseilla Darcy. Pour ma part, je ne m’estimerai sauvée qu’une fois que nous serons dans l’hyperespace.

Le petit groupe suivit le Defel en direction de la cabine de pilotage. Ils y trouvèrent Tubrah en train de lutter avec les commandes de l’appareil.

Le Questeur Slugh ne prit même pas la peine de se retourner vers eux.

— Tout le monde est là ? OK. Shadow, viens m’aider. Ça secoue drôlement, dehors.

Dans le hangar, des portions entières de plafonds tombaient sur le sol dans un fracas indescriptible. Le Smashing Stars manqua plusieurs fois de finir écrasé. C’était compter sans les talents de pilote du Questeur Slugh et du Defel, qui réussirent à conduire l’appareil jusqu’aux spatioportes de la baie d’amarrage.

Les détecteurs de proximité, qui ne semblaient pas encore avoir été endommagés, remplirent leur fonction, et la gigantesque porte commença à s’ouvrir sur le vide interstellaire.

Tubrah n’attendit pas que l’ouverture fût complète. Il fit foncer le Smashing au ras du sol, percuta le sol une ou deux fois, avant de faire émerger le cargo YT-1300 hors de l’enfer qu’était devenu le Gloire des Sith. L’antenne parabolique fut arrachée quand l’appareil frôla le bas de la spatioporte, mais le Smashing Stars ne subit pas d’autre avarie.

— Il y a des fois où je m’impressionne moi-même, fit fièrement le Questeur Slugh.

— Ah oui ? lui fit Shadow d’un ton alarmé. À ta place, je regarderais dehors avant de dire des conneries.

Tout le monde poussa une exclamation en contemplant le ciel derrière la verrière de la cabine de pilotage.

Ils s’étaient retrouvés lâchés en plein milieu d’une bataille spatiale.

 

Une  alarme  se  fit  entendre  dans  le cockpit du chasseur X de Wedge Antilles. L’ordinateur  de  bord  lui  indiquait  l’apparition  d’un  nouveau  vaisseau,  identifié  comme républicain. L’engin était un cargo Corellien de type YT-1300, immatriculé sous le nom de Smashing Stars.

Wedge sourit. Au moins, nous ne serons pas venus jusqu’ici pour rien. Nous avons trouvé les hommes de Jeg.

Il activa son comlink.

— Rogue Leader à Smashing Stars. Ici Wedge Antilles. Nous sommes venus vous chercher. Avez-vous besoin d’assistance ?

— Négatif, lui répondit une voix rocailleuse. Nous sommes prêts à évacuer, et nous vous conseillons de faire de même. Le mastodonte que nous venons de quitter va exploser d’une seconde à l’autre. L’onde de choc sera d’une puissance terrifiante. Tout ce qui se trouvera à portée sera détruit.

Un  frisson parcourut l’épine  dorsale de  Wedge.  Il jeta un regard inquiet à ses moniteurs. Les boucliers de l’Interdictor étaient sur le point de flancher, mais il resterait encore à abattre ses générateurs de puits gravitationnels.

— Rogue Leader à Smashing Stars. Il nous est impossible de partir en hyperespace tant que cet Interdictor ne sera pas neutralisé. N’est-il pas possible de s’éloigner suffisamment de ce vaisseau à la vitesse  d’impulsion ?

— Négatif, répondit la voix. Ce ne sont pas des forces naturelles qui sont à l’œuvre, ici. Nous en reparlerons plus tard, si nous sommes en vie. Nous devons absolument retrouver la faculté de partir en hyperespace. Sinon... Attendez ! (En bruit de fond, un sifflement d’unité R2 se fit entendre.)   Oui ! Oui, tu as raison, Womprat. Ça peut marcher. Smashing Stars à Rogue Leader. Faites ordonner à tous les vaisseaux de la Flotte de calculer un saut en hyperespace.

Derrière sa visière, les sourcils d’Antilles se froncèrent.

— Mais, protesta-t-il, si nous ne pouvons pas quitter l’espace normal, à quoi bon...?

Son interlocuteur ne lui laissa pas le temps de finir sa question.

— Il va falloir que vous cessiez l’engagement, Rogue Leader. Regroupez tous vos vaisseaux et éloignez-les le plus vite possible de ce vaisseau. Quand il explosera, l’Interdictor sera le premier à être atteint par l’onde de choc. Sitôt qu’il sera détruit, le champ d’interdiction disparaîtra, et nous aurons une seconde ou deux pour effectuer le saut en hyperespace.

— Bon plan, approuva Wedge. De toute façon, nous n’avons pas le choix.

Il retransmit les ordres à tous ses hommes et fit partir son Aile-X à la vitesse maximale, laissant l’Interdictor loin derrière lui.

 

Quand la communication de Wedge parvint dans les écouteurs de Luxan et de Moira, les deux pilotes échangèrent un regard inquiet. S’ils avaient bien compris ce qui venait d’être dit, ils ne bénéficiaient plus que de très peu de temps, et le Stardust ne pouvait toujours pas venir à la rescousse.

Moira resserra son étreinte autour du buste de Luxan.

— Je crois que nous allons y rester, colonel, dit-elle.

— Ne dites pas ça, Fedz. Waneugh réussira à se débarrasser de ces maudits TIE. Je lui fais confiance.

— J’aimerais vous croire.

Luxan se força à sourire.

— Vous verrez.

À quelques kilomètres d’eux, un chasseur TIE, atteint par une torpille du Stardust, explosa dans une gerbe de flammes.

— Et voilà ! dit Luxan avec un semblant d’assurance. Un de moins.

La jeune femme haussa les épaules, l’air de dire : à quoi bon ?

— Il y a un proverbe, sur mon monde natal, dit la Klatooienne : « Ne reste jamais en présence de personnes en compagnie desquelles tu n’aimerais pas mourir. » Je voulais vous dire que mourir avec vous sera un honneur, colonel.

— Je vous remercie, Moira, répondit Luxan, gêné, et j’en ai autant à votre service. Mais nous ne mourrons pas. Pas aujourd’hui. Et quand nous nous en serons sortis... je vous inviterai à dîner. Si vous êtes d’accord.

La jeune femme lui sourit derrière son casque.

— Ce sera avec joie... Jeg.

 

Waneugh Ehn poussa un cri victorieux quand sa torpille atteignit l’Interceptor. Il ne restait plus qu’un seul assaillant. Si Yom s’y prenait bien, lui aussi ne serait bientôt plus que de l’histoire ancienne.

Comme pour lui faire retrouver le sens des réalités, une secousse ébranla soudain le Stardust.

Ehn grimaça. Mauvais, ça. Très mauvais. Pourvu que je me trompe... !

— Yom, appela-t-il dans son comlink. Yom ! Tout va bien ?

Pas de réponse.

Enfer ! C’est bien ce que je pensais ! Sa tourelle à été touchée ! Yom ! Non ! Ehn savait qu’il ne pouvait pas quitter les commandes du Stardust pour voir comment allait son ami. Il devait impérativement sauver Jeg et Moira. Si seulement ce TIE voulait bien les laisser en paix !

Il fut surpris de voir l’Interceptor exaucer son vœu et partir à toute vitesse à l’autre bout du secteur.

— Qu’est-ce que... ? commença-t-il.

Il vit, dehors, arriver sur lui le Rogue Squadron, le Brave Squadron, ainsi que l’Emancipator et le Home One, bientôt suivis d’un transport Corellien YT-1300. Le pilote du TIE n’avait visiblement pas osé se mesurer à tant d’adversaires. Sage décision !

Ehn conduisit aussi vite qu’il le put le Stardust en dessous de deux rescapés. Puis, il se leva de son siège et courut jusqu’à l’écoutille dorsale. Il ferma le sas devant lui, afin que l’ouverture des deux iris, lorsqu’il l’activerait à distance, ne vidât pas le cargo de son atmosphère.

Il contacta les autres par comlink.

— Je vous ouvre, les p’tits gars. Descendez le plus vite possible. Moi, je retourne au poste de pilotage.

— Reçu, lui répondit la voix de Luxan.

Une minute plus tard, installé dans son fauteuil, Ehn entendit Luxan lui dire qu’ils étaient bien arrivés.

Les deux pilotes ne tardèrent pas à faire irruption dans le cockpit.

— Mille mercis, monsieur Ehn, lui dit Moira en déposant un baiser sur sa joue. Nous vous devons la vie.

— Ne vous réjouissez pas trop vite, Moira. Nous ne sommes pas encore partis.

Il se tourna vers son vieil ami.

— Jeg, lui dit-il, tu ne voudrais pas aller voir dans la tourelle ventrale si Yom est toujours en vie ? Je crains qu’il n’ait été durement touché.

— J’y vais, répondit Luxan.

Il quitta la cabine de pilotage.

— Bon, fit Ehn en dirigeant le Stardust vers les autres vaisseaux, il ne nous reste plus qu’à attendre le feu d’artifice final.

À peine eut-il le temps de finir sa phrase que le Gloire des Sith se transformait en supernova. Un immense halo bleu illumina l’espace à l’endroit où s’était trouvé le gigantesque vaisseau une seconde plus tôt. Les cercles concentriques de l’onde de choc se dilatèrent, s’allongèrent dans toutes les directions.

Le croiseur Interdictor fut bientôt rejoint par la déflagration. Il explosa en une gerbe de flammes multicolores.

— Champ  d’interdiction  désactivé !  aboya Waneugh Ehn en baissant  deux leviers simultanément.

Derrière la vitre de la cabine de pilotage, les étoiles s’allongèrent, et le Stardust fut happé dans l’hyperespace.

Dans le même temps, les deux croiseurs Républicains, les chasseurs et le Smashing Stars activaient, eux aussi, leurs moteurs hyperdrive.

Il n’y eut plus personne pour contempler le spectacle de la destruction du Hoth Victory

Chapitre Six : Adieux
 

Darcy se sentait un peu trop à l’étroit dans son uniforme d’apparat. Sa chemise collait à son dos couvert de sueur. La chaleur de cette fin d’après-midi ensoleillée était difficilement supportable. Machinalement, la Corellienne passa un doigt derrière son col pour le desserrer. Elle qui détestait tant les cérémonies avait toutefois fait l’effort de venir. C’était le moins qu’elle pût faire.

Mon Mothma, debout derrière son pupitre, venait de terminer son discours. À son signal, toutes les troupes réunies sur la vaste plate-forme qui flottait au-dessus de la plaine herbeuse se mirent au garde-à-vous. Darcy, prise au dépourvu, mit une seconde de plus que ses camarades pour saluer.

Au-dessous d’eux, sur la vaste pelouse dégagée, les droïds funéraires commencèrent à creuser, tandis que des officiers humains déchargeaient silencieusement du gigantesque transporteur les quelques cinq mille cercueils que l’appareil venait d’amener jusqu’au cimetière militaire de New Alderaan.

Ils commencèrent par celui de l’amiral Cynderill. Deux hommes le portèrent jusqu’à la première tombe creusée et l’y firent entrer délicatement, en position verticale.

Ensuite, vint le tour des autres membres d’équipage du Crystal. La récupération des corps au milieu de l’épave du vaisseau Mon Calamari avait pris une semaine tout entière, mais Mon Mothma avait été intransigeante sur ce point. Tous ces hommes méritaient une sépulture décente. Cela n’avait d’ailleurs pas été sans poser de problème. Les autorités de Mon Calamari avaient d’abord exigé que les corps de tous les originaires de cette planète fussent immergés dans les océans de leur monde natal, avant d’accepter le fait que l’équipage étant composé de races venant de toute la galaxie, il était plus logique d’inhumer tous ses membres ensemble sur un monde neutre.

Darcy sentit ses larmes couler sur ses joues quand les deux derniers cercueils furent descendus du transporteur. Derrière elle, Yurwick poussa un petit jappement. La Corellienne glissa sa main dans celle, imposante, du Wookie.

À côté d’eux, tous les membres du Blue Bolt Squadron, Jeg Luxan le premier, ôtèrent leurs casquettes et les tinrent des deux mains sur leurs poitrines. Waneugh Ehn et Yom, récemment enrôlés dans la Flotte, firent de même. Le Gungan, tout fraîchement sorti de sa cuve à bacta, avait tenu à venir malgré son état.

Les deux cercueils étaient vides, ce qui rendait la cérémonie funéraire plus pénible encore pour les pilotes rassemblés là. Le premier portait le nom de Dengar Xun, tombé au combat, et le second, celui de Hierrulf, porté disparu. La destruction du Gloire des Sith n’avait laissé aucun espoir de retrouver le corps du Coruscanti. Quant à celui de Hierrulf...

La jeune Corellienne se retint d’éclater en sanglots. Cela n’aurait pas été convenable. Si seulement nous savions ce qui a bien pu lui arriver !

Ils n’avaient plus eu aucun contact avec le Jedi depuis le premier affrontement avec les hommes de Fran. D’après ce qu’on avait raconté à Darcy, même Qel-Droma n’avait pas été capable de voir ce qu’il était advenu de son Padawan. Et lui-même avait disparu en détruisant le cristal Sith. Sans doute n’avait-il pas eu le temps de rejoindre le Smashing à temps.

En y repensant, voilà encore un sacré gâchis. Un homme tel que lui aurait été tellement utile à la République ! Mais je pense que, quelque part, il se savait condamné. Il se sentait trop responsable de tout le mal que ce Darth Nag’da avait causé. Je suis sûre qu’il avait choisi de ne pas revenir de cette mission avant même de nous quitter.

Les quatre derniers porteurs de cercueil déposèrent leurs fardeaux respectifs dans leurs emplacements, puis se mirent à leur tour au garde-à-vous, comme les dix mille autres qui attendaient, deux par deux, à côté de chaque tombe.

Du haut de la plate-forme, Mon Mothma salua, raide comme un piquet. Au même moment, tous les porteurs pointèrent leurs fusils-blaster chargés à blanc vers le ciel et tirèrent chacun six rafales. Puis ils remirent leurs armes sur leurs épaules et commencèrent à quitter le cimetière.

Sur la plate-forme, tous les officiers baissèrent leurs mains. Les pilotes se recouvrirent. La cérémonie était finie.

Les membres du Blue Bolt Squadron se réunirent. Tous arboraient un air peiné, même Sroder, Yihn, Fedz et Starwatcher, qui n’avaient pourtant pas connu leurs camarades tombés. Le colonel Luxan se joignit à eux, leur dit quelques mots, puis il prit Moira par la main et s’éloigna avec elle. Personne ne fut surpris. Tout le monde était au courant depuis quatre jours.

Fedz et le colonel ! Qui aurait pensé cela ? Mais, après tout, il faut bien que la vie continue.

La jeune femme sourit en les regardant disparaître au milieu la foule d’officiers. 

<< Page précédente
Page suivante >>