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Chapitre Premier : Contact
 

De la terrasse où ils se trouvaient, le point de vue était écrasant. Ce n’était pas la première fois que Hierrulf foulait les toits de la Cité Impériale, mais à chaque fois, il avait toujours la même impression : celle qu’il n’était qu’une puce sur le dos d’un Bantha. Et encore… Un Bantha qui aurait la taille d’un Super Star Destroyer !

Il fallait admettre que Coruscant méritait amplement sa réputation d’incarnation du gigantisme. À perte de vue, tout n’était que gratte-ciels, tours et plateformes, édifices démesurés reliés entre eux par des passerelles bondées de citoyens, de touristes et de fonctionnaires se rendant aux dômes ou aux astroports les plus proches.

Si l’observateur ne trouvait pas cette vue assez saisissante, il lui suffisait de lever les yeux pour contempler les innombrables jardins suspendus sur champs antigrav et amarrés aux toits des immeubles par des câbles de duracier d’un demi-centimètre à peine d’épaisseur.

Le Palais Impérial, à lui seul, valait le détour, encerclé de ses tours de transmission et des pyramides érigées à la gloire de l’Empire. Chaque année standard, un nombre impressionnant de touristes venaient visiter ce lieu d’où le bien-aimé Empereur Palpatine avait régné sur les milliers de mondes connus de la galaxie.

Mais il n’y avait pas de spectacle plus fascinant que le ballet incessant des transports urbains et des astronefs allant et venant dans un désordre et une confusion qui n’étaient qu’apparents. Car le trafic aérien, contrairement à ce qu’aurait pu penser n’importe quel provincial de la Bordure Extérieure, était rigoureusement contrôlé sur Coruscant. L’anarchie, sous quelque forme que ce fût, ne pouvait pas être admise dans la capitale de l’Empire.

Le système comportait toutefois quelques faiblesses. Si, par exemple, un véhicule déviait de la trajectoire qui lui avait été donnée par la Régulation, il était voué à une destruction sans sommation. Si la sanction ne venait pas de la Régulation du Trafic Impérial, elle finissait par arriver d’elle-même, le transport indiscipliné ne tardant jamais à en percuter un autre. Les agents de la RTI, par sadisme et par paresse, optaient souvent pour cette deuxième solution.

Dans un cas comme dans l’autre, les explosions occasionnées perturbaient encore plus la circulation et mettaient une sacrée pagaille. Et cela, Hierrulf en savait quelque chose.

La dernière fois qu’il était venu ici, Hierrulf avait bien failli y laisser sa peau. Il était alors en mission pour le compte du Seigneur Xizor, le prince Falleen qui avait bâti de ses propres mains le Soleil Noir, l’organisation criminelle contre laquelle même l’Empire ne pouvait pas grand-chose. À vrai dire, Xizor était parvenu à entrer dans les bonnes grâces de Palpatine, jusqu’à ce que Vader le mette hors d’état de nuire. C’était lors de ce règlement de comptes entre le Seigneur Noir des Sith et Xizor que Hierrulf et tout l’équipage du Smashing Stars avaient failli périr. 

Hierrulf soupira. De cette époque, il ne restait plus que lui et RD-69, le droïd astromech de Jiix Tabot.

Tous les autres avaient péri lors d’une mission de sauvetage à bord d’un Star Destroyer en perdition, et lui-même ne s’en était sorti que de justesse.

Le Smashing Stars. Deux mots rassurants qui le reliaient à son passé. Ce vaisseau était tout ce qui lui restait quand Hierrulf avait rejoint l’Alliance Rebelle et s’était enrôlé dans le Blue Bolt Squadron, juste avant la bataille d’Endor. Et en ce moment, ce fidèle cargo YT-1300 attendait quelque part sur les toits de cette immense cité-monde, prêt à les emmener loin de là, lui et ses coéquipiers, si quelque chose devait mal tourner.

Hierrulf se tourna vers la femme qui se tenait à ses côtés, Darcy, un pilote hors pair, mais aussi une jeune brunette pétillante qui savait lui casser les pieds comme personne.

— Nous nous sommes jetés dans la gueule du Rancor ! lâcha-t-il d’un ton peu amène.

La jeune fille sourit.

— Du calme, répondit Darcy. N’oublie pas : nous ne sommes que deux commerçants en voyage d’affaires qui, entre deux négociations, usent de leur temps libre pour visiter la capitale. On n’aura rien à craindre tant qu’on donnera le change, alors détends-toi, et profite du paysage !

Hierrulf bouillait. La situation amusait peut-être Darcy, mais il était loin de partager ce sentiment.

— Est-ce que j’ai l’air d’un épicier ? Qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête de Mon Mothma pour qu’elle nous envoie ici faire… du commerce ? Je suis un combattant, pas un négociant ! Tu crois peut-être que nous sommes là pour faire du tourisme, alors soit, admire le paysage ! Mais accorde-moi le droit de rester sur mes gardes. La dernière fois que je suis venu ici, on m’a fait manger un fruit qui, s’il avait mal été préparé, m’aurait empoisonné et qui a filé une sacrée colique à mes associés de l’époque. J’ai ensuite bien failli me faire réduire en poussière cosmique par un Super Star Destroyer. L’Executor, ça te dit quelque chose ? C’est celui que toi et Yurwick avez bousillé à Endor. Alors, non ! Je ne vais pas profiter du paysage !

— Tu devrais parler plus fort, espèce d’idiot ! fulmina Darcy. Je crois qu’on ne t’entend pas du Palais Impérial !

Hierrulf se détourna pour observer la cité titanesque qui s’étalait sous eux.

— Je déteste cette planète. Comment se sentir bien sur un monde où tu ne vois même pas le sol ? Je suis un homme de la terre, moi.

— Écoute, monsieur l’apprenti Jedi : tu la fermes, ou je demande à Yurwick de s’occuper de toi.

La perspective de se faire mettre au silence par un Wookie de deux mètres de haut ne l’enchantant guère, Hierrulf se tint coi.

Darcy relança la conversation.

— Quelque part, c’est tout de même curieux, tu ne trouves pas ?

Elle lui montra le ciel du doigt.

— Deux lunes seulement ! Coruscant est le joyau de la galaxie, et elle n’a que deux satellites !  On aurait pu s’attendre à ce que la capitale de la galaxie siège dans un système moins ordinaire que celui-ci. Là d’où je viens, même s’il ne s’agit que d’une planète éloignée du centre galactique, nous avons droit à un quadruple clair de lune.

Hierrulf, qui s’était calmé, eut un sourire amusé.

— Oh ! Vous n’avez que quatre lunes ? C’est vrai que vous n’êtes pas bien lotis…

— Ah ! Merci ! J’oubliais : nous avons aussi deux soleils. Arladian est, avec Tatooine, un des rares systèmes binaires habitables de la galaxie.

Ce disant, elle lui taquina le nez du bout du doigt.

— Tu parles vraiment pour ne rien dire, répondit-il en riant. Hé, minute ! Comment ça, Arladian ? Je croyais que tu étais Corellienne ?

— D’adoption, seulement. J’ai vécu sur Arladian jusqu’à mes douze ans. Puis mes parents sont morts dans un accident d’aérocraft, alors on m’a envoyée chez mon oncle et ma tante, sur Corellia. Je me sens plus Corellienne qu’Arladienne.

— Vous savez, maîtresse Darcy, fit soudain une voix métallique derrière eux, plus de la moitié de la population de Coruscant n’a jamais vu directement les deux lunes que vous contemplez. Vous devez savoir que la construction de cette cité a pris des siècles. Au cours de toutes ces années, les niveaux de la ville se sont superposés pour former des édifices atteignant plusieurs kilomètres de hauteur. Cela implique que pas même un dixième des habitants de la capitale vit dans les niveaux supérieurs. La majeure partie de la population reste cantonnée dans les strates inférieures et ces résidents quittent rarement leur secteur. Seuls les riches parvenus ou les membres de la noblesse Impériale, qui habitent les résidences affleurant la surface, bénéficient quotidiennement de la lumière du jour, ainsi que de cette vue époustouflante.

— Vraiment, C-4PO ? demanda Darcy au droïd de protocole. Elle se fichait de l’architecture de Coruscant comme de la Guerre des Sith, mais elle savait que Hierrulf avait pris le droïd en grippe dès le début de la mission. Elle ne pouvait pas résister à l’envie de mettre en marche ce moulin à paroles, ne fût-ce que pour le plaisir d’éprouver les nerfs de son irascible compagnon.

— Mais oui, maîtresse Darcy, répondit le droïd, enchanté à l’idée que quelqu’un puisse s’intéresser à ce qu’il savait. Ce qui fait que l’on en arrive à des aberrations. Par exemple, plus personne n’a foulé le sol de Coruscant depuis des générations. Si vous vouliez le faire, il vous faudrait descendre au dernier niveau de la cité, ce que je vous déconseille vivement, car il n’y a plus que d’horribles mutants qui vivent là-dessous. Rien que d’y penser, tous mes circuits se grippent ! Brrrrrrr !

Néanmoins, les habitants de la cité qui souhaitent entrer en communion avec leur planète peuvent se rendre au centre de Monument Plaza, non loin du Palais Impérial. C’est là que dépasse de la ville la plus haute montagne de la planète. C’est le seul rocher de Coruscant sur lequel rien n’a été bâti. Nous pourrions d’ailleurs le visiter. Cela pourrait parfaire notre couverture, étant donné que de nombreux touristes s’y rendent régulièrement. Je suis sûr que maître Hierrulf trouvera cela très intéress…

Ce dernier le fit taire en lui plaquant sa main sur la bouche.

— T’emballe pas, Bâton d’Argent. Je suis déjà venu ici.

Il se tourna vers Darcy.

— L’heure de notre rendez-vous approche. Redescendons.

 

 

*

*  *

 

Ils rejoignirent Yurwick et RD-69 dans une cantina du quartier Invisec, au niveau moins cent vingts. Ce n’était pas un endroit où il faisait bon traîner. La clientèle des bars d’Invisec se composait principalement de pochards et de truands, aliens ou humains, pour qui le moindre prétexte était bon pour déclencher une bagarre.

Cet état de fait n’inquiétait pas Hierrulf outre mesure, étant donné qu’il portait sur lui, tout comme les autres d’ailleurs, assez d’armes pour faire pâlir une escouade de stormtroopers. Il avait, comme toujours, pris son sabre laser avec lui. Il ne devait cependant s’en servir qu’en ultime recours, sous peine d’être démasqué.

Dès qu’il vit Hierrulf, Yurwick poussa un grognement sinistre. Le jeune homme protesta.

— Du calme, boule de poils ! Je n’y ai pas touché, à ta copine ! Et puis, entre nous, ça ne risque pas. Comment fais-tu pour la supporter ?

Le Wookie beugla, tandis que Darcy se blottissait contre lui.

— Que veux-tu, Hierrulf, dit-elle, il ne t’a jamais apprécié. Hé ! Yurwick ! Ne me serre pas si fort !

Hierrulf ne put réprimer un frisson de dégoût en voyant le bras mécanique du Wookie se refermer sur le corps de la jeune femme, mais il le regretta immédiatement. Le pauvre vieux n’est pas un mauvais bougre, et la vie n’a pas été très facile pour lui, pensa-t-il. C’est en se battant à mes côtés qu’il a perdu son bras et sa jambe, et il m’a plus d’une fois sauvé la mise, comme la dernière fois, où je n’arrivais pas à me débarrasser de ce TIE qui me collait au train.

L’existence du Wookie était loin d’avoir été idyllique. Peu de temps après l’instauration de l’Ordre Nouveau de Palpatine, il y avait eu un raid sur sa planète natale de Kashyyyk au cours duquel lui et quelques-uns de ses compatriotes avaient été faits prisonniers et envoyés dans les camps de travail.

Ironie du sort, Yurwick, qui contribua plus tard à la destruction de la Seconde Étoile Noire, fut forcé d’assembler des cloisons à l’intérieur de la première. Heureusement pour lui, il n’était plus à bord lors de la bataille de Yavin.

Plusieurs mois plus tard, un groupe de pirates de l’espace, dont Darcy faisait à l’époque partie, avait lancé une attaque contre le transporteur qui l’emmenait, lui et ses compagnons d’infortune, vers les mines de Kessel. Dès qu’elle l’avait vu, Darcy avait pris Yurwick sous sa protection, peut-être parce que, étant enfant, sa nounou avait été une femelle Wookie. Toujours est-il qu’ils étaient devenus très vite inséparables. Même un peu trop, parfois. Darcy avait dû de nombreuses fois éconduire des prétendants, de peur que les inconscients ne fussent réduits en bouillie par son « protégé ».

Darcy et Yurwick s’étaient mis à leur propre compte et avaient vécu de petites attaques sans grande envergure contre des convois impériaux avant de rejoindre l’Alliance et le Blue Bolt Squadron. À partir de cet instant, leur vie était devenue nettement plus satisfaisante, plus constructive. Ils s’étaient trouvés une vraie vocation dans la Rébellion, où les moyens de réellement faire changer les choses leur avaient été donnés. Après tout, n’étaient-ce pas eux qui avaient détruit les boucliers de l’Executor avant que celui-ci ne percute l’Étoile Noire ? Détruit… Enfin… Presque. Ils avaient marqué les cibles pour leurs collègues d’un autre escadron, mais le résultat était le même. Ils avaient d’ailleurs reçu leurs médailles en même temps que ceux qui avaient réellement tiré sur l’Executor.

Hélas, dans la liesse qui avait suivi la victoire d’Endor, Darcy et Yurwick avaient pris une trop grande confiance en eux, se croyant invincibles. Puis Yurwick avait failli perdre la vie lors d’un combat au cours duquel un TIE Interceptor s’était écrasé sur sa station de tir. Il avait dû passer trois semaines dans une cuve à bacta, et il avait fallu remplacer son bras gauche et sa jambe droite. À partir de ce jour, Yurwick, qui en imposait déjà avant, eut une apparence d’autant plus redoutable que, sur la moitié de son visage, les poils étaient devenus blancs, et que rien n’était prévu pour dissimuler ses membres artificiels. Mais, tout repoussant qu’il fût, il était toujours le « nounours » de Darcy.

Hierrulf désigna une table libre.

— Installons-nous là-bas.

Ils passèrent devant le propriétaire de la cantina, un Twi’lek, qui jeta un regard de travers aux droïdes, mais qui ne dit rien et continua à essuyer quelques verres mal lavés.

— Qui attendons-nous ? demanda C-4PO, une fois qu’ils furent assis.

— Un Rodien, un certain Grisson, répondit Hierrulf. Il a intérêt à être réglo, parce que j’ai gardé un assez mauvais souvenir de ceux de sa race. Je me rappelle une fois où…

— Une autre fois, l’interrompit Darcy.

— Dommage, tu en aurais appris de belles sur RD-69 !

L’intéressé pépia joyeusement. Plusieurs clients, dérangés par le bruit, se tournèrent vers leur table.

Le Twi’lek les interpella.

— Hé, vous, là-bas ! Je veux bien que vous rentriez avec ces robots dans mon établissement, mais qu’ils la ferment tous les deux, sinon, je vous fous dehors. Compris ?

Hierrulf acquiesça et murmura :

— C’est pas moi qui vais te contrarier.

Leur contact ne semblait pas être arrivé. Hierrulf tendit le plateau vide qui se trouvait sur la table à RD-69, qui partit chercher les consommations.

À la table à côté d’eux, deux jeunes gens exaltés conversaient bruyamment.

L’un disait que l’Empereur était mort en héros au cours de la bataille d’Endor, qu’il s’était sacrifié pour la sauvegarde de l’Empire.

L’autre ne remettait pas en cause la bravoure de l’Empereur mais se demandait seulement comment une petite bande aussi désorganisée que l’Alliance avait pu trouver les moyens de construire une arme aussi redoutable que l’Étoile Noire.

Qu’est-ce qu’ils racontent là ? s’interrogea Hierrulf. Il décida d’écouter ce que l’autre allait répondre.

Et ce qu’il entendit le mit hors de lui.

Le premier des jeunes gens expliquait à son ami que l’Étoile Noire était à l’origine un projet impérial d’extracteur minier, pour travailler dans les champs d’astéroïdes et d’autres endroits difficilement accessibles.

Lorsque l’Empire avait construit l’Étoile Noire, cinq ans plus tôt, les Rebelles s’en étaient emparés et l’avaient utilisée pour commettre la pire des atrocités : ils avaient rayé Alderaan de la carte stellaire. Fort heureusement, Darth Vader avait réussi à les stopper avant qu’ils ne recommencent avec Yavin IV.

Puis, quatre ans plus tard, ils avaient dérobé les plans de la nouvelle Étoile Noire et l’avaient construite eux-mêmes. Avec si peu de moyens, d’ailleurs, que lors de l’attaque des colonies impériales sur Endor, elle n’était qu’à moitié finie. L’Empereur s’était rendu là-bas lui-même pour déjouer leur plan diabolique, mais hélas, il avait péri dans l’explosion qui avait suivi.

Hierrulf fulminait intérieurement.

La propagande impériale ! Ils ont changé l’histoire d’Endor ! Certainement pour garder le contrôle sur la population. Quelque part, cela se comprend. Après tout, si les gens de Coruscant apprenaient la vérité sur la raclée que l’Empire s’est prise à Endor, ce serait la révolution, et je doute fort que les forces impériales puissent maîtriser une telle situation.

Devant un tel affront fait à la mémoire de tous ceux qui étaient tombés là-bas, Hierrulf fit mine de se lever, mais il se ravisa au dernier moment.

La mission d’abord. Je ne peux pas me permettre de flanquer notre couverture en l’air pour ça.

Il fit un effort surhumain pour se détendre.

Ce qu’il ne pouvait pas prévoir, c’est qu’il n’était pas le seul à avoir entendu cette conversation. Le contraire eût été étonnant : les jeunes gens parlaient tellement fort ! Peu de temps après, un vieil homme approcha de leur table. Il était vêtu d’un poncho élimé et il portait de vieilles bottes, ce qui laissait supposer qu’il s’agissait là d’un fermier des mondes périphériques. Quelqu’un qui n’avait rien à faire dans une taverne de Coruscant.

— Pardonnez-moi, messieurs, dit-il, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre votre conversation. J’ai une ferme sur une planète des bordures extérieures, et là-bas, on raconte une toute autre histoire.

Tais-toi, imbécile ! explosa intérieurement Hierrulf.

— Ah oui ? Et qu’est-ce qu’on raconte, dans ton trou perdu ? demanda l’un des jeunes gens.

— On dit que les Étoiles Noires étaient dès le début destinées à détruire des planètes, et que ce sont les Rebelles qui ont empêché l’Empereur de faire régner la terreur avec ces armes de fin du monde. Et je dois bien avouer que je suis plus enclin à croire cette version que la vôtre.

Aïe, aïe, aïe ! pensa Hierrulf. Cet homme était forcément inconscient. Se croyait-il dans un de ces clubs de l’Ancienne République où l’on discutait philosophie ?

Un des deux jeunes gens se leva et agrippa le vieil homme par le col.

— Tu es du côté des Rebelles, ou quoi, le vieux ?

— Moi je pense que c’en est un, dit l’autre. Regarde-le : c’est un fermier couvert de haillons. Les Rebelles sont tous des péquenots.

Hierrulf ne pouvait plus rester sans agir. 

— Messieurs ! Laissez donc ce vieux tranquille. Il ne fait que répéter ce qu’il a entendu. Il ne sait pas de quoi il parle.

— Hierrulf ! souffla Darcy, occupe-toi de tes oignons !

Hierrulf l’ignora.

— Vous êtes sourds ? Je vous ai dit de… Par les Sith !

Celui qui avait les mains libres venait de dégainer un blaster de poignet et le tenait braqué sur lui.

— J’ai un mauvais pressentiment, dit C-4PO en se laissant glisser sous la table.

— De mieux en mieux, Darvin. Nous sommes gâtés, ce soir. Il semblerait que nous ayons une réunion de rebelles.

L’agresseur s’approcha de leur table d’un pas mal assuré.

C’est alors que Hierrulf remarqua le nombre respectable de verres vides qui jonchaient la table des deux jeunes.

Ils sont ivres. C’est ma chance. Je suis loin d’être un Jedi, mais je peux peut-être tenter le coup.

Longtemps avant, Hierrulf avait appris qu’avec la Force, il était possible d’influencer les esprits faibles. Cependant, il n’était pas rassuré par ce qu’il allait faire. Il pouvait très bien échouer. Mais le nombre de choix était limité.

J’espère qu’ils sont partis, pensa-t-il, avant de s’ouvrir à la Force. Cela me facilitera la tâche…

Il toucha immédiatement l’esprit embrumé de l’autre. Cela ne serait peut-être pas si difficile que cela…

Parfait ! Allons-y. Lâche ton arme. Elle ne te sert à rien. Tu n’as rien à craindre.

Il sentit l’autre s’abandonner peu à peu.

Voilà. C’est ça. Doucement.

L’homme ne fit que baisser son arme, mais cela suffisait largement. Hierrulf s’empara d’une bouteille sur la table voisine et la lui balança en pleine tête. L’agresseur s’écroula comme une masse.

L’autre repoussa le vieux, qui entraîna une table dans sa chute. Le concert de bruits de verre brisé ouvrit le bal que de nombreux clients attendaient.

— Pas de bagarre ! Pas de bagarre ! cria le Twi’lek.

Bien évidemment, personne ne l’écouta, et très vite, ce fut le pandémonium. Les tables et les chaises volèrent, des blasters et des vibro-lames furent dégainés.

Darcy fut prise à partie par un couple d’Aqualishs. Elle envoya son genou dans l’entrejambe du premier, tandis que Yurwick assommait le second d’un coup de poing. De son côté, Hierrulf dut régler son compte au deuxième propagandiste, avant de s’attaquer à quiconque s’approchait trop de lui.

La rixe dura dix bonnes minutes, jusqu’à ce qu’une voix se mette à hurler :

— Hé ! Qui a invité la milice ?

Hierrulf lâcha la créature étrange qu’il était en train de tabasser et se tourna vers l’entrée pour voir une demi-douzaine de stormtroopers en armes pénétrer dans la cantina.

— Oh, oh ! Problème à l’horizon. Darcy, cria-t-il, on a un pépin !

— Vous êtes tous en état d’arrestation pour trouble à l’ordre public ! cria le capitaine des gardes. Déposez vos armes sur le sol et levez vos mains en l’air !

Pour toute réponse, il reçut une table sur la tête, tandis que les cinq autres détalaient sous le feu nourri des arbalètes-blasters de trois Wookies, qui ne devaient pas avoir eu leur content de bagarre.

Puis le calme retomba peu à peu.

Darcy rejoignit Hierrulf, en tâchant de ne pas se prendre les pieds dans les débris qui jonchaient le sol.

— Alors, tu es content de toi, imbécile ? cria Darcy. Avec tes conneries, on a failli se faire embarquer ! On aurait été bien, après !

— Écoute, on en parlera plus tard. Pour l’instant, foutons le camp d’ici. Et n’oublie pas les droïds.

À ces mots, C-4PO surgit de dessous sa table.

— Ça y est ? C’est fini ?

RD-69 siffla d’un air moqueur.

 

En sortant, ils percutèrent un Rodien qui entrait dans la cantina.

— Dégagez, dit Hierrulf en le repoussant, vous ne voyez pas que vous gênez ?

— Je ne vous conseille pas d’entrer là-dedans, renchérit Darcy. Il vient d’y avoir une sacrée bagarre, et je ne suis pas sûre qu’elle soit vraiment terminée.

— Merci du tuyau, répondit le Rodien en leur tendant la main, mais je pense que j’ai trouvé ce que je cherchais. Je suis Grisson.

Yurwick beugla quelque chose à Darcy.

— Oh ! Je suis désolée, dit-elle, j’étais tellement prise par cette bagarre que j’en avais oublié la raison de notre présence dans ce boui-boui. Je suis Darcy, et voici Hierrulf et Yurwick.

— Je sais qui vous êtes. Mais ne restons pas là, les Impériaux vont revenir, et en nombre. Ils n’aiment pas trop se prendre des branlées dans les bars sans riposter. Prestige de l’Empire oblige !

Le bruit croissant des suspenseurs antigrav de plusieurs speederbikes se fit soudain entendre.

— Tiens, quand on parle du Rancor ! Les voilà qui arrivent. Vite ! Montez là-dedans !

Il désigna un aérocraft garé un peu plus loin sur la terrasse. Le groupe se rua vers le véhicule.

Aussitôt qu’ils furent à l’intérieur, Grisson mit les gaz. Le décollage fut quelque peu chaotique.

— Vous m’excuserez, les suspenseurs sont un peu nazes. Il faudra que je les fasse réviser. J’ai six ans de retard sur le contrôle technique !

Darcy jeta un regard en arrière.

— Vite ! Les voilà !

Une dizaine de scout troopers venaient de surgir de derrière l’angle du bâtiment d’en face. Deux d’entre eux les prirent immédiatement en chasse.

— Accrochez-vous, les gars ! Ça va secouer !

Grisson positionna l’aérocraft à la verticale et poussa les moteurs à fond. Les passagers furent plaqués contre leurs sièges, tandis que les étages défilaient à une vitesse vertigineuse derrière les hublots du véhicule.

Quelques secondes plus tard, ils étaient au-dessus des toits de la cité.

— Vous avez l’habitude de faire ça ? demanda Hierrulf, l’estomac quelque peu retourné.

— Presque tous les jours, répondit l’autre. Ils ne sont pas très malins. C’est un jeu d’enfant que de les semer.

— En attendant, dit Darcy, ils sont juste derrière nous !

— Hé ! dit le Rodien, surpris, il y a de l’amélioration ! On va enfin s’amuser un peu !

Il plongea l’aérocraft, toujours à la verticale, au beau milieu de la circulation. Il redressa le véhicule et évita un transport arrivant en sens inverse pour mieux replonger vingt mètres plus bas. Lorsqu’il jeta un regard en arrière, il vit que les speederbikes étaient toujours sur leurs talons.

Les décharges de canon-blasters ne tardèrent pas à fuser autour d’eux.

— On dirait qu’il y a un peu plus de sérieux dans l’entraînement, murmura le Rodien. On va voir ça !

Il fonça à toute allure vers une passerelle couverte de passants, et ne changea de cap qu’à la dernière seconde. Le scout trooper qui les suivait de trop près ne réagit pas assez vite. Il s’écrasa au beau milieu de la foule terrifiée.

— Et d’un !

Grisson ne prit pas le temps de profiter du feu d’artifice. Il pressa un contact sur le plafond de l’aérocraft. Aussitôt, une portion de toit s’escamota, tandis que l’arrière d’un canon-blaster se plaçait au-dessus de l’ouverture.

— Je ne peux pas utiliser deux fois la même ruse. Si quelqu’un pouvait s’y coller, ça m’arrangerait, dit-il en désignant le plafond.

Yurwick se leva et prit place derrière le canon. Il fit pivoter l’arme en direction du scoot trooper et balança plusieurs décharges de laser qui, hélas, passèrent à plusieurs mètres de leur cible.

Le pilote impérial se pencha pour extraire un mini-blaster de sa botte droite, avant de répondre au tir du Wookie.

Une décharge énergétique brûla une mèche de poils de Yurwick, qui poussa un cri de rage tout en vidant son chargeur sur l’importun.

Cette fois-ci, le coup alla droit au but, et le speederbike explosa sous son pilote, qui tomba dans le vide en se débattant vainement. Il ne fut bientôt plus qu’un point blanc, rapidement englouti par les ténèbres d’Invisec.

— Je déteste avoir à me servir de ce truc-là, dit Grisson. C’est tellement plus marrant de les voir s’écraser un petit peu partout, vous ne trouvez pas ? demanda-t-il en se tournant vers eux.

—  Je suis tombé chez des fous ! s’exclama C-4PO.

— Où allons-nous, maintenant ? demanda Hierrulf.

— Au dernier niveau de la ville, mes amis, là où le soleil n’a plus brillé depuis plus de cinq mille ans ! répondit Grisson à la manière d’un guide touristique. C’est là que mon patron vous attend.

Hierrulf repensa à ce que le droïd de protocole avait raconté au sujet des habitants des niveaux inférieurs, et il sentit sa gorge se serrer.

Par les Sith ! Comment en est-on arrivés là ?

Chapitre Deux : Trois semaines plus tôt
 

— Vous êtes prêt, Bleu Deux ? fit la voix de Luxan dans le comlink. On va escorter ce gros bébé jusqu’à Rissa IV !

— Reçu, Bleu Leader, répondit Hierrulf. C’est parti !

Les Ailes-A du Blue Bolt Squadron se déployèrent autour de l’Emancipator. En temps normaux, la vue d’un Star Destroyer de classe Impérial aurait mis Hierrulf mal à l’aise, mais l’Emancipator était un vaisseau républicain depuis la bataille d’Endor, et puis, après tout, ceci n’était qu’une simulation.

— Que disent tes senseurs, Yurwick ? demanda Darcy.

La réponse de Yurwick lui parvint, filtrée par le traducteur incorporé de l’ordinateur de bord.

— Rien en vue, Bleu Trois, mais cette bande de nullards ne va pas tarder à se pointer.

Darcy éprouvait un malaise chaque fois qu’elle entendait la voix métallique censée être celle de son compagnon à poils. Mais, bien qu’elle sût couramment comprendre et parler le Wookie (Weema, sa nounou, n’avait jamais parlé le galactique standard ), ce n’était pas le cas du reste de l’escadron. Et lorsqu’ils étaient là-haut, les pilotes avaient besoin de se comprendre les uns les autres. D’où la présence de logiciels de traduction à l’intérieur de chaque ordinateur de vol.

Mon pauvre Yurwick ! Non seulement il te faut un chausse-pied pour entrer dans ton Aile-A, mais en plus, on te colle cette voix d’eunuque cybernétique ! Darcy sourit.

— Faisons les comptes, proposa Dengar Xun. C’est moi qui mène, avec dix TIE, deux bombardiers, trois Interceptors et six Ailes-B. T’es loin derrière, Bleu Deux !

— Ça va, les chevilles, le Coruscanti ? demanda Hierrulf. Je te signale que c’est Bleu Leader qui mène, avec vingt-huit TIE, dix Interceptors, et deux escadrons d’Ailes-B. Pas vrai, Bleu Leader ?

Luxan ne fit pas paraître son amusement.

— Trêve  de  bavardages,  les  enfants.  Conversations  réduites  au  strict  nécessaire, compris ?

— Compris, Bleu Leader ! ! firent en chœur les huit membres du Blue Bolt Squadron.

Le colonel Jeg Luxan était un rude combattant, respecté et adoré de tous ses hommes, mais ces derniers n’avaient jamais compris pourquoi il se montrait si distant avec eux.

Peut-être a-t-il vu trop de ses hommes mourir, et a-t-il peur de trop s’attacher. Ça, je peux comprendre !

Hierrulf n’avait-il pas, lui aussi, perdu de nombreux êtres chers dans cette guerre ? Ces derniers mois, l’escadron avait perdu cinq de ses éléments les plus précieux, Zoffir, le Falleen, mis à part. Il s’était avéré être un espion à la solde de l’Empire, et avait été abattu par son propre ailier, Dengar Xun.

Ce dernier lui avait trouvé depuis une excellente remplaçante en la personne de Fran Dathori,  la  jeune  pilote  originaire  de  Tatooine.  A  croire  que  cette  planète  fournissait officiellement l’Alliance en pilotes d’élite !

Si bons qu’ils fussent, les membres  du Blue Bolt Squadron n’étaient pas assez nombreux. Toutefois, même s’il allait falloir un peu de temps avant que l’escadron soit de nouveau complet, il ne fallait pas négliger l’entraînement pour autant.

Hierrulf fut tiré de ses pensées par l’alarme sonore de ses senseurs.

— Ils arrivent. Au boulot, les gars !

Un croiseur Mon Calamari surgit de l’hyperespace, escorté d’une douzaine d’Ailes-B. Sitôt qu’ils furent à portée de tir, l’Emancipator les pilonna avec l’artillerie lourde. Les Ailes-B entamèrent les manœuvres d’évasion standard, et aucune ne fut touchée.

— Bleu Cinq et Bleu Six, aboya Hierrulf, tenez-les éloignés des générateurs de bouclier de l’Emancipator. C’est là qu’ils risquent de concentrer leur feu.

— Reçu, Bleu Deux, dit Tubrah, le Questeur Slugh. Shadow, tu me suis ?

— Je suis avec toi, Bleu Cinq, répondit le Defel.

Tubrah et Shadow rompirent la formation et restèrent en arrière, tandis que le reste de l’escadrille fonçait sur les attaquants.

Hierrulf avisa l’Aile-B qui se trouvait le plus près de lui. À sa façon de voler, il reconnut Greeta, la Rodienne. C’était la guerre perpétuelle entre elle et lui : Hierrulf avait pris l’habitude de l’abattre, elle, en premier, à chaque simulation. Il mettait un point d’honneur à ce que la chose fût faite de la manière la plus humiliante possible. Il s’arrangeait généralement pour l’immobiliser au moyen de plusieurs coups de canons lasers sur les éléments moteurs. Ensuite, il la faisait mariner un peu, puis l’expédiait d’un missile à concussion.

L’appareil de la Rodienne eut la courtoisie de se placer au centre du viseur de Hierrulf. Ce dernier fit parler les canons lasers. Malheureusement, Greeta partit en piqué et évita le tir.

Il fallait tout de même admettre qu’elle avait fait des progrès depuis leur première simulation. La dernière fois, elle avait bien failli lui échapper, et avait même réussi à écailler la peinture de son Aile-A.

Hierrulf piqua à son tour.

Oui, elle a définitivement commencé à apprendre ses leçons. Elle sait désormais que les canons des Ailes-A sont montés sur affûts rotatifs. Avant, elle aurait viré à bâbord ou à tribord, et elle se serait fait cueillir ! Mais là, elle a su utiliser mon angle mort et m’obliger à piquer. Bien joué !

— Bleu Deux, fit soudain la voix de Luxan, mais qu’est-ce que vous foutez ? Vous en avez un aux fesses !

Effectivement, l’alarme de Hierrulf l’informa qu’il était verrouillé. Hou là ! Il va falloir que je fasse un peu plus attention!

Derrière lui, l’Aile-B envoya une torpille à protons. Quand elle ne fut plus qu’à cinquante centimètres, Hierrulf repartit en piqué et évita le missile, qui alla exploser au beau milieu du cockpit de Greeta.

Ils ont encore du chemin à faire ! Ils ne savent pas encore qu’il ne sert à rien de balancer des torpilles sur une Aile-A ? Bon, allez. Fini de jouer.

Hierrulf fonça vers le croiseur Mon Calamari insuffisamment protégé. Trois tirs de laser fusèrent à côté de lui. L’autre chasseur cruciforme était toujours dans son sillage.

Il commence à m’agacer sérieusement, celui-là !

Hierrulf laissa la distance entre les deux appareils se réduire, puis effectua un looping qui le plaça à l’arrière de son poursuivant. Il fit feu de tous ses lasers.

L’autre dégagea, mais pas assez vite pour éviter une décharge d’énergie qui fit scintiller ses boucliers.

Les salauds sont bien protégés ! Leurs boucliers sont sérieusement plus boostés que les nôtres !

Hierrulf entreprit de faire fléchir les déflecteurs de son adversaire. Il anticipa le cap de l’Aile-B pour placer celle-ci dans son collimateur, et lorsque le viseur bipa, Hierrulf déclencha les lasers.

L’autre  repartit  en  chandelle,  après  que  ses  boucliers  eurent  absorbé  la  charge énergétique.

Hierrulf le suivit, le verrouilla, puis neutralisa l’ordinateur de visée avant d’expédier son missile deux mètres sous l’Aile-B, laquelle piqua et, comme Hierrulf l’avait espéré, alla s’offrir au projectile.

Cet imbécile a essayé d’utiliser ma propre ruse contre moi ! On n’a pas idée !

Le pilote, sachant qu’il était verrouillé, avait tenté de réitérer la prouesse que Hierrulf avait réalisée deux minutes plus tôt. Hierrulf s’était attendu à quelque chose de ce genre. Comment ? Peut-être grâce à la Force. Hierrulf ne savait pas encore la contrôler totalement, mais il arrivait qu’elle lui fasse prendre la bonne décision au bon moment lors de ses combats.

L’Aile-B ne fut pas immédiatement détruite, mais son système à gyroscope, qui contrôlait la disposition des ailes de l’appareil, avait été gravement endommagé. Le chasseur, incontrôlable, partit en tournoyant s’écraser sur une batterie de turbolaser du croiseur Mon Calamari.

Il n’y avait plus d’appareil ennemi dans son secteur. Il appela Darcy.

— Bleu Trois, comment ça se passe, de ton côté ?

— Ils ont ionisé Yurwick, Bleu Deux, mais il a pu en bousiller un avant de se faire avoir.

— Ça va, Yurwick ? demanda Hierrulf.

— Va te faire foutre ! grogna le Wookie.

— Bleu Leader, où en êtes-vous ?

— Quatre de descendus, Bleu Deux.

— Le troisième était à moi, intervint Xun. C’est moi qui ai descendu ses boucliers !

— Tant pis pour vous, Bleu Sept ! C’est celui qui détruit la cible qui se voit attribuer le point. Bleu Cinq, Bleu Six, Bleu Huit, au rapport.

— Bleu Huit n’a pas réussi, Bleu Leader, dit Xun.

— J’en ai un au train ! hurla Shadow. Tubrah, qu’est-ce que tu fous ?

 — J’arrive, Bleu Six ! Deviens pas tout rouge, ça ne va pas avec tes yeux !

Le Questeur Slugh arriva face à face avec son ailier, qui dégagea à temps, lui laissant le champ libre pour faire feu sur l’assaillant qui le poursuivait.

Tubrah envoya tout ce qui lui restait dans le chasseur B. L’appareil ennemi se transforma vite en une boule de gaz incandescent.

Au même moment, les canons de l’Emancipator achevèrent d’abattre les boucliers du Mon Calamari. Ce dernier, pour éviter la destruction, rappela les trois Ailes-B qui restaient et repartit en hyperespace.

 

Hierrulf rejoignit les autres au réfectoire. Il jeta un regard en direction de la table des membres de l’escadron d’Ailes-B.

Ces messieurs dames n’avaient pas l’air content du tout. Hierrulf s’assit à côté de Dengar Xun.

— Les nullards ont un problème? Ils ont vraiment l’air d’être à cran.

Le Coruscanti sourit.

— C’est encore un coup de  Shadow.  Tu ne sais pas ce qu’il a  encore fait ?

— Heu... non, mais ça a l’air de valoir le coup, alors vas-y, crache le morceau. Tiens, tu me passes le plat ?

— Notre ami Defel estime que nous n’avons pas le droit de laisser cet escadron, si on peut appeler ça un escadron, nager dans sa médiocrité. Aussi a-t-il décidé de trouver un moyen de les motiver un peu.

— Quel moyen ? demanda Hierrulf en se servant de la purée.

Xun eut du mal à s’empêcher de rire.

— Il a passé la nuit dernière à trafiquer leurs simulateurs et... oh ! ... J’en peux plus !

Xun éclata de rire. Hierrulf, décontenancé, se tourna vers Tubrah.

— Mais, qu’est-ce qu’il s’est passé, par les Sith ?

— Mon cher coéquipier s’est arrangé pour que les membres du Nullards Squadron se prennent une décharge électrique dès qu’ils se faisaient descendre ! répondit le Questeur Slugh, avant d’éclater de rire à son tour, éclaboussant ses comparses de bave.

— Il n’a pas trop intérêt à se pointer ici, fit Darcy avec un sourire en coin. Sinon, je crois que ça va encore se terminer en bagarre. Comme d’habitude.

Un mouvement près de la porte du réfectoire attira l’attention de Hierrulf. C’était une ombre indiscernable, qui aurait pu passer inaperçue sans cette bande horizontale violette située sur la partie supérieure du phénomène.

Shadow ! Il a un sacré culot de venir ici ! À moins que... Mais oui ! Il est à poil ! Il se planque ! Il veut sans doute voir la tête qu’ils font, mais il a peur de se faire pincer. Eh bien, profites-en, Shadow. Tu peux être fier de toi !

Shadow (ce n’était là qu’un surnom, son vrai nom étant imprononçable et surtout impossible à mémoriser) faisait partie de la mystérieuse race des Defels, des êtres quasi invisibles et très peu connus dans la galaxie. Si peu connus, d’ailleurs, que lorsque l’étrange créature s’était pour la première fois présentée devant Jeg Luxan, ce dernier avait cru à une plaisanterie. Leur particularité était d’absorber la lumière, si bien qu’ils ressemblaient à des ombres.

À l’inverse de ses compatriotes, très discrets, Shadow était un excentrique exubérant, toujours habillé de couleurs criardes pour compenser son invisibilité partielle. Il n’était pas mauvais pilote, mais c’était avant tout, il fallait bien l’admettre, un véritable sac à conneries. Très souvent, lorsqu’ils passaient une permission dans une boîte de nuit, Shadow ôtait ses vêtements trop voyants, et partait se rincer l’œil sous les robes des femelles qui se trouvaient sur place, quelle que fût leur espèce.

Dès que quelque chose ne tournait pas rond à bord du Crystal, il fallait d’abord suivre ce que le colonel Luxan avait appelé “ la piste du Defel ”, avant d’imaginer le pire.

Pourquoi fallait-il toujours qu’il y eût un bout-en-train dans chaque escadron ? Hierrulf n’aurait su le dire, mais peu importait. Cette distraction était souvent la bienvenue lors des périodes de grand stress, et le Defel était par ailleurs un excellent compagnon d’armes.

Greeta se leva de sa table, et approcha de la leur.

— Vous direz à votre petit copain que si jamais on le chope, il passera un très mauvais quart d’heure.

Hierrulf se leva à son tour.

— T’as un problème, Greeta ? Si, comme toi, je m’étais fait descendre par un de mes propres coéquipiers, je crois que je la bouclerais !

Les Rodiens n’étant pas  vraiment une race très courageuse, Greeta se rassit et bougonna dans son coin.

Deux secondes plus tard, surgissant de nulle part, une boule de purée atteignit la Rodienne en pleine figure.

— Qui a fait ça ? hurla-t-elle.

La tension était à son maximum, lorsque Lannia, le Gotal, aperçut le Defel qui s’esquivait vers la sortie.

— Hé, les gars ! Il est là ! Chopons-le !

Tout le Nullards Squadron se leva d’un bond pour intercepter le plaisantin. Les Blue Bolt Squadron se jetèrent dans la mêlée afin de protéger leur audacieux camarade. Au moment où les deux groupes allaient de rencontrer, un avertisseur retentit, et les antagonistes durent se séparer pour laisser le passage au Garçon-Droïd, qui alla se placer au milieu de la pièce.

Les deux escadrons partagèrent le même étonnement.

— Qu’est-ce que... ? commença Hierrulf.

À cet instant, le droïd se mit à cracher de la purée dans toutes les directions à la fois.

— SHADOW ! hurlèrent-ils tous ensemble.

Nul ne fut épargné, et la bagarre reprit de plus belle.

Yurwick se jeta sur Pleep, le seul adversaire qu’il était sûr de ne pas tuer au combat à mains nues. Le Herglics faisait à peu près le même gabarit que le Wookie, et ces deux-là s’étaient déjà maintes fois affrontés, par le passé. Cela en était devenu un jeu, avec ses règles : jamais de coups susceptibles d’endommager un bras ou une jambe (pour des raisons pratiques évidentes !), ni de coups mortels. Après leur première « rencontre », Yurwick et Pleep avaient dû passer plusieurs jours dans une cuve à bacta. À leur réveil, leurs supérieurs leur avaient collé un blâme à chacun, pour avoir fait risquer à l’Alliance de perdre deux précieux éléments. Depuis, ils avaient établi les « règles ». D’autre part, après la greffe de ses implants bioniques, Yurwick avait appris à se calmer, car désormais, il risquait de tuer n’importe qui. Il ne fallait pas oublier que, malgré leurs désaccords, ils étaient tous du même bord !

Hierrulf, de son côté, empoigna le Garçon-Droïd et orienta le jet de purée sur Greeta, qui fut violemment projetée contre le mur derrière elle.

La purée fusait de tous les recoins du réfectoire, et jamais Shadow ne fut plus fier de lui (ni plus visible !) que ce jour-là : Yurwick et Pleep se jetaient des chaises à la figure, Hierrulf aspergeait tout le monde de purée, Darcy et une blonde de Bespin se crêpaient le chignon, Tubrah se faisait piétiner par un Verpine, tout cela sous le regard du Defel hilare.

Soudain, l’alarme générale fut donnée. Une voix lança dans le haut-parleur :

— Les  pilotes  du  Blue  Bolt  Squadron  et  du  Brave  Squadron  sont  convoqués immédiatement dans la salle des briefings. Je répète : les pilotes du Blue Bolt Squadron et du Brave Squadron sont convoqués immédiatement dans la salle des briefings.

— La fête est finie, on dirait, fit le Defel, dépité.

 

Jeg Luxan traversait la coursive qui menait à la salle des briefings en compagnie de Mon Mothma. Cette dernière était particulièrement impatiente à l’idée de se trouver en présence des nouveaux pilotes de la République. Ça la changerait de ces interminables réunions avec ces maudits bureaucrates qui avaient tendance à oublier que la situation de la Nouvelle République n’était pas si brillante que cela. En briefant ces escadrons, elle aurait l’impression d’être de nouveau sur le terrain, comme à l’époque d’avant Endor, et non assise derrière son fauteuil de Conseillère. Cela faisait trop longtemps qu’elle n’avait pas eu de contact direct avec ses troupes, avec ces hommes qui mouraient au service de la République, et dont la plupart n’étaient que des noms sur fichiers informatisés.

Certes, cela ne serait qu’un acte isolé, mais plus tard, Mon Mothma pourrait ne pas laisser dire qu’elle n’avait pas fait l’effort de donner ses ordres directement, ni de rencontrer les hommes qu’elle avait envoyés vers une mort possible.

Ils approchèrent de la salle des briefings.

— Vous verrez, Conseillère, fit Luxan, que ce sont des jeunes gens très compétents, bien que parfois indisciplinés.

— La discipline est certes une vertu indispensable à un militaire, répondit Mon Mothma, mais il ne faut pas pour autant être trop intransigeant. Après tout, ces gens risquent leur vie pour notre sécurité à tous. Ils peuvent se permettre de se relâcher de temps à autre.

— Je suis on ne peut plus d’accord avec vous, Mon Mothma, et c’est pourquoi je ferme les yeux sur beaucoup de leurs espiègleries. Il y en a un, en particulier...

— Ah oui ! Le Defel, c’est bien cela ?

Le colonel Luxan eut l’air étonné.

— Vous êtes au courant ? Comment...

— Je l’ai déjà rencontré lorsqu’il s’est engagé dans l’Alliance, peu de temps avant la bataille d’Endor. C’est moi qui l’avais convoqué dans mon bureau. Il avait été surpris en train d’espionner la princesse Leia, alors qu’elle se changeait pour partir en mission sur la lune forestière. J’aurais pris des mesures coercitives à son encontre s'il n’y avait eu cette euphorie générale après la victoire.

Ils arrivèrent à destination. Luxan activa la porte magnétique, et resta frappé de stupeur.

Il se tourna, livide, vers Mon Mothma.

— Heu... Ce dont nous venons de parler... à propos de la discipline. Vous étiez sincère ?

Mon Mothma fronça les sourcils.

— Ma foi, oui. Pourquoi me demandez-vous cela ? Qu’y a-t-il ?

— Voyez vous-même, fit-il, la mine déconfite.

Mon Mothma entra dans l’amphithéâtre.

Ils attendaient tous, chacun à sa place, au garde-à-vous, dans un silence respectueux, digne de la tradition militaire. L’illusion aurait été parfaite... s'ils n’avaient pas tous été couverts de purée de la tête aux pieds !

Soudain, les voix se mirent à toutes parler en même temps :

— Merde ! C’est...

— Mon Mothma !

— Qu’est-ce qu’elle fiche ici ?

— On est mal !

La Conseillère en Chef, les yeux écarquillés, se tourna vers le colonel Luxan, qui ne savait plus où se mettre.

— Par la galaxie ! Mais qui sont ces gens ?

L’autre se racla la gorge.

— Il s’agit des escadrons Blue Bolt et Brave, Conseillère. Ceux-là mêmes que vous vouliez voir.

— Et ils se sont cachés sous cette purée par timidité, peut-être ?

Le colonel s’adressa à Hierrulf.

— Qui est responsable de ce chantier, lieutenant ?

Hierrulf s’avança, penaud.

— Un peu tout le monde, mon colonel.

Plus haut dans les gradins, Pleep lança :

— Pas du tout, mon colonel. C’est encore un coup du Defel !

Mothma et Luxan se regardèrent, comme pour confirmer qu’ils pensaient bien la même chose.

— Où est donc ce monsieur… Shadow, c’est bien cela ?

— Oui, madame la Conseillère, fit une petite voix, je suis là.

Une montagne de purée d’un mètre soixante-dix portant une visière violette s’avança. Il était devant moi depuis le début ! s’étonna Mothma. Il faut dire que je m’étais plutôt attendue à ne pas le voir !

— Comme on se retrouve, lieutenant Shadow ? Êtes-vous la cause de tout ceci ?

— Nous prenions un peu de bon temps, madame la Conseillère. Je n’avais certes pas prévu que nous serions convoqués à l’improviste.

— Et si cela avait été une alerte ? Seriez-vous montés dans vos chasseurs couverts de purée ?

Il y eut quelques rires nerveux. Luxan répondit lui-même.

— Cela, ils me l’ont déjà fait !

Mon Mothma eut du mal à réprimer un sourire.

— Passons. Je ne suis pas venue en visite d’inspection, mais pour vous confier une mission au nom de la République. Comme vous le savez parfaitement, les bâtiments de guerre nous font cruellement défaut. Nous avons certes pu en récupérer quelques-uns après Endor, mais nous n’irons pas très loin avec si peu d’appareils. Notre seul avantage est que les forces impériales sont désorganisées, et presque aussi mal équipées que nous. Nous devons en profiter pour frapper, maintenant, et nous allons peut-être avoir les moyens de le faire.

— Excusez-moi de vous interrompre, fit Greeta, mais quel est le rapport avec nous ?

— J’allais y venir. Depuis quelque temps, la République cherche des vaisseaux opérationnels dans toute la galaxie. Bien que nous ayons libéré les chantiers navals de Sluis Van, ils hésitent encore à travailler pour nous, aussi nous efforçons-nous de racheter d’anciens navires à des particuliers. L’un d’entre eux prétend avoir une offre très intéressante à nous faire, mais un problème se pose : D'ordinaire, j’envoie mes meilleurs ambassadeurs rencontrer nos éventuels cocontractants,  mais  le  nom  de  la  planète  où  réside  celui  qui  nous  intéresse  m’en  a immédiatement dissuadée. Il me faut des combattants capables de s’infiltrer sans attirer l’attention, de piloter tous types d’appareils, et qui soient dotés des réflexes de survie nécessaires à cette mission périlleuse. Seuls des pilotes comme vous remplissent ces conditions.

— Et où il crèche, votre lascar ? demanda le Defel.

Mon Mothma lui jeta un regard désapprobateur, mais répondit tout de même à la question.

— Sur Coruscant.

La salle s’emplit de murmures à la mention du Centre Impérial. Darcy siffla.

— Ça promet !

Luxan s’avança et activa la carte holographique située au centre de l’amphithéâtre. Une représentation du système de Coruscant apparut au milieu de la pièce.

— Nous ignorons l’identité de X, notre cocontractant, mais il nous a demandé de le rencontrer sur Coruscant. Nulle part ailleurs ; il refuse de se déplacer. Voici comment vous allez procéder : les membres du Blue Bolt Squadron se rendront par leurs propres moyens sur la Capitale. Une partie d’entre eux devra conserver la monnaie de paiement sous bonne garde, pendant que les autres iront prendre contact avec l’assistant de X. Il s’agit d’un Rodien du nom de Grisson. Ce dernier les conduira à son employeur, et vous recevrez les coordonnées du vaisseau qu’il veut nous vendre. Lorsque la transaction sera effectuée, la deuxième équipe indiquera à X la localisation de la monnaie d’échange. X y enverra ses employés recevoir le paiement. La deuxième équipe devra confirmer par comlink à la première qu’elle peut les laisser faire. Ne payez que lorsque vous aurez les coordonnées, pas avant ! Vous n’aurez plus qu’à quitter Coruscant, et le tour sera joué.

— Mais, colonel, protesta Hierrulf, il s’agit là du Centre Impérial. On ne se rend pas là-bas si facilement !

— C’est pour cela qu’il vous faut écouter très attentivement ce qui suit. Luxan appuya sur un contact du holoprojecteur. Aussitôt, deux sphères concentriques se matérialisèrent autour de la planète Impériale.

— Coruscant dispose d’un système de boucliers planétaires très développé, commenta Luxan. Il s’agit de deux écrans superposés,  tournant chacun  dans un  sens opposé, et recouvrant totalement la planète. L’entrée dans l’atmosphère ne peut se faire qu’en passant par ces ouvertures hexagonales que vous voyez ici, un petit peu partout. Comme vous pouvez le constater, ces ouvertures sont plus larges sur le bouclier extérieur que sur l’intérieur. Ce qui veut dire que tout vaisseau qui franchit le premier écran se voit dans l’impossibilité de faire marche arrière, et doit atteindre la seconde ouverture avant d’intégrer l’atmosphère de la planète. Par conséquent, personne ne peut aller là-bas, ni en repartir, sans autorisation. C’est pour cette raison que la Flotte n’a encore rien tenté pour reprendre possession de Coruscant. Elle est quasiment imprenable, et si nous voulons un jour l’arracher aux mains des impériaux, il faudra que quelqu’un s’occupe d’abattre ces boucliers.

Il y eut quelques réactions dans l’amphithéâtre.

— Rassurez-vous, ce n’est pas ce que nous vous demandons aujourd’hui. D’ailleurs, je crois que, si bons qu’ils soient, même les membres du Rogue Squadron ne pourraient pas accomplir un tel exploit ! Il est donc hors de question que vous fassiez une opération commando.

— Nous  vous  avons  préparé  une  couverture :  vous  vous  ferez  passer  pour des négociants sur le point de conclure une affaire importante sur Coruscant. La monnaie de paiement contenue dans vos soutes et qui, en temps normaux, devrait susciter des questions de la part des impériaux, va en fait vous servir à donner le change. A vrai dire, vous serez d’autant plus crédibles que vous allez réellement sur Coruscant pour effectuer une transaction.

— Une minute, colonel, intrervint Pleep. Jusqu’à présent, vous n’avez parlé que du Blue Bolt Squadron. Et nous ?

— Vous vous rendez bien compte que de nombreuses choses risquent de mal tourner lorsqu’ils quitteront Coruscant. C’est pourquoi le Crystal restera dans l’espace, à deux minutes-lumière de Coruscant, avec à son bord le Brave Squadron prêt à les couvrir en cas de pépin. Même si vous risquez de vous trouver confrontés à une ou plusieurs stations Golan, vous aurez tout de même plus de chances de vous en sortir avec une couverture d’Ailes-B.

— Il va de soi que nous ne pourrons vous couvrir que lorsque vous aurez quitté l’atmosphère de la Capitale. Si vous avez des problèmes sur la planète, vous devrez vous débrouiller seuls.

Hierrulf leva la main.

— Comment savez-vous s'il ne s’agit pas d’un piège tendu par l’Empire ?

— On ne peut jamais être sûr de rien, répondit Mon Mothma. Seulement, il parait peu probable qu’il s’agisse d’un piège. Qui voudrait capturer de simples négociants ?

— Je n’ai pas encore prévenu X que c’est vous que j’enverrai. À vrai dire, jusqu’à hier, j’hésitais encore entre vous et le Rogue Squadron, mais il s’est avéré que ce dernier a été réquisitionné à la dernière minute pour escorter une mission diplomatique sur Thyferra. Sa présence là-bas est d’autant plus importante qu’il représente à lui seul l’esprit de la Nouvelle République, et que nous devons absolument avoir le principal producteur de bacta de la galaxie de notre côté.

— Autrement dit, la coupa Shadow, nous jouons les roues de secours. Charmant !

Mon Mothma haussa un sourcil.

— Ne croyez pas cela, monsieur Shadow. Le Conseil tient votre escadron en haute estime. Nous ne sommes pas sans savoir que deux d’entre vous ont participé à la destruction de l’Executor lors de la bataille d’Endor.

Yurwick poussa un rugissement en levant un poing victorieux.

— De toute façon, reprit la Conseillère en Chef, je n’aurais pas envoyé le Rogue Squadron. Actuellement, il s’agit plus d’un symbole que d’une unité efficace à cent pour cent. Certes, le commandant Antilles est satisfait de ses hommes, mais cela n’est pas suffisant. L’amiral Ackbar envisage de procéder à une refonte totale du Rogue Squadron d’ici un an.

Ce fut au tour de Darcy de lever la main.

— Et quelle sera la monnaie d’échange ?

— Vous n’avez pas à vous en préoccuper. Tout a été prévu. Vous avez trois semaines pour préparer votre expédition. Je vous souhaite bonne chance. Rompez !

La Conseillère en Chef du gouvernement provisoire les salua, et quitta la salle en compagnie de Luxan.

— Je pense que je vais sortir ce bon vieux Smashing Stars de son hangar poussiéreux, fit Hierrulf.

— Alors nous sommes déjà morts, répondit Darcy, résignée.
Chapitre Trois : Préparatifs
 

La porte du hangar spatial s’ouvrit en grinçant. Il faisait noir à l’intérieur. Hierrulf chercha à tâtons l’interrupteur digital, finit par le trouver, et l’activa. La pièce fut soudain vivement éclairée, révélant son contenu aux visiteurs.

— Par la galaxie, fit une Darcy horrifiée, c’est pire que ce dont je me souvenais !

— Arrête, veux-tu ? répondit Hierrulf. C’est un des vaisseaux les plus rapides de sa génération, et il m’a toujours ramené à la maison sain et sauf.

Au milieu du hangar, là où il l’avait laissé un an plus tôt, reposait le Smashing Stars, son vieux cargo YT-1300, entièrement couvert de poussière.

Des pensées nostalgiques submergèrent Hierrulf. Que d’aventures n’avaient-ils pas vécues avec cet appareil, lui, Bayee, Mix Tarix, Jiix Tabot, et RD-69 !

Le petit astromech devait penser la même  chose, car il  se mit à siffler un air mélancolique. Hierrulf sourit.  

— Oui, fit-il doucement, ça rappelle de vieux souvenirs, hein,    Womprat ?

Darcy, légèrement mal à l’aise, s’abstint de tout commentaire. Elle avait beau adorer les prises de bec avec ce prétendu Jedi, elle savait toutefois respecter le chagrin des autres. La guerre n’avait fait de cadeau à aucun d’entre eux : ils étaient tous logés à la même enseigne.

Les autres, derrière, s’impatientèrent.

— Bon, alors ? On le retape, ce rafiot ? demanda Tubrah.

— Ouais, enchaîna le Defel, on ne va pas y passer toute la journée ! C’était une façon de parler, car la révision du Smashing allait bien prendre deux jours au bas mot.

Les pilotes du Blue Bolt Squadron pénétrèrent dans le hangar. C’était un drôle de spectacle que de voir le Questeur Slugh laisser une longue trace visqueuse sur le sol poussiéreux, tandis qu’à ses côtés, le Defel déposait des empreintes de pas qui semblaient apparaître toutes seules !

— Il va falloir faire un sacré ménage, ici, remarqua Fran Dathori.

— Effectivement, fit soudain une voix familière. Lieutenant Hierrulf, je sais que vous louez cet endroit, mais il fait toujours partie du patrimoine de la République. Un hangar mal entretenu peut représenter une grave menace pour tout le reste d’un vaisseau. Cela devient vite un vrai bouillon de culture, avec tous ces micro-organismes que l’on trouve sur les coques des appareils. Vous voulez déclencher une épidémie à bord du Crystal ?

Hierrulf se tourna pour faire face à Jeg Luxan.

— Je tâcherai de faire attention, à l’avenir, mon colonel. Vous nous accompagnez dans cette mission ?

— J’aimerais bien, les enfants, mais non, je ne pars pas. On a besoin de moi pour former des bleus qui viennent de s’enrôler. N’oubliez pas qu’il nous manque quatre pilotes pour être de nouveau opérationnels.

— Alors, nous partirons à sept, dit Fran. Un chiffre porte-bonheur !

— Et puis, ajouta Xun, sarcastique, nous avons un puissant Jedi avec nous !

Hierrulf sentit le rouge lui monter aux joues alors que les autres se tire-bouchonnaient.

Il remarqua alors que Luxan s’était joint à eux, ce qui était inconcevable, venant d’un personnage aussi taciturne.

Je suis sûr que ce devait être un joyeux luron, étant plus jeune. Il a dû lui arriver quelque chose de terrible. Pas dur d’imaginer quoi. Plusieurs années de guerre suffisent pour vous foutre un homme en l’air.

— Vous allez utiliser cette épave pour la mission ? demanda Luxan en pointant l’appareil du doigt.

— Une fois nettoyé et révisé, il battra tous les records de vitesse, fit fièrement Hierrulf. Aviez-vous une raison particulière pour venir ici, mon colonel ?

— Ah oui ! J’oubliais : comme vous risquez de vous trouver confrontés à des problèmes de linguistique, surtout si vous devez vous rendre dans le quartier Invisec, j’ai persuadé l’administration d’affecter un droïd de protocole à votre escadron.

— Un droïd de protocole ? firent-ils tous en chœur, dépités.

Yurwick grogna.

— Je savais que vous seriez enchantés à cette idée. Si vous devez vous faire passer pour des commerçants, il ne pourra que parfaire votre couverture. Il est d’ailleurs très enthousiaste à cette perspective.

Les autres marmonnèrent dans leur barbe.

— Très bien, je suis dans mon bureau si vous avez besoin de quoi que ce soit. Au boulot !

Il quitta la pièce. Lorsque la porte coulissante se fut refermée derrière lui, Darcy se tourna vers Fran.

— Allez, viens. On va se taper une bonne suée.

L’autre lui sourit, les yeux pétillants de malice.

— C’est si gentiment proposé...

 

La  jeune  enseigne  courut  le  long  de  la  passerelle  du  Hoth  Victory,  avant  de s’immobiliser devant le Commandant Vaal Patler.

— Commandant, nous venons de recevoir une transmission de notre espion à bord du Crystal. Vous vouliez être informé dès qu’il y aurait du nouveau et...

— Quelle est la teneur du message ? la coupa sèchement Patler.

Que ces jeunes recrues enthousiastes pouvaient l’exaspérer !

— Il vous dit, fit l’enseigne sans se démonter, que la Rébellion a mis sur pied une opération de récupération d’astronef, et que, dans le cadre de cette mission, le Blue Bolt Squadron va être amené se rendre sur Coruscant. Il nous recontactera lorsqu’il aura plus de détails.

— C’est tout ? s’étonna Patler.

— Oui, Commandant. Notre informateur a dû prématurément mettre fin à la transmission.

La jeune femme sembla hésiter un instant, puis parut avoir réuni assez de courage pour demander :

— Permission de parler librement, Commandant ?

Tiens donc ! pensa Patler, surpris. Elle ne manque pas de culot, celle-là ! Il était sur le point de la réprimander, mais la curiosité l’emporta.

— Accordé, enseigne.

— Je voulais savoir si le haut commandement avait recueilli plus d’informations sur ce qu’il est advenu du capitaine Dimma. Cela fait des mois que l’on n’en a plus entendu parler et...

— Cela ne vous concerne pas, enseigne, fit sèchement le Commandant Patler. Le capitaine Dimma a disparu en mission, fin de l’affaire. Vous serviez sous ses ordres, peut-être même l’appréciiez-vous, mais désormais, c’est moi qui commande ce bâtiment, et votre seule préoccupation est de suivre mes ordres. Entendu ?

— Oui, monsieur ! fit-elle en se mettant au garde-à-vous.

— Très bien. Vous pouvez disposer, enseigne.

L’enseigne claqua des talons, effectua un demi-tour parfait, et rejoignit son poste. Oui, pensa Patler en la regardant s’éloigner, vraiment trop enthousiaste. Il va falloir que l’on se charge de la faire déchanter un peu.

 

Le réfectoire était désert, et c’était tant mieux, car Darcy, bien qu’elle l’eût nié sous la torture, était assez coquette. Elle n’aurait pas aimé que d’autres que Fran, qui était dans le même état, la voient couverte de cambouis de la tête aux pieds, les cheveux crasseux et les mains grises de poussière.

Mais enfin, c’est fini ! Cette coque de noix est enfin en état de voler ! La « remise en forme » du Smashing Stars avait finalement pris trois jours au lieu de deux, et ils étaient tous exténués. D’ailleurs, tous les autres étaient partis prendre plusieurs douches d’affilée, puis s’étaient jetés dans leurs lits. Shadow, qui s’était transformé en monticule de poussière, avait même prétendu qu’il lui faudrait passer plusieurs heures dans une cuve à bacta !

Fran avait proposé à Darcy d’aller se rassasier un peu avant de recharger les accus. Cela n’était pas une si mauvaise idée. La(les) douche(s), ce serait pour plus tard.

Elles s’assirent près d’une baie vitrée, derrière laquelle s’étendait l’immense vide interstellaire. Le Garçon-Droïd passa prendre leur commande, puis repartit aussi sec.

— Où est Yurwick ? demanda Fran.

— Certainement encore en train de se laver. Tu ne peux pas savoir comme la saleté s’accroche dans les moindres recoins du pelage d’un Wookie !

L’autre rit de bon cœur.

— Ça fait longtemps que vous traînez ensemble ?

— Ça va faire six ans. Tu sais, avant, quand je devais me battre contre trois ou quatre malabars, j’avais l’air bête. Maintenant, j’ai Yurwick, et je suis loin de m’en plaindre. Quand la guerre sera définitivement terminée, je pense que j’irai m’installer avec lui sur Kashyyyk, et que je vivrai une vie pépère, au milieu des arbres. Mes seules préoccupations seront de savoir à quelle sauce je mangerai mes racines le soir, si mes enfants ne souffrent pas trop du vertige, ou encore savoir quand on réparera la liane qui soutient l’ascenseur de mon arbre-maison ! Je n’aurai plus à m’inquiéter du sort de mes amis, car ils seront en sécurité, où qu’ils soient dans la galaxie.

Fran se rembrunit. Elle se tourna vers la baie et observa les étoiles quelques instants. Puis elle relança la conversation.

— Tu comptes avoir des enfants ?

— Tu sais, je disais ça comme ça. Je ne suis même pas encore mariée. À vrai dire, je n’ai même pas pu avoir d’aventure, ces dernières années. Même si j’avais eu le temps, Yurwick s’y serait opposé. Il est tellement protecteur ! Il estime qu’il a une dette de vie envers moi, et il ne me laissera jamais tomber. Que ça me plaise ou non ! ajouta-t-elle avec un sourire. Mais parle-moi un peu de toi ! Qu’as-tu fait de ta vie, jusqu’à présent ?

— Oh, pas grand-chose. J’ai commencé ma vie sur Tatooine, ce qui en soi, n’est pas très excitant. J’y ai fréquenté de jeunes gens qui, comme moi, rêvaient d’espace et attendaient que l’Académie Impériale prenne en compte leurs demandes d’inscription. Nombre d’entre eux sont morts, par la suite, comme Biggs. D’autres s’en sont mieux sortis, comme cette nouille de Luke !

Darcy sursauta en entendant Fran parler ainsi du commandant Skywalker.

— Ainsi, dit-elle sans laisser paraître son malaise, tu as connu Luke Skywalker et Biggs Darklighter ! Assez, même, pour traiter de nouille un héros de la Rébellion !

— Je plaisantais, fit Fran avec un large sourire. Tu sais, à l’époque, nous appelions tous Luke “ morveux ”! Nous étions plus vieux que lui, et il était si naïf ! J’imagine que pour lui, les choses ont nettement évolué, par la suite. Toujours est-il qu’un jour, mon tour est venu de quitter ce rocher. Je me suis engagée dans la Marine Impériale, où j’ai servi à un obscur poste d’officier des communications. C’est là que je me suis rendue compte de la vraie nature de l’Empire. L’incident d’Alderaan m’a tellement dégoûtée que j’ai déserté peu de temps après Yavin.

Fran ramena une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille.

— Par la suite, j’ai vécu plusieurs années sur Bespin, où j’ai travaillé pour Lando Calrissian à la Garde Aérienne de Cloud City. Cela a duré jusqu’à il y a un an et demi, lorsque l’Empire a pris le contrôle de la cité. Sachant ce qu’ils faisaient aux déserteurs, je me suis empressée de quitter les lieux sans demander mon reste !

— Et après ?

— Après ? J’ai été embauchée par un groupe de contrebandiers que j’avais rencontrés à Mos Eisley, quelques années avant, et avec lesquels j’avais gardé contact. Il y a seulement quelques mois, nous avons été arrêtés par la Nouvelle République, qui nous a proposé de travailler pour elle, à titre de convoyeurs. J’en ai profité pour quitter la bande et pour venir m’amuser avec vous !

— Et pour te salir tout ton saoul ! Je suis sûre que si ta mère te voyait, elle en ferait une maladie !

Cette fois-ci, elles éclatèrent vraiment de rire.

— C’est vrai, regarde-nous ! fit Fran, en prenant ses mains dans les siennes. Tu as vu l’état de tes pauvres mains ?

Elle commença à les lui masser doucement, de plus en plus doucement. Bientôt, ce ne fut plus qu’une chaude caresse.

Darcy se laissa faire, jusqu’à ce qu’un éclair de lucidité la fasse se ressaisir.

— Je... je ne crois pas que ce soit une bonne idée, fit-elle, rouge de confusion.

L’autre garda ses doigts mêlés aux siens pendant quelques instants, puis, subitement, se pencha vers elle et l’embrassa.

Darcy sursauta, mais ne se dégagea pas immédiatement. Ce fut Fran qui se leva brusquement.

— Pardonne-moi, fit-elle, avant de quitter la salle en sanglots.

 

Darcy s’allongea sur la couche de Yurwick et se blottit contre lui. Qu’il sentait bon ! Il avait  dû  passer  au  moins  une  heure  sous  la  douche.  Heureusement  que  ses  implants cybernétiques étaient en acier inoxydable !

— Yurwick, tu dors ?

Le Wookie grogna sur un ton qui signifiait : Je dormais !

— Excuse-moi, fit Darcy, mais il faut que je te raconte quelque chose. Elle lui reporta l’incident de la cafétéria. Curieusement, Yurwick ne réagit pas. La situation semblait le dépasser. Il n’avait certes jamais envisagé ce cas de figure !

— Je ne sais pas comment je vais pouvoir la revoir, après ça, continua la jeune femme. Je ne sais pas comment réagir à ce genre de situation. Le pire, c’est que je crois bien qu’elle m’attire !

Yurwick se redressa, et la regarda longuement, avant de rire doucement.

— Je suis ravie que tu trouves cela excitant, boule de peluche ! Je ne sais même pas ce qui me dérange le plus ! Le fait que ce soit une femme, ou le fait que nous soyons dans le même escadron, que nous travaillons côte à côte, et que cela risque d’avoir une incidence sur notre efficacité au combat. Est-ce que ça aurait été pareil si ça avait été Xun ? Ou Hierrulf ? Non ! Je retire ce que je viens de dire ! Celui-là se serait pris ma main dans la gueule !

Le Wookie haussa les épaules, l’air de dire : Que veux-tu que j’y fasse ?

— Je n’en sais rien, Nounours, mais pour l’instant, je vais essayer de me consacrer à cette mission. Si ça se trouve, on n’en reviendra même pas. Dans ce cas, je n’aurai plus de soucis à me faire.

Elle lui ébouriffa les cheveux.

— Dormons un peu. Nous allons avoir besoin de toute notre énergie, d’ici peu de temps.

 

Hierrulf fut réveillé par le buzzer de la porte de sa chambre. Il se frotta les yeux, avant de demander d’une voix pâteuse :

— Hum... Qui c’est ? Qu’est-ce qui s’passe ?

Une voix aux sonorités métalliques lui parvint de derrière la porte.

— Je suis C-4PO, lieutenant Hierrulf. Vous êtes en retard. On m’a demandé de venir voir ce qui vous retenait.

— Ce qui me retenait ? ! Je dormais, voilà ce qui me retenait ! Il n’est que 0600 ! répondit un Hierrulf en colère, tout à fait réveillé à présent.

Puis la lumière se fit dans son esprit. Bon sang ! La mission ! C’est ce matin qu’on part pour Coruscant ! J’avais complètement oublié !

Le Blue Bolt Squadron avait pour coutume de faire une java du tonnerre avant chaque mission périlleuse, car, pour certains d’entre eux, ce risquait bien d’être la dernière. Pas de problème de gueule de bois, le lendemain. Il leur suffisait de prendre une des décoctions de Shadow, lequel avait l’habitude des folles nuits, et ils étaient prêts à se battre comme s’ils avaient passé une bonne nuit de sommeil. Certes, cela gâchait un peu le plaisir (Hierrulf adorait les lendemains qui déchantent), mais c’était parfois bien utile.

Hierrulf vida le flacon de Shadow d’une seule traite. Le liquide était infect, mais il se sentit mieux immédiatement.

Il ouvrit à C-4PO, qui attendait toujours de l’autre côté de la porte. Le droïd de protocole argenté pénétra dans la chambre en agitant les bras.

— Comment se fait-il que vous soyez encore au lit ? demanda-t-il.

— J’ai oublié de mettre mon réveil en marche en me couchant. Il faut dire que j’étais complètement murg... Hé ! Tu peux te retourner pendant que je me change ?

— Oh ! Excusez-moi, lieutenant, dit le droïd avant de lui tourner le dos.

Hierrulf enfila son pantalon à toute vitesse, prit une chemise propre dans son placard, plongea dans ses bottes, et passa une veste. En une minute, il était prêt.

— Les autres m’attendent depuis longtemps ?

— Les autres ? fit le droïd, étonné. Ils ne se sont pas non plus présentés au rapport. Vous n’êtes que le premier que je devais chercher. J’imagine que la cause de leur retard est la même que celle du vôtre.

Eh bien, ça promet ! pensa Hierrulf. Quelle fière bande nous faisons ! Dire que la République confie son destin à des gens comme nous !

Les soupçons de C-4PO se révélèrent fondés. Aucun des membres du Blue Bolt Squadron ne s’était levé à l’heure. Dengar Xun avait même passé la nuit à l’infirmerie, où on lui avait fait subir un lavage d’estomac.

Lorsqu’ils furent tous réunis dans le hangar du Smashing, Luxan s’adressa à eux.

— Les enfants, j’espère que vous ne me referez plus un coup comme celui-là ! Une mission, ça se prend au sérieux.

Il regarda chacun d’entre eux au fond des yeux, avant de reprendre :

— Je suis surtout très déçu que vous ne m’ayez pas invité ! La prochaine fois, je veux être de la fête, entendu ?

Ils étaient tous ébahis. Jamais Luxan ne leur avait parlé comme cela, auparavant. Il a fait sauter le verrou, pensa Hierrulf. J’imagine qu’il a fini par prendre conscience du fait qu’il faut apprendre à profiter des moments qui nous sont accordés avec ceux que l’on aime. Autrement, notre lutte n’aurait plus aucun sens. Nous ne serions plus que des machines de guerre, comme les hommes de l’Empire.

— Nous serons heureux de fêter le succès de la mission avec vous, répondit le Defel. J’ai prévu une bonne réserve de bière Corellienne pour notre retour.

Luxan lui sourit.

— Allez, les hommes. Torchez-moi ce boulot, et ramenez vos fesses le plus vite possible !

Il y eut une ovation pour le colonel, qui quitta le hangar sans se retourner.

Il fallut d’abord charger la cargaison dans les soutes du Smashing Stars, et ce ne fut pas chose facile. En effet, il y avait bien une bonne vingtaine de lourdes caisses hermétiques à transporter à l’intérieur du cargo. Heureusement que Yurwick était là pour leur prêter main-forte.

Hierrulf essaya à un moment donné de soulever une caisse par ses seuls pouvoirs télépathiques, mais sa tentative se solda par un échec. Le jeune homme ne reçut pas les compliments du Questeur Slugh, sur la queue duquel la caisse était retombée.

— Mais qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? demanda Xun. Ça pèse une     tonne !

— J’en sais rien, répondit le Defel. Faudra que les autres le demandent  à X.

— En tous cas, fit Fran, ça ne peut pas être des datacrédits, c’est trop lourd. Darcy, qu’est-ce que tu en penses ?

L’intéressée ne répondit pas. D’ailleurs, elle ne lui avait pas adressé la parole de toute la soirée de la veille. Vexée, Fran se remit à la tâche.

Une demi-heure plus tard, les soutes du Smashing étaient pleines et verrouillées.

— Eh bien, les amis, je pense qu’il est temps de mettre les voiles, fit Hierrulf. Tous à bord !

Les  Blue  Bolt  Squadron  montèrent  dans  le  cargo.  Hierrulf  demanda  à  Tubrah d’occuper le siège du copilote.

— Fais chauffer les moteurs, mais ne les brusque pas. Le Smashing est très susceptible.

Il désigna les « mains » du Questeur Slugh.

— Et puis, ça m’arrangerait si tu pouvais mettre des gants. Tu colles de la bave partout sur les commandes !

À l’arrière, Darcy, Yurwick, Fran, Xun, le Defel et les droïds s’installèrent dans les sièges spécialement aménagés pour la mission. Le Smashing n’avait certes pas l’habitude de transporter autant de passagers à la fois !

Fran et Darcy échangèrent un regard gêné, et ne s’adressèrent pas la parole. Cela n’échappa pas au Wookie, qui rit doucement dans sa barbe, avant que la jeune Corellienne ne lui file un méchant coup de coude dans les côtes.

Fran baissa les yeux.

— Allez, faites pas la gueule, fit Xun, sans grande conviction. On va bien se marrer.

Shadow enchaîna.

— Oui, et s'il y en a qui ne reviennent pas, on boira à leur santé !

— La ferme ! firent les autres à l’unisson.

Les spatioportes s’ouvrirent lentement sur le vide de l’espace, et le Smashing décolla.

— Paré à passer en vitesse lumière, Tubrah ? demanda Hierrulf.

— Tout est paré, chef !

— Vitesse lumière !

Autours du cockpit, les étoiles s’allongèrent démesurément, et le Smashing partit dans l’hyperespace.

— Coruscant, nous voilà ! 

Chapitre Quatre : Évasion
 

Il n’était pas facile de distinguer grand-chose dans les bas-fonds de la Capitale, même tous phares allumés. À leur passage, quantités de petits animaux qui n’avaient pas vu la lumière depuis  des  générations  fuyaient  de  toutes  parts.  À  un  moment,  ils  eurent  le  temps d’entrapercevoir ce qui ressemblait à un rat womp démesuré. L’animal mutant était d’un blanc livide, et ne semblait pas avoir de globes oculaires. Voilà quel était le prix à payer pour survivre dans un monde de ténèbres perpétuelles.

L’aérocraft s’arrêta devant une gigantesque porte blindée, couverte de moisissure.

— Nous voici à destination, les gars, fit Grisson. J’espère que le voyage a été agréable.

Il n’y eut aucun commentaire.

Le Rodien activa un contact sur sa console et, quelques secondes plus tard, la porte se leva péniblement, avec un grincement qui leur déchira les tympans. Les beuglements de Yurwick ne firent rien pour arranger les choses.

Une douce lumière orangée leur parvint de l’intérieur, ce qui en réjouit plus d’un.

— Enfin des traces de vie civilisée ! fit C-4PO.

Grisson conduisit le véhicule à l’intérieur du tunnel d’accès, lequel devait bien faire un kilomètre de long et cent mètres de diamètre.

Hierrulf, impressionné, interrogea le Rodien.

— Dites-moi, il y a beaucoup d’autres planques comme celle-là dans le coin ?

— Mon patron est quelqu’un d’important. Il a les moyens de se faire construire un endroit comme celui-ci chaque jour, s'il le veut. Pour répondre à votre question, oui, il y en a d’autres, mais moins importantes, bien sûr. Ici, vous êtes dans notre base principale. Préparez-vous, vous n’avez pas tout vu.

Quelques minutes plus tard, le tunnel déboucha à l’intérieur d’un immense dôme de métal qui surplombait ce qui semblait bien être une véritable agglomération, au centre de laquelle siégeait un large bâtiment. A mesure qu’ils s’en approchaient, la douce lumière bleutée émanant du ciel artificiel leur révéla les détails de l’édifice. C’était un palais, monolithique, lourdement décoré, une véritable incarnation du mauvais goût.

Darcy se pencha vers Grisson.

— C’est là-dedans qu’il nous attend ? Grisson se tourna vers elle.

— Effectivement. Alors, impressionnés ?

— Plutôt, répondit Hierrulf. Mais pourquoi cette lumière bleue ?

— X trouve que cela fait joli. Il dit que c’est apaisant.

— Ce X m’a l’air d’être un homme de goût, ironisa Hierrulf.

— Moi, j’aime bien, fit Darcy, toujours prête à le contredire.

Hierrulf ne releva pas, et se détourna pour observer le village. Outre les nombreuses tourelles  à  canons  installées  à  sa  périphérie,  celui-ci  était  composé  d’innombrables maisonnettes préfabriquées en tôle métallique, le palais étant la seule construction digne de ce nom. Chaque lotissement possédait une petite aire d’atterrissage sur laquelle reposait le véhicule de son habitant. Cela allait du vieux Naboo Fighter N-1 à la navette de classe Lambda rafistolée avec des éléments de speeder.

Il faut des tripes pour voler avec des engins pareils ! Jamais il ne me viendrait à l’idée de confier ma vie à une telle casserole ! Hierrulf semblait oublier que bon nombre de pilotes pensaient la même chose de lui et de son Smashing Stars !

Au-dessus d’eux, une Aile-Y évoluait avec grâce dans le ciel artificiel. Terrifiés, ils virent l’engin fondre soudain sur eux à une vitesse vertigineuse, pour mieux repartir en chandelle une seconde avant que la collision fût inévitable.

Le Rodien, furieux, activa son comlink.

— Tu as fini tes imbécillités, P’terak ? Tu as fichu une peur bleue à mes passagers !

— Désolé, Grisson, répondit la voix du pilote, mais je viens juste de finir de réviser mon appareil, et il fallait absolument que je te montre ce qu’on pouvait encore faire avec ces vieux coucous !

Grisson se tourna vers les Rebelles.

— Je l’avais mis au défi de faire voler cette épave. Il semblerait qu’il ait encore réussi à m’impressionner !

— Quand tu auras fini de faire le taxi, continua la voix dans le comlink, il faudra que tu me files un coup de main avec les suspenseurs de ce speeder dont je t’ai parlé.

— Pas de problème, fit le Rodien. Je livre le paquet, et je te rejoins. Terminé.

Puis, à Hierrulf :

— Désolé pour le « paquet ».

Hierrulf balaya l’air d’un geste évasif.

Lorsqu’ils furent arrivés devant le palais, Grisson coupa les moteurs et leur fit signe de descendre de l’appareil.

Aussitôt, deux gardes Gamorréens vinrent les accueillir. Ils échangèrent quelques mots avec le Rodien, puis les invitèrent à entrer.

Une fois à l’intérieur du palais, ils traversèrent un hall immense, aux murs chargés de sculptures diverses, toutes plus hideuses les unes que les autres, avant de s’arrêter devant une massive porte de bois.

Grisson leva la main.

— Nous voilà à destination. Le boss nous attend dans sa salle d’audience. Prêts ?

Les autres lui firent signe que oui.

Le Rodien appliqua la paume de sa main sur la digi-poignée, et la lourde porte s’ouvrit, sans un bruit.

Ils poussèrent tous un cri de stupéfaction lorsqu’ils virent qui les attendait.

 

Greeta jeta un coup d’œil au chronomètre du tableau de bord de son Aile-B, et poussa un soupir exaspéré. Deux heures ! Cela fait deux     heures que nous sommes là, à attendre le bon vouloir de cette bande de frimeurs !

La Rodienne n’avait jamais aimé servir de couverture pendant que les autres se battaient. Même si elle avait conscience du fait qu’une bonne couverture pouvait changer le cours d’une bataille, elle n’en éprouvait pas moins un cruel sentiment de frustration. Tu parles d’une mission ! Attendre une éternité au beau milieu de l’espace, pour ensuite se retrouver subitement au cœur d’une bataille et devoir affronter le système de défense planétaire le plus mortel de la galaxie ! Des heures d’attente pour se faire descendre en quelques secondes !

Greeta n’avait jamais affronté une vraie station Golan, mais ses résultats médiocres lors des simulations précédant la mission laissaient croire qu’elle ne tiendrait pas longtemps face à un seul de ces monstres d’acier hérissés de canons laser.

Elle jeta un regard meurtrier en direction de la silhouette massive du croiseur Mon Calamari qui flottait à quelques centaines de mètres à côté d’elle et du reste de l’escadron. Ils devaient bien se la couler douce, à bord du Crystal !

Elle ouvrit son comlink pour contacter Lannia.

— Brave Leader à Brave Trois. Tu me reçois ?

— Ici Brave Trois, répondit le Gotal. Je te reçois cinq sur cinq, Brave Leader. Un problème ?

— Pas le moindre, fit la Rodienne, et c’est bien ce qui me porte sur les nerfs. Nous n’avons rien à faire ici. Je suis sûre que les Blue Bolt ne feront même pas appel à nous, fiers comme ils sont !

— C’est fort possible, dit Lannia, mais tout peut arriver. Même les très bons finissent par se ramasser. Qui sait ? C’est peut-être notre jour de chance !

— Vu sous cet angle... À propos, je t’appelais pour te demander : combien tu paries que la Calamarienne est en train de s’envoyer une bonne tasse de thé, bien au chaud, pendant que nous restons suspendus là dehors comme des Mynocks impuissants ?

Le Gotal éclata de rire.

 

Sur la passerelle du Crystal, confortablement installée dans son fauteuil, l’amiral Cynderill dégustait une tasse de thé Dévaronien. La Mon Calamari considéra le breuvage quelques instants, avant d’en ravaler une gorgée. Tant que l’on respecterait la tradition du thé, même en temps de guerre, tout espoir ne serait pas perdu pour la civilisation !

Elle fit pivoter son fauteuil amovible pour faire face à la baie vitrée. Oubliant la foule d’officiers  qui  s’affairaient  autour  d’elle,  Cynderill  s’abandonna  au  spectacle  offert  par l’immensité de l’espace.

Profite bien de cet instant de répit, ma grande, pensa-t-elle. Cela risque de ne pas durer.

Cela faisait plus de vingt-quatre heures que le Crystal flottait dans cette région déserte de la galaxie, prêt à bondir sur Coruscant dès que le signal serait donné par le Smashing Stars.

Cette attente interminable ne pesait pourtant pas à l’amiral Cynderill. Tout en restant sur le qui-vive (le Brave Squadron avait été largué deux heures plus tôt), elle avait profité de cette immobilisation forcée pour faire le point sur sa vie et sur sa carrière dans la Rébellion. Et il lui fallait bien admettre qu’en dépit de toutes les épreuves qu’elle avait traversées, le bilan était plutôt satisfaisant : elle commandait à présent un des plus puissants croiseurs Mon Calamari de la Nouvelle République, à bord duquel elle avait contribué à la victoire d’Endor. Arriver à ce poste si élevé était pour elle, et aux yeux de beaucoup de ses compatriotes Mon Calamari, la plus belle revanche qu’elle eût pu souhaiter prendre sur l’Empire, qui l’avait naguère réduite en esclavage. Elle était, au même titre que l’amiral Ackbar, un symbole de réussite et d’espoir pour son peuple.

— À la tienne, Ackbar, murmura-t-elle tout bas, en levant sa tasse à son propre reflet dans la baie vitrée.

Elle but une autre gorgée du liquide brûlant.

Oui, cela aurait vraiment pu tourner plus mal. Que serait-il arrivé si...

Cynderill fut brutalement tirée de sa rêverie par une alarme stridente. — Vaisseaux ennemis en approche ! cria un officier de l’autre bout de la passerelle.

Cynderill se redressa sur son siège.

— Impossible ! s’écria-t-elle. Comment peuvent-ils savoir... ?

Sur l’écran principal, un Star Destroyer de classe Victoire et un croiseur Interdictor surgirent de l’hyperespace et immédiatement, lâchèrent chacun une multitude de Chasseurs TIE.

— Tous postes en alerte ! aboya Cynderill dans le micro fixé sur sa bouche. Relevez les boucliers déflecteurs !

Trop tard. Une violente secousse ébranla le navire, tandis que des incendies se déclaraient un peu partout à bord.

La tasse de Cynderill tomba sur le sol. Au milieu des sirènes d’alarmes et des explosions, personne ne l’entendit se briser.

 

Jeg Luxan sortit du simulateur de vol en jurant comme un charretier.

— Quand je remettrai la main sur ce Defel de malheur... !

Luxan avait une double raison d’être hors de lui. Tout d’abord, ces nouvelles recrues, à l’exception d’un ou deux individus, étaient loin d’avoir le niveau requis pour piloter une Aile-A. Même le Brave Squadron s’en sortait mieux ! Cela aurait encore pu passer, mais l’un de ces bleus l’avait tout de même descendu, alors qu’ils étaient censés être dans la même équipe ! Et pour combler le tout, voilà qu’au moment où son appareil était détruit, il se prenait une décharge électrique, cadeau à retardement de ce cher Shadow !

Il s’adressa à la demi-douzaine de bleus qui s’extrayaient de leurs simulateurs.

— Mes  enfants,  il  va  y  avoir  du  boulot,  je vous le garantis. Je m’adresse plus particulièrement à celui qui m'a fait cadeau de ce missile à concussion.

L’intéressée, une petite brune, rougit jusqu’aux oreilles. Luxan poursuivit.

— Néanmoins, j’en ai remarqué quelques-uns uns qui ont un potentiel. Avec du travail, vous ferez des pilotes tout à fait potables.

Il regardait en particulier un jeune homme blond au visage d’adolescent (Quel était son nom, déjà ? Ah oui ! Anton Starwatcher. Encore un natif de Tatooine !) et une belle rouquine à la peau légèrement bleutée, du nom de Moira Fedz.

— Vous avez de grandes chances de former le noyau dur du nouveau Blue Bolt Squadron. Ses membres actuels sont en mission, et il se pourrait que nombre d’entre eux n’en reviennent pas. Si une telle catastrophe venait à survenir (ce que je suis loin de souhaiter, croyez-moi), il leur faudra de dignes successeurs. C’est pourquoi je...

C’est à cet instant que retentit la sirène d’alarme. La première secousse arriva tout de suite après. Luxan s’agrippa à son simulateur pour éviter d’être renversé. Il activa son comlink.

— Que se passe-t-il, par la galaxie ? hurla-t-il par-dessus le vacarme.

— Nous sommes attaqués, répondit la voix anxieuse de Cynderill. Un Star Destroyer et un Interdictor. On signale aussi de nombreux chasseurs TIE. Le Brave Squadron est déjà sur place, mais j’ai bien peur que cela ne suffise pas.

Luxan jeta un regard à l’extérieur par un hublot. Les Ailes-B du Brave Squadron engageaient déjà les TIE, mais ces derniers étaient en nombre largement supérieur.

Ils vont se faire tailler en pièces ! pensa-t-il. Impuissant, il vit une Aile-B prendre feu et partir en vrille s’écraser sur les boucliers du Star Destroyer. Je dois faire quelque chose !

Il hurla pour se faire entendre des recrues, qui tenaient debout du mieux qu’ils pouvaient.

— Écoutez, les enfants, il va falloir que vous alliez au combat plus tôt que prévu. Suivez-moi jusqu’à la baie de lancement vingt-sept !

 

Luxan referma le cockpit de son appareil. Il vérifia que tous les systèmes étaient opérationnels, et initia la procédure de décollage.

— Ici Bleu Leader. Êtes-vous prêts, Blue Bolt Squadron ?

— Prêts ! firent les nombreuses voix dans le haut-parleur.

— Ouverture des spatioportes, fit Luxan à l’attention de l’officier de pont.

Les portes du hangar s’ouvrirent sur le vide de l’espace. En un instant, toutes les Ailes-A fusèrent hors du Crystal pour se jeter dans la bataille.

À travers la vitre de son cockpit, Luxan put voir une dizaine de TIE foncer droit sur lui, puis rompre la formation afin de l’éviter. Luxan en choisit un au hasard et entama les manœuvres de poursuite standard.

Les décharges énergétiques zébraient l’espace tout autour de lui, mais il fit de son mieux pour les ignorer. Seul comptait pour lui le chasseur TIE qu’il arrosait de tirs de laser. Les ailes du chasseur ennemi s’embrasèrent bientôt, et l’appareil alla s’écraser contre un autre TIE, qui ne put l’éviter à temps. Luxan admira l’explosion qui suivit avec un grand sourire. Et de deux !

— Ici Bleu Leader, dit-il dans son comlink. Choisissez en chacun un, et ne le lâchez pas avant de l’avoir descendu. C’est tout ce que nous pouvons faire face à un nombre pareil.

Ses hommes le gratifièrent d’un « Reçu, Bleu Leader ! ».

— Ici Bleu Trois. J’en ai un aux fesses ! J’arrive pas à m’en débarrasser...Non ! J’ai été touch... !

La voix s’éteignit subitement. Luxan vit la boule de feu qui avait été Bleu Trois le dépasser, avant de disparaître dans l’infini de l’espace. Il ferma les yeux un court instant. Le jeu de massacre a commencé !

Jeg  Luxan  rouvrit  les  yeux  et  regarda  tout  autour  de  lui. Le ciel était rempli d’explosions, de traits d’énergie, et de débris d’appareils détruits. Il ne restait déjà plus que six Ailes-B, et le nombre de TIE semblait avoir augmenté plutôt qu’autre chose.

Ses senseurs lui révélèrent la présence d’un chasseur ennemi dans ses six heures. Luxan décrocha à bâbord. L’autre le suivit sans difficulté. Luxan exécuta un looping très serré pour se placer derrière lui, mais le TIE avait anticipé son mouvement, ce qui les ramena tous deux au point de départ. L’autre ne cessait de le harceler de ses tirs de laser. Fort heureusement, aucun d’entre eux n’avait encore atteint son but, mais cela n’aurait su tarder.

— Ici Bleu Leader, fit Luxan. Un coup de main ne serait pas de refus !

— Ici Bleu Deux. (Il s’agissait de Fedz.) J’arrive, Bleu Leader !

La jeune femme fit fondre son Aile-A sur le TIE qui poursuivait l’appareil de Jeg Luxan. Elle attendit qu’il se plaçât au centre de son collimateur, le verrouilla, et lui envoya un de ses missiles à concussion. Le mortel projectile atteignit sa cible, et le TIE et son pilote ne furent rapidement plus que de l’histoire ancienne.

— Merci, Bleu Deux, fit Luxan. Je vous en dois un.

— À votre service, Bleu Leader, répondit Moira.

 

Sur la passerelle, les sirènes ululaient sans cesse. Cynderill devait hurler pour se faire entendre, et elle voyait arriver le moment où elle n’aurait plus de voix.

— Toujours pas moyen de lever les boucliers ?

— Négatif, répondit un officier. Ils ont eu notre générateur dès le premier tir. Ils savaient exactement où nous atteindre !

Soudain, une secousse anormalement plus violente que les précédentes se répercuta dans tout le croiseur, accompagnée d’un sinistre déchirement.

— Le Crystal s’est fendu en deux ! hurla une enseigne prise de panique. Nous n’allons pas nous en sortir, cette fois-ci, commenta mentalement la Mon Calamari.

Un instant plus tard, comme pour confirmer cette pensée, un TIE amputé d’une aile venait s’abattre sur le poste de commandement du Crystal.

L’amiral eut le temps de repenser une dernière fois aux profondeurs océanes de sa chère planète. Puis la passerelle vola en éclats, et ce fut le néant.

 

Avec horreur, Jeg Luxan vit le croiseur Mon Calamari se déchirer en deux, tandis que des dizaines de capsules de sauvetage s’éjectaient tous azimuts. D’où il était, il pouvait voir les incendies sur les divers ponts s’éteindre brusquement, les explosions avorter prématurément, soufflées par le puissant appel d’air. Les milliers de membres d’équipage furent aspirés par le vide glacial de l’espace. Les silhouettes se débattirent frénétiquement quelques secondes, puis l’asphyxie et le zéro absolu l’emportèrent. Très vite, une bonne partie des chasseurs TIE se mit à traquer les capsules de sauvetages, lesquelles ne pouvaient ni partir en hyperespace à cause de la présence de l’Interdictor, ni même riposter au tir de l’ennemi. En un rien de temps, elles furent toutes détruites.

Seigneur ! C'est fini !

— Blue Bolt Squadron, au rapport ! aboya Luxan dans son micro.

— Bleu Deux : toujours là.

— Bleu Cinq : idem.

Personne d’autre ne répondit. Du Blue Bolt Squadron, il ne restait plus que lui, Moira Fedz, et Anton Starwatcher !

Luxan vit au loin l’Aile-B de Pleep perdre un de ses trois ailerons. Le Herglics poussa un cri de guerre dans son comlink de façon à ce que tous puissent l’entendre, et s’arrangea pour jeter son appareil sur un TIE Interceptor. Les deux chasseurs explosèrent dans une gerbe de flammes et de lumière.

Bon voyage, l’ami, pensa tristement Luxan.

Il ne restait plus que deux Ailes-B, celle de Greeta, et celle de Lannia. Contrairement à leur habitude, ils se battaient avec une extraordinaire férocité. Greeta avait bien dû descendre une demi-douzaine de TIE, et le Gotal n’était pas loin derrière. Malheureusement, le groupe de chasseurs ennemis se resserrait autour d’eux, et il était clair qu’ils n’en avaient plus pour longtemps.

Jeg Luxan prit alors la seule décision qui s’imposait. Il contacta les autres.

— Bleu Deux et Cinq, suivez-moi !

Luxan dirigea son appareil vers le tombeau géant qu’était devenu le Crystal. Quand ils furent arrivés, Luxan donna l’ordre à Starwatcher et à Fedz de s’enfoncer dans les ruines du croiseur Mon Calamari, puis de couper leurs moteurs.

— Mais ! protesta Starwatcher. Et le Brave Squadron ? On ne peut pas les laisser !

 — Ils sont déjà morts, Bleu Cinq ! répondit Luxan. Faisons au moins en sorte que ce ne soit pas pour rien ! Nous avons déjà de la chance que les TIE s’acharnent sur eux et qu’ils cherchent s’il ne reste plus de capsules de sauvetage. Nous ne pouvons rien faire, mais au moins, ils semblent nous avoir oubliés. On ne gagnera pas cette fois-ci. Notre seul devoir, pour l’instant, c’est de survivre. Que ça vous plaise ou non, l’unique moyen de nous en sortir, c’est de faire le mort !

À contrecœur, ils le suivirent à l’intérieur de la carcasse ravagée du Crystal. Derrière leurs cockpits, ils virent flotter les corps de ceux qu’ils avaient tous au moins une fois croisés au détour d’une coursive. Les malheureux arboraient tous, figée à jamais, une expression de terreur absolue. Çà et là, quelques droïds encore en activité leur faisaient signe de venir à leur secours. C’était un spectacle vraiment éprouvant, même pour Luxan, qui en avait pourtant vu d’autres !

Il  donna  l’ordre  aux  autres  de  couper  toutes  les  alimentations  électroniques,  à l’exception des systèmes de survie, et de garder le silence radio. Ainsi, ils seraient quasiment indétectables au milieu de la nouvelle épave.

Un corps dériva en direction de l’Aile-A de Luxan. Empli de dégoût, Luxan le vit ricocher sur son cockpit, et repartir vers le vide interstellaire. Les larmes lui montèrent aux yeux : il avait eu le temps de reconnaître l’infirmière Jadia Shim, qui lui avait fait passer sa visite médicale deux semaines plus tôt, et qui avait tant ri lorsqu’il lui avait avoué avoir une peur bleue des hypo-injecteurs.

Il abattit rageusement son poing sur sa console, puis, se rendant compte de la futilité de son geste, se laissa aller dans son siège.

À l’extérieur, cela semblait s’être calmé. Luxan poussa un long soupir.

Il ne reste plus qu’à attendre qu’ils s’en aillent, et prier pour qu’ils ne fassent pas de recherches intensives !

 

L’énorme Hutt était entouré d’une bonne douzaine de gardes Gamorréens. Les rebelles dégainèrent immédiatement leurs armes. En réponse, les Gamorréens les mirent en joue, pointant leurs vibro-lances de façon menaçante.

Jodrow éclata d’un immense rire sonore. Il fit signe à ses gardes de s’éloigner, puis il désigna le droïd de protocole en prononçant quelques mots dans son langage.

— Il veut que je vous serve de traducteur, fit C-4PO.

— Eh bien vas-y, Bâton d’Argent, répondit Darcy, tu es là pour ça !

— Oui, que tu serves au moins à quelque chose, ajouta Hierrulf.

Le droïd ne se formalisa pas, et alla se placer auprès du Hutt. Celui-ci commença à parler.

— Son excellence Jodrow le Hutt vous souhaite la bienvenue. Il espère que vous avez fait bon voyage, et vous remercie d’avoir pris tous ces risques pour le rencontrer.

— 4PO, tu es obligé de rester en mode indirect ? demanda Hierrulf. Je déteste ces conversations remplies de « il dit que... » .

— Bien sûr que non, mes fonctions sont illimitées, fit le droïd avec une pointe de fierté dans la voix, il n’y a rien que je ne puisse faire. Je peux faire en sorte que vous ayez l’impression de parler directement avec notre hôte. Il me suffit pour cela de...

— Alors au boulot, boîte de conserve, le coupa Darcy.

C-4PO s’exécuta.

— Avez-vous amené ce que j’avais demandé ?

— Oui, Excellence, répondit Hierrulf. Tout est dans les cales de mon vaisseau. Nous vous en indiquerons l’emplacement lorsque notre affaire sera conclue. Qu’avez-vous à nous proposer ?

Le Hutt pressa un contact sur son trône. Un projecteur holographique surgit du sol au centre de la salle d’audience. Jodrow fit signe à un de ses gardes d’y glisser le holo qui reposait à ses côtés.

Dès que ce fut fait, la machine produisit au-dessus d’eux l’image d’un vaisseau spatial. Ils en eurent le souffle coupé.

— C’est ça que vous voulez nous vendre ? demanda Hierrulf, sans voix. L’image du navire était assortie de l’échelle à laquelle elle avait été prise, ce qui laissait supposer que l’appareil était vraiment immense. Démesuré. Il avait vaguement la forme d’une frégate Nebulon B, mais il devait bien faire ses dix kilomètres de long.

Lorsqu’il fut assuré qu’il avait bien provoqué la réaction qu’il avait attendue, Jodrow reprit la parole.

— Un de mes hommes est tombé là-dessus alors que son moteur hyperdrive était tombé en panne en plein milieu d’une course qu’il effectuait pour mon compte. Il avait une chance sur des milliards de trouver cet appareil dans l’immensité de la galaxie, et pourtant... Toujours  est-il  que,  pour  se  faire  pardonner  le  retard  occasionné  par  cette découverte, l’employé en question m’a vendu ses droits sur l’épave. Il va de soi que je n’allais pas le lui extorquer pour rien ! Je n’agis pas de cette manière avec mes hommes. Je n’ai pas envie de finir avec une vibro-lame dans le dos, ni étranglé avec une chaîne, si vous voyez où je veux en venir. J’ai éprouvé le même étonnement que vous, quand j’ai eu connaissance de la taille de cet engin. Sur le coup, j’ai été content de l’avoir en ma possession, mais je me suis vite demandé ce que j’allais faire d’un truc pareil ! J’exerce des activités que je souhaite garder secrètes, comme vous avez pu le constater. Il fallait donc que je trouve quelqu’un à qui le refourguer pour un prix intéressant.

— Il est en état de marche ? demanda Hierrulf.

Jodrow haussa ce qui lui tenait lieu d’épaules.

— Je n’en sais fichtre rien, je n’ai pas pris le temps de le faire explorer. A vous de vous débrouiller avec, si vous le prenez !

Darcy contempla l’appareil sous toutes les coutures. Il ne semblait pas en mauvais état. À vrai dire, il était presque comme neuf. Les holos, ça se retouche, pensa-t-elle. Néanmoins, même si la plupart des systèmes étaient inopérants, cela vaudrait certainement le coup d’essayer de les réparer, ne serait-ce que pour bénéficier d’un vaisseau aussi impressionnant. Même un Super Star Destroyer ne ferait pas le poids face à un bâtiment de cette taille.

Elle fit un signe de tête à Hierrulf. Ce dernier se tourna vers le Hutt.

— Je pense que nous n’avons pas le droit de laisser passer une occasion pareille, dit-il.

Jodrow éclata de rire.

— J’étais sûr que vous seriez intéressés ! Alors, on fait affaire ?

— On fait affaire, répondit Hierrulf. Occupons-nous du paiement, maintenant.

Le Hutt leva une main.

— Tout à l’heure, fit-il. Nous allons d’abord déjeuner.

Yurwick grogna.

— Rassurez-vous, continua le Hutt, je ne vais pas vous retenir trop longtemps, mais je ne veux pas manquer aux lois de l’hospitalité. Vous n’allez pas repartir le ventre vide. Vous restez partager mon repas, et je vous interdis de refuser.

Ils étaient tous les trois assis en tailleur devant le trône de Jodrow, les deux droïds ayant pris place de part et d’autres de l’imposante créature. Grisson était parti s’atteler à d’autres tâches, et la présence de cet excellent pilote trop brièvement rencontré leur manquait déjà.

Si on m’avait dit qu’un jour, un Rodien me manquerait ! pensa Hierrulf. Les gardes Gamorréens apportèrent des plats qui, à la surprise des hôtes de Jodrow, n’avaient rien de dégoûtant, bien au contraire. C’était un assortiment de morceaux de viande grillée, de fruits confits et de légumes cuits à la vapeur, le tout accompagné d’une sauce au fumet alléchant.

Oubliant ses bonnes manières, Yurwick se jeta sur la viande, qu’il dévora à pleines dents, sous le regard outré de Darcy.

— Où tu te crois, boule de poils ? demanda la jeune fille.

Jodrow émit un gloussement.

— Laissez-le. Au contraire, ça me fait plaisir de voir qu’on apprécie mon hospitalité. Mais mangez donc !

Les convives s’exécutèrent. Jodrow, de son côté, se fit servir la nourriture spécifique de ceux de sa race, celle que les Blue Bolt avaient redouté de voir dans leurs assiettes. Le Hutt s’expliqua.

— Je fais toujours servir la nourriture appropriée à mes invités, si répugnante soit-elle à mes yeux, car je suis conscient du fait que vous ne devez pas trouver la mienne appétissante non plus ! Cela m’a souvent aidé à conclure des affaires difficiles, vous savez ? dit-il, avant d’enfourner une énorme masse gélatineuse dans sa bouche.

Les autres, légèrement écœurés, détournèrent leur regard et se concentrèrent sur leur repas.

Lorsqu’ils furent rassasiés, Hierrulf demanda au Hutt :

— Je ne voudrais pas paraître indiscret, mais mes compagnons et moi voudrions bien savoir ce que vous avez demandé à nos supérieurs en échange de ce vaisseau. Il faut dire que nous nous sommes esquintés le dos à charger toutes ces caisses !

Jodrow émit un rire bref avant de répondre.

— Vous devez aussi vous demander pourquoi je n’ai pas proposé à l’Empire de faire affaire avec moi ?

— Effectivement, fit Darcy, cette question nous a traversé l’esprit.

Jodrow pinça un de ses bourrelets de graisse.

— Vous voyez comme je suis maigre ?

Les autres le regardèrent, interloqués. Yurwick se permit même de ricaner, ce qui lui valut un regard noir de Darcy.

— C'est la faute de l’Empire, si je ne suis pas au sommet de ma forme. Je n’en serais pas là s’ils n’avaient pas détruit Alderaan !

Ses invités étaient perdus. Darcy et Hierrulf échangèrent un regard, haussèrent les épaules.

— Voyez-vous, poursuivit le Hutt, il existait sur Alderaan une variété unique d’un petit batracien dont je raffolais, dans ma jeunesse. J’en engloutissais des tonnes. Je les adorais. Mais, quand ils ont détruit Alderaan, les impériaux les ont tous fait disparaître. Jamais je ne leur pardonnerai ! Jamais ! Voilà pourquoi je me suis directement adressé à la Nouvelle République, quand il s’est agi de me débarrasser de ce tas de ferraille. Pas question que les impériaux en profitent !

Hierrulf eut un léger sourire.

— Et je suppose que nous transportons dans nos soutes une importante cargaison de ces charmantes et délicieuses créatures plongées en stase…

— Tout à fait, répondit le Hutt. Quand j’ai appris que la Nouvelle République avait fait cloner et transplanter les espèces disparues d’Alderaan sur la colonie de New Alderaan, je me suis empressé de prendre contact avec elle. J’aurais pu donner n’importe quoi en échange de quelques-uns unes de ces créatures, alors, pourquoi pas ce vaisseau ?

Jodrow  pencha  sa  lourde  masse  de  côté,  afin  d’extirper  quelque  chose  d’un compartiment situé sous son trône. C’était un bloc de données standard, qu’il lança à Hierrulf.

— Les  coordonnées  de  l’appareil  sont  là-dessus.  Où  se  trouve  la  cargaison ?

— Plate-forme trois cent dix-neuf, secteur vingt-sept, répondit le rebelle en attrapant le bloc au vol.

Jodrow eut une réaction assimilable à un haussement de sourcils.

— Ce n’est pas près du Palais Impérial, ça ?

Hierrulf sourit.

— Nous appliquons la même philosophie que vous, Excellence.

Le Hutt se pencha vers lui, intéressé.

— Et qui est... ?

— « Plus c’est gros, plus ça passe ». Vous avez décidé d’exercer votre activité, non pas à l’autre bout de la galaxie, mais au nez et à la barbe de l’Empire, sur Coruscant, là où on n’aura jamais l’idée d’aller vous chercher. C’est assez culotté, mais ça marche ! Personne n’imaginerait que des espions rebelles aillent stationner près de l’ancien parking de Palpatine !

Le corps gélatineux de Jodrow fut secoué de spasmes, tant il riait.

— Vous me plaisez, jeune homme. Vous avez l’esprit fin !

Darcy intervint.

— Ce que mon ami ne vous dit pas, Excellence, c’est que c’est moi qui lui ai exposé cette théorie. Il n’y a pas pensé tout seul !

Un sourire narquois s’afficha sur ses lèvres.

Hierrulf, humilié, contacta la première équipe par comlink, tandis que Jodrow, Darcy et Yurwick s’en donnaient à cœur joie.

— Tubrah, tu me reçois ?

— Cinq sur cinq, Hierrulf. C’est OK ?

— C’est OK. Ils ne devraient pas tarder à vous rejoindre.

 

Le Questeur Slugh reposa son comlink. Il n’était pas tranquille. C’était vraiment de l’inconscience de s’être posés si près du Palais !

Le Smashing Stars était le seul vaisseau sur la plate-forme trois cent dix-neuf. Il fallait admettre qu’il n’y avait de place que pour un seul appareil, et encore, de taille modeste.

Plusieurs patrouilleurs impériaux passèrent rapidement au-dessus d’eux.

— Je n’aime vraiment pas ça, Shadow, dit Tubrah.

L’ombre à côté de lui bougea imperceptiblement.

— Ne t’inquiète pas. C’est presque fini. On leur refile la camelote, et on se barre à l’autre bout de la galaxie. Tiens, les voilà, ajouta-t-il en désignant un chariot-speeder qui venait vers eux.

Il se tourna vers le cargo, et appela les autres.

— Xun, Fran, descendez, et prenez vos armes. On va peut-être en avoir besoin.

— Qui parlait d’être relax ?!? fit Tubrah, sarcastique.

Le Defel haussa les épaules.

— On ne sait jamais.

 

— Une dernière question, Excellence, fit Hierrulf en levant le bloc de données. Existe-t-il un autre enregistrement de ces coordonnées ?

Jodrow eut l’air contrarié.

— Pourquoi ? Auriez vous peur que j’essaie de vous doubler ?

— Certes non, Excellence, répondit Hierrulf, un peu gêné, mais il entre dans le cadre de ma mission de prendre connaissance de tous les éléments qui...

— Ne vous fatiguez pas, le coupa le Hutt, amusé. Oui, il existe une copie de ces coordonnées. Elle se trouve dans mon ordinateur central, mais je vais la faire effacer d’ici peu. Ces coordonnées ne me serviront plus à rien, à l’avenir, puisque j’imagine que vous allez prendre possession de cet engin le plus tôt possible, n’est-ce pas ?

Hierrulf hocha la tête, puis fit signe aux autres de se lever.

— Eh bien, Excellence, je crois qu’il est temps de prendre congé.

— Vraiment ? fit le Hutt. Quel dommage ! Mais vous avez raison. Mieux vaut pour vous ne pas trop traîner dans les parages. Je vous souhaite bon voy... Oui ? Qu’est-ce que c’est ?

Quelqu’un venait de frapper à la porte. Un humain débraillé la franchit en boitillant. Le Hutt se renfrogna.

— Kane ! Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Je t’ai déjà dit que je ne voulais plus de toi chez moi ! Je ne veux rien avoir à faire avec des   négriers !

Kane ne décocha pas un mot. Au lieu de cela, il sortit un fusil-blaster de sous son poncho, et en vida le chargeur sur le Hutt. Jodrow eut à peine le temps de pousser un cri de stupeur avant d’être atteint par les décharges d’énergie.

Le corps de Jodrow éclata, envoyant d’innombrables morceaux de chair grillée aux quatre coins de la salle d’audience. L’instant d’après, une vibro-lame Gamorréenne venait se ficher dans le visage de Kane. L’homme s’effondra dans un horrible gargouillis.

Au même moment, une vingtaine de stormtroopers firent irruption dans la pièce, et commencèrent à tirer dans le tas. Tous les gardes Gamorréens, leur agilité dans l’usage de la vibro-lance ne leur étant d’aucune utilité face aux commandos, furent rapidement exterminés.

— Je crois que le Hutt s’est fait doubler ! cria Darcy avant de se réfugier derrière les restes de leur hôte. Une odeur répugnante assaillit aussitôt ses narines.

Tu ne sens peut-être pas très bon, Jodrow, mais espérons que tu pourras me servir de couverture.

Darcy vida à moitié son chargeur sur les intrus, et réussit à en faucher trois d’affilée. De son côté, Yurwick se rua sur un impérial, l’attrapa par le cou et le souleva de terre.

Puis, il le jeta violemment contre les autres, qui furent écrasés par le projectile humain. Il y eut un craquement horrible, et le Wookie ne douta pas que nombre d’entre eux devaient avoir plusieurs membres cassés. Celui qu’il avait projeté ne bougeait plus, et un mince filet de sang coulait de sous son casque.

Il faudrait absolument qu’il apprenne à contrôler ce bras bionique ! De derrière le trône de Jodrow, Darcy balaya la scène du regard. Le vacarme était assourdissant. Cela tirait dans tous les coins. Cette fois, on ne joue pas ! Mais que fiche Hierrulf ?

Comme pour lui répondre, un ronronnement peu familier se fit entendre : Hierrulf venait d’actionner son sabre laser et de se jeter dans la mêlée.

L’apprenti Jedi renvoya quelques tirs de blasters contre les murs. L’un d’entre eux alla s’écraser à deux pas de Darcy.

— Fais un peu attention, Chevalier! cria-t-elle, furieuse.

Hierrulf ne prit pas la peine de répondre. Il continua sans relâche à décimer les rangs ennemis. La lame d’énergie rouge découpait les blasters, tranchait net les membres, éventrait, ou encore décapitait les assaillants, traversant chair et métal avec la même aisance.

Darcy, horrifiée, vit un stormtrooper à genoux en train de retenir ses entrailles exposées à l’air libre. Le soldat hurlait de douleur, et implorait ses camarades de lui venir en aide, mais ces derniers ignoraient ses cris de désespoir, ayant déjà fort à faire. Et même sans cela, les stormtroopers n’avaient pas pour habitude de s’occuper de leurs blessés qui, de toute façon, étaient considérés comme perdus.

Darcy, dans un élan de pitié, mit un terme à ses souffrances d’une décharge de laser en pleine tête.

Les cadavres et les mutilés s’entassaient autour de Hierrulf. Un d’entre eux, les deux jambes tranchées au niveau des genoux, rampa hors du champ de bataille et se traîna jusque derrière le trône... où il se trouva face à face avec Darcy.

Il avait perdu son casque, aussi la jeune fille pouvait-elle voir son visage baigné de larmes, grimaçant de douleur.

Il ne devait pas avoir plus de vingt ans. Il leva son seul bras valide, comme pour se protéger.

— Pitié... Ne me tuez pas... Pitié...

Darcy était bouleversée. Elle n’avait jamais réalisé que les stormtroopers pouvaient être des hommes comme les autres. Pourtant, la vue de ce gamin qui, une minute plus tôt, ressemblait à un droïd de guerre dans son armure et qui maintenant affichait une souffrance si humaine, en était une preuve douloureuse. Son endoctrinement ne devait pas être totalement terminé, pour qu’il se lamente de cette façon.

Ils restèrent ainsi pendant une bonne minute, à se regarder, ignorant le tumulte environnant.

Le jeune soldat se vidait abondamment de son sang, et il ne tarda pas à perdre conscience. Les larmes aux yeux, Darcy lui tira une rafale en plein cœur.

La voix de Hierrulf lui parvint, comme dans un rêve.

— Le passage est dégagé ! Foutons le camp de là !

Darcy jaillit hors de sa cachette, et fit signe à Yurwick de la suivre. Les deux droïds leur emboîtèrent le pas aussi vite qu’ils purent.

Le groupe traversa le hall jonché de cadavres de Gamorréens et de stormtroopers. La fumée et l’odeur de chair grillée rendaient l’air irrespirable.

Ils durent déplacer deux corps qui bloquaient la porte principale avant de pouvoir l’ouvrir. Après avoir jeté un œil à l’extérieur, Hierrulf leur hurla de se dépêcher.

— Il y en a d’autres qui s’amènent ! Magnez-vous !

En effet, à l’autre extrémité de la plaine bleutée s’avançait une escouade de scout troopers, suivie d’une bonne dizaine de bipodes TR-TT.

Dans la ville, les contrebandiers se ruaient tous vers leurs transports dans une totale confusion. On n’entendit bientôt plus que les bruits de réacteur des innombrables engins qui décollaient de toutes parts.

Les plus courageux prirent place derrière les tourelles situées autour de la ville, prêts à faire feu sur les assaillants.

Lorsqu’ils furent arrivés à bonne distance, les impériaux commencèrent à tirer. La réponse ne se fit pas attendre, et le campement se transforma en champ de bataille.

Hierrulf désigna les canonniers qui s’évertuaient à tirer sur les TR-TT.

— Il faut dire à ces gars de mettre les voiles immédiatement. Ce qu’ils font ne sert à rien. Croyez-moi : J’étais sur Hoth.

— Pas le temps ! dit Darcy. Ce qui compte, c’est savoir comment nous allons nous sortir de là !

À cet instant, surgissant de nulle part, un speeder blindé s’arrêta à leur niveau. Hierrulf activa immédiatement son sabre laser, prêt à agir.

La portière de l’engin s’ouvrit, révélant le faciès réjoui d’un Rodien qu’ils connaissaient bien.

— Je vous emmène quelque part ? demanda Grisson.

— Loin  d’ici !  fit  Darcy  avant  de  s’engouffrer  dans  l’engin,  vite  suivie  de  ses compagnons.

Dès que la portière fut refermée, Grisson mit les gaz, et le speeder se lança dans la cohue.

 

Le chariot-speeder venait de s’arrêter devant le Smashing. Une troupe de Gamorréens en descendit en grognant. Tubrah leur indiqua le cargo du bout d’un de ses tentacules.

— C’est par-là que ça se passe, les gars. Et vous n’êtes pas obligés de sourire !

Aucun d’entre eux ne releva le sarcasme. Ils se dirigèrent vers les soutes béantes de l’appareil et entreprirent de décharger.

Un tir de blaster vint soudain s’écraser aux pieds de Xun.

— Par les Sith ! On s’est fait repérer !

Un groupe de speederbikes s’approchait de la plateforme à grande vitesse, faisant feu de tous leurs lasers. Au même instant, la porte du turbolift menant à la plateforme s’ouvrit sur une escouade de stormtroopers en armes.

Les rebelles, comme les Gamorréens, prirent abri dans les renfoncements du cargo, et organisèrent leur défense, qui consistait en gros à éliminer tout ce qui passait dans leur champ de tir.

— Leurs renforts ne vont pas tarder à arriver, hurla Fran, entre deux tirs de fusil-blaster. Il faut mettre les voiles !

Dengar Xun lui répondit de l’autre côté de l’engin.

— Et les autres ? On ne peut pas les abandonner ici !

— C’est hors de question ! ajouta Shadow, après avoir abattu un scout trooper dont le speederbike alla percuter le Smashing, sans toutefois exploser.

À cet instant, Fran prit une décision que ses compagnons ne comprirent jamais. Elle enfourcha le speederbike et fonça sur leurs assaillants, hurlant à ses amis :

— Embarquez et foutez le camp ! Je vous couvre !

— Fran ! Qu’est-ce que tu fais ? Reviens !

Mais la jeune femme était sourde aux supplications de Xun. Elle jeta son véhicule sur un groupe de stormtroopers, et réussit à en faire basculer quelques-uns dans le vide.

Profitant  de  ce  bref  répit,  les  rebelles  et  les  deux  seuls  rescapés  Gamorréens s’engouffrèrent dans le Smashing.

Le Defel fut le dernier à monter. Il se tourna vers Fran.

— Fran ! Amène-toi ! C’est ta dernière chance !

À cet instant, le speederbike de Dathori, déjà passablement endommagé, fut touché par un mince pinceau d’énergie. Horrifié et impuissant, Shadow vit la machine et son pilote s’écraser sur la plate-forme.

— Non ! ! hurla-t-il.

Fou de rage, il vida le chargeur de son arme sur les soldats qui se rapprochaient lentement mais sûrement, avant de grimper dans le Smashing et de refermer la rampe sur lui.

Le cargo décolla immédiatement, déversant sur les stormtroopers la cargaison contenue dans ses soutes toujours ouvertes. Les caissons à stase écrasèrent plusieurs soldats, avant de se briser et de délivrer les créatures qu’ils retenaient prisonnières.

Shadow aurait ri, si la situation n’avait pas été aussi tragique. Fran était morte, et de surcroît, ils étaient obligés de décoller avant que les autres fussent revenus de chez X.

Par la galaxie ! Mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien faire ?

 

Dans la plaine de Jodrow, la bataille faisait rage. Les installations étaient déjà toutes anéanties, et le palais n’était plus que cendres.

De nombreux chasseurs TIE étaient entrés dans la danse depuis quelques minutes, et même si une grande partie d’entre eux avaient été détruits par les chasseurs de Jodrow (certains TIE s’étaient même écrasés sur le ciel artificiel, leurs pilotes n’étant pas habitués à manier leurs machines peu aérodynamiques en atmosphère, et qui plus est, dans un espace clos !), ils étaient en train de l’emporter.

Touché à son aileron bâbord, un Naboo Fighter jaune canari partit en tournoyant s’écraser juste devant le speeder de Grisson. Le Rodien fit partir son véhicule à la verticale, échappant ainsi de peu à l’explosion.

— Houlà ! On a eu chaud !

Yurwick beugla quelque chose pour faire taire C-4PO, qui gémissait depuis leur fuite du palais de Jodrow.

Un TR-TT les prit dans son collimateur et commença à les arroser de ses tirs de canonblaster, lesquels ricochèrent sur le blindage du speeder.

— Il vaudrait mieux ne pas rester ici trop longtemps, fit Hierrulf, sinon, on va se faire tailler en pièces !

— Je  ne  voudrais  pas  vous  alarmer,  les  amis, mais  l’entrée du tunnel est  assez encombrée. Les impériaux n’arrêtent pas d’en sortir.

— De toute façon, on n’a pas le choix, Grisson, fit Darcy. Il faut qu’on se tire de là immédiatement.

— Vos désirs sont des ordres, répondit le Rodien. Et puis, ajouta-t-il, il faut bien mourir de quelque chose. En avant !

Grisson lança le speeder droit vers l’entrée de la plaine. Il dut éviter une multitude de traits d’énergie rouge, ainsi que les nombreux chasseurs qui s’écrasaient de part et d’autre, avant de rejoindre le tunnel et d’y pénétrer.

Une fois à l’intérieur, la situation empira très nettement. Des speederbikes et des chasseurs TIE arrivaient en sens inverse, et les esquiver (ainsi que leurs tirs !) n’était pas une mince affaire. Cent mètres de diamètre, c’était peut-être large pour un tunnel, mais pas quand des chasseurs circulaient à toute vitesse à l’intérieur !

Au bout de quelques minutes qui leur parurent une éternité, ils émergèrent de l’autre côté... pour constater que toute la zone autour de l’entrée du repaire de Jodrow avait été rasée par un immense droïd-démolisseur ! La surface ainsi dégagée était infestée d’impériaux.

— Je me demandais aussi ! s’exclama Hierrulf. Comment auraient-ils pu autrement faire descendre à la fois autant de TR-TT et de TIE jusqu’ici ?

— Ils ne font pas dans le détail, répondit Darcy. Tous ces immeubles désintégrés, avec certainement leurs habitants encore à l’intérieur !

— Oh, seigneur ! fit C-4PO, écœuré par une telle idée.

— Pas le temps de discuter, les interrompit Grisson. Accrochez-vous !

Il fit partir le speeder en chandelle, pour rejoindre les toits de Coruscant au plus vite.

Très vite, un TIE les prit en chasse, faisant retentir le rugissement de ses doubles moteurs à ion.

 

À bord du Smashing, la situation n’était pas brillante non plus. Dengar Xun pilotait l’appareil du mieux qu’il pouvait, mais il n’était  pas habitué à manier les commandes hypersensibles d’un cargo YT-1300. Il eut toutes les peines du monde à manœuvrer à travers le trafic tout en évitant les tirs de laser des TIE qui les poursuivaient depuis quelques minutes à présent.

— Hierrulf m’a raconté que Bayee, celui qui possédait cette casserole avant lui, était capable de lui faire traverser un champ d’astéroïdes et de l’en faire sortir sans une éraflure, fit-il à Tubrah, installé dans le siège du copilote. Entre nous, c’est dommage qu’il soit mort, car on aurait bien besoin de lui. Et je n’ai pas envie de le rejoindre tout de suite pour qu’il m’apprenne à piloter ce tas de ferraille !

Dans les tourelles de tir, Shadow et un des deux Gamorréens s’affairaient à riposter aux coups de leurs poursuivants. Le Defel s’en sortait assez bien, ce qui n’était pas le cas de son nouveau coéquipier. Tous ses tirs rataient leur cible, et la créature beuglait des imprécations dans son langage guttural.

— Hurler ne te servira à rien, mon pote, lui dit le Defel. Il faut te concentrer un peu plus. Ne laisse pas la trouille annihiler tous tes moyens.

Les conseils de Shadow, si tant est qu’il les comprît, ne furent d’aucune utilité au Gamorréen, dont la dextérité resta au même niveau de médiocrité.

Une violente explosion secoua le Smashing. Tubrah et Xun échangèrent un regard inquiet.

— On vient de perdre un déflecteur arrière. Il ne va pas falloir traîner dans les parages trop longtemps.

Le Questeur Slugh activa le comlink du Smashing et le régla sur la fréquence appropriée pour contacter les autres.

— Hierrulf, Darcy, ou qui que ce soit, est-ce que vous me recevez ?

Il y eut un grésillement, puis la voix étouffée de Darcy lui parvint par bribes.

— Reçois... sur cinq... tire... de partout... sacré foutoir...

— Je reçois plein de statique, ici, répondit Tubrah. Tu peux répéter ?

La transmission s’améliora.

— On a les coordonnées, mais on a aussi les impériaux aux fesses ! C’est un véritable enfer. Attention, Grisson ! Oh là là ! Il n’est pas passé loin, celui-là ! Vous pouvez venir nous chercher ? On est dans un speeder, et on n’a aucun moyen de quitter la planète par nous-mêmes.

— OK, ça roule, répondit Tubrah. Laisse ton comlink ouvert, qu’on vous localise en remontant à la source du signal.

Les coordonnées du speeder s’affichèrent bientôt sur la console de Xun.

— Louée soit la galaxie ! soupira-t-il. Ils ne sont pas trop loin.

 

— C’est intolérable ! s’exclama C-4PO, qui venait pour la énième fois de se cogner contre la paroi du speeder.

— La ferme, Bâton d’Argent, aboya Hierrulf, ou bientôt, tu auras de bonnes raisons de te plaindre, je te le garantis !

Le TIE qui les poursuivait ne les lâchait pas d’une semelle. Malgré l’habilité de Grisson, ils ne tarderaient pas à se faire toucher, tôt ou tard, et ils ne pouvaient même pas répliquer au tir de l’assaillant.

Nous sommes perdus, pensa le Rodien. Désolé de vous avoir embarqués là-dedans, les gars !

C’était sans compter l’aide inattendue des hommes de Jodrow. Une vieille Aile-Y se plaça dans le sillage du TIE, et lui fit cadeau d’une torpille à protons. La sphère ailée se transforma en une boule de feu, expédiant des débris de chair et de métal surchauffé aux quatre vents.

Grisson poussa un long soupir de soulagement.

— Merci, P’terak, fit le Rodien dans son comlink, t’es un vrai pote !

— À ton service, Grisson, répondit la voix nasillarde dans le haut-parleur. Disons que c’est pour te remercier de la fois où tu m’as... Bon sang !

Derrière le speeder, l’Aile-Y percuta une corvette Corellienne et explosa à son tour.

— Non ! cria le Rodien, ses facettes optiques brillantes de larmes.

C’était impossible ! P’terak, ce pilote hors pair, et cet excellent ami qui lui avait bon nombre de fois sauvé la mise, avait fini par se faire avoir ! Aussi impavide que Grisson, P’terak aurait pourtant dû, lui aussi, être immortel ! Un jour ou l’autre, mon tour viendra, se dit Grisson, en essuyant ses larmes du revers de sa manche. Mais pas aujourd’hui. J’ai une course à finir ! Il se ressaisit et concentra toute son attention sur les commandes, afin que lui et ses passagers survivent au désastre qui se préparait.

En effet, la corvette, atteinte au poste de commandes, avait dévié de son cap, et s’était retrouvée dans la file de véhicules allant en sens inverse. Comme Grisson le craignait, elle finit par emboutir un transporteur, qui en percuta un autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’une bonne portion du ciel de Coruscant se remplisse ainsi d’explosions. Un carambolage aérien n’étant pas un spectacle  commun, tous les occupants du speeder,  Grisson  excepté, se retournèrent pour l’admirer.

En toile de fond, entre les deux lunes de Coruscant, le soleil couchant teintant le ciel de rose. En deuxième plan, les tours étincelantes de la Capitale. Et enfin, ces innombrables boules de gaz incandescent au milieu desquelles continuaient de se livrer bataille les chasseurs impériaux et les transports pirates.

C’est beau, ne put s’empêcher de penser Darcy, malgré le côté absurde et surtout morbide de la chose.

Quelques instants plus tard, le Smashing Stars émergeait d’entre deux  tours, accompagné de son propre cortège de chasseurs TIE.

— Ravi de vous voir, les enfants, fit Grisson dans son comlink.

— Même sentiment de notre part, répondit Dengar Xun. Pas trop le temps de discuter. Voilà comment on va vous récupérer : on va se placer au-dessous de vous, et vous monterez par l’écoutille dorsale. Seul problème : avec tous ces yeux volants dans les parages, ça ne va pas être de la tarte !

Grisson sourit.

— Ne t’inquiète pas, l’ami, je vais demander à mes collègues de nous couvrir.

Quelques secondes plus tard, tous les vaisseaux contrebandiers se regroupaient et faisaient front contre les assaillants qui s’approchaient trop près des deux véhicules immobiles.

Une fois que le speeder fut bien au-dessus du Smashing, Grisson fit coulisser la porte.

— Les dames d’abord ! cria-t-il pour se faire entendre dans le vacarme environnant.

Darcy se pencha à l’extérieur du véhicule. Cinq mètres au-dessous d’elle se trouvait l’écoutille circulaire où l’attendait Shadow, les bras tendus pour la réceptionner. Malgré les talents de pilotes de Grisson et de Xun, l’ouverture salvatrice se balançait de gauche à droite, et Darcy dut calculer le bon moment avant de se laisser tomber dans les bras du Defel.

— Ouch ! fit-il en la recevant. T’es une fausse maigre ! Il va falloir que tu ralentisses un peu sur le gâteau-Rhys !

— Repose-moi tout de suite et pousse-toi de là ! Les autres vont nous tomber dessus ! fit la jeune femme.

En effet, une seconde plus tard, Hierrulf et Yurwick se jetèrent du speeder en même temps, et atterrirent sains et saufs dans le Smashing, non sans causer une belle frayeur au Defel et à Darcy. Lorsque vint le tour des droïds, un problème se posa.

— Comment vais-je pouvoir descendre ? gémit le droïd de protocole. Je suis perdu !

RD-69 émit lui aussi quelques bips inquiets.

Hierrulf poussa un long soupir.

— Je pense qu’il est temps pour moi de voir si j’ai fait quelques progrès dans mon entraînement Jedi.

Ils échangèrent tous un regard inquiet.

— Je ne sais pas ce que tu comptes faire, lui cria Grisson du speeder, mais dépêche-toi de le faire avant qu’on se fasse réduire en bouillie !

Hierrulf prit une profonde inspiration, ferma les yeux et leva la main en direction des deux robots. Il fit tout son possible pour rester calme, en paix avec lui-même, en dépit de la bataille qui faisait rage autour de lui. Et puis cela arriva ! Même les yeux fermés, il pouvait voir RD-69 descendre lentement vers lui. Ce fut à peine s’il entendit Darcy lui dire que le petit droïd était sain et sauf. Il s’occupait déjà du droïd de protocole, lequel poussait des ululements désespérés en se voyant flotter dans le vide. Hierrulf triomphait intérieurement, jusqu’à ce qu’un tir de canon-blaster atteigne de plein fouet le pauvre C-4PO.

Le droïd éclata en plusieurs morceaux, qui ne se dispersèrent cependant pas, étant toujours sous l’influence de Hierrulf. Le Jedi achemina doucement les débris jusque dans le cargo. Au moins, il me fichera la paix pendant un bon moment !

Grisson, après ce qui venait d’arriver au droïd, hésita quelques secondes, puis haussa les épaules avant de se jeter dans le vide en criant sa devise à qui voulait bien l’entendre :

— Il faut bien mourir de quelque chose !

Il arriva dans le Smashing indemne. Les autres fermèrent l’écoutille, et le cargo reprit sa course folle entre les tours de la Capitale, escorté par les hommes de Jodrow.

Enfin réunis ! exulta Darcy. Elle jeta un regard sur les nouveaux venus. On dirait même que le groupe s’est agrandi. Quelle idée d’avoir accueilli des Gamorréens !

Puis elle réalisa que quelque chose n’allait pas.

— Où est Fran ? demanda-t-elle à Shadow, tout en connaissant déjà la réponse.

— La pauvre n’a pas réussi, répondit le Defel, visiblement ému. Elle s’est sacrifiée pour nous permettre de nous échapper.

Darcy se laissa tomber sur les genoux sans dire un mot. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Fran ! Dire que... Elle éclata en sanglots.

Yurwick se baissa et la serra contre lui, en grognant doucement.

— Accrochez-vous, derrière, leur cria Xun. On n’est pas encore sortis de l’auberge !

Effectivement, il leur restait encore à franchir les boucliers planétaires. Dengar Xun se demandait vraiment comment il allait bien pouvoir s’y prendre pour ne pas réduire le vaisseau de Hierrulf en charpie en essayant de les traverser !

— Qu’est-ce que tu comptes faire ? lui demanda Tubrah. Tu crois que le coup des commerçants en voyage d’affaires va encore fonctionner ?

— M’étonnerait, grommela Xun. La seule chose que je puisse faire, c’est essayer de sortir en même temps qu’un autre vaisseau entre en sens inverse. C’est une chance qu’ils n’aient pas encore eu le temps d’interrompre le trafic !

— Ce n’est pas un peu risqué, ça ? s’enquit le Questeur Slugh.

Xun se tourna vers lui, tandis qu’une nouvelle secousse faisait trembler le vaisseau.

— Si on part de ce principe, venir sur Coruscant était « un peu risqué ». Alors maintenant, tais-toi, et laisse-moi me concentrer. Déjà que j’ai du mal à manier ce coucou !

Xun n’eut pas longtemps à attendre avant qu’un transport n’arrive par le mince interstice hexagonal pratiqué dans le bouclier. Sans prendre la peine d’y réfléchir à deux fois, il lança le Smashing à travers l’ouverture, serrant de très près le transport, le frôlant, éraflant tout son côté bâbord, avant de le dépasser, lui et le premier écran.

— Yahooou ! fit Tubrah. Tu l’as eu !

— T’emballe pas trop vite, mon gars, on n’en a passé que la moitié. Derrière eux, les chasseurs pirates renouvelèrent l’exploit de Xun. Leurs appareils étant plus petits, plus maniables, ils risquaient moins de percuter le bouclier ou le transport protecteur. Toutefois, ils ne réussirent pas tous, même s’ils s’en sortaient beaucoup mieux que leurs poursuivants, et l’écran d’énergie invisible se couvrit peu à peu de dizaines de petites explosions.

La seconde porte, plus large, fut beaucoup plus facile à franchir, et la sortie s’effectua sans incident, dans quel camp que ce fût.

Derrière la vitre du cockpit du Smashing, le rose du ciel céda la place au noir de l’espace, mais leurs ennuis n’étaient pas finis pour autant. Le bal venait à peine de commencer. Plusieurs Star Destroyers se détachèrent de la masse de vaisseaux en orbite autour de la Capitale pour venir dans leur direction, tandis que la station Golan la plus proche commençait à les mitrailler de tirs de laser, et de torpilles à protons, tout en activant les rayons tracteurs.

Grisson se fraya un passage pour arriver jusqu’au siège de Xun.

— Laissez-moi passer un ordre aux autres à travers votre communicateur, lui demanda-t-il.

Dengar Xun retira ses écouteurs et les passa au Rodien.

— À tous les Jodrow Fighters, ici Grisson, code d’autorisation : Hawkbat. Collez-vous le plus près possible de ce cuirassé qui quitte l’orbite. Vous aurez ainsi une petite chance d’éviter leurs rayons tracteurs.

En effet, un puissant cuirassé Dreadnaught volait à proximité, légèrement en retrait par rapport aux autres vaisseaux. S’ils réussissaient à le placer entre eux et leurs poursuivants, peut-être pourraient-ils s’échapper.

— Mais, protesta une voix dans le comlink, nous n’allons pas pouvoir tenir contre un Dreadnaught !

— Vous tiendrez plus longtemps que contre cette station Golan, croyez-moi, répondit Grisson. Bonne chance à tous, ajouta-t-il avant de rendre ses écouteurs à Xun.

— As-tu envoyé le signal au Crystal? demanda ce dernier au Questeur Slugh. Le Nullards Squadron devrait déjà être là pour couvrir notre fuite !

— Cela fait deux minutes que je les ai appelés, répondit l’autre. Il n’y a pas eu de réponse. J’ai bien peur que le Crystal ait été détruit. L’Empire devait être au courant de toute l’opération.

— Je crois que c’est un ancien homme à nous, Kane, qui a vendu la mèche aux impériaux, fit le Rodien.

Darcy secoua la tête, en signe de négation.

— Non.  Ce  Kane  savait  peut-être  où  se  trouvait  la  planque  de  Jodrow, mais certainement pas où était caché le Crystal. La véritable explication est bien plus grave : il y a un traître dans l’escadron !

Cette déclaration fit l’effet d’une bombe. Par ailleurs, une nouvelle secousse ébranla le cargo.

— En attendant d’élucider ce mystère, il faut que nous foutions le camp de cette fichue planète, fit Xun. Dans une minute, nous serons sortis de son champ gravitationnel, et nous pourrons partir en vitesse lumière.

À l’extérieur, les chasseurs pirates luttaient pour se mettre à couvert, tout en ripostant aux tirs des TIE largués par les Star Destroyers. Curieusement, assez peu d’entre eux furent détruits, ou pris par les rayons tracteurs de la station Golan : le croiseur Dreadnaught remplissait bien son rôle, bien qu’il s’évertuât, lui aussi, à tirer sur eux.

Heureusement que les hommes du Hutt sont là, pensa Hierrulf. Ils remplacent presque le Nullards Squadron ! Il eut un sourire triste, en se disant qu’ils ne feraient jamais plus de ces mémorables batailles de purée dans le réfectoire du Crystal.

Le bruit d’un signal d’alarme le tira de sa rêverie.

— On est libéré de la gravité de Coruscant, fit Xun. Calcul d’astronavigation effectué ! Paré à passer en vitesse lumière. Accrochez-vous !

Dehors, les étoiles s’allongèrent pour se transformer en un long tunnel étincelant. Le Smashing Stars disparut de l’espace normal. Ils étaient libres !

De leur côté, les contrebandiers survivants, abandonnant la protection du Dreadnaught, partirent eux aussi vers des cieux plus cléments.
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