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La Voie des Ténèbres
Fiche | La Voie des Ténèbres
La Voie des Ténèbres
 
La fumée était très dense dans la Cantina, et le bruit assourdissant. Le vieux ventilateur cabossé peinait à remuer les lourdes vapeurs qui assombrissaient la salle bondée. Alors qu’il n’était pourtant qu’à quelques mètres de son oncle, Bayn avait presque du mal à le distinguer. De plus, son champ de vision était sans cesse bloqué par les allées et venues des clients de la cantina. L’un d’eux, un trandoshan au visage couturé de cicatrices, venait justement de se placer pile entre lui et la table de son oncle, et ne manifestait aucun désir apparent de bouger… Il invectivait dans sa langue natale un groupe de joueurs de sabbac installé un peu plus loin. Bien qu’il ne comprenne pas un traître mot de ce qu’il hurlait, Bayn se doutait que ce ne devait pas être très sympathique… Accoudé au bar, il faisait tout son possible pour paraître détendu, mais il sentait bien que sa main était crispée sur la crosse du blaster lourd qu’il portait au côté. Une arme bien voyante, à laquelle d’ailleurs il n’accordait pas une confiance énorme, la trouvant trop peu maniable à son goût. Il était rassuré par la présence du petit blaster qu’il portait à l’arrière de sa ceinture, fixé par magnétisme à une plaque d’acier. Il lui suffisait d’une fraction de seconde pour écarter les pans de sa veste et se saisir de l’arme dans le même mouvement. Une petite astuce qui l’avait bien souvent tiré d’affaire. Mais dans le genre de bouge auquel appartenait cette cantina, il valait mieux pouvoir montrer sans ambiguïté que l’on disposait de répondant, d’où la présence de l’arme sur sa cuisse.

Mais pour l’heure, personne n’avait fait attention à lui, la clientèle hétéroclite et agitée du bar le rendait bien insignifiant. Le Trandoshan avait fini de crier et entreprenait à présent d’aller expliquer son point de vue plus directement. Bayn sentit qu’une rixe était sur le point d’éclater. Au moins, l’importun avait libéré son champ de vision, et il pouvait à nouveau voir Naar Callest. Assis à une table au revêtement noirci, visiblement récupérée dans une épave de vaisseau cargo, son oncle sirotait tranquillement sa boisson, l’air totalement détaché. Le voir ainsi ne faisait que renforcer la nervosité de Bayn : son oncle avait toute confiance en lui pour lui prêter main forte au cas ou les choses tourneraient mal…

Le droïd cabossé qui servait les boissons derrière le bar l’apostropha de sa voix mécanique pour lui demander s’il voulait un autre verre. Alors qu’il s’apprêtait à répondre, Bayn avisa un homme qui se rapprochait de la table de son oncle. Ce type avait l’air parfaitement anodin, mais quelque chose en lui indiquait le professionnel aguerri constamment aux aguets. D’une taille moyenne, les cheveux coupés très court, vêtu d’une tunique de travail noire, l’homme avait un visage sévère et fermé, sans relief. Mais son regard semblait perpétuellement en alerte. Il approcha de l’oncle de Bayn, tira une chaise à lui. D’où il était, Bayn ne pouvait entendre les paroles prononcées par l’homme et son oncle. Mais ce dernier acquiesça d’un hochement de tête et l’homme s’assit. Une discussion a bâtons rompus commença alors, des négociations à n’en pas douter. Bayn esquissa un sourire : son oncle était imbattable à ce jeu là.

Il fit glisser son regard d’un bout à l’autre de la salle bondée, histoire de s’assurer que l’homme n’était pas accompagné. Il ne remarqua rien de particulier : soit l’homme était seul, soit sa protection était très discrète… Le problème, c’est que tous les clients de ce bouge sont louches ! grommela t’il entre ses dents. Mais Bayn se détendit un peu.

L’entrevue ne dura en fait que peu de temps. L’homme et son oncle trouvèrent visiblement un terrain d’entente. Ils échangèrent une poignée de main, puis l’individu se leva, salua Naar d’un mouvement de tête, avant de se diriger vers la sortie, aussi rapidement qu’il était arrivé. Bayn resta à son poste quelques instants encore… Personne ne se leva pour suivre l’homme. Plutôt rassurant, se dit il. Si le type était venu sans escorte c’est qu’il ne redoutait pas de coups fourrés, ou qu’il n’en préparait pas…

Son oncle finit tranquillement son verre avant de se lever et Bayn se dirigea vers lui. Naar arborait un grand sourire satisfait.

- OK, fils, on y va. Préviens ton frère de préparer le vaisseau.
- Tu veux dire qu’on a un contrat ?
- Ouais, et un bon. Ce type doit être très pressé de voir sa marchandise arriver à bon port. Son transporteur habituel s’est fait choper par la douane républicaine, et il se retrouve avec 50 caisses sur les bras à livrer d’urgence dans un trou paumé. Résultat : on s’en occupe et il paie rubis sur l’ongle, au tarif royal.
- Il t’a paru réglo ?
- Autant que peut l’être un trafiquant mon gars… Nous faisons un métier dangereux, non ?
- C’est sur… Mais on ne gagne rien à prendre des risques inconsidérés… Et là, je ne suis pas sur d’être à l’aise. On négocie hors de nos canaux habituels…

Naar adressa un sourire à son neveu :

- Ne t’inquiètes pas, fils… J’ai confiance en Trood, et c’est lui qui nous a fourni ce contact. Il est insupportable mais il est régulier. Je le connais depuis très longtemps, je travaillais déjà avec lui alors que ton père… - Naar eut soudain un silence gêné… Bon, en tout cas, va rejoindre Steer, et aide le à tout préparer. Ce type, qui qu’il puisse être, est pressé. Vu le prix qu’il paye, je ne tiens pas à le décevoir. On nous amènera le chargement dans une heure, au plus. Je passe chez Trood pour lui régler sa commission et je vous rejoins ensuite.

Tout en parlant, ils sortirent de la cantina et se mêlèrent à la foule qui envahissait les alentours de l’astroport de Bless Impar. La moiteur de la soirée tomba comme une masse sur leurs épaules. Bless Impar était une planète chaude et humide, à l’atmosphère poisseuse qui vous collait la chemise à la peau. Bayn s’y sentait toujours oppressé et chaque mouvement lui pesait. Mais il n’y avait guère beaucoup d’autres endroits où d’honnêtes contrebandiers comme eux pouvaient exercer leur profession.

Laissant son oncle au milieu de la place bondée, il se dirigea vers les docks, tout en levant les yeux pour admirer le ballet incessant des vaisseaux de transport qui sillonnaient le ciel de la petite planète.





- Nom de… P6 ! Tu te fous de moi ou quoi ? Les coupleurs d’énergie, tu les a remontés avec un marteau ?
- Je suis désolé, maître Steer, mais dois je vous rappeler que je n’ai pas été spécifiquement programmé pour…
- Ferme là et viens un peu par ici, tu veux ? Je ne comprends rien aux instructions binaires des modérateurs de propulsion.

La voix de Steer sortait étouffée de la fosse d’entretien du Fer de Lance, le vaisseau de son oncle Naar. C’était un solide transport corellien, à l’apparence très banale, mais recelant pas mal de surprises. Cela faisait bientôt deux heures qu’il s’escrimait à régler les propulseurs subluminiques du vaisseau, victimes de fluctuations désagréables. Ceux ci, surgonflés, étaient particulièrement puissants et performants, surtout pour un appareil de cette taille, mais ils avaient été tellement modifiés que leur réglage devenait un vrai casse tête. Malgré le ton de sa voix, il n’était nullement en colère contre le vieux droïd de protocole à l’armure cabossée qui les avaient pratiquement élevés, lui et son frère. Mais ça faisait du bien de se défouler sur quelque chose.

P6 se dirigea vers le panneau d’accès aussi vite que lui permettaient ses articulations grippées… et s’empêtra dans les câbles d’alimentation qui jonchaient le sol du transporteur.

- Euh, maître, je… je…
- Tu fais quoi, là ? Tu arroses les fleurs ? Dépêche toi un peu, on a pas toute la journée.

Un bip furieux se mit soudain à retentir. Steer reconnut l’alarme de proximité : quelqu’un venait d’entrer dans le périmètre de sécurité du vaisseau, et s’en approchait. Une voix nasillarde se fit entendre dans le haut parleur :

- Il y a quelqu’un à bord de cette ruine ? Holà ! Quelqu’un m’entend ? Vous pourriez avoir l’amabilité de m’ouvrir, bande de pirates…

Steer reconnut le ton haut perché et sifflant de Trood, leur intermédiaire. Il sortit à grand peine de la fosse d’entretien, les mains encore couvertes d’huile, et jeta un œil sur l’écran de contrôle, histoire de s’assurer que le receleur était bien seul. C’était visiblement le cas… Steer pouvait voir le petit extraterrestre reptilien à la peau jaunâtre s’agiter, visiblement très énervé d’être confiné à l’extérieur du Fer de Lance… Il actionna la commande de la passerelle d’accès et celle ci s’abaissa en chuintant. Trood s’y élança avec vigueur, tout en continuant à crier.

- C’est pas trop tôt ! C’est pas une façon d’accueillir des visiteurs de marque, je peux te l’affirmer mon garçon. Me traiter, moi, comme un vulgaire étranger…
- Du calme, Trood, je suis seul à bord et j’effectuais des réglages. J’ai fait aussi vite que possible… Et tu pourrais dire bonjour, au moins, répondit Steer en lui tendant sa main couverte de graisse noirâtre.
- Tu plaisantes, ou quoi ? Va d’abord te laver si tu veux que je te salue correctement, tu es répugnant. Je cherche ton oncle, tu l’as vu ?
- Il est parti à un rendez vous, avec Bayn…

Après avoir bousculé P6 qui manqua de s’étaler dans le couloir d’accès, le Nemrodien s’approcha de la console de contrôle, et commença à manipuler le pupitre de commande.

- Hé, qu’est ce que tu fais ? Ne touche à rien, tu veux. A moins que tu ne veuilles mettre Naar en colère, bien entendu…
- Figure toi, mon jeune ami, que je m’assure simplement que mes investissements sont utilisés à bon escient. Vous autres m’avez l’air d’une belle bande d’amateurs - Il agita un index crochu sous le nez de Steer - Et j’ai suffisamment pris de risques jusqu’ici. Cela me donne un droit de regard sur la façon dont vous gérez vos affaires. Ah ! Les subtilités du commerce et de l’économie, voilà bien quelque chose que tu es incapable de comprendre, jeune imbécile. Tout juste bon à faire le beau dans les tavernes et à casser du matériel dispendieux en…
- Salut Trood, dit une voix posée et grave, nous aussi on est contents de te voir…

Trood se retourna et vit Bayn, tranquillement adossé au bord du sas.

- Ah ! Voilà le grand frère. Toi tu sauras peut être ou on peut trouver cet escroc qui est accessoirement ton oncle ? Il me doit beaucoup d’argent, oui, beaucoup !
- Calme toi, l’ami. Si tu étais resté dans ton échoppe, calmement, tu l’aurais déjà en ta possession cet argent. Naar est parti t’y retrouver. Au lieu de ça, tu déboules ici en hurlant et en manquant de respect à mon petit frère. Ce n’est pas très sympathique de ta part, je trouve.
- Je suis un homme d’affaire, je n’ai pas à être sympathique, sache le ! Je vais attendre ton oncle ici même. Il finira bien par revenir.
- Fais comme tu veux, Trood. Steer et moi avons du travail. Mais si tu touches à quoi que ce soit, tu t’en expliqueras avec Naar.
- Ne t’inquiètes pas pour moi, mon jeune garçon. Inquiètes toi plutôt de remettre en état de voler cette ruine que vous appelez vaisseau.

Plantant Trood au milieu de la coursive, Bayn rejoignit son frère.

- Il faut qu’on prépare les soutes avant, on nous amène un chargement. Mais finis d’abord tes réglages sur la propulsion.
- On part bientôt ?
- Dès que les conteneurs seront à bord, et notre employeur a l’air pressé. Ne perdons pas de temps. Bayn se retourna vers P6 - Et toi, garde un œil sur Trood, s’il te plaît…





Le Fer de Lance sortit de l’hyperespace. Dans le cockpit, les étoiles, étirées en de longues lignes blanches, reprirent soudainement leur apparence normale. Devant le transport spatial brillait un vieux soleil visiblement malade, qui peinait à éclairer les 4 planètes qui orbitaient autour de lui. Selon les senseurs, seule l’une d’entre elles n’était pas un caillou désertique sans vie.

- Nous y voilà, dit Naar Callest. Un sacré trou !
- Peut être, mais il semble y avoir du monde dans ce trou, répondit Bayn. Sur la troisième planète plus exactement.
- Alors, mets le cap dessus, et arme les boucliers. Je ne veux pas la moindre surprise…

Jusqu’à présent, tout s’était bien passé. Mais Naar avait raison, les choses sérieuses commençaient seulement maintenant. A l’heure dite, des manutentionnaires s’étaient présentés au hangar, pilotant une cinquantaine de caisses rétropropulsées, hermétiquement scellées. Impossible de savoir ce qu’elles contenaient, mais le soin apporté à leur confinement révélait à l’évidence qu’elle ne contenaient sans doute pas des marchandises destinées au grand public. Les verrous magnétiques étaient de la dernière génération, et les caisses émettaient individuellement un bruit blanc capable de tromper un système de scanner même très performant.

Le client de Naar était venu personnellement inspecter si le chargement s’effectuait dans de bonnes conditions. Il fut visiblement contrarié de constater que Trood était présent, invectivant tour à tour chacun des manutentionnaires pour qu’ils prennent davantage soin de la cargaison. Le regard froid que l’homme adressa à l’extraterrestre fit un drôle d’effet à Bayn. Mais le chargement s’était effectué sans encombres et surtout sans retard. L’homme avait tendu à Naar un datapad contenant les coordonnées de leur destination, sans être beaucoup plus prolixe. Il leur indiqua simplement qu’il s’agissait d’une petite colonie sur une planète éloignée des principales routes commerciales. Qu’ils s’agissent de pirates, d’un repaire de criminels en fuite ou de simples agriculteurs en quête de substances illégales, Naar et ses neveux ne voulaient surtout pas le savoir. Moins on en savait, plus on vivait vieux dans ce métier…

L’intercom du vaisseau bipa et une voix s’éleva dans le cockpit. La source provenait de la petite planète sombre vers lequel se dirigeait le Fer de Lance à vitesse réduite.

- Salutations et bienvenue. Nous espérons que vous avez fait bon voyage.
- Pas trop mauvais, maugréa Naar. On se pose où ?
- Un de nos appareils se dirige vers vous. Vous n’aurez qu’à le suivre. Notre planète n’est pas à proprement parler un lieu de villégiature, et il vaut mieux être accompagné, répondit la voix en riant. Vous verrez, ça secoue !
- Bien reçu, on attend votre éclaireur - Naar coupa le communicateur - ce type est trop affable, ça ne me dit rien qui vaille. Ouvre l’œil et le bon, Bayn…

Bayn sourit. Naar était toujours nerveux avant une livraison. Bien sur, cela valait mieux qu’une confiance aveugle… Les senseurs lui indiquèrent qu’un petit vaisseau se dirigeait vers eux. Ils virent approcher un antique appareil de transport, à la silhouette balourde, et à la carlingue entièrement rapiécée de morceaux disparates. Il effectua un pénible cercle autour du Fer de Lance avant de se placer devant lui. Visiblement, l’un de ses trois propulseurs était éteint. Bayn dut réduire la vitesse pour rester dans la queue du petit vaisseau. Le communicateur grésilla :

- Vous n’avez plus qu’à nous suivre, transport. A la surface, il y a des vents violents et une visibilité très réduite, alors allez y doucement.
- Bien reçu, éclaireur, répondit Bayn. On peut y aller.

Derrière son poisson pilote, le Fer de Lance entama sa descente vers la planète. Dès qu’ils eurent passé les hautes couches de l’atmosphère, le transporteur fut frappé par de puissants vents d’altitude. Bayn dut compenser la dérive et poussa à fond les propulseurs qui gémirent sous la pression, juste pour éviter que le vaisseau ne soit balayé vers la surface. Le pilote du petit vaisseau qui les guidait ne devait pas être à la fête : son appareil était littéralement ballotté. Ils descendirent encore, et une pluie très forte se mit à battre la verrière du Fer de Lance, rendant presque nulle la visibilité.

- Charmante planète, grogna Naar.

Une montagne noirâtre très découpée surgit soudain devant eux. Bayn s’arc bouta sur les commandes et le vaisseau évita de justesse un pic de roche moussue. Il s’aperçut qu’il avait légèrement dévié de la trajectoire suivie par le vaisseau pilote. Il sentit quelques gouttes de sueur rouler sur son front. Se remettant dans la roue de leur guide, ils descendirent encore pour suivre un long défilé rocheux. Ainsi à l’abri, les deux appareils ne furent plus la proie du vent. Ils suivirent assez longuement cette longue déchirure à la surface de la planète. Finalement, leur guide ralentit et entama une manœuvre d’approche. En contrebas, ils virent apparaître un très vaste plateau à la végétation luxuriante. Bayn jeta un œil aux senseurs : une humidité record et une température étouffante. Il s’agissait d’une véritable jungle là dessous ! Plusieurs dômes et flèches de senseurs, brillants sous la pluie battante, transperçaient la voûte des arbres, trahissant la présence d’une base, dissimulée sous les frondaisons. Soudain, la partie la plus allongée du plateau, vierge de toute végétation, s’illumina : des balises d’approche… Assez habilement, au vu de la maniabilité de son engin, leur guide se posa. Bayn entama sa descente. Il avait un peu de mal à stabiliser le Fer de Lance, le vent étant plus puissant que dans le canyon. Enfin, les trains d’atterrissage accrochèrent le sol et Bayn bloqua les répulseurs. Avec un sursaut, le vaisseau s’immobilisa… Leur guide redécolla immédiatement et s’éloigna…

Depuis la verrière, et malgré la pluie, on voyait assez distinctement une série de bâtiments à l’orée de la forêt. Une entrée principale était clairement visible, constituée d’une lourde porte blindée de type militaire. Derrière, on apercevait deux hangars de bonne taille, des constructions en kit comme en utilisaient les forces d’assaut en campagne lorsqu’elles voulaient établir une base rapidement.

- En tout cas, aucune trace d’installations agricole, dit Naar avec ironie. Peu de chances que nous ayons à faire à des colons courageux.
- Ca bouge en face, lui répondit Bayn.

La porte blindée venait de coulisser, livrant passage à un groupe d’une dizaine d’hommes. Ils portaient des tenues de combat camouflées, avec un casque et un poncho pour se protéger de la pluie. Tous étaient visiblement armés de fusils blasters. Celui qui menait le petit groupe agita la main vers la cabine du Fer de Lance.

- Ca commence mal. C’est une vraie démonstration de force… grommela Naar. Il se saisit de son communicateur et se leva de son siège de copilote. Tu restes ici, Bayn et tu gardes les moteurs au chaud. Ouvre la passerelle d’accès, je vais les accueillir. Steer, tu m’accompagnes. On les aide à décharger le plus vite possible, et on se tire d’ici juste après. Bayn… tu fais bien gaffe, hein ? Au moindre coup fourré, tu nous couvres et on met les bouts…
- Pas de problème Naar.

Mais Bayn était loin de ressentir l’assurance qu’il essayait de faire passer dans sa voix. D’un coup d’œil il s’assura que le canon blaster escamotable camouflé sous le nez du Fer de Lance était bien armé. Puis, il baissa la passerelle. Son oncle testa son communicateur, qui fonctionnait parfaitement. Ainsi, Bayn pourrait entendre tout ce qui se dirait…

Naar sortit le premier de la passerelle d’accès de son vaisseau. En retrait derrière lui, le plus jeune de ses neveux avait dégainé son blaster, et le tenait hors de vue, le long de sa jambe. La pluie tombait avec une force qu’il avait rarement vu, et une véritable mer de boue s’étendait devant lui. La petite troupe était presque à leur hauteur. Aucun d’entre eux ne les menaçait ostensiblement, mais Naar détestait de ne pas pouvoir voir leurs yeux, sous les visières des casques… Le chef s’approcha de Naar et lui tendit la main, tout en souriant :

- Salut et bienvenue ! Je m’appelle Rash Ogar, et on m’a chargé de vous accueillir. Quel temps pourri, hein ? En tout cas, vous avez fait vite, c’est appréciable. Mes hommes vont décharger les caisses. Que diriez vous de venir vous mettre à l’abri dans mon bureau ? On prendra un verre et je vous paierai le solde de ce que nous vous devons.
- C’est très aimable, mais je préfère superviser le déchargement. Les pales d’élévation de mes soutes sont assez capricieuses, et on risque de perdre du temps. Mais vos hommes peuvent monter à bord et je les accompagne.
- Pas de souci, commandant, on prendra ce verre juste après…

Bayn était assis sur son siège de pilotage. Il n’avait même pas desserré ses sangles. Il scrutait les bâtiments camouflés sous les arbres, tout en gardant un œil sur l’écran de contrôle de la caméra de la passerelle. Il vit plusieurs hommes en arme pénétrer dans le vaisseau, accompagnés de Naar, et se diriger vers les soutes. Soudain, un petit éclair métallique attira son attention, du côté des bâtiments. Intrigué, il sortit de leur boîte une paire de jumelles macrobinoculaires. C’était bien cela, il n’avait pas rêvé. La porte de l’un des hangars était entrouverte, et l’éclair qu’il avait perçu était bien celui d’un arc de soudure. Il vit un droïd astromech au travail sur une pièce d’équipement. Un technicien était penché sur ce qui semblait être un bloc propulseur. Mais il ne parvenait pas à distinguer plus loin que cela, le hangar était trop sombre. Il augmenta l’intensification de lumière, et eut un mouvement de surprise…

Des chasseurs stellaires… Difficile de déterminer leur type, mais il s’agissait bien de chasseurs stellaires ! Il en distinguait au moins trois rangées. Il augmenta le zoom… C’était bien cela, sans aucun doute. Il voyait distinctement un petit véhicule d’approvisionnement qui faisait le plein de l’un des chasseurs. Et là, sur la droite, c’était sans conteste des nacelles de torpilles à proton. Je n’aime pas ça du tout, pensa t’il, mais alors vraiment pas du tout. C’est une véritable armée…

Il jeta un coup d’œil ce qui se passait sur la passerelle… Les caisses étaient en train de sortir, pilotées par les soldats. Steer les guidait. Naar était ressorti à l’extérieur et parlait de tout et de rien avec l’officier… Il pouvait sentir la tension dans la voix de son oncle. Mais pour l’instant, tout se passait bien. Il se demanda s’il devait avertir son oncle, mais s’abstint. Inutile de l’inquiéter… Il ne restait que quelques caisses. Il prit toutefois quelques images du hangar ouvert, afin de les montrer plus tard à Naar.

Il reprit son inspection des alentours de la base. Des gens capables d’entretenir une escadrille de chasseurs stellaires, c’était loin d’être banal. Tout en surveillant son écran, il continua pendant de longues minutes à chercher le moindre détail bizarre. Il n’en était pas sur, mais plus loin, il y avait sans doute un troisième hangar. C’est alors qu’il aperçut le canon blaster lourd. Il était posé sur un trépied et deux hommes étaient visibles derrière, prêts à tirer. L’un d’eux avait bougé, ce qui avait révélé l’arme lourde, autrement camouflée derrière les feuilles de fougères géantes. Autant qu’il puisse en juger, il était pointé pile dans leur direction… La compréhension lui fit mal au ventre : ils n’allaient pas les laisser repartir d’ici vivants… Pas après tout ce qu’ils venaient de voir.





Naar se força à sourire. L’autre venait de lui poser une question, mais il ne l’avait pas entendu. Il se tourna vers les soldats qui sortaient les dernières caisses.

- Excusez moi, dit-il à l’officier. Hé vous, faites un peu attention. Si vous continuez comme ça, vous allez bousiller les longerons de ma passerelle.

Le soldat grommela quelque chose et passa devant Naar. Au même moment, Bayn cria dans le communicateur :

- Remonte à bord ! Maintenant !

Naar se tourna vers l’officier. Celui ci dut lire sur son visage qu’il avait compris ce que lui et ses soldats leur réservaient à l’issue du déchargement. Une grimace déforma ses traits et il leva son fusil blaster. Trop tard. Naar appuya sur la détente de son blaster et un trait d’énergie frappa l’officier à bout portant en pleine poitrine. Il s’écroula comme une masse. Naar se retourna et tira sur le soldat le plus proche, le touchant à la jambe. Il s’élança vers la passerelle…

Au même moment, Bayn déclencha le tir du canon escamoté. Le panneau protecteur fut éjecté et l’arme tira une rafale de traits d’énergie mortels, hachant menu la portion de forêt autour du canon lourd, qui explosa sans avoir pu ouvrir le feu.

C’est alors que le second canon blaster, camouflé de l’autre côté de la piste, tira une première rafale, qui frappa de plein fouet la passerelle d’accès. Sur son écran de contrôle, Bayn vit Naar disparaître dans une volée d’éclats portés au rouge.

Non ! hurla t’il… Il tira une série de rafales au jugé vers l’endroit d’où le second canon semblait avoir tiré. Au passage, il faucha trois des soldats qui étaient ressortis du Fer de Lance. Mais il rata sa cible, et le canon lourd cracha une nouvelle série de traits d’énergie. Bayn entendit une explosion à l’arrière de son vaisseau. Tout en passant le tir de son canon en automatique, il enclencha les répulseurs. Le Fer de Lance s’éleva à quelques mètres au dessus de la piste boueuse.

Plusieurs coups de blaster retentirent derrière lui, dans la coursive… Il fit sauter les sangles de son siège et dégaina sa propre arme… Un trait de laser passa à quelques centimètres de sa tête et s’écrasa sur la console. Une pluie d’étincelles retomba sur lui, et le vaisseau fit une embardée. Bayn se rua vers l’entrée du cockpit et tira au jugé dans la coursive, avant de se plaquer sur la paroi à côté de la porte. Il eut le temps de voir deux soldats, dont l’un s’écroula, frappé à la tête par la décharge de Bayn. C’est alors qu’il entendit la voix de son frère, qui remontait la coursive en courant vers le sas d’entrée.

- Restes aux commandes, Bayn, je m’occupe de Naar !
- Attention ! Il y a un homme entre toi et…

Une série de détonations retentirent alors dans la coursive et Bayn entendit le bruit d’un corps qui s’effondrait. Sans plus réfléchir, il se jeta dans le passage, fit un roulé boulé, et se retrouva juste aux côtés du second soldat. Il lui tira une décharge mortelle dans la poitrine et l’homme s’écroula avec un cri rauque. Tentant de se maîtriser, Bayn se releva et avança dans la coursive. Steer était allongé un peu plus loin, en chien de fusil. Il avait lâché son arme et ne bougeait plus. Une horrible peur au ventre, Bayn se dirigea ver le sas et la passerelle à moitié calcinée, dans l’espoir d’y trouver Naar accroché. Mais il n’y avait personne. En contrebas, il ne restait de son oncle que des débris fumants et inidentifiables. Réprimant un haut le cœur, Bayn actionna la commande de fermeture et se rua vers le cockpit. S’il ne décollait pas tout de suite, ni lui ni son frère ne s’en sortirait. Le canon blaster du Fer de Lance se tut soudain, un tir direct venait de le réduire en pièces.

Toute une escouade de soldats se précipitaient depuis l’entrée blindée, afin de prêter main forte aux survivants de la première, décimée par le blaster escamotable. Les boucliers avaient souffert mais tenaient bon. Bayn lança les propulseurs à pleine puissance et son vaisseau bondit. Au milieu des traits de laser, le transport corellien s’éloigna du plateau rocheux. Tout un tas de voyants lumineux étaient passés au rouge, mais Bayn n’avait pas le temps de s’en occuper. Les vents happèrent l’appareil, et il sentit celui ci piquer du nez. Luttant avec les commandes, Bayn réussit à maintenir sa trajectoire. Enfin, le Fer de Lance franchit les dernières couches nuageuses et retrouva le noir velouté de l’espace.

Bayn avait à peine soufflé que ses senseurs bipèrent comme des damnés. Ils venaient de repérer trois échos, très rapides, lancés sur une trajectoire d’interception. Des chasseurs.

- De mieux en mieux ! C’est pas vrai !

Steer n’étant pas en état de se placer dans la tourelle de la batterie laser du Fer de Lance, Bayn n’avait aucun moyen de se défendre. Il lui fallait fuir le plus vite possible. Un rapide calcul lui confirma qu’il passerait en hypervitesse avant que les chasseurs ne soient sur lui. Mais ce serait tout juste. Il dériva une partie de l’énergie des boucliers vers les propulseurs. Ca risquait d’être serré. Bayn vit que les chasseurs avaient ouvert le feu, mais ils étaient encore hors de portée.

Bayn abaissa la manette et il sentit vibrer en lui la puissante accélération qui propulsa son vaisseau dans l’hyperespace. Le Fer de Lance disparut en un instant de la vue des chasseurs stellaires lancés à sa poursuite.





Le Fer de Lance, tous propulseurs éteints, dérivait lentement dans l’espace profond. Si ce n’était la lueur tamisée du cockpit, on aurait tout à fait pu croire qu’il s’agissait de l’épave d’un transport malchanceux.

Debout dans la tranchée d’entretien des hyperpropulseurs, Bayn essayait de se concentrer sur la soudure qu’il était en train de réaliser. En vain. Il expira profondément et éteint le bec de son chalumeau. Il épongea son front baigné de sueur. Quoi qu’il fasse, il n’arrivait pas à penser à autre chose. Sans arrêt, il repassait dans sa tête l’image du container qu’il avait éjecté dans l’espace et qu’il avait regardé s’éloigner en tournant lentement sur lui même. Un simple container alimentaire, dernière demeure improvisée du corps sans vie de son jeune frère Steer. Il frappa le panneau de contrôle de ses deux poings serrés. Quand à son oncle, il ne restait rien de lui, pas même de quoi remplir un pauvre container. Bayn sentit une main métallique se poser sur son épaule.

- Maître Bayn… Je.. je suis désolé… pour maîtres Naar et Steer. Je…
- Merci P6. Je sais ce que tu veux dire. Ne t’inquiètes pas. On retrouvera ces types, je te le promets… Et je sais par où commencer.