Voici une synthèse non exhaustive de la conférence donnée par le producteur d'Un Nouvel Espoir & de l'Empire Contre-Attaque. Avec tout ce qui a été dit, on aurait pu écrire un livre ! ;-)
[Et quel plaisir de revoir des extraits des films sur un écran géant !]
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En ce
mercredi 18 janvier 2006, il règne un calme absolu dans le vaste hall de la Cité des Sciences de la Villette à Paris. En effet, à 18h30 les expositions ont fermé ; il ne reste que des vigils pour indiquer la direction de l’auditorium où se déroule
la conférence sur les origines de la saga, en présence du producteur Gary Kurtz.
La conférence démarre avec un certain retard, mais le professionnalisme de Pascal Pinteau, journaliste et animateur de la soirée, nous fait entrer dans le vif du sujet.
La carrière de
Gary Kurtz débuta dans le célèbre studio indépendant de Roger Corman, roi de la série B ( voire Z). En 4 ans, il travailla sur 70 films ! Les acteurs ne savaient même plus dans lesquels ils jouaient ! Contrairement au milieu fermé d’Hollywood, le studio de Corman lui offrit la meilleure expérience possible, tournant dans des conditions très limitées. Les producteurs de ces films au rabais représentant leur maillon faible, Kurtz s’intéressa à ce métier.
Il travailla ensuite pour les Marines, étant enrôle au Vietnam. Il y devint notamment documentaliste ou cameraman. Une expérience pas très agréable, qu’il tente d’oublier, mais qui l’a aidé : Coppola lui propose par la suite de travailler sur
Apocalypse Now. Mais des pressions empêchèrent de lancer le projet à la fin des années 60 (il faudra attendre 1978).
Mais le sort lui a prévu d’autres oeuvres mythiques. Coppola, fondateur du studio Zoetrope qui produisit THX 1138, lui fit rencontrer
George Lucas pour les besoins d’
American Graffiti.
Le production de celui-ci ne fut pas de tout repos : budget très faible, tournage difficile (26 jours de nuit), un casting de trois mois, une lutte acharnée pour imposer les tubes musicaux de la fin des années 50…Mais le film remporta un franc succès.
[la bande-annonce américaine est diffusée sur le grand écran de l’auditorium]
Ce succès ouvrit des portes au duo Kurtz/Lucas (pour
Star Wars). Mais à cette époque, la science-fiction n’était pas en vogue, et décrit en général des univers apocalyptiques. Vous connaissez l’histoire, les studios Hollywoodiens ne sont pas partant, sauf la Fox qui alloue un petit budget . Le projet de Lucas ne porte pas de titre au départ, puis devint THE STAR WARS. La Fox n’aimait pas ce titre car il comporte le mot ‘war’ (guerre). Le studio fit d’ailleurs faire des sondages sur ce titre dans des supermarchés avant la sortie. Heureusement, personne ne trouva mieux !
[sur le grand écran est projeté par erreur un documentaire sur Dark
Crystal, vite remplacé par la bande-annonce du coffret DVD de la trilogie]
Le scénario était en perpétuel changement, car il fallait s’aligner sur le petit budget.
Luke Skywalker devint notamment une femme ou un général…
[interview de Lucas sur la raison d’être d’une trilogie]
Alors, combien de films étaient prévus au départ ? Six ou neuf ?
En fait, le scénario qui prit forme dans l’imagination de Lucas était trop long pour un seul long métrage, alors on décida d’en adapter la partie la plus ‘faisable’. Rien n’était globalement défini, il y avait assez de matière pour développer l’histoire sur de nombreux opus. Mais en cas d’improbable succès, deux films pourraient au moins être tournés sur la base du premier scénario.
[interview de Lucas sur le difficile tournage en Tunisie]
Pour le producteur Gary Kurtz, la célèbre tempête (tunisienne) est une possibilité prévue pour tout film tourné en extérieur, et s’est donc relativement bien passée compte tenu de la marge de manœuvre dont dispose la production face aux catastrophes naturelles (une partie du budget est pour les imprévus). Des scènes furent néanmoins tournées par la suite en Californie ; notamment celles où
R2-D2 roule sur le sable. Dans l’ensemble, Lucas n’aimait pas tourner en Tunisie ou en Angleterre. Il n’y maîtrisait pas tous les aspects de la production (contrairement à ses propres studios improvisés). L’équipe anglaise ne croyait pas en Star Wars. Timide, Lucas communiquait peu avec son équipe anglaise. Tout cela rendit le tournage difficile. Mais une fois que les premiers effets spéciaux furent montrés, les anglais comprirent le potentiel du projet.
Selon Kurtz, Alec Guiness (Obi-Wan) était toujours en avance sur la plateau, déjà en costume. Consciencieux, il marchait dans le désert tunisien pour se concentrer. Simple et direct, il mettait à l’aise ses partenaires.
Peter Cushing (Tarkin) était un vrai gentleman. Venant du théâtre (comme Guiness), il était très professionnel, et fut très demandé pour des rôles de méchants.
Il fallut faire de longues études sur les coiffures de toutes les époques pour trouver celle de Leia. Le problème pour la science-fiction, c’est que la coiffure représente une mode ancrée dans le temps. Alors l’équipe choisît une coupe du moyen-âge, un peu intemporelle.
Pour parfaire son rôle, il fallait faire mourir
Obi-Wan Kenobi. Chaque jour, le scénario était modifié. Lucas tourne vite, il faut s’adapter selon les scènes. Le bas du sandcrawler (complété dans le film par une peinture sur verre) fut construit en Angleterre, avant d’être remonté en plein milieu du désert tunisien. Les échafaudages tombèrent d’ailleurs durant la tempête. L’idée de départ pour
Chewbacca était l’adaptation du gentil chien de Lucas (et oui, comme pour Indy).
[interview de
Peter Mayhew, interprète de Chewie]
Pendant le tournage de ses scènes, Mayhew lisait parfois son texte (en langage humain) ou imitait un ours. Mais on l’entendait mal à cause de son masque (inspiré,
Ben Burtt créa ensuite le langage des wookies, et obtint un oscar).
La création d’ILM, actuellement plus gros studio d’effets spéciaux au monde, ne manque pas de piquant. Très jeune, l’équipe faisait plutôt ‘hippie’ et désinvolte. Les effets spéciaux prient du retard. Une unique scène était terminée à la fin du tournage. A l’arrivé de Lucas & de Kurtz, le travail devint plus dynamique. Les équipes travaillaient tard la nuit. Les cadres de la Fox rendaient visite aux employés d’ILM, et les voyaient régulièrement dormir en début d’après-midi, ce qui les rendit plutôt perplexe. Mais au fur et à mesure, le visionnage des rushs fut le moyen de faire baisser la pression. N’ayant plus d’argent, l’équipe récupéra des éléments précédemment utilisés pour terminer le film. Le texte déroulant qui ouvre celui-ci était tout droit inspiré par les génériques de
Flash Gordon (série qui influença énormément Lucas). Mais ces quelques lignes prirent du temps à être créées : l’utilisation de l’ordinateur n’était pas possible à cette époque.
[extrait de l’explosion de l’Etoile noire]
Le graphismes des affiches variait selon les pays. Par exemple, en Italie il était tellement abstrait que le producteur pensa qu’il ferait fuir les spectateurs…ce qui ne fut bien sûr pas le cas.
Pour présenter le film, Kurtz alla à la convention mondiale de science-fiction. Le bouche-à-oreille réussit à lancer correctement Star Wars, mais ce fut au bout de quelques scènes que le succès du film devint étonnant, puis spectaculaire (pour l’époque). Il fut même projeté dans certaines salles durant un an !
Pour l’une des premières affiches de
l’Empire Contre-Attaque, Gary Kurtz demanda un style à la ‘Autant en Emporte le Vent’ (Solo embrasse Leia passionnément) .
Dans cet épisode, on remet en cause les motivations des personnages. La gestation créative qui précéda la production du film le voulut sombre. Dans la tradition du second acte (sur trois), le film possède une (rare) fin négative. En outre, l’Empire gagne dès le début, ce qui introduit le thème de la fuite. L’Empire est plus un film à acteur, les effets spéciaux deviennent mineurs (ils passent au second plan, par rapport aux personnages qui doutent).
Irvin Kershner, le réalisateur, est un directeur d’acteurs.
Le tournage à Finse, en Norvège, connut la pire tempête (encore) de neige en 50 ans. La pellicule gela et fut irrécupérable. Il fallut creuser une tranchée pour se déplacer, et changer le planning. Le film prit du retard et dépassa sur le budget (fourni par Lucas lui-même, ce qui explique son indépendance actuelle).
[interview de Lucas sur les problèmes d’argent de l’Empire contre-Attaque]
Le cable des snowspeeders (qui s’enroule autour des quadripodes impériaux) est en fait directement dessiné sur l’image. [le traducteur parle du
AT-AT comme du « chameau des neiges » ou « de métal » lol]. Pour la scène de la caverne du wampa,
Mark Hamill (Luke skywalker) est longtemps resté à l’envers pendant cette longue journée de tournage, et manqua plusieurs fois de s’évanouir.
[extrait de la bataille de
Hoth sur grand écran : sympathique J]
Le dépeçage du TaunTaun (pour que Solo ne meurt pas de froid) est inspiré des techniques des pionniers aux USA.
Le visage de
Yoda fut inspiré par celui de Suart Freeborn, son créateur. Le meilleur marionnettiste de Jim Henson,
Frank Oz, lui donna vie (par la gestuelle et par la voix).
Lorsque Yoda se trouve sur le dos de Luke (sur Dagobah), seule sa bouche est en fait radiocommandée.
Pour la fameuse scène du «
Je suis ton père », l’équipe fut très réduite, et Dave Prowse (Vador) dit lors du tournage « J’ai tué ton père » (pour que le secret soit gardé).
La fin du tournage laisse place à une bonne impression (sur le film), mais aussi à quelques désaccords. Par exemple, le premier montage de Lucas est considéré comme raté.
[interviews de Mark Hamill,
Carrie Fisher & Harrison Ford]
Un question se pose : pourquoi Gary Kurtz n’a pas participé à l’Episode 6 ?
En fait, lors de la pré-production du
Retour du Jedi, des frictions naissent entre le producteur et George Lucas. Celui-ci voulait davantage d’actions (et ne veut pas faire mourir Solo), ce qui pour Kurtz est « l’influence Indy ». De plus, Jim Henson voulait Kurtz pour produire son Dark Crystal.
Dark Crystal est un défi différent de l’Episode 5 : ce film ne contient aucun acteur humain. Par exemple, la chambre de Crystal (vers la fin) dispose de 60 marionnettistes.
[documentaire sur le film, celui de l’erreur de début de conférence]
Le film contient environ 120 personnages. Kurtz a tourné certaines des scènes (il l’a également fait pour l’Episode 4).
[extrait du film]
Jim Henson avait pris la responsabilité de ne pas faire jouer d’humains, même si on peut toujours se demander si le film serait mieux avec de vrais acteurs. Henson resta toujours enthousiaste face au projet.
Le projet suivant de Gary Kurtz fut la suite du chef d’œuvre de 1939 « le Magicien d’Oz ». Mais «
Return to Oz », plus sombre et sans chansons, ne remporta pas un grand succès. Il fut le seul (et difficile) film de Walter Munch, monteur (American Graffiti, THX 1138, le Parrain, Apocalypse Now). Jim Henson animait dans le film
Jack l’épouvantail.
Par la suite, Gary Kurtz eut marre d’Hollywood, il se mit à l’enseignement et à la télévision (BBC). Il créa par exemple une série animée sur l’Empire Roman, et travaille actuellement sur des projets de science-fiction…
MORCEAUX CHOISIS de fin de séance.
Conseil pour les cinéastes : la discipline est importante. On fait souvent des compromis, mais il faut garder sa vision et savoir gérer la technique en même temps.
Le numérique, c’est forcément l’avenir, pour le meilleur comme pour le pire. Pour les projecteurs numériques, ce n’est pas encore ça, mais ça va s’améliorer.
Gary Kurzt n’aime pas les Editions Spéciales des films qu’il avait produit il y a trente ans de cela. Il seraient mieux sans les ajouts : « ça fait mal aux films ». Il conseille de se procurer les films originaux en DVD (pirates, tant que Lucas ne propose pas d’alternative) ou Laserdisc.
Selon Gary Kurtz, Lucas ne voulait pas vraiment faire de prélogie (mais d’autres projets), mais la Fox l’aurait convaincu. La pression des fans fut trop forte.
Le producteur fut présent lors des enregistrements des musiques (au célèbre studio Abbey Road pour l’Episode 5). Normalement, le producteur sélectionne le compositeur d’un film ; il ne devrait pas être attitré comme
John Williams pour Lucas & Spielberg. Selon Kurtz, ça ne favorise pas le renouvellement créatif.
A noter, lors des questions du public, un fan un peu trop enthousiaste débute une conférence à lui tout seul face à Mr Kurtz sur des détails obscurs des StarWars. Les fans ne changeront jamais ! ;-)
Merci à Pascal Pinteau & à la cité des Sciences !