Salut à tous !
La litté revient à la charge avec un deuxième
éditorial participatif !
Les éditoriaux participatifs, pour rappel, c'est une tribune mise à portée de toi, forumeur, qui a quelque chose à dire sur l'UE, littéraire si possible (mais nous sommes ouverts à tout, même si ça n'a un rapport que lointain, tiré par les cheveux et un peu fumeux). Plus d'infos
ici ou
là.
Place aujourd'hui donc au second éditorial, qui nous a été soumis par
Mitth'raw Nuruodo. Le sujet est pour le moins costaud mais ô combien intéressant, la parole est à lui. Pour réagir, c'est en bas !
"Les éléments politiques et historiques dans l'Univers Étendu de Star Wars",
par Mitth'raw Nuruodo
En dépit de la controverse chez les fans de Star Wars qui veut que la prélogie soit plus enfantine que sa grande sœur, les trois derniers films dans l'ordre de sortie ont également la réputation auprès des fans et de la critique d'intégrer une atmosphère plus politique. Il faut dire que
La Menace Fantôme donne le ton : une République, donc un système politique plus ou moins comparable à celui des États-Unis d'autant qu'elle est manifestement une fédération, une toute-puissante organisation commerciale semblable à nos Firmes TransNationales qui se transforme en menace, un politicien à l'ambition dangereuse... On peut y voir des relents d'opposition au libéralisme économique et des craintes sur l'installation d'un despotisme.
Cependant, la politique ne constitue évidemment pas le cœur de l'intrigue de la prélogie :
George Lucas l'a dit lui-même, Star Wars, c'est d'abord l'histoire de la famille Skywalker, voire exclusivement celle d'Anakin Skywalker/Darth Vader ; l'élément central est donc ce personnage dont la chute du Côté Obscur de la Force nous est montrée comme en écho au choix de son fils Luke dans la Trilogie, et le cadre politique reste comme dans la Trilogie un simple cadre, ce n'est pas le sujet. Il remplit en fait moins une fonction éducative qu'une fonction symbolique, comme le font les références voilées au fascisme dans des œuvres aussi variées que Harry Potter avec l'idéologie attribuée à Voldemort, ou les bandes dessinées Tintin et leur fameux dictateur Bordure Pledzy-Gladz (bénies soient ses moustaches)... On peut le regretter, mais George Lucas voulait obtenir avec Star Wars quelque chose de plus rêveur et de plus universel qu'avec son premier film
THX 1138, qui pour le coup a tout d'un 1984 cinématographique ; Star Wars, c'est un conte SF qui doit nous toucher petit ou grand, sans qu'il soit nécessaire d'avoir sa carte au Parti Démocrate. C'est peut-être à cette fin que certaines répliques de
L'Attaque des Clones portant sur le libéralisme économique ont finalement été coupées.
Il semble donc que la politique n'occupe dans les films Star Wars qu'une place secondaire, bien qu'elle ne soit pas si loin quand on gratte un peu sous la surface ; toutefois, les fans qui se sont intéressés à ce que l'on appelle l'Univers Étendu de Star Wars (UE) savent que la question de la politique dans Star Wars ne s'arrête pas là.
À côté des films s'est maintenant développée toute une armée de romans, divisée en périodes, chacune avec ses attributs propres, écrits par des dizaines de romanciers différents s'efforçant de conserver une certaine cohérence. Or, ces romans - certains fans s'en agacent quelquefois - ne suivent pas forcément en tout point les éléments des films, il peut arriver que leurs intrigues ou leurs atmosphères s'en éloignent même beaucoup ; c'est une accusation notamment portée contre la série du
Nouvel Ordre Jedi parue au début des années 2000 chez l'éditeur américain Del Rey. C'est pourquoi l'on peut se demander si ces romans de l'UE abordent les questions politiques, et si oui, de quelle façon.
La question est par ailleurs difficilement dissociable des références historiques : après tout, la politique, c'est la façon dont les sociétés (
polis, les "cités" si chères à Aristote) choisissent de s'organiser, l'Histoire, c'est ce qui est arrivé aux sociétés par le passé ; la politique se repose souvent sur l'Histoire, l'Histoire a souvent un caractère politique. Quels sont donc les aspects politiques et historiques que l'on peut retrouver dans Star Wars ?
La question se pose principalement pour trois des périodes qui divisent l'UE, c'est à dire successivement dans la chronologie : l'ère Bantam (parue dans les années 90, baptisée ainsi en référence à l'éditeur qui a publié la majorité des romans de cette période), le Nouvel
Ordre Jedi (début des années 2000) et l'Héritage de la Force (paru dans la deuxième moitié des années 2000). Ce n'est qu'après avoir étudié ces périodes dans cet ordre que nous traiterons du reste de l'Univers Étendu.
I/ L'ère Bantam
Si l'UE diffère par certains aspects des films, et peut donc en différer sur la question du traitement d'intrigues politiques, c'est parce qu'il n'est vraiment né que dans les années quatre-vingt-dix, sous la plume de
Timothy Zahn, que George Lucas a parfaitement choisi, ses romans ayant remporté un succès considérable grâce à des personnages véritablement intéressants et une intrigue bien construite même si elle ne déborde pas forcément de suspense ; cela signifie qu'au moment où l'UE peut vraiment apparaître grâce au succès de
Zahn, il doit plaire aux jeunes fans du moment, mais il doit aussi s'adresser à une génération née à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, qui a vu naître Star Wars. Une génération adulte, une génération qui peut être sensible aux problèmes politiques et philosophiques là où les enfants des années soixante-dix ne faisaient que les effleurer en découvrant Star Wars.
Timothy Zahn, tout en restant globalement assez proche de l'esprit des films notamment par les personnages, donne une tournure plutôt SF que fantasy à ses œuvres, ce qui renforce l'impression que l'UE s'adresse plus aux adultes que les films ; ainsi, dès le départ, l'UE parait mieux parti que les films pour bâtir des intrigues politico-philosophiques. Ce n'est pas vraiment Zahn qui s'en chargera. Lui cependant crée plutôt un arrière-plan politique symbolique à la façon des films, à l’image de l'instrumentalisation de la rivalité entre les peuples par le Moff Disra et par
Grodin Tierce dans La Main de
Thrawn. Notez quand même qu'il développe plus ces questions dans sa Trilogie des Conquérants, en-dehors de Star Wars. On commence vraiment à aborder ces aspects au sein de l'ère Bantam avec
La Crise de la
Flotte Noire, vers la fin de la période ; l'idée est alors assez mal mise en œuvre à mon goût, car tout en prétendant développer des intrigues politiques plus que les films, l'auteur se montre finalement plus manichéen qu'eux (il faut quand même bien dire que les Sénateurs corrompus sont tous du même côté...), mais l'idée est tout de même bien là.
II/ Le Nouvel Ordre Jedi
Elle est donc fort logiquement reprise dans le Nouvel Ordre Jedi, ce n'est pas la seule idée qu'il partage avec cette trilogie d'ailleurs (pour laquelle je n'ai cependant que fort peu d'indulgence comme le savent ceux qui m'ont suivis dans les flamewares de l'ère Bantam), et cette fois-ci avec un peu plus de sérieux à mon goût. On voit des questions politiques et philosophiques (les deux sont parfois étroitement imbriquées) pointer le bout de leur nez et être développées avec l'invasion
Yuuzhan Vong : le refus du Sénat d'admettre l'invasion par une crainte paranoïaque de perdre de son pouvoir inaugure bien les choses dès La Marée des Ténèbres, de même que ses craintes récurrentes qui commencent en fait dès
Vecteur Prime je crois quant aux pouvoirs des Jedi – des craintes qui ne sont pas sans rappeler le Marvel X-Mens et tous les films et dessins animés qui s'y rattachent, où les enjeux politiques sont forts. S'ensuit bien sûr l'appel de
Tsavong Lah à la mort des Jedi avec la promesse de la paix et tous les débats houleux au Sénat dans
Étoile après Étoile pour savoir si oui ou non les Jedi sont une secte dangereuse qui met en péril la
Nouvelle République, le problème des otages de Talfaglio, ce dont bien sûr profite la sénatrice Viqi Shesh pour prendre de plus en plus d'influence, quitte à travailler pour le pire camp possible en même temps que pour la Nouvelle République, exploitant à merveille chaque retournement de situation, même la victoire des Jedi à Talfaglio, si, si ! Et la voilà ensuite propulsée chez les Yuuzhan Vong.
Mais la politique dans le Nouvel Ordre Jedi, ce n'est pas fini, ça reprend dès
La Voie du Destin ; chez les Galactiques, bien sûr, là rien de bien nouveau sous le soleil, mais aussi chez les Yuuzhan Vong ! On suit en effet avec un plaisir intense
Nom Anor dans sa découverte des arcanes du pouvoir chez les Yuuzhan Vong, du secret sur lequel s'est bâti le régime de
Shimrra Jamaane, du système de castes et de ce qu'il implique... On le voit ensuite chercher à en tirer parti le mieux possible, comme d'habitude ; c'est juste après que la scientifique
Nen Yim mène le même travail de découverte aux côtés du Grand Prêtre
Harrar le Quorealiste, et on frissonne à l'idée de ce que Shimrra peut bien dissimuler si farouchement, et qui finira d'ailleurs par causer la perte des Yuuzhan Vong… Bon, le mystère est peut-être un peu tombé à l'eau dans la conclusion du NOJ, finalement, mais tant pis.
Tant qu'on y est, il est intéressant d'un point de vue historique d'écouter Shimrra parler dans
La Force Unifiée. Il ne s'agit alors plus tant de politique politicienne que d'idéologie pure : son argument selon lequel sans ennemi commun, les Yuuzhan Vong en seraient réduits à s'entredéchirer se retrouve dans l'Histoire, car c'était bien la situation des tribus Mongoles avant que l'Empereur Gengis Kahn ne réalise leur unité ; on peut même pousser la comparaison plus loin, car comme Shimrra, Gengis Kahn a tué son frère quand il était jeune. De même, son délire de rébellion contre les divinités en lesquelles croit son peuple n’est pas sans rappeler Adolf Hitler rejetant totalement la religion Chrétienne, qui était pourtant paradoxalement celle des Allemands non-Juifs. La ressemblance peut être fortuite, mais elle est bien là, et montre que l'UE n'aborde pas que des problèmes qui lui sont propres, et le fait qu'il rappelle volontairement ou non notre propre Histoire peut en faire une sorte de miroir déformant de notre propre univers.
III/ L'Héritage de la Force
Voilà pour le Nouvel Ordre Jedi... Après cette série d'une ampleur exceptionnelle et après un Nid Obscur plus anecdotique, plus transitoire que transcendant (ce n'est pas forcément un grief), vient L'Héritage de la Force, apparaissant au début comme la plus politique des périodes de l'UE. Hélas, lorsque arrive le premier tome écrit par
Aaron Allston, je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ça a été la douche froide. Je rejoins tout à fait la critique SWU là-dessus, au final, c'est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Allston préfère comme d'habitude les passages d'action bien bourrins avec lesquels il s'imagine - avec une naïveté touchante - nous tenir en haleine vingt pages de suite grâce à cinq pauvres soldats Adumariens contre deux Jedi, dont on sait qu'ils auront un rôle capital dans la série, au développement d'intrigues politiques ou géopolitiques ^_^
Mais pas de panique, ça vient, ça vient avec
Karen Traviss ; dans
Descendances et
Sacrifice surtout, elle développe superbement ces aspects avec le froid réalisme qui est le sien et pour lequel je l'aime. Les querelles de pouvoir sur
Corellia,
Cal Omas qui fait ce qu'il peut tout en sachant qu'il ne pourra pas éternellement soutenir Jacen, Darth Caedus qui profite des failles de lois qu'il a lui-même proposées et que personne n'avait vu à temps – précisons en passant que ça n'aurait probablement pas marché dans notre bonne vieille République Française 5.3, le Conseil Constitutionnel a justement parmi ses attributions celle de veiller à ce que les lois ne puissent pas être interprétées n'importe comment…
Autres aspects politiques, Luke qui se demande si les Jedi doivent rester fidèles à un régime même lorsqu'ils désapprouvent sa politique (interrogation déjà présente dans Nid Obscur, félicitons Troy Denning), l'instrumentalisation du terrorisme sur
Coruscant dans un camp comme dans l'autre qui n'est pas sans rappeler les accusations portées à l'encontre de l'administration Bush... C'est très bien mené, c'est plutôt réaliste par rapport à ce qui se faisait jusque-là, ça pose des questions sur la manipulation dans nos sociétés modernes, notamment sur les manœuvres douteuses d'un état à l'autre et la survalorisation de la sécurité, comme dans la prélogie, mais en bien plus développé. Denning reprend certains de ces aspects, plutôt bien d'ailleurs, mais ce n'est pas vraiment lui qui mène la barque là-dessus, j'ai l'impression.
IV/ Un plus faible développement dans les autres périodes
Ces trois périodes que nous venons d'analyser sont celles qui forment le post-ROTJ (Return of the Jedi), ce qui se déroule après les films Star Wars. Il faut y ajouter la série Fate Of The Jedi qui n'est pas encore traduite en Français. Reste-t-il des développements politiques dans les romans en-dehors de ces périodes ?
Clone Wars, aussi bien que
The Clone Wars - les périodes présentant deux versions de la Guerre des Clones - se sont montrées très légères là-dessus. Quant à toutes les œuvres relatant les guerres Sith, bien plus proches des films que les autres, elles n'abordent presque jamais ces questions. On trouve par ailleurs dans ces périodes bien plus de bandes dessinées que de romans, or elles constituent des supports moins aptes au développement de ces intrigues. Néanmoins, il y a au moins un ouvrage qui est régulièrement cité, et c'est
Vent de Trahison de
James Luceno ; celui-ci développe avec soin les manipulations du Sénateur Palpatine avant
La Menace Fantôme, et son intrigue est donc par définition encore plus politique que celles de Karen Traviss. Mais il s'agit d'un roman entièrement bâti là-dessus, tandis que le Nouvel Ordre Jedi, par exemple, est avant tout le récit d'une guerre, menée par des gens sans véritable défense contre des envahisseurs incapables de les comprendre car issus d'une culture radicalement différente, rappelant par-là les invasions Normandes ou Mongoles du Moyen-Âge. Il est intéressant de noter que le choc d'imagerie que produit cette lutte donne finalement un aspect très fantasy au Nouvel Ordre Jedi qui le rapproche bien plus des films par rapport aux aspects SF de l'ère Bantam. Comme quoi, l'éloignement du Nouvel Ordre Jedi par rapport aux films est vraiment une question de point de vue. Mais c'est aussi cela, Star Wars, le mariage réussi d'une histoire Fantasy et d'un univers (globalement) SF.
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