Kano, assis dans la pièce principale du vaisseau, était plutôt de mauvaise humeur. Que Edo l'accompagne, cela il pouvait l'accepter. Le droïd suivait l'Arc de Cristal partout, et il resterait à bord de l'appareil sur Dromund Kaas. Il n'insisterait donc pas pour suivre son maître.
La présence de Teydo Pa'aja gênait plus Kano. Il lui avait bien dit qu'il voulait y aller seul, que cette histoire était entre lui et Kahn. Mais Teydo déployait ses arguments aussi vite que son sabre laser. Il tenait à aider Kano, les Maîtres voulaient qu'il soit "escorté", etc… Le Jedi de Koltary avait marqué un point décisif en disant que si Kahn était bel et bien vivant, il était concerné au premier plan. Kano n'avait pas eu besoin que son ami lui répète ce que le Jedi Noir lui avait fait subir, ainsi qu'à Golpi Rilim. Kano avait rétorqué qu'il craignait la réaction de Teydo face à son ennemi juré, mais Pa'aja tenait bon, et avait réussi à embarquer à bord de l'Arc de Cristal. Kano s'y était résigné. Après tout, Teydo était son ami, et son inquiétude était compréhensible.
En ce qui concernait le dernier passager, Kano était carrément furieux. Quand il était retourné sur Yavin IV, il était tombé sur ce Jedi, qui d'autorité avait tenu à faire partie de l'expédition, pour soi-disant aider en cas de problème. Kano avait bien expliqué qu'il ne s'agissait pas d'une expédition mais d'un voyage personnel, l'autre n'avait rien voulu entendre. Il prétendait être en charge de cette affaire de Jedi Noir, et avait embarqué malgré le refus de Kano. Ce dernier n'avait rien contre ce Jedi, mais certains souvenirs difficiles avaient la vie dure.
Kano observa un instant Kyp Durron. Le Jedi était calme, sûr de lui, et représentait un modèle pour beaucoup de jeunes apprentis. Sa philosophie divisait l'Ordre : sa témérité et son agressivité déplaisaient à certains, alors que d'autres l'admiraient et rejoignaient son groupe. Bien qu'étant son élève, Teydo ne semblait pas partager toutes ses opinions, mais avait beaucoup de respect pour son Maître.
Kano et Kyp s'étaient expliqués, s'excusant mutuellement pour leur affrontement périlleux dans les hauteurs de Coruscant. Mais ils étaient tous deux trop têtus pour admettre qu'ils avaient vraiment eu tort. Ils collaboraient à présent calmement, malgré une certaine tension réciproque.
Par contre, Edo 27 était plus radical, refusant catégoriquement de parler au Maître Jedi et lui interdisant l'accès au cockpit de l'Arc de Cristal. Kyp ne s'en offusquait pas trop, conscient qu'il avait failli désactiver le droïd pour de bon. Kano doutait que ces deux là deviennent un jour de joyeux amis…

Cette situation dura pendant tout le trajet, long de quelques jours, qui les menait en hyperespace jusqu'à Dromund Kaas. Kyp était un peu mis à part, Kano boudait, Edo restait enfermé dans son cockpit, et Teydo frôlait la crise de haine chaque fois que la rencontre future avec Kahn était évoquée.
Mais Kano savait une chose : il avait perdu une bataille, pas la guerre. Même si les deux autres Jedi avaient réussi à monter à bord du vaisseau, il ne les laisserait jamais le suivre dans le Temple Sith. Il était résolu à régler cette affaire lui-même, seul avec son frère.
Ils arrivèrent enfin à destination quand l'Arc de Cristal sortit en sifflant de l'hyperespace. Kyp voulut aller voir dans le cockpit s'ils étaient bien au bon endroit, mais Teydo lui rappela en souriant l'accueil chaleureux qu'Edo risquait de lui réserver… N'ayant guère envie de loucher devant le canon d'un blaster, Kyp fit demi-tour sans un mot. Kano, lui, put rejoindre son droïd.
– Localise les constructions sur la planète, et pose toi le plus près possible, ordonna Kano à son droïd.

Quelques instants plus tard, l’élégant vaisseau se posait en plein marécage.
– Et qui va encore devoir nettoyer l'appareil… maugréa Edo.
– J'y vais, Edo. Fais en sorte que les autres restent à bord. J'ai un comlink, je te dirai si j'ai besoin d'aide. A plus tard.
– Monsieur Kano ?
– Oui Edo.
– Soyez prudent.
Touché par la sollicitude du droïd, Kano lui sourit.
– Et faites quelque chose pour moi, reprit le robot. Faites souffrir celui qui a tué mademoiselle Alera.
Kano quitta le cockpit. Dans la pièce principale, Teydo et Kyp l'attendaient, et avaient préparé leur équipement. Il les regarda et parla.
– Je vais faire un tour en reconnaissance. Je reviens tout de suite vous dire si nous devons avancer l'Arc.
– Je viens avec toi, lança Teydo.
– Pas la peine, j'en ai pour deux minutes.
Sans attendre de réponse, Kano descendit la rampe d'accès à l'Arc de Cristal. Pour seul équipement, il avait pris des rations nutritives, de l'eau et son sabre laser. Mara lui avait précisé que toute autre arme qu'un sabre laser s'enrayait à proximité du Temple. Il portait des vêtements noirs moulants et discrets.
Il ne pourrait donc pas se servir de son comlink, l’appareil subissant les mêmes contraintes de fonctionnement dans le secteur que les armes. Il envoya un message avant de jeter l'appareil dans la boue qui salissait ses bottes.
– Edo, ferme le sas de l'Arc, et ouvre le seulement si je te le demande.
Pour seule réponse, la rampe se ferma alors que Kano se mettait en route. Il envoya une pensée à son ami. Désolé Teydo. Il en est ainsi et il n'en sera pas autrement.

Cette fois, Kyp Durron se décida à entrer dans le cockpit. Comme il s'y attendait, Edo 27 lui flanqua son blaster sous le nez dès qu'il le vit. Le Jedi resta calme.
– Ouvre la porte, nous ne sommes pas encore sortis.
– Négatif, répondit Edo.
Il montra son mépris pour Durron en agissant comme s'il n'était qu'un vulgaire droïd nettoyeur aux capacités limitées.
– Et nous on sort comment ? fit Durron, sarcastique.
– On ne sort pas, fit Teydo.
Kyp se tourna vers son ancien élève.
– Quoi ?
– Kano nous a coincés ici, et je serais prêt à parier qu'Edo ne nous ouvrira pas sauf ordre contraire de son maître.
Furieux, Kyp se tourna vers le droïd.
– Ouvre ! On veut juste aider ton maître.
– Et moi je le sers. Veuillez à présent cesser de m'importuner.
– Ouvre où je découpe la coque de ce vaisseau à coup de sabre laser… gronda Kyp.
– Faites, je vous en prie. Ainsi nous ne pourrons plus jamais décoller…
– Je vais t'arracher la tête…
– Faites, je vous en prie. Ainsi mon collègue vaisseau refusera de décoller.
Conscient qu'il ne tirerait rien de ce conflit, Kyp se résigna à reculer, jetant un regard noir à Teydo qui ne l'avait pas aidé. Le jeune Jedi parla pour sa défense.
– Cela ne me plaît pas plus qu'à vous, Maître Kyp. Kano doit avoir ses raisons, nous devons les respecter.
– Mouais, fit Durron en se laissant tomber sur une banquette. J'espère au moins qu'il y a des holo-jeux dans ce vaisseau…

Mara n'avait pas pu fournir de plans du Temple, mais quelques informations permirent à Kano de trouver l'entrée. Par chance, l'Arc avait atterri juste à côté, et Kano bénit les talents de pilote d'Edo 27. Il traversa quelques passages que Mara avait évoqués, et déboucha face à une entrée monumentale, avec des colonnes. Mais la porte en elle-même était toute petite. La pierre était gris foncé, la lumière ne parvenait pas jusque là, et l'ensemble était sombre et effrayant, ce qui ne surprit pas du tout le Jedi.
Kano ne voyait pas le reste du Temple. Mara lui avait bien dit que le gros de la structure était enfoui. Il reprit son chemin, bondit par-dessus un petit gouffre et atteignit les colonnes. Il entendait des sons provenant des créatures du marais, mais n'y fit pas attention. Elles devaient se cacher, effrayés par le bruit qu'avait fait l'Arc de Cristal en se posant. D'un pas, il pénétra dans le Temple Sith.

Il découvrit l'intérieur, une longue allée bordée de sculptures encastrées dans le mur et de statues. Kano savait peu de choses sur les Sith, mais n'était pas là pour en apprendre plus. Son seul but était de trouver Kahn.
Il avança le long de l'allée, gardant un œil sur les statues. Elles représentaient des individus, sabre laser en main. Mara avait prétendu que ces statues s'animaient et attaquaient les visiteurs. Kano avait du mal à y croire, et son impression fut confirmée en voyant qu'aucune pierre ne bougeait.
Mara avait aussi parlé de nécromanciens lanceurs d'éclairs, de vornskrs ou encore d'autres bêtes bizarres. Kano ne remettait pas en cause la parole de Jade, mais il ne rencontra pas le moindre adversaire, alors qu'il atteignait la fin de l'allée.
Il avait sa théorie sur ce calme, et sut qu'il avait raison quand une voix sortie de nulle part résonna au sein de l'édifice.
– Bienvenue, mon frère. Te voici chez toi. Voici ce que l'Empereur nous a légué.
Kano ignorait si son frère (il savait que c'était lui) l'entendait, mais il tenta sa chance.
– Sympa la déco, mon cher Kahn… Tu m'offres un verre ?
Il n'eut pas de réponse à la plaisanterie, mais Kahn reparla.
– Je t'ai libéré le chemin jusqu'à moi. Suis la Force, et viens me voir. Je t'attends.
La voix se tut. Kano avait vu juste : les créatures attaquaient les Jedi Clairs mais obéissaient aux Jedi Noirs ou à ceux qui se laissaient tenter. Cela expliquait pourquoi elles avaient attaqué Mara Jade Skywalker et pas Kyle Katarn. A présent, Kahn les retenait sûrement pour permettre à son invité de le rejoindre facilement.
Il ne s'était pas arrêté là : sans savoir comment, Kano sentait le chemin, et marchait avec assurance dans un dédale de salles sombres dans lesquelles Jade avait failli se perdre. Les créatures dormaient, les portes étaient ouvertes, les pièges désactivés et les énigmes résolues. Kano n'avait qu'à avancer. Il visitait vraiment le Temple dans d'autres circonstances que Mara…

Il marcha encore un bon moment dans l'immense bâtiment. Il sentait qu'il s'enfonçait petit à petit sous terre. Il passa près d'une rivière souterraine, longea des précipices, et estima qu'il marchait déjà depuis deux bonnes heures. La voie à suivre lui semblait évidente et il ne fatiguait pas. Kahn ne s'était pas manifesté à nouveau. Kano eut une petite pensée pour ses compagnons, compatissant à leur attente angoissante.
Il sut qu'il touchait au but en arrivant dans la plus grande pièce du Temple. Elle était ronde et immense, et toute sa surface centrale était composée d’un gouffre circulaire, dont Kano ne vit pas le fond. Au-dessus du gouffre se tenaient quatre balcons, aux quatre coins, accrochés aux murs et surplombant le vide. Kano était arrivé par l'un d'entre eux et observa les trois autres, en face et sur les côtés. Les quatre balcons étaient séparés par l’abîme sans fond qui remplissait la pièce, et n’étaient pas reliés entre eux. En fait, ces quatre balcons étaient les seuls endroits de la pièce où l’on pouvait poser le pied.
Sur deux d'entre eux, à droite et à gauche, se trouvaient des portes, qui menaient vers d'autres passages dans le Temple. Sur celui en face de lui, Kano distingua une petite porte fermée. Des deux côtés de cette porte, sur le balcon, se trouvaient des images de guerriers Sith au combat. Kano regarda vers le bas, en dessous du balcon, et vit une ouverture dans la paroi du gouffre. Et au beau milieu de celui-ci, au centre et près de deux cents mètres plus bas, flottait une petite plaque ronde et grise, comme soutenue par des barres invisibles au cœur du vide. Elle flottait à peu près au même niveau que l’ouverture dans la paroi du gouffre, mais rien ne semblait les relier.
Kano rassembla ses conclusions et les détails fournis par Jade. Elle lui avait dit que les balcons sur les côtés passaient par différents couloirs. Elle y avait activé des commandes qui lui avaient permis l'accès au balcon du fond, en passant par les couloirs entourant la pièce. En fait, il s’agissait d’un labyrinthe dont la sortie était le balcon du fond.
Il devina qu'il devait aller sur ce balcon. La porte fermée devait être un passage qui descendait et menait à l'ouverture dans la paroi du précipice, lequel devait permettre d'atteindre la stèle centrale. Kano n’en décelait pas encore la fonction.
Kano ne pouvait pas sauter sur cette stèle, elle était trop bas et il se blesserait. Il se résolut à passer par un des balcons latéraux pour rejoindre celui du fond. Il était convaincu que la stèle le mènerait à Kahn, d’une manière ou d’une autre.
Il repartit en arrière vers le Temple et repéra le couloir qui menait au balcon gauche. Il marcha, faisant le tour du gouffre depuis une pièce adjacente, et atteignit enfin le balcon gauche. Il put alors voir de plus près le balcon du fond, qui était désormais à sa gauche. Il se souvint ce que Mara lui avait dit : il pouvait changer les images des guerriers Sith, et devait trouver la bonne combinaison pour ouvrir la porte.
Kano partit à nouveau dans les couloirs, et remarqua que toutes les commandes dont Jade avait parlé était activées, les boutons étant déjà passés du blanc au rouge, et les énigmes résolues. Il revint sur le balcon et prépara la Force, décidé à prendre un raccourci et à ne pas se casser la tête dans les dédales des catacombes.
Il prit de l'élan et bondit loin du balcon ouest, en direction de celui du fond. Il ignorait le vrai passage, et préférait opter pour son style personnel. Il sauta dans les airs, au-dessus de l'abîme, traversa plus d'une bonne vingtaine de mètres de vide à l'aide de la Force, et atterrit brusquement sur le balcon qui était son objectif. Il roula pour amortir sa chute.
Il se redressa, s'épousseta et observa la porte, toujours fermée : la seule énigme que Kahn lui ait laissé à résoudre. Il regarda les images sculptées, à sa droite et à sa gauche. Hautes de près de trois mètres, elles représentaient des Chevaliers Sith, arme au poing. Kano nota qu'elles étaient accompagnées chacune d'un bouton.
Prêt à tout, il pressa le bouton de gauche, et l'image correspondante changea comme par magie. Il recommença, et un autre guerrier apparut. Il fit pareil à droite, mais ignorait quelle combinaison effectuer. Les guerriers étaient vêtus tous différemment, il ne trouvait rien pour les mettre en commun.
Mara Jade Skywalker avait dit ne pas savoir à quoi ce Temple servait, ni qui étaient les guerriers. Elle avait trouvé la combinaison par hasard.
Ce ne fut pas le cas de Kano. Il faisait défiler les images, quand soudain l'une d'elles attira son attention à gauche. Alors que tous les guerriers représentés avaient des vêtements anciens, celui-là portait des vêtements noirs récents. Les siens… Il regarda de plus près et retint un cri en voyant que le guerrier Sith avait son visage.

Il comprit alors que Palpatine avait jalousement caché ce Temple, le gardant pour le jour où ses Héritiers prendraient la relève. Kano était le dernier d'une longue lignée de Sith… Il devina la suite de la combinaison. Il fit à nouveau défiler les images de droite, prenant bien garde aux visages. Il s'arrêta sur un homme vêtu d'une cape noire à capuche, dont il put toutefois voir les traits. Il reconnut encore une fois son visage. Ou plutôt celui de Kahn…
Immédiatement, la porte disparut littéralement, révélant la pièce suivante. Avec un léger malaise, Kano entra. La pièce était toute petite, mais au fond se tenait un trône. Kano s'y assit sans hésiter, et le trône se mit alors à descendre doucement. Quand il stoppa, Kano se retrouva à un étage inférieur. Le « trône ascenseur » débouchait sur un étroit couloir, que le Jedi emprunta. Comme il s'y attendait, il déboucha au bord du précipice. Il se trouvait au bord de la petite ouverture qu'il avait vue depuis en haut.
En face de lui, il retrouva la petite stèle qui lévitait, parfaitement alignée horizontalement avec sa position. Mais le vide séparait à nouveau Kano et son objectif.
Soudain, la stèle se mit à descendre et disparut dans les ténèbres. Kano resta perplexe, mais fut rassuré quand la stèle réapparut de nulle part et revint à sa position. Mais quelqu'un se tenait debout dessus, vêtu de la même cape que le guerrier de l'image de droite. Kano prit la parole.
– Salut Kahn.
– Bonjour Kano. Te voilà enfin. Viens, je t'en prie.
Comme poussé par la Force, Kano avança, et ne tomba pas quand son pied quitta le rebord. Marchant sans problème au-dessus du vide, il approchait de la stèle où se tenait son frère. Il vérifia la présence de son sabre laser à sa ceinture. Il n'était plus qu'à quelques mètres de Kahn, mais il s'arrêta.
– Eh bien, fit le Jedi Noir, qu'est-ce que tu attends ? Je vois, surpris de me revoir en vie ?
– On peut dire ça comme ça. Que me veux tu ?
– Je veux juste te donner ce qui te revient de droit, Kano. Allons, dépêche toi. Rejoins-moi.
Kano ne bougea pas.
– Tu n'as qu'un pas à faire. D'habitude, c'est ici que les convertis passent le cap et rejoignent l'Ordre Sith. C'est ici que Mara Jade s'est arrêtée, malgré l'appel de Katarn.
Il marqua une pause.
– Mais toi, tu n'es pas un converti. L'heure du choix viendra plus tard. Tu n'as qu'à venir, tu verras bien après. Cela ne t'engage à rien. Tu n'es tout de même pas venu ici pour rien ?
Kano se décida et fit deux pas en avant. Il ne flottait plus au-dessus du vide, mais avait atteint la stèle et se tenait debout dessus. Un peu trop près de Kahn à son goût. Ce dernier ôta sa capuche et lui sourit.
– Te voilà enfin. Allons-y.
Kano ne répondit pas, et la stèle se mit en route, descendant vers les abîmes. Puis un flash de lumière éblouit Kano. Quand il rouvrit les yeux, il avait miraculeusement quitté le gouffre.

– Ce Temple ne me dit rien qui vaille, grogna Kyp Durron. Ca fait des heures que Kano est parti. Et nous ne savons même pas ce que Jade lui a raconté sur cet endroit.
– Kano va bien, fit seulement Teydo.
– Qu'est-ce que tu en sais ? s'enquit Durron.
– Je le sens. Je le saurais s'il allait mal. Laissons lui du temps.
– Mouais, maugréa l'autre Jedi. Moi j'ai fait un serment devant les Maîtres. Et j'entends tenir parole.
Teydo ne répondit pas, sachant lui aussi qu'il ne laisserait pas Kahn périr entre les mains de quelqu'un d'autre que lui. Il refusa de chasser ces pensées, pourtant proches du Côté Sombre. Il tenait à faire payer Kahn comme il se devait.

Il cligna des yeux pour mieux voir la nouvelle pièce. Comme par magie, il était passé du gouffre à une salle du trône, ornée de tapis rouge sang et de statues de Sith. Il leva la tête, et ne vit que le plafond. Il en déduisit donc que la stèle n'était pas arrivée par le haut. Il ignorait toujours comment il avait pu arriver là, et avait la conviction de ne pas avoir été inconscient et transporté.
Il regarda à sa droite et vit Kahn, qui le regardait calmement. Son frère parla comme s'ils étaient des amis de toujours.
– Bienvenue chez toi, Kano. Ce Temple a été érigé par les Sith il y a des millénaires, et c'est ici que les plus grands d'entre eux venaient prendre le pouvoir qui ferait d'eux des Seigneurs Noirs de Sith.
"L'Empereur n'a pas respecté la tradition pour Vader, et celui-ci a fini par le trahir. Ce fut une erreur. Mais Palpatine savait qu'il finirait par perdre Vader. Il avait déjà choisi ses vrais Héritiers, et a conservé ce Temple secret pour leurs ascension."
"Katarn et Jade ont profané ce site, mais il garde son pouvoir pour ceux qui le méritent. Nous, Kano. Toi et moi."
Kano fixa son frère, surpris que celui-ci lui serve toute la vérité sur un plateau d'argent. Kahn continua son discours révélateur.
– Palpatine nous avait conçus il y a bien longtemps, mais attendait de connaître l'évolution de l'affaire avec les Skywalker pour autoriser notre naissance. Il voulait bien faire les choses quand le moment viendrait.
Une note de colère envahit la voix auparavant si calme du Jedi Noir.
– Mais il est mort… Ce traître de Vader, ce Seigneur Sith de pacotille, a osé le tuer. Alors nous sommes nés.
"Bien sûr, l'Empereur est réapparu six ans après. Mais j'ignore si c'était vraiment lui. Quoi qu'il en soit, ces maudits rebelles se sont encore lâchement attaqués à lui, et il n'a pas eu le temps de s'occuper de ses Héritiers."
"De toute façon, il avait tout prévu pour nous. Nous avons grandi seuls, mais son esprit était à nos côtés. Je sais que c'est lui qui m'a dit de venir ici, et qui m'a convaincu de te donner une chance de partager l'Héritage."
"Palpatine est mort, mais la Volonté de l'Empereur subsiste, Kano. Nous en sommes les relais. C'est à nous d'accepter l'Héritage de l'Ordre Sith. Nous existons pour cela."

Kano resta silencieux, ne sachant que penser. Il avait toujours plus ou moins su ce que l'Empereur avait en tête, mais se l'entendre confirmer était troublant. Kahn ne lui laissa pas le temps de parler. Toujours aussi serein, il s'approcha du trône, un meuble de pierre antique, très impressionnant cependant. Mais Kahn le saisit et l'arracha du sol en pierre, sans raison. Avec une force décuplée, il envoya le fauteuil de pierre s'écraser contre le mur.
Kano le regarda faire, et vit qu'un autel émergeait du sol, prenant peu à peu la place du trône. Il vit une lumière danser dans les yeux de son frère. L'autel acheva d'apparaître. Il était constitué de pierre noire nue, sans ornements. Kano ne vit qu'une chose dessus : les empreintes de deux mains d'humain.
Kahn, à la manière d'un prêtre, se plaça devant l'autel.
– L'Empereur a laissé ceci pour nous…
– Pourquoi toi ? coupa Kano. Pourquoi es-tu le seul à qui il ait donné les indices ?
– Parce que je suis pur ! s'exclama Kahn sur le ton de l'évidence. Tu t'es laissé détourner, Kano. Moi je suis resté fidèle, et il m'a chargé de te ramener, je le sens. Et te voilà.
– Je ne suis pas de ton côté, Kahn. Je suis ici pour t'arrêter.
– Cela viendra. D'habitude, le Temple Sith exerce seul son pouvoir de tentation sur les visiteurs Clairs. Je lui ai demandé de te laisser tranquille. Je vais m'occuper de toi moi-même.
– Tu vas t'amuser… gronda Kano, sa main droite reposant sur son sabre laser.
Le Jedi Noir ignora la remarque. Il semblait heureux, fasciné par le Temple, et persuadé de faire ce qu'il fallait. Kano avait du mal à reconnaître l'arrogant assassin d'Alera. Une flamme de foi brûlait en Kahn, il était fier et déterminé, cela forçait presque le respect. Il désigna l'autel, plus précisément les empreintes.
– L'Empereur a laissé ceci à ses Héritiers, répéta-t-il.
Kano ne demanda pas ce que c'était, conscient que la réponse allait venir. Kahn prit un air solennel pour expliquer.
– Les traîtres pensent avoir détruit l'esprit Sith de Palpatine. Mais ils se trompent. Conscient qu'il avait échoué, il a laissé sa puissance ici. En attente de ses Héritiers.
Kano frissonna en comprenant. Palpatine avait pris de nouveaux corps à chaque fois, mais avait toujours fini par échouer. Il avait préféré jouer la sécurité en restant dans ce Temple, attendant le moment propice pour revenir encore une fois. Maintenant. Tout du moins, c'était ce que voulait bien croire Kahn, tandis que Kano préférait se dire que Palpatine avait bel et bien dispatu depuis quatorze ans.
Le Jedi profita d'une pause de son frère pour ricaner.
– Tu es naïf, Kahn. L'Empereur nous a créés comme corps de rechange, rien de plus ! Des vrais corps, pas des clones ! Il nous a laissé grandir normalement pour assurer un hôte valable. Tu ne comprends donc pas! Bien sûr qu'il t'attend ! Pour te remplacer !
Kahn, à ces mots, se mit à hurler.
– Comment oses-tu, maudit Jedi ! L'Empereur me fait l'immense honneur de m'élire, et toi tu m'insultes ! Tu es un ingrat, Kano! Tu rejettes le plus beau cadeau qui puisse nous être fait !
– Alors explique moi, une chose, monsieur le veinard, fit Kano. Pourquoi sommes-nous deux ? Pourquoi deux Héritiers pour une seule part d'Héritage ? Pourquoi une seule empreinte ?
– Tu sous-estimes les pouvoirs de l'Empereur, Kano, et c'est regrettable. Palpatine avait prévu deux corps, pour avoir une rechange, un atout, un cinquième as, une botte secrète ! Si je venais à faillir, tu pourrais prendre le relais, Kano. Et l'Empereur subsisterait.
Kano fut pris d'effroi en réalisant qu'il n'était qu'un corps, une pièce de rechange… Il se ressaisit.
– Et qui me dit que tu n'es pas la rechange ? cracha-t-il.
– Je le sais, c'est tout, fit Kahn, hautain.
Il se trouvait que Kano ignorait encore quand Kahn avait pu le cloner pour avoir de nouveaux corps, mais il pensait que les nouveaux éléments étaient plus importants. Mais finalement, une idée traversa son esprit.
– Tu fais erreur, Kahn. Tu ne peux pas être l'Appelé.
– Et pourquoi ? fit son frère en haussant un sourcil.
– L'Empereur cherche un corps stable, nous avons été créés pour ça. Mais toi tu n'as pas ça à lui offrir. Je te rappelle que tu habites aussi un clone…
Kahn ne réagit pas. Il se contenta de fixer Kano.
– Ca m'est égal. L'Empereur m'appelle, je le sens. Il sait ce qu'il fait, il doit avoir trouvé une solution.
– Il n'a jamais réussi à avoir un nouveau corps valable, rétorqua Kano. Ce n'est pas maintenant qu'il va commencer.
Kahn se dressa de toute sa hauteur pour toiser Kano.
– C'est là que tu te trompes, Jedi. L'Empereur ne commet pas d'erreur.
– Ah oui ? s'exclama Kano. Et Vader ? Et Skywalker ? Et ses clones ? Et l'Etoile de la Mort ? Ce n'étaient pas des erreurs par hasard ? Rends toi à l'évidence : il a perdu, depuis longtemps, et ce n'est pas toi qui arrangera les choses.
Le Jedi Noir l'ignora pour poser une question.
– Je te laisse encore une chance, Kano, parce que c'est ton droit d'Héritier. Fais partie des serviteurs de la Résurrection. Ou péris comme un traître. Il est temps de choisir.
Kano entendait bien stopper Kahn dans son délire. Il ignorait si l'Empereur était bel et bien derrière tout ça, mais il pressentait un danger si Kahn parvenait à son but. Il était sûr que l'Empereur échouerait s'il prenait le corps cloné de Kahn, mais il serait tout de même dangereux s'il revenait. Il avait entendu parler de la lutte impitoyable qui avait dû être menée pour venir à bout de son clone quatorze ans auparavant. Il devait à tout prix empêcher que cela puisse se reproduire.
Il fixa son frère fou et le défia.
– Qui que tu sois, ça m'est égal. Frère, Empereur, clone, je m'en fiche. Tu as tué mon Maître et la femme que j'aimais. Prépare toi à le payer.

Il s'attendait à engager le combat, mais Kahn se détourna pour faire face à l'autel.
– Alors affronte la Volonté de l'Empereur !
Il leva les mains, prêt à les placer sur les empreintes de l'autel. Kano comprit qu'il tentait d'acquérir le pouvoir qui y était enfermé, et il s'élança. Il bouscula son frère, mais ce dernier parvint à poser sa main droite pour se retenir.
Quant à Kano, il était appuyé contre son frère et allait trébucher. Pour se rattraper, il posa une main sur l'autel, mais celle-ci alla directement se coller à l'empreinte gauche.
La Force explosa et inonda la pièce d'une lueur aveuglante. L'énergie obscure se déchaîna, semblant émettre comme une plainte. Kahn hurla de désarroi.
– Non ! hurlèrent-ils tous deux dans un seul cri.