. Enjoy !
An -21. Coruscant, Mondes du Noyau.- Padawan Tasa, je te présente Eldan Bree, capitaine de la Marine Républicaine.
Fawolin se tint droit, rigide comme jamais, sa padawan flanquée à ses côtés. Dans l’ombre du Temple Jedi, ils avaient l’air de deux statues qu’on aurait taillées récemment. Ils portaient tout deux leurs tuniques Jedi sans leur bure. La tenue de la jeune Jedi – une Mikkian à la peau jaune-orangée – était beaucoup plus sombre que celle de son maître et comportait deux tabards quand celle de Fawolin n’en disposait que d’un. Eldan remarqua que le maître Jedi portait désormais ses cheveux gris longs et rattachés sur le haut du crâne.
Le jeune homme essaya de ne pas prendre un air trop grave. Lui-même à l’étroit dans son uniforme républicain, il tenta de se tenir de manière moins formelle, afin de détendre l’atmosphère, mais il ne réussit qu’à craquer la couture de sa veste.
- Que puis-je faire pour vous, capitaine ?
Eldan tiqua devant la distance que mettait le Jedi entre eux. Peu de personnes étaient au courant, mais Fawolin et Eldan avaient été frères dans une autre vie. Avant que l’Ordre Jedi ne vienne et n’emmène le petit garçon sur Coruscant. Retrouver le Jedi avait été compliqué, mais Eldan avait réussi. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les retrouvailles avaient été froides et formelles. Fawolin n’était jamais rentré à la maison.
Eldan déglutit pour se laisser le temps de trouver ses mots.
- Je sais que tu n’as plus de lien avec nous, commença-t-il, mais notre famille est en danger. Une partie d’Elrood a été assaillie par des pirates, et ils s’en sont pris à notre terre. Tu devrais voir la maison : ils ont rasé une partie des champs, et ont transformé nos parents en esclaves !
Voyant qu’il avait l’attention du maître Jedi, Eldan poursuivit :
- La République n’interviendra pas. Elrood est alliée aux Séparatistes et aucune mission, qu’elle soit officielle ou non, ne m’a été autorisée. Tu es mon dernier espoir, Fawolin – et Eldan vit que l’homme tiquait.
Le Jedi ne montra d’abord aucune réaction. Eldan eut un mauvais pressentiment. Il jeta un regard à la padawan de son frère, qui attendait patiemment que la discussion se termine, mains croisées sur son ventre. Il était tout à fait possible que le Jedi refuse d’embarquer son apprentie dans cette affaire. Finalement, Fawolin se décida à répondre.
- Les Jedi sont au service de la République, répondit-il, et je me vois dans l’impossibilité de me rendre sur une planète séparatiste sans l’aval du Conseil. Je suis désolé.
Mais Eldan n’en démordit pas. Il avait besoin de l’aide du Jedi, ou bien sa famille serait perdue. Lui-même se voyait coincé sur Coruscant.
- On parle de notre famille, Fawolin, et la famille est plus importante que tout le reste. J’ai besoin de ton aide. Avec toi et tes… pouvoirs, on a une chance. S’il te plaît.
Eldan sentait la colère monter en lui, mais il cacha ses sentiments. Il n’avait jamais approuvé les principes – trop rigides à son goût – des Jedi, mais qu’il se retrouve à supplier son frère de sauver sa propre famille dépassait son entendement.
- J’ai voué ma vie aux voies de la Force, lui rappela Fawolin avec un calme absolu. Si la Force le veut, je t’aiderai. Dépose une requête à tes supérieurs. De mon côté, je parlerai de tes inquiétudes au Conseil. Nous trouverons une solution. Aies confiance en la Force.
Puis il s’inclina respectueusement et entraîna son apprentie vers le Temple sans autre forme de salutations. Eldan fulminait. Il connaissait la bureaucratie. Jamais sa requête ne serait approuvée à temps, si tant est qu’elle était un jour approuvée. Et il connaissait aussi les Jedi. Il les côtoyait chaque jour ou presque. Ils étaient trop occupés par la guerre, dispersés aux quatre coins de la galaxie. Ils n’avaient plus le temps de s’occuper des petites gens. Et la Force ? Eldan ne croyait pas en la Force.
Les poings serrés et le visage de marbre, le jeune officier s’en retourna, le Temple Jedi dans le dos. Il avait les mains liées. Il maudit intérieurement les Jedi, et Fawolin. Par leur inaction, ils venaient de tuer sa famille.
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Anneau de Kafrene, Zone d’Expansion, maintenant. Le froid glacial de l’eau eut pour effet de revigorer les muscles tendus du visage du jeune homme. Rafraîchi mais sonné par la violence du jet, Eldan tenta de s’orienter, sans grand succès. Reprenant lentement conscience, il réalisa qu’il était assis au sol, les bras ligotés derrière lui à un droïde inanimé. Au brouhaha extérieur qu’il percevait, il devina qu’il était toujours sur l’Anneau de Kafrene, mais il n’avait aucune précision sur le lieu où il était, si ce n’était que c’était un grand hangar, et vide de surcroît.
- Comment tu t’appelles, et qu’est-ce que tu viens faire ici ?
La voix masculine qui prononça ses mots résonna dans toute la pièce comme si elle venait d’outre-tombe. Eldan tenta de se redresser, en vain. Il distingua trois visages flous qui se penchaient autour de lui. Cette vision lui provoqua un sourire. Sa journée lui revint en tête. Il n’avait pas été aussi discret qu’il le pensait, finalement.
- Pourquoi je vous le dirais ? Rétorqua-t-il à l’inconnu en face de lui. Je ne vous connais pas.
Des rires sarcastiques se firent entendre.
- Il n’est peut-être pas aussi bête qu’il en a l’air, ironisa une voix féminine.
L’homme se rapprocha et Eldan découvrit enfin son interlocuteur. Ce n’était pas un homme, mais un Balosar, reconnaissable à ses antennes au sommet du crâne. Il était relativement grand pour son espèce, et assez intimidant. Les protections de vieilles armures désuètes – utilisées au temps de la guerre des clones, Eldan les reconnaissait – qu’il portait aux coudes et aux genoux par dessus ses épais vêtements renforçaient son aspect de vétéran. A ses côtés, Eldan découvrit une jeune Zabrak à la peau brune et aux cornes effilées. Elle portait une veste noire sur un pantalon de pilote usé. Eldan ne put s’empêcher de remarquer que l’une de ses cornes était cassée. Quant au troisième homme, il restait caché dans l’ombre.
- On t’a vu rôder autour de notre groupe, dit le Balosar. Si tu continues, tu vas attirer l’attention de l’Empire sur nous, et ça ne serait plaisant pour aucun d’entre nous ici présent. Alors dis-moi quelles sont tes intentions, qu’on en finisse rapidement.
Eldan le fixa un instant, puis haussa les épaules d’un air volontairement insouciant :
- Je cherchais à me joindre à vous… Je sais que vous êtes des rebelles, et je voudrais en faire partie moi aussi.
Le Balosar fronça les sourcils, imité rapidement par la Zabrak. Les rares groupes de rebelles qui existaient formaient un groupe très sélectif que seules quelques personnes bien informées arrivaient à rejoindre. Qu’Eldan ait su où les trouver les pousserait certainement à considérer sa proposition.
- Et tu croyais vraiment qu’on te laisserait nous rejoindre, juste comme ça ? ironisa le proche-humain.
- J’ai entendu parler de pilotes qui l’avaient fait.
- Ces gens là avaient quelque chose à revendre : des informations, des aptitudes… Toi, Eldan, tu n’as rien à nous offrir.
Le jeune homme eut un mouvement de recul. Il n’était pas vraiment surpris que les rebelles aient fait des recherches sur lui. Après tout, il avait espionné trois de leurs points de rendez-vous dans la semaine dans l’espoir d’attirer leur attention. Mais il préférait jouer la carte de la naïveté. Il devait se rendre attachant à leurs yeux.
- Eh oui, Eldan Bree, nous savons qui tu es, poursuivit le rebelle. Et je doute qu’un simple stormtrooper comme toi nous soit vraiment utile.
- J’ai travaillé pour le Seigneur Vador lui-même ! J’ai des informations que vous pourrez utiliser…
- Nous connaissons déjà Vador, le coupa le Balosar. Comme je le disais : tu n’as rien à nous offrir.
Eldan pesta intérieurement. Il était en train des les perdre. Il s’était planté. Il n’aurait pas dû aller si vite. Il risquait de gâcher une année de recherches.
- Attendez, lança-t-il alors que la Zabrak commençait à lui tourner le dos. S’il vous plaît, c’est important ! J’ai des informations ! S’il vous plaît, il faut que je rencontre votre leader !
Au mot ‘leader’, le Balosar tiqua. Eldan caressa un instant l’idée qu’il accède à sa requête. L’espace de quelques minutes, les deux hommes se jaugèrent du regard. Mais le proche-humain balaya tous ses espoirs d’un geste de la main :
- Nous sommes des rebelles. Nous n’avons pas de leader.
Eldan fit la moue. Il savait que c’était faux. Il savait que derrière certains groupes de rebelles, il y avait des personnes influentes : des sénateurs, quelques chefs d’entreprise... Et c’était ces gens-là qu’il avait besoin de rencontrer. Manifestement, ce ne serait pas pour aujourd'hui.
Mais les trois rebelles n’en avaient strictement rien à faire. Sans un regard pour leur prisonnier, ils actionnèrent la porte du hangar, qui coulissa sur elle-même, puis ils disparurent dans les rues bondées de Kafrene. Déjà les odeurs des cantina venaient titiller l’estomac bien vide du jeune homme. Eldan pesta une dernière fois avant de se rendre compte de sa situation.
- Hé ! Les gars ! Vous pourriez au moins me libérer !