Ce film n'est ni réellement une suite, ni tellement un remake, ni vraiment un reboot : c'est un retcon. La définition de Wikipédia est d'ailleurs assez éclairante à ce sujet.
Et je cite :
"Le concept de continuité rétroactive (généralement désigné par le néologisme anglophone Retcon) désigne une altération de faits établis dans une œuvre de fiction antérieure par l'apport de nouveaux éléments explicatifs. Ce genre de procédé est utilisé pour rester fidèle au canon d'un univers de fiction, dans un but explicatif ou amélioratif. Les auteurs d'une nouvelle œuvre s'inscrivant dans un cadre narratif pré-établi, ou d'une réécriture plus moderne d'une œuvre (remake ou reboot) font souvent appel aux procédés du retcon pour justifier leurs choix." Un peu plus de lecture >>
ici.On a dans cette définition quasiment tout ce qui fonde le film d'Abrams (et possiblement les projets de WD pour le futur de
SW). L'altération des faits établis est ici symbolisée par la négation pure et simple des évènements lourds de sens de la prélogie (La prophétie et le caractère central de l'Elu et de son rôle dans la dramaturgie, la notion de midichloriens, etc..). Le côté "je demeure fidèle au canon dans un but explicatif ou amélioratif" est ici représenté par l'unique source d'inspiration d'Abrams : le tout premier film de 1977, avec quelques éléments iconographies piochés ici ou là dans la trilogie classique (le Faucon Millénium en panne, quelques références visuelles vagues à la Planète Hoth, etc..).
Quant au côté "j'utilise le procédé du retcon pour mieux justifier mon choix", on pourrait rajouter : "pour mieux justifier mon choix... de faire plaisir au public déçu de la prélogie en priorité". Une stratégie ouvertement assumée par l'équipe dirigeante de Lucasfilm avec Abrams en tête de gondole. Et ce depuis des mois. Une stratégie aujourd'hui vivement critiquée pour son manque d'audace et d'honnêteté.
Bref, on navigue effectivement entre l'hommage appuyé, voire le remake à peine déguisé mais pour être tout à fait clair avec ce qui nous occupe, je pense que le terme de
"continuité rétroactive" peut satisfaire tout le monde ou presque : on peut considérer ce film comme le "canon officiel" ou une énième tentative d'un Univers Etendu de nous proposer une "suite" qui ne sert pas à grand chose, mais qui continue de titiller la corde sensible du fan de base avec des éléments graphiques et iconiques familiers.
Dans un sens, je peux comprendre les détracteurs de Lucas qui n'aiment ni la prélogie ni la remasterisation des vieux films : tout comme eux, je souhaite que plus tard on nous fasse un nouvel EpVII, basé sur les idées de Lucas ou de quelqu'un de suffisamment cultivé sur la question des mythes et de leur traitement dans un univers de fiction cinématographique. Idéalement, cet individu à la tâche pourrait comprendre l'attachement que vouait Lucas à la fabrication d'un récit global, plus qu'au déploiement d'un roman feuilleton interminable à la Dallas. Rien que d'imaginer le scandale que cela ferait dans la communauté, j'en rigole à l'avance.
Posons nous la seule question qui vaille la peine à l'heure actuelle : est-ce que ce film oppose à la saga en 6 films un point de vue indispensable et révolutionnaire, dans le but de briser nos certitudes et de nous faire voir l'ensemble autrement ? Comme le faisait la prélogie à sa manière ? De mon point de vue, je dirais que non. Ce n'est d'ailleurs pas le but de ce film, ni même de la trilogie qui se prépare : comme tout retcon qui se respecte, le film d'Abrams est un véritable Cheval de Troie. Mais la blague, c'est que tout comme le Lapin en bois des Monty Python, il n'y a rien dedans. Résultat : les fans se retrouvent avec un joli film qui ne sert à rien : mais c'était le film qu'ils voulaient.
Je termine sur une pointe d'humour pour vous montrer à quel point la suite va être extrêmement compliquée à développer pour nos amis à l’œuvre sur les prochains épisodes. Surtout quand on sait que l'histoire de cette trilogie semble être dénuée de la moindre trame principale, et que les choses se font au fur et à mesure dans une ambiance totalement "weird" selon l’aveu même de Kasdan :