J'ai trouvé cet article intéressant dans le sérieux journal "Le monde" ... sympa qui ouvre sur une autre vision de la saga.
ça a juste était un peu long à recopier, car j'ai pas réussi à obtenir un bon scan ... Bonne lecture, en attendant vos réactions
L 'article était accompagné de 2 images montrant pour l'une Solo, Chewie et un morceau du faucon tiré de TFA et l'autre, Luke assis en tailleur sur Dagobah ESB ...Par Frédéric Ducarme., le 16/01/16 –
"Le Monde : Culture et Idées".
Que la force de la nature soit avec toi.
L’univers de Star Wars rejoint les lignes de force du débat écologiste actuel, souligne Frédéric Ducarme, chercheur en philosophie de l’environnement au Muséum national d’histoire naturelle.L’avenir dira si le destin de la planète se jouait à la COP21, la conférence internationale sur le climat qui s’est tenue à Paris du 30/11 au 12/12/2015. Ce qui est sûr, c’est que ce rendez vous essentiel a failli, à une semaine près être médiatiquement éclipsé par une encombrante Etoile Noire : La sortie de l’épisode 7 de
SW.
Coïncidence ? S ans doute. Mais cela n’empêche pas d’y voir des liens : la grande force de la saga intergalactique est en effet d’arriver à concentrer dans son symbolisme complexe toujours les contradiction d’une époque. Y compris peut être, celles que dessinent les lignes de force du débat écologique Actuel.
La nature est souvent absente dans
SW, pour une raison évidente : le spectacle se déroule principalement dans l’espace, lieu de l’inertie et du vide par excellence, au sein de vaisseaux métalliques pressurisés et bardés d’électronique. Pourtant la nature reste présente. à la fois thématiquement, notamment à travers le Force (énergie mystique invisible dans laquelle les chevaliers Jedi puisent leurs pouvoirs) et de manière visible dans certains lieux. Sans rien dévoiler du nouvel épisode, on peut dire qu’il reprend certaines représentations de la nature issues des précédents. Il en ajout également de nouvelles, comme la problématique des ressources énergétiques. Pour la première fois, est ainsi posée la question : à quoi carburent ces technologies futuristes.
Mais c’est surtout par l’intermédiaire de 2 héros presque concurrents, Han Solo et Luke Skywalker, que peuvent se lire, durant la trilogie initiale de
SW, 2 visions précises et radicalement différentes de la nature. C est 2 personnages se croisent en fait assez rarement dans la saga, mais leurs destins sont profondément liés par une interdépendance qui se manifeste à chacune où de nombreuses fois où les héros se sauvent mutuellement la vie.
Ces 2 personnages s’opposent par l’univers dans lequel ils évoluent : l’un Han Solo, tient du cowboy de western, baroudeur- baratineur à la belle gueule et à la gâchette facile, évoluant entre les saloon du bout du monde et cavales effrénées, poursuivi par des chasseur de primes. L’autre, Luke Skywalker, est un pur héros de roman de samouraï (ou si l’on préfère de manga) : adolescent orphelin sans aspérité, il est happé par une quête lointaine nécessitant un apprentissage auprès de vieux maîtres, qui lui lèguent un leur héritage philosophique et martial avant de mourir. Cette quête mènera à la confrontation avec le Mal absolu, qui sera l’occasion de son 1er écher mais aussi d’un enseignement capital : il faudra développer des pouvoirs occultes et accepter une révélation ontologique pour triompher. A l’ascète, donc la quête mystiques ; au séducteur, les Aventures.
Cette opposition entre les 2 personnages se lit dans le rapport à la nature : roi de la débrouille et de la bricole, Han Solo incarne le pionnier américain qui sait s’adapter aux contraintes de la
« Wilderness », c'est-à-dire à l’homme qui par son ingéniosité technique va triompher d’une nature menaçante – La rouille qui ronge son vaisseau, mais aussi diverses créatures monstrueuses.
De l’autre côté, Luke va gravité autour du système Dagoba (planète de Maitre Yoda), qui sera le lieu de sa conversion en chevalier Jedi . Cette planète est le parfait inverse de sa Tatooine natale : croulant sous la biodiversité, c’est la planète marécageuse, sombre, fumante, grouillante de créature terrifiante.
On trouve l’archétype de la Nature sauvage hostile et inhospitalière à l’homme civilisé, qui rappelle la description de Buffon :
« Des marécages qui, couverts de plantes aquatiques et fétides, se nourrissent que des insectes vénéneux et servent de repaire aux animaux immondes » (Histoire Naturelle tome XII). Le jeune Luke est d’ailleurs tout de suite inquiet dans se lugubre paysage et subit de fait plusieurs agressions des créatures environnantes, dont celle de Yoda lui-même, d’abord pris pour un de ces animaux. Pourtant, l’enseignement du maître n’est pas celui de l’opposition de la technique à l’organique, mais bien une transformation du héros visant à une meilleure harmonie avec cette nature.
« Star Wars » Propose un modèle initiatique qui fait correspondre la nature et le moi : en apprenant à la connaître par immersion (après avoir désappris ce qu’il a appris), Luke apprend à se connaître lui-même, et les tréfonds d’une grotte souterraine se révéleront même ouvrir sur ceux de son inconscient. La séquence d’entraînement de Luke avec Yoda prend la forme d’une ascèse où le jeune chevalier doit se débarrasser du confort moderne pour n’être plus qu’un corps presque nu au contact des forces de la nature, dans lesquelles il faudra se couler pour les maîtriser vraiment.
Parmi toutes les traditions philosophiques auxquelles on a rattaché cette Force de
SW, le taoïsme est sans doute la source la plus probable. Cette synthèse entre le chevalier et la force de la nature est
« la voie », le Tao qu’il faut découvrir pour le maîtriser en fusionnant avec lui ; le terme
« tao » a d’ailleurs, lui aussi une connotation guerrière, puisqu’il est le suffixe des arts martiaux japonais, nipponisé en
« -do ». La voie de la maîtrise de la force (ai-ki-do), la maîtrise de soi et l’initiation guerrière forme une même entité, qui se ressent dans les sentences laconiques de Maître Yoda (très inspirées du Tao-te-kin de Lao Tseu).
Samouraï et cowboy, les 2 héros nourrissent donc chacun une relation distincte à la nature,qui explique leur différences – tant dans leur rapport aux armes que dans leur personnalité et leur rapport aux autres. Alors que la quête de Han Solo est celle du pionnier, baroudant horizontalement d’un bout à l’autre de la galaxie, celle de Luke est verticale. Elle est concentrée, d’un effort sur lui-même et contre lui-même (et son côté obscur)qui mènera à sa transformation progressive : son personnage va d’ailleurs évoluer visuellement – coiffure, vêtements, postures – entre les 3 épisodes. Contrairement à celui de son ami, qui porte toujours la même veste 30 ans plus tard, comme le lui fait remarquer la princesse Leia dans l’épisode 7.
Avec l’incarnation de ces 2 rapports à la nature, ce sont aussi 2 visions du monde que nous propose
SW. La 1 ère est l’approche « classique » ou chrétienne de la domination de la nature par la volonté de l’humaine au moyen de la ruse et de la technique, symbolisé par Chewbaka, la bête apprivoisée. La 2nde est celle antique (stoïcienne, voir orientale)et sans doute influencé par le new age californien, du contrôle de soi visant l’harmonie avec la nature, dont l’idéal est Yoda., le sage de la forêt qui semble avoir atteint un second état de nature. La saga intersidérale présente ainsi une cosmologie originale, tant par ses inspirations que par sa dualité, aucune des 2 approches n’étant privilégiée par rapport à l’autre. Bien au contraire, c’est l’alliance équilibrée de ces principes opposés qui, seule, permet de venir à bout du mal : la solution technique n’est en effet jamais suffisante isolément, pas plus que la solution métaphysique, comme le montre ces 2 héros si dépendant l’un de l’autre – tels le ying et le yang, principes de base du taoïsme.
C’est d’ailleurs le déséquilibre induit par la disparition de l’un d’eux qui sert de fondement au scénario de l’épisode 7, le développement des forces du mal se nourrissant de cette disharmonie dans la Force.
Or, ces 2 tendances – techniciste et autoréformatrice – sont également les 2 pôles majeurs du débat écologiste contemporain. D’un côté les tenants de l’éco- ingénierie, qui pensent pouvoir enrayer le changement climatique par l’ensemencement des océans, le stockage de carbone, voire des miroirs solaires en orbite. De l’autre, le courant
« Depp ecology », qui prône une révolution radicale des modes de vie et de la pensée pour refonder le contrat naturel qui unit les société humaines et la biosphère.
Ces 2 pôles ont chacun leurs vertus et leurs excès, leurs apôtres et leurs ayatollahs, leurs réalismes e leur fantasmes, et se subdivisent en une prolifération de sous-courants. L ‘enjeu pour les décideurs consiste donc à s’inspirer du meilleur de chacun de ces champs pour construire une politique pragmatique, unissant rigueur scientifique et légitimité populaire.
La suite au prochain épisode ? FD.