INTERLUDE 2 : MARA JADE
Callista a dès le départ soulevé la polémique et déchaîné les passions pour une raison connue de tous : la promise de Luke, au départ, celle avec qui il devait s'envoyer en l'air (au propre comme au figuré, la Force aidant !) et avoir de beaux enfants Jedi, c'était pour tout le monde la seule, l’unique, la vraie : Mara Jade.
Sauf pour moi ! Tout simplement parce qu'à l'époque, les sentiments naissant entre le futur Maître Jedi et l'ancienne Main de l'Empereur dans
L'Ultime Commandement ne m'avaient pas frappé tant que ça - en fait, je suis carrément passé à côté ! Et je m'en suis rendu compte récemment, en relisant la trilogie de Zahn, et je me suis dit : mais comment ai-je pu ne pas le voir ? Sans doute parce que Mara restait quand même pour moi trop hostile, trop à part vis à vis de Luke pour en faire la femme de sa vie. Callista en revanche me paraissait tellement plus appropriée !!
Et puis la suite on la connaît : Callista, ayant perdu l'usage de la Force, disparaît dans les méandres de la Galaxie à la recherche de son pouvoir perdu tandis que Luke finit (enfin !) par épouser Mara Jade....
CHAPITRE 3 : L'EXPLICATION FINALE !
Parce que c'est bien joli tout ça, mais une belle fin de roman ne fait pas un bon roman, et au final nous en sommes toujours au stade où
Les Enfants du Jedi est un roman assommant avec une belle fin émouvante (pour moi en tout cas
) !
Comment ai-je pu débarquer à bord de ma moissonneuse-batteuse galactique et faire table rase de toutes les idées préconçues sur cette histoire en osant prétendre que c'est un bon roman ? Où mon cerveau-laser a-t-il pu trouver pareille ineptie ?
Et bien je vous le (re-)donne en mille : c'est la faute de Timothy Zahn ! Pour être exact, de
Vol vers l'Infini : pour le lire, me suis-je dit, je dois relire la Trilogie scabreusement dénommée
La Croisade Noire Du Jedi Fou par nos amis de l'édition française, puis Le
Spectre du Passé,
Vision du Futur et
Une Question de Survie. Seulement voilà, je me rappelle que notre cher Tim aux Tisanes s'est amusé à doucement infuser dans ses romans suivants des personnages de son ami Michael Stackpole... Et là je me dis tant qu'à faire, on resigne pour les X-Wings et par association d'idées, on se refait aussi l'Académie Jedi !
Et donc tout logiquement, on en arrive forcément à repasser par la case Barbara Hambly.
Nous voilà donc en 2010 : c'était l'automne, un automne où il faisait beau, une saison qu'on ne connaît que dans le Nord de l'Amérique... et pendant que les feuilles mortes se ramassent bientôt à la pelle, je feuillette les pages bien vivaces d'un roman toujours honni par une entière communauté de fans et que moi-même j'avais, à l'exception du final bouleversifiant, toujours eu du mal à considérer comme un roman Star Wars digne de ce nom.
Et là mes amis, sans m'y attendre le moins du monde, je me prends une claque MO-NU-MEN-TALE !!!
Je redécouvre ce roman, non pas comme la première fois, mais comme si c'était un autre roman !
Et c'est là enfin que je SAIS, que la lumière m'est enfin révélée, que les cieux littéraires s'entrouvrent et que la douce musique de la compréhension béatifiante tintinnabule à mes chastes oreilles...
14 ans après !!!
14 ans après la première lecture, ce qui paraissait brumeux devient clair, ce qui semblait discordant devient mélodieux, ce qui semblait laid ou difforme révèle une beauté insoupçonnée...
CHAPITRE 4 :
LES ENFANTS DU JEDI - UN ROMAN ADULTE...
...et un roman pour adultes ! Non, pas la peine de se précipiter pour essayer d'y retrouver une scène X cachée entre deux pavés de phrases incompréhensibles, ce n'est pas cela que je voulais dire !
C'est un roman qui s'adresse avant tout à des adultes, et si j'ai pu me délecter de sa substantifique moëlle pour la première fois 14 ans après l'avoir lu, il y a bien une raison.
D'abord, quand on a entre 20 et disons 30 ans, ce qu'on attend d'un roman Star Wars c'est de l'aventure, de l'action, de l'héroïsme, des batailles épiques, du grandiose, du tragique, du shakespearien - mais où le Big Three gagne toujours à la fin. Du suspense, des super-armes, un Empire qui renaît mille fois de ses cendres, de nouveaux dangers, de nouvelles planètes, de nouvelles intrigues : voilà ce qu'à cet âge on désire plus que tout, on veut du palpitant, du rebondissant, du fracassant ! Alors quand on vous met dans les mains un pavé pseudo-psychologisant qui s'étire à longueur de page sans jamais avancer pour une histoire somme toute rocambolesque, à part avoir le courage de le lire jusqu'au bout (parce qu'à l'époque il n'y a pas grand-chose à se mettre sous la dent en matière de
SW) et ensuite de le ranger dans la bibliothèque et de se dire "plus jamais ça !" avant de passer au suivant, que faire d'autre ?
Ben rien, justement, à part... Lire encore et encore d'autres romans Star Wars et au fil des pages, au fil du temps, au fil de votre propre histoire, vieillir, prendre de l'âge et se dire : "Tiens, si pour lire
Vol Vers L'Infini je me retapais l'Ere Bantam ?!"
Et c'est en relisant ce roman, avec 14 ans de plus, que je vois réellement tout ce que je n'avais pas vu à l'époque, parce que j'étais encore un post-ado mal dégrossi et que toutes les subtilités cachées dans l'écriture de Barbara Hambly ne pouvaient faire qu'une chose : échapper à mon regard assoiffé de conquêtes galactiques et de conflits intersidéraux !!
Parce qu'avec 14 ans de plus, avec l'expérience, les dérouillées que la vie nous a mises, avec les joies et les peines qui se sont succédées, avec les responsabilités qui au fil du temps nous pèsent de plus en plus, avec ce nouveau regard (un peu mélancolique, un peu dur aussi) qu'on porte sur le monde, on ne peut plus lire les choses de la même manière !
CHAPITRE 5 : C'EST UN BEAU ROMAN...
...c'est une belle histoire !!! (Ca, c’est fait !
)
Et c'est avant tout un roman humain, atmosphérique, poétique, atypique.
D'abord... D'abord, Luke est aux antipodes du "Skywalker Tout-Puissant" de
Dark Empire, et ce n'est pas peu dire !! Là où dans la BD si controversée (sur laquelle je reviendrai plus tard) il aurait consolidé puis guéri cette jambe cassée par la seule puissance de la Force pour soumettre l’ordinateur de bord de l’OEil de Palpatine à la simple puissance de sa volonté, là il se traîne sa patte folle tout le long du roman, tellement diminué qu'il en devient abordable, ordinaire... humain, quoi ! Pas le Maître Jedi d'un Nouvel Ordre, mais encore le jeune dépositaire d'un héritage qu'il ne comprend pas, un jeune Jedi qui se cherche, cherche son destin et cherche sans se l'avouer une bien-aimée... Qu'il croisera sous la forme d'un fantôme, un spectre, l'esprit désincarné d'une Jedi de cette Ancienne République si mystérieuse coincée dans l'ordinateur psychotique d'un vaisseau spatial programmé pour endoctriner des espèces non-humaines à la cause impériale (elle était vraiment, vraiment bonne cette herbe jamaïcaine !
)
Leurs esprits, d'abord réticents, vont finir par se toucher, se compénétrer, et chacun verra par les yeux de l'autre son passé, sa personnalité, son être même... Et c'est une belle histoire d'amour qui bien sûr finira mal, mais aura commencé sous de si bons auspices !!
Et puis il y en a une autre, d'histoire d'amour : celle de Han et Leia ! Et ce n'est que maintenant que je rends compte à quel point leur couple est si bien rendu dans un roman - c'est simple, il est d'un réalisme absolu, totalement criant de vérité, que ce soit dans les mots, les gestes, les regards, les attitudes, les habitudes... C'était un réel plaisir de redécouvrir ça !!
Ensuite,
Les Enfants du Jedi, loin de l'action, du suspense, des super-armes et de l'Empire perpétuellement renaissant, est un roman d'atmosphère... Il y est question de lumières et d'éclairages de rue sous un certain angle, de vieilles pierres recelant des souvenirs enfouis en leur sein, de sentiments, d'émotions, de sensations, de réminiscences... Leia devant le Puits de Plett, qui entend les enfants rires et jouer, voit le Maître Jedi Djinn Altis au milieu de sa communauté, c'est un moment clé du livre, un moment magique, parce que c'est la fragile et difficile reconstitution d'un passé qui semble à tout jamais fermé à Luke et Leia, celui de cette ascendance Jedi dont Palpatine a quasi effacé toutes les traces et pervertit le peu qu'il restait... Alors que même pas 30 ans les en sépare, l'Ancienne République est pour eux comme un mythe, un âge d'or dont ils ne savent plus grand chose ou si peu et entrer en contact avec ce possible héritage Jedi pourrait leur donner tellement d'informations, tellement de bases sur lesquelles faire prospérer ce Nouvel Ordre Jedi à peine naissant...
Oui, c'est un roman qui est comme nimbé d'une brume ouatée dont on ne découvre les lumières et la réelle substance qu'en fronçant les yeux et au début, on avance à tâtons avant de prendre de l'assurance au fil des pages !
Les Enfants du Jedi, c'est aussi un roman bien barré : des Gamorréens qui parlent basic sans module de langage(et dont on découvre que c'est une société matriarcale), des Affytechyens qui se prennent pour des officiers impériaux en pleine manoeuvre de combat (imaginaire), sans compter les Jawas et les Hommes des Sables que Luke peine à contenir : tout un assemblage hétéroclite qui laisse à penser que Barbara Hambly a des penchants pour certaines substances illicites ! Et pourtant, on se dit qu'au final ça ne manque pas d'une certaine... Poésie !! (Ca y est, le mot est lâché !
)
Enfin, en parlant de poésie,
Les Enfants du Jedi c'est aussi une écriture : c'est un vrai roman au sens propre du terme, une véritable oeuvre littéraire bien avant d'être un roman de science-fiction et les éléments starwarsiens qui y sont impliqués et développés auraient très bien pu porter d'autres noms et avoir d'autres visages !! C'est aussi ce qui en fait une espèce d' OVNI dans la Saga Littéraire
SW : Hambly ne fait pas du
SW à proprement parler, mais bien du Barbara Hambly avec des éléments
SW tout en suivant un cahier des charges... bien moins lourd à l'époque que ce qu'il serait aujourd'hui !! Tout cela en fait un roman à part et toujours aussi controversé, mais je me devais honnêtement, après cette éblouissante relecture, de le réhabiliter quelque peu et sait-on jamais, donner envie à quelques-un(e)s d'entre vous de le relire ou de le lire pour la première fois, tout simplement !
CONCLUSION
La valeur attend parfois le nombre des années... pour être réellement comprise !!
Bien sûr, qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit :
Les Enfants du Jedi, ce n'est pas non plus le roman
SW du siècle, il y a pour ça la Trilo de Zahn ou
Points de Rupture de Stover. Mais loin d'être la bouse immonde décriée par une quasi majorité d'entre nous, j'estime que c'est un bon roman, écrit avec le coeur, certes atypique et peu aisé d'accès de prime abord (surtout en V.O. où paraît-il il est carrément indéchiffrable) mais pour qui sait regarder dans ce qui apparaît en premier lieu comme une gangue informe, quelques pépites y brillent de tous leurs feux et quiconque saura les voir ne pourra plus en détourner le regard...
Voilà, je pense avoir fini !!
Mais… pourquoi tout le monde dort ???