En effet. J'ai répondu.
Puisqu'il semble que je sois en écrasante minorité sur le site, je vais vous raconter ça. Une partie est du copier-coller d'un post pour un autre topic, mais j'ai fais des corrections.
Souvenirs d'un fan de la première heure...
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Imaginez une autre époque.
Une époque sans ordinateurs, sans Internet, sans forums, sans mails. Sans consoles de jeu, ou si peu, sans magnétoscopes, sans téléphones portables. Une époque où les programmes à la télé s'arrêtent en début d'après midi pour ne laisser sur l'écran qu'une mire de réglage déprimante. La fin des années 70. L'industrie des loisirs n'était encore qu'une PME.
Et moi. 11 ans, vivant dans un patelin crottouillard, dans une cité ouvrière, avec un papa électromécanicien qui fait les trois-huit dans l'usine sidérurgique du coin. Pompey et ses aciéries, pour ceux qui ont connu.
Un jour le Papa il dit, un de ces dimanches d'octobre ou novembre: “si on allait au cinéma ce soir ? Il paraît qu'il y a un nouveau film pas mal.”
Toute la famille monte dans l'Ami-6 et après 25 bornes se retrouve devant l'entrée du cinéma. Je ne savais d'ailleurs même pas quel film on allait voir, dans le fond ce n'est pas important, c'est sûrement bien puisqu'on y va.
Moi, gamin, j'aimais déjà la SF. Papa ramène parfois du travail des
Sidéral, des
Aventures Fiction, des
Strange cornés, que je lisais en cachette car c'est marqué sur la couverture: “bandes dessinées pour adultes” ! Et puis quand on est un gamin normal et sérieux on ne lit pas ce genre de choses. Pourtant, rien ne me préparait, ce jour-là, à ce que j'allais découvrir.
Là, devant le ciné, entre les nombreuses personnes qui font la queue devant le cinéma au centre ville de Nancy (le “Pathé” pour ceux qui s'en rappellent) je cherche à tromper mon attente. Je regarde les vitrines avec les photos d'exploitation. Et là, je vois pour la première fois une affiche. Dessus, des personnages fantastiques, des engins spatiaux, des robots et surtout un grand titre ronflant:
La Guerre Des Etoiles ! Pas
Star Wars, non, ça je ne savais pas encore ce que ça voulait dire. Mais simplement
La Guerre des Etoiles, et quelques photos punaisées dans la vitrine où on pouvait voir un cockpit de vaisseau spatial avec un type en kimono et une sorte de singe-chien vaguement anthropomorphe… Je me dis “Waoh ! Quel truc génial !” Je reste collé à la vitrine pendant quelques minutes et on me tire par le bras. Faut avancer, on arrive à la caisse. Et là je réalise: c'est
ce film qu'on va voir !
A l'époque, on ne va pas au ciné voir plusieurs fois le même film, hein ! C'était
une fois ! D'ailleurs pour y aller il fallait descendre en Ville avec Papa-Maman. Alors une fois dans la salle, j'ai ouvert bien grand mes yeux, parce-que je savais que je n'aurais qu'une seule occasion de voir ce film avant longtemps. Je m'empresse donc d'oublier toutes ces leçons de géographies et autres résumés appris par cœur pour faire de la place dans ma mémoire, afin de retenir un maximum de ce que je vais voir. Car ça s'annonce super ! Après un court métrage inconsistant que j'ai complètement oublié, quelques pubs avec le petit mineur qui jette sa pioche, le film commence…
Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine…
Je crois bien que je n'ai plus jamais été le même ensuite. J'ai encore le cœur qui s'emballe quand j'y pense, trente ans après. Le film s'est déroulé, et près de deux heures après, nous sommes sorti. Il faisait froid, il était tard et il fallait encore marcher pour rejoindre la voiture. Mais je n'en ai aucun souvenir: mon esprit était encore dans cette galaxie très lointaine, et il allait y rester un bout de temps. C'était comme un tremblement de terre dans un jeune esprit fan de SF, à l'époque: des décors grandioses, exotiques, vertigineux, des robots, des guerriers plein de sagesse maniant une épée de lumière, des vaisseaux qui fonçaient plus vite que des avions de guerre, un jeune héros à l'âge indéfinissable, candide, un brin naïf, une princesse mignone comme tout et un méchant à faire des cauchemars: Dark Vador ! Et cette musique, ces accents symphoniques, ces trompettes qui retentissent, cette mélodie incroyable qui s'est gravé dans ma tête et que je n'ai jamais oublié.
Parce qu'à l'époque, on n'avait
jamais vu ça ! J'avais déjà une certaine expérience de la SF, oui, j'avais vu des films pour gamins comme
La Montagne Ensorcelée, avec des soucoupes volantes, tout ça. Le seul film de SF qui m'avait marqué avant Star Wars c'était
2001, vu dans un ciné en plein air pendant les vacances. Seulement dans ce film, les vaisseaux se trainaient lamentablement sur une valse viennoise, et la station spatiale semblait sortie d'une illustration de
Science et Vie, pas de quoi marquer follement un esprit. Mais là, avec
La Guerre des Etoiles, on était un niveau (que dis-je, une centaine de niveaux) au-dessus de tout ce qu'un jeune avait jamais pu voir dans les années 70.
J'en ai rêvé la nuit suivante, bien entendu, j'en ai rêvé pendant des mois, j'ai pris des dizaines feuilles de papier et j'ai dessiné tout ce dont je pouvais me rappeler de ce film, les droïdes, les vaisseaux. Je faisais ça souvent à l'époque. Mais la mémoire s'efface assez vite, il faut l'avouer, et voir le film une seule fois, c'est loin de suffire pour retenir tout ce qu'on pouvait y voir. Malheureusement pour moi, mon père n'avait pas vraiment apprécié le film, ce qui signifiait assurément qu'il serait impossible d'y retourner une seconde fois. D'ailleurs même les films qu'il aimait, on y retournait jamais, ça ne se faisait pas, chez nous. On venait juste d'avoir la télé, à l'époque, en noir et blanc, parce que mon père s'était cassé la jambe en bécane et qu'il se morfondait à la maison, mais inutile d'espérer voir le film à la télé avant longtemps. Sauf peut-être à la “Séquence du spectateur”, les dimanches sur la première chaine, où en effet j'en ai revu des extraits une fois ou deux. Un plaisir renouvelé à chaque fois, mêlé de frustration parce que ce n'était que des extraits toujours trop courts.
Combien de fois je me suis refais le film dans ma tête ? Dix fois, vingt fois, cent fois, au point d'en sublimer les scènes, d'en inventer de nouvelles. Malheureusement, la répétition étant l'amie de la mémoire, le fait de n'avoir vu le film qu'une fois était plutôt un handicap. Mais comment il s'appelait ce personnage, déjà ? PZD-36, PQ Z6 ? R2-D2, ça va, c'est facile à se rappeler. Mais les autres ? Ce petit personnage encapuchonné avec des yeux brillant ? Pas moyen de me rappeler comment il s'appelait. Et son nom, à lui, le preux chevalier barbu, c'était comment ? Obiouane ?
Et les copains d'école ? Quelques-uns d'entre eux avaient vu le film, la grande majorité non. Difficile de compter sur eux. Mais cela n'empêche pas d'en parler, de raconter le film d'après ce que les autres en ont raconté et de faire croire qu'on l'a vu. Moi je l'avais vu mais je ne savais pas raconter les histoires, tout comme ce bon Z-6PO. Et pire que tout, vous ne pouvez pas en causer avec les parents... Ils ne comprennent rien, ce sont des adultes, et ils n'ont pas le temps de s'intéresser à une lubie de gamin fantasque.
Alors je dessinais sur mes cahiers d'écolier, pendant la classe, de préférence, une bouche d'incendie à pattes, un vaisseau rond avec un cockpit sur le côté, une créature bizarre (c'était un rodien, mais je ne le savais pas, pour moi c'était un “grido”), des types qui se battent avec des sabres-laser. Avec le recul, je me dis que si ce jour-là je n'étais pas allé au ciné, si je n'avais pas vu ce film à cette époque, bien des choses auraient été différentes. La passion absolue de Star Wars m'a pris tout petiot, a englouti des heures de mon temps en rêves éveillés, tout mon argent de poche en figurines et en BD, et mes résultats scolaires en ont pâtit, sans nul doute. Et ça n'a jamais cessé. D'ailleurs ma mère me dit encore parfois, lorsqu'elle vient me voir et examine ma collection: “Si seulement ton père nous avait emmené voir autre chose, ce soir-là !”. Aujourd'hui, quand je hante les magasins de jouets et que je dis au vendeur que je cherche des figurines Star Wars, on me répond: “c'est pour un enfant de quel âge ?”. Et là, croyez-le ou non, ben je ne sais pas quoi répondre...
La vérité est comme le soleil qu'une éclipse peut obscurcir, mais qu'elle ne saurait éteindre. — Stanislas Leszczynski