ACHTUNG SPOILER !
Très difficile il est de commenter ce film, pour trois raisons. La première est qu'il est d'une si grande richesse (à l'image de l'Univers qu'il prolonge) que plusieurs visionnages s'avéreront probablement nécessaires en vue d'en appréhender toutes les subtilités - et il y en a. La deuxième est que l'oeuvre diffusée au public n'est qu'une version tronquée, amputée d'une demi-heure. La troisième, enfin, est qu'il faut faire la part des choses selon que le l'on se situe du point de vue du puriste ou du simple spectateur.
Mais réflexion faite, on peut déjà formuler quelques remarques sur les bons et mauvais points.
1) La Revanche de GL
En un sens, le film tient toutes ses promesses. Il boucle la saga, constitue un pont plutôt bien fichu entre la prélogie et les films initiaux (voir l'apparition aussi fabuleuse que courte du Seigneur Tarkin), et apporte de nombreuses réponses aux questions posées (pas toutes). D'un point de vue narratif, il suscite constamment l'intérêt, ce qui était loin d'être le cas de films tels qu'
ANH,
ROTJ,
AOTC. D'un point de vue esthétique, il regorge de très bonnes idées. Et d'un point de vue pognonique, nul doute qu'il engrangera des milliards.
La boucle est bouclée. Anakin périt pour devenir Vador. Luke et Leia naissent en même temps que l'Empire. Les Jedi sont éradiqués par les armées clones. Palpatine domine la galaxie. Telle est la trame de l'histoire développée par l'Episode III. Ces éléments sont respectés à la lettre. De ce point de vue, réussite quasi-totale.
Lis dans ton coeur. Tu sauras que c'est vrai. Plusieurs énigmes distillées par la saga trouvent ça et là une réponse. La faculté d'Obi-Wan de revenir d'entre les morts, par exemple, est enfin révélée. De manière certes trop rapide, mais qui, après les multiples désastres subis par les Jedi et la République, apporte un soulagement certain.
C'est jour de gloire pour l'Empire. Le film dégage une tension que je n'avais pas ressentie depuis
L'Empire contre-attaque. De bout en bout, l'on ressent le Mal à l'oeuvre, et la fatalité qui entraîne Anakin vers un sort atroce. Saluons à ce propos l'excellente performance d'Hayden Christensen, qui confirme par là son talent d'acteur et démontre qu'il colle tout à fait au personnage de Vador. Son jeu tout en subtilité, oscillant entre la confiance en soi et le doute, la joie et la peine, la compassion et la paranoïa, achève d'en faire un Adepte Sith très crédible.
Il y a encore du bon en vous. Je peux le sentir. Le conflit. Car Anakin n'est pas un méchant robotique comme Vador le sera dans l'Episode IV. Son âme torturée est formidablement mise en scène par un Lucas au mieux de sa forme. Sa "chute" n'en est pas vraiment une : il faudrait plutôt parler de déclin. C'est presque "en douceur" qu'il rejoindra le Côté obscur. C'est
librement,
de son plein gré, qu'il ralliera Sidious. Par amour. Et aussi par ambition : Anakin joue son propre jeu, se révèle enfin comme un assassin potentiel de l'Empereur, pour mieux le remplacer à la tête de l'Empire (un fait qui n'était que suggéré dans l'Episode V). De ce fait, le traitement du personnage est totalement réussi.
C'est plus une machine qu'un homme. Les conséquences - brutales - de la trahison d'Anakin commenceront vite à se faire sentir. Là où Sidious n'a sacrifié "que" son visage, son nouvel Adepte perdra tout : l'amour (Padmée meurt), l'amitié (très bouleversante scène de rupture entre Obi-Wan et Vador sur Mustafar, alors que ce dernier va se faire incinérer), la beauté (re-très bouleversante scène où Vador devient enfin Vador par l'intégration de son armure noire). Le terrible
"Je te hais !" qu'il assène, au bout de ses forces, à son ancien Maître et ami sur la planète volcanique, est de nature à nous glacer le sang, et à susciter un intense sentiment de regret et de chagrin (eh oui). Par cette réplique, l'Episode III atteint définitivement la stature d'une tragédie cornélienne. Et à plusieurs reprises, le film atteint de grands instants d'émotion : le massacre des Jedi, y compris des enfants (on a beau être au courant : quel choc !), les applaudissements du Sénat à l'instauration de l'Empire...
Tout se passe comme je l'avais prévu. A côté d'un Christensen/Anakin qui porte fort bien le poids du film sur ses épaules, la prestation de Ian McDarmid en qualité de Dark Sidious/Chancelier Palpatine/Empereur est évidemment époustouflante. Si Lucas fait quelque peu cabotiner le perso dans la première partie du film, à l'occasion de la bataille spatiale de Coruscant, il le remet à sa place par la suite, c'est à dire la première. Le machiavélisme de Sidious grimpe en puissance, et nous le révèle enfin sous son vrai visage, celui d'un moderne Lucifer, ange de la Tentation et du Pouvoir, capable d'acquérir les âmes de tous ceux qui auraient le malheur de croiser sa route, sacrifiant impitoyablement ses pions pour mieux établir l'Ordre nouveau. Ajoutons qu'enfin nous pourrons voir Sidious combattre, et de manière incroyablement efficace...
Impressionnant. Très impressionnant. Car le fait est que les combats au sabres laser sont impressionnants. Superbement chorégraphiés et montés, il acquièrent une plus grande brutalité que dans les autres épisodes. Les séquences de bataille, terrestres et spatiales, sont également à couper le souffle, en particulier l'ouverture (superbe) de
ROTS, au-dessus de Coruscant.
Tu vas payer ton manque total de lucidité. Bref, d'évidentes qualités qui en font un grand divertissement. Mais certainement pas le meilleur film de la saga.
2) La Critique contre-attaque
Encore une fois, difficile d'évoquer les défauts du film, en particulier à l'issue d'une seule projection (de 3 à 5 h du mat'), et d'une version non-intégrale de surcroît.
Mais le film souffre de manière flagrante de ce qui fait paradoxalement l'une des principales qualités de l'Univers Star Wars : sa richesse. La chute de la démocratie et des Jedi, l'avènement de l'Empire, le triomphe du Côté obscur, les mésaventures d'Anakin Vador, la mort de Padmé, la naissance des jumeaux, tout survient à très - trop - grande vitesse. D'où de nombreux points qui ne font aucunement l'objet d'un traitement conséquent et digne d'en affirmer toute l'originalité.
A cet égard, le "retour" de Qui-Gon-Jinn s'avère à la fois intéressant et décevant. L'un des plus fameux mystères de l'oeuvre
SW (mais comment Obi-Wan revient-il du Royaume des Morts) est certes dissipé, mais au terme d'un dialogue particulièrement bâclé, balancé comme un os à ronger à des fans aussi surexcités qu'exigeants. Tout se passe parfois, ici comme ailleurs, comme si George Lucas avait voulu faire plaisir aux fans sans songer à développer plus avant son propre film. D'où l'impression, plusieurs heures après, d'avoir parfois assisté à un "film à sketch". Ce n'est pas le tout de compiler des séquences promises à devenir cultes : encore faut-il les insérer dans une trame générale qui les rehausse à leur juste valeur. De ce point de vue, je me demande si l'Episode III n'a pas, en la matière, raté le coche. De nombreuses séquences, il est vrai, ont été coupées : l'aspect politique de l'Episode III passe du coup quelque peu à la trappe, pour cause de zapping de Mon Mothma et autres Sénateurs. Eh ouais, ouvrons les yeux : la naissance de la Rébellion ne fait pas l'objet d'une scène digne de ce nom !
Le personnage de Padmé Amidala, excellement développé dans les Episodes I et II, est particulièrement maltraité. Pour résumer : elle se trouve réduite à un rôle de faire-valoir, objet plutôt que sujet. Sa présence est nécessaire, non en tant que telle, mais en tant que femme d'Anakin (et première motivation chez ce dernier à rallier le Côté obscur), et en tant que mère des jumeaux. Elle apparaît dans le film sous un jour particulièrement stupide et insupportable, presque une enfant gâtée. Mais où est donc la femme pleine d'astuce, assoiffée d'aventure, remarquable politicienne, qui faisait la fierté de Naboo dans les deux premiers épisodes ? Qu'est devenue la mère de Leia, bordel ? A tous égards, le traitement de ce personnage central est un "ratage" total. Sa mort, qui devait être un des points d'orgue du film et, partant, de la saga toute entière, ne parvient pas à susciter une aussi grande émotion que certaines autres séquences. A toutes fins utiles néanmoins, et quoique bâclée, ladite disparition est infiniment mieux réalisée que celle d'une certaine
Trinity...
Autres déception : Dooku. L'une des meilleures idées de
GL était le personnage emblématique de l'Episode II : interprété par l'excellentissime Christopher Lee, il donnait à son rôle de Sith un maintien aristocratique et une tranquille arrogance qui lui conféraient un certain souffle. Et ce personnage magnifique, qui aurait pu être à la prélo ce qu'un Tarkin a été à la trilo, est réduit à deux lignes de dialogues avant de se faire décapiter,
au début du film (!!!), par un Anakin pas content. A la décharge de Lucas, reconnaissons que le duel est formidablement monté et chorégraphié, et que l'ultime regard de Tyrannus à son maître Sidious est une pure merveille de cinéma (
"L'enfoiré, il m'a baisé !")...
La consternation est encore plus flagrante, s'agissant de Grievous. La Terreur des Jedi, si bien dévoilée dans la série
Clone Wars, est ici transformée en Méchant de bas étage, vouté, au phrasé ridicule digne d'un
bad guy de la vieille série
Batman, et...
asthmatique. Bon, étant asthmatique moi-même, je devrais me réjouir de voir un collègue occuper une telle place dans l'Univers
SW. Mais le résultat, autant l'avouer, passe très mal à l'écran. A tout prendre, j'aurais préféré un plus grand développement de Dooku, plutôt qu'une énième création d'un énième personnage à l'espérance de vie relativement courte.
A la rigueur, l'on pourrait également reprocher à Lucas de n'en avoir pas fait assez : pas assez de Jedi morts, pas assez de morts, pas assez de manip' politique, pas assez de temps à consacrer à divers personnages. Les dialogues sont loin d'être véritablement géniaux : le plaidoyer de Palpatine en faveur du Côté obscur manque de relief, surtout si on le compare à d'autres tirades satanistes du style Pacino dans
L'Associé du Diable. En tout état de cause, l'on ne saurait se contenter du film pour avoir un meilleur aperçu de
SW : les bouquins constituent un idéal complément (voir
Labyrinth of Evil, prologue à l'Episode III).
Enfin, la bande originale de John Williams est à l'image du film : globalement au-dessus de la moyenne, souvent prenante, parfois excitante, mais dans l'ensemble inférieure aux scores de la trilogie initiale, infiniment plus créatifs et inoubliables. Comme Lucas, Williams donne l'impression d'avoir fourni l'essentiel du boulot il y a trente ans. Les nouveaux titres musicaux ne parviennent pas à dépasser les anciens, souvent repris d'ailleurs par souci de continuité. Avec le temps, il apparaît que les B.O. de
SW sont devenues bien plus "lourdes", bien plus pompières, pompeuses que celles qui les précédaient. Ce qui ne m'empêche pas de me diffuser le score de l'Episode III à l'heure actuelle...
Tels sont les défauts essentiels. Il y en a d'autres. Mais il ne faudrait surtout pas en conclure que j'ai
détesté ce film. La vérité est que j'ai pris un pied extraordinaire à le mater. Peut-être l'ambiance s'y prêtait-elle, qu'il s'agissait de
Star Wars et qu'en conséquence tout fan ne peut qu'être comblé - ce qui compte n'est pas tant les films que l'Univers qu'ils étendent. Mais il faut le reconnaître : en dépit de tous ses défauts, l'Episode III reste le meilleur film de la prélogie. Il rehausse même le niveau (déjà, à mon sens, élevé) de ses deux prédécesseurs. Ce qui pouvait, par exemple, passer pour une amourette entre Anakin et Padmé sur le paradis perdu de Naboo prend à présent un tout autre sens, une toute autre ampleur, une fois que l'on a
vu le premier étrangler à distance la seconde avant de subir un destin encore plus ignominieux.
En bref : comme je l'indiquais dans un texto, "très bon mais pas génial", car frustrant. Rien ne détrônera
L'Empire contre-attaque.