Une analyse de la Saison 1
Sommaire
- Avant-propos
- Il y a bien longtemps…
- Une réalisation maîtrisée
- Une narration réfléchie
- Des personnages emblématiques
- Des thèmes multiples
Avant-propos
Il y a bien longtemps…
Trop naïf. La machine à débiter du Star Wars à la chaîne était lancée, enchaînant déception sur déception, déconvenue sur déconvenue, à l’exception notable de Rogue One que je considérais comme une anomalie, un heureux accident. Je ne reviendrai pas sur la destruction méthodique ces dix dernières années de l’univers de Lucas par le studio aux grandes oreilles. Car entre une Postlogie, dénaturant la rédemption d’Anakin, oscillant entre lâcheté et inconsistance ; et des séries médiocres au mieux, honteuses au pire, que ce soit en animation ou en live-action, je n’attendais absolument plus rien de Star Wars.
Je m’étais complètement détourné de l’univers en me disant que ce n’était plus pour moi, qu’il était temps de passer à autre chose. Au point que lorsque la série Andor sortit au mois de septembre 2022, je n’étais même pas au courant.
Ce n’est qu’au détour d’une vidéo sur YouTube que j’ai eu vent de la série. Mais la vidéo étant particulièrement virulente à son encontre, cela ne m’incita pas vraiment à en savoir davantage. Entre Andor et moi, c’était donc mal engagé.
Mais quelques semaines plus tard, une autre vidéo, d’un YouTubeur pourtant prompt à dégommer du Star Wars lui aussi, faisait étrangement les louanges de la série. Intrigué, j’ai commencé à me renseigner.
Andor ne parlerait donc pas que de Cassian Andor — personnage certes sympathique dans Rogue One, mais sans plus — mais aussi du fonctionnement de l’Empire et de la naissance de l’Alliance. C’est alors qu’un miracle se produisit. La petite étincelle que je pensais définitivement éteinte se mit à briller de nouveau dans mes yeux. Cette étincelle de la Trilogie Originale où nous n’avions que des VHS trop usées à force de visionnage pour nous émerveiller. Époque où le sinistre Tarkin sommait une jolie princesse de révéler l’emplacement d’une certaine base rebelle, époque où je me demandais qui était cette Mon Mothma, habillée comme une déesse grecque, leader d’une “Alliance” dont on ne savait que peu de choses et qui ne se matérialisait dans les films qu'à travers une flotte hétéroclite de vaisseaux aux formes bigarrées face aux immenses croiseurs impériaux aux lignes impitoyables. Aussi loin que je me souvienne, Star Wars, pour moi, a toujours été indissociable de cette fascination autour de la Rébellion. Pourquoi ? Peut-être pour le romantisme et l’idéalisme qui s’y rattache. Peu importe.
J’ai donc franchi le pas, réactivé mon abonnement à Disney+ et visionné les premiers épisodes. Déroutants au premier abord. J’étais circonspect. Tout y était tellement différent de ce à quoi la franchise nous avait habitués jusqu’à présent. Mais au fur et à mesure des épisodes, j’ai compris qu’on avait affaire à une pépite, comme jamais nous n’en avions vu dans les productions Star Wars.
Une réalisation maîtrisée
Tony Gilroy (starwars.com)
En 2016, il sera appelé sur le film Rogue One en tant que script doctor pour réécrire certaines scènes de ce qui deviendra une superbe préquelle à Un Nouvel Espoir. C’est ainsi qu’il entrera dans l’univers Star Wars pour ensuite se voir confier un projet de série sur Disney+ qui raconterait les tribulations de Cassian et K-2SO avant Rogue One, sans doute sous une forme épisodique similaire à The Mandalorian. Cependant, les premières ébauches de script ne fonctionnaient pas du tout. Ce ne fut qu’après moult réflexions et discussions avec le studio, qu’il arrivera à la conclusion qu’il lui faudra raconter quelque chose de différent, un véritable récit sur le parcours de Cassian au sein de ce qui deviendra l’Alliance Rebelle. Le projet cette fois sur les rails aurait été doté d’un budget par épisode tout à fait respectable compris entre 15 et 25 millions de dollars, similaire à The Mandalorian et Obi-Wan Kenobi.
Force est de constater que ce budget fut utilisé à bon escient, car ce qui frappe en premier lieu quand on visionne Andor, c’est la qualité de la réalisation aux allures de fresque cinématographique et qui donnerait presque envie de payer pour la voir sur grand écran.
Décors de Ferrix (Jim Maxwell)
Sonneur de cloches de Ferrix, ép. 2
Les costumes sont aussi de bonne facture et relativement variés. Les tenues chandrilènes de Mon Mothma sont très élégantes et siéent parfaitement au personnage, tout comme celles des Impériaux du BSI. Néanmoins, certains choix de la direction artistique sont surprenants. On se rappelle des bottes dans la prison tout droit sorties d’un catalogue d’équipements pour sport d’hiver.
On pourrait également regretter le manque d’aliens au premier plan, bien que la fin de la saison corrige partiellement ce défaut. Sur ce point, Tony Gilroy s’est justifié par une pirouette : mettre en avant des aliens l’aurait obligé à complexifier son scénario pour aborder la relation entre l’Empire et les populations non humaines. Ça se défend.
En tout cas, globalement, la série respecte les codes visuels de la saga Star Wars, où tous les éléments technologiques ainsi que les véhicules et autres vaisseaux spatiaux sont dans la continuité du style rétro-futuriste d’Un Nouvel Espoir, et à fortiori de Rogue One.
Les innombrables easter eggs dans la boutique de Luthen nous prouve aussi que derrière un Tony Gilroy qui ne s’est jamais revendiqué comme un spécialiste de Star Wars, il y a une équipe de véritables passionnés garantissant la cohérence de la série par rapport au canon. Nous pouvons être rassurés lorsque nous regardons cette série, car nous savons être entre de bonnes mains.
Exemple de surcadrage, ép. 9
Évasion de la prison de Narkina V, ép. 10
Coucher de soleil sur Niamos ép. 11
Explosion finale sur Scariff (Rogue One)
Course-poursuite durant l’Œil d’Aldhani, ép. 3
Avec Andor, nous sommes immergés dans cette nouvelle proposition visuelle digne du grand écran. Une proposition innovante, autant rafraîchissante que courageuse. Ce que ne renierait pas Lucas en personne. Lui qui a aussi beaucoup expérimenté sur la Prélogie, avec plus ou moins de réussite certes, mais qui ne pouvait pas être accusé de fainéantise.
Contrairement au Réveil de la Force, ce n’est pas en singeant Un Nouvel Espoir qu’on rend hommage à George Lucas, mais bien en tentant de nouvelles choses, au risque de déplaire. Ce que fait admirablement Andor tout en s’inscrivant dans l’héritage des deux premières trilogies.
Nicholas Britell (Emma McIntyre pour Variety)
Dans Andor, les différents thèmes reflètent bien la tristesse, la tension, le drame qui se joue. Le titre Tomorrow en est un bel exemple, tout en se permettant des morceaux plus enlevés comme le thème de Niamos — aussi celui du night-club sur Morlana I — qu’il m’arrive d’écouter en boucle.
Fanfare de Ferrix, ép. 12
(à suivre...)