[Sommaire]<< Chapitre précédent5 - À l'abordage !
Ribajo était assis sur le siège du pilote, réfléchissant encore à la destination qu’il allait prendre. Même s’il prétendait avoir été pirate par le passé, dans les faits, il n’en était rien. Et il n’avait pas la moindre idée de par où commencer. Malgré tout, il affichait l’allure et l’assurance de celui qui savait précisément ce qu’il faisait. Car s’il montrait le moindre doute, il risquerait de perdre sa crédibilité, et donc la confiance de son équipage. C’est là qu’il fut rejoint par le Dug borgne qui marchait sur ses deux longs bras, les deux membres plus petits partant du bas de son torse lui servant de mains.
— Où on va, cap’taine ?
— Eh bien, j’ai plusieurs destinations en tête, mais si tu as une proposition…
— Bah… Pour commencer, je pense qu’on devrait chercher un nouveau vaisseau. Sans vouloir t’offenser, cap’taine, ce vieux coucou tient à peine debout. J’connais une voie commerciale qui passe par des systèmes peu fréquentés, le long de la bordure extérieure. Y’a toujours des corvettes qui passent par là-bas, et pas des petits engins, ça non. J’te parle des navires de longue distance, ceux qui encaissent. Pensés pour durer dès la conception. Avec un navire comme celui-là, l’espace sera à nous.
— Tu parles des modèles Corelliens ?
— Oui, entre autres, mais pas que. Y’a plein de modèles moins connus qui sont tout aussi puissants, et bien plus faciles à trouver. Le plus dur sera de les aborder, parce que c’est pas des vulgaires cargos qu’on voit partout, ça non. Ils sont équipés de systèmes de défense intégrés. Mais si on les prend par surprise, on a notre chance. Avec les années, j’ai développé ma petite technique personnelle pour les capturer. Ça marche pas à chaque fois, mais si on y met du nôtre, on l’aura, not’ rafiot !
Ribajo se frotta la barbe.
— Je pense que c’est une excellente idée. Et puis, je pourrai voir de quoi tu es capable. À toi de jouer, fit-il en lui indiquant les commandes du vaisseau. Être un bon capitaine, c’est aussi savoir s’entourer de gens autonomes et débrouillards, tu ne crois pas ?
Segodeg se fendit d’un sourire satisfait.
— Alors là, pas de problème, cap’taine. Ça, j’sais faire.
Il trifouilla les commandes pour programmer un saut en hyperespace. Les étoiles s’étirèrent, et l’espace fit place à un torrent de lumière bleue à l’intérieur duquel ils s’enfonçaient à une vitesse folle. Ceci fait, ils rejoignirent les autres dans le compartiment voyageur.
— Bon, fit Ribajo. Maintenant qu'on est officiellement partis pour notre première expédition, je pense que des présentations s'imposent. Tout le monde ici ne se connaît pas encore, il me semble. Toi le Dug, commence.
— Segodeg Salsifel, pour vous servir. Comme l'capitaine, j'en suis pas à ma première piraterie. Alors faites pas trop les malins, j'vous ai à l'œil. Si quelqu'un trahit l'capitaine ou l'équipage, il aura affaire à moi.
— Moi je m'appelle Boolaya Skerrr, avec trois "R", se targua la Twi'lek rose aux formes généreuses. Mais vous pouvez m'appeler Booboo.
— Tiens c'est nouveau, railla Seg, depuis quand t'as un nom de famille ? Trois "R", ça fait un peu Wookiee...
— C'est parce que je suis douce comme un Wookiee... mais aussi féroce qu'un Wookiee si tu t'avises de m'énerver, ajouta-t-elle en exhibant ses crocs. Et toi, petit ? C'est quoi ton nom ?
— Moi... C'est Tino.
— Roh allez, un peu de joie de vivre ! plaisanta Boolaya en lui pinçant les joues. C'est le début d'une nouvelle vie !
— Il vient de perdre sa famille, expliqua Jo.
— Oh, je comprends. Moi aussi, ça m'est arrivé. Enfin, c'est moi qui suis partie. Mais t'en fais pas, Tino, on veillera sur toi. On va pas te manger, voyons !
— C'est gentil, fit le garçon. J'ai toujours rêvé de partir explorer les étoiles, et c'est la première fois que je vois des pirates d’aussi près. J'espère que je vous décevrai pas.
— Roh, arrête gamin, sois pas ridicule ! fit Segodeg. Contente-toi de faire de ton mieux et d’être toi-même, et tout ira comme sur des roulettes. Souviens-toi : Un pirate ne doit jamais rien à personne.
Ribajo hocha la tête, satisfait.
— Nous apprendrons tous à nous connaître, de toute façon. Voilà ce que vous devez retenir : Avant d'être pirate, j'étais cuisinier. Eh bien un équipage, c'est un peu comme une équipe de cuisine. Chacun a son rôle à jouer, il n'y a pas de poids mort. Et quoi qu’il arrive, tout le monde écoute le chef. Si tout le monde remplit son rôle, si tout le monde y met du sien, on obtient des plats succulents et tout le monde y trouve son compte. Ici c'est moi le chef, et ce sera comme ça pour vous jusqu'à ce que je meure ou que nos routes se séparent. Si vous êtes pas contents, je ne vous retiens pas de partir. Je suis pas à cheval sur les règles, mais le respect est une chose sur laquelle je serai intraitable. Respectez l'équipage, respectez le capitaine, et vous recevrez du respect en retour. C'est tout ce que je vous demande.
— C'est reçu cinq sur cinq, cap'taine ! éructa Segodeg en mimant un salut militaire, avant d'éclater d'un rire tonitruant.
Ribajo ajouta, à moitié pour plaisanter :
— Encore une chose, et je dis ça pour vous : J'ai la gâchette facile. Alors me faites pas chier, compris ?
Nous y voilà, se dit-il. On va bientôt voir quel genre de pirate je suis.*
C'est à l'abord du système Karserac qu'une corvette classe YQ-D27 de la société de transport Paggelin Corps. s'était stationnée après être sorti d'un premier voyage hyperspatial.
Pour Ronand, le pilote de cette corvette, c'était l'heure de la pause café. Une pause bien méritée avant de repartir en vitesse lumière, pour un voyage qui allait durer plusieurs jours, dans la nuit glacée de l'espace sidéral, afin de desservir tous les clients qu'il devait livrer.
Soudain, un voyant rouge se mit à clignoter, et les écrans de contrôle indiquaient un appareil en approche. Et cet appareil se dirigeait droit dans sa direction.
Ronand, un peu anxieux, activa la transmission comm.
— Ici corvette de transport YQ-D27 de la société Paggelin Corps. Déclinez votre identité et le motif de votre présence.
— Ici navette pirate le
Fugif Espiègle, fit une voix rocailleuse dans le microphone, sans doute cryptée électroniquement pour masquer son identité. On sait que vos boucliers déflecteurs ne sont pas activés. Ne tentez aucune manœuvre ou vous serez abattu. Ne résistez pas à l'abordage, et personne ne sera blessé. Et n'envoyez aucun signal d'alerte si vous tenez à la vie.
Ronand pâlit. En quinze ans de carrière, c'était la première fois qu'il avait affaire à des pirates. C'était le genre de chose qu'on ne voyait que dans les holofilms, ou dans les vieilles légendes. Mais Ronand ne se laissait pas défaire pour autant. Faisant fi des mises en gardes de l'ennemi, il activa le transpondeur du signal d'alerte pour informer son employeur qu'il avait un gros problème. Il actionna également la commande activant les droïdes de sécurité que la société Paggelin Corps avait prévu à bord de la corvette, afin de palier à ce genre de situation. Son visage se renfrogna quand il constata que les droïdes ne répondaient pas. Les vieilles machines ne devaient pas avoir été révisées depuis des décennies. Se levant de son siège, il prit alors son blaster et se prépara à résister seul à l'abordage. Il était peut-être un pilote de transport de pacotille, mais personne ne s'en prenait à son travail impunément. Il avait travaillé dur toute sa vie, sans rien demander à personne. C'était pas aujourd'hui qu'il allait commencer à se laisser marcher dessus.
*
L’assaut fut bref, mais efficace. Après avoir découpé le sas à l’aide d’un cutter à plasma, les pirates jetèrent une grenade fumigène pour masquer leur arrivée. Ronand tira au hasard, mais aucun de ses tirs n’atteignit sa cible. C’est là qu’une série de cercles lumineux bleus arrivèra dans sa direction. Il se jeta à terre pour les esquiver, mais une partie des rayons paralysants traversa son bras, le rendant temporairement infirme. Quand il se redressa pour riposter, il était trop tard. Les pirates étaient là, et l’immobilisèrent après lui avoir arraché son arme des mains. Aucun blessé n’était à déplorer du côté des pirates : ils avaient bien joué leur coup. Cependant, une voix inconnue résonna à travers l’intercomm du vaisseau et leur parvint depuis le cockpit.
— Ici tour de contrôle de Paggelin Corps, j'écoute. Quel est le motif de votre alerte ?
— Ah poodoo, lâcha Segodeg. Cet enfoiré a envoyé un signal d'alerte. Qu'est-ce qu'on leur dit, capitaine ?
— La vérité, répondit Ribajo en activant le bouton de l'intercomm pour parler dedans. Ici les pirates qui ont capturé la corvette. Nous avons pris le pilote en otage. Si vous voulez le revoir vivant, il faudra nous payer une rançon de 50,000 crédits.
Il y eut un silence, puis l'opérateur répondit.
— Négatif, demande refusée. Nous avons prévenu les autorités de l’Empire, ils sont en route pour vous intercepter. Ne quittez pas.
— Blast, lâcha Ribajo en coupant la transmission. Bon, fit-il au pilote. Visiblement, tes employeurs ne tiennent pas beaucoup à toi. Montre-nous où se trouve le traceur de localisation, qu’on puisse se tirer d’ici. C’est ta seule chance de rester en vie, ne la gaspille pas.
Ronand s’exécuta. Quand ils eurent trouvé et détruit le traceur, ils bondirent immédiatement en hyperespace. Segodeg tenait toujours Ronand en joue, prêt à l’abattre au moindre mouvement brusque.
— Alors, cap'taine ? On s'le fait ?
— Non, ne faites rien. Laissez-moi faire.
Segodeg lâcha leur prisonnier, qui s'effondra à quatre pattes. Ribajo s'approcha de lui.
— Écoute, mon brave, lui adressa le Bothan. Cette histoire n'a pas besoin de se terminer dans un bain de sang.
— Vous n'êtes que des vauriens... Ce vaisseau est à moi ! Vous n'avez aucun droit ici !
Ronand se jeta sur lui, tentant de lui décocher un coup de poing, mais la paralysie avait considérablement réduit sa force et sa rapidité. Ribajo dévia le coup sans difficulté, et lui fit une clef de bras pour l'immobiliser avant de pointer son blaster sur sa tempe.
— Un grand homme disait autrefois : "La liberté appartient à ceux qui se battent pour l'obtenir". L'Empire règne peut-être sur les mondes habités, mais depuis la nuit des temps l'espace appartient aux pirates. Ce qui signifie qu'aucune loi ne s'y applique, sinon la nôtre. Alors si on décide de prendre ce vaisseau, personne ne nous en empêchera.
— Pas sûr que l'Empire voie les choses de cette façon...
— L'Empire se fiche pas mal des gens comme toi, argua Segodeg. Il est pas bien différent des grosses corporations : ta vie n'est qu'une marchandise de plus à leurs yeux, un numéro de plus dans leurs registres.
— Mon ami a raison, appuya le capitaine. Personne ne peut nous dire ce qu'on a à faire, pas même toi. Le plus sage dans ta position serait d'accepter ta défaite et d'admettre que des "vauriens" ont eu le dessus sur toi. As-tu une dernière parole ?
— Pfff. Vous voulez me tuer ? Alors allez-y. Qu'on en finisse.
Ribajo le relâcha.
— T'as du cran, je le reconnais. Voilà mon cadeau : la vie sauve. Je ne suis pas quelqu'un de cruel. Alors je te laisse le choix, pilote. Soit on te dépose sur la planète la plus proche et tu repars à zéro... Soit tu restes avec nous pour vivre une vie d'aventure et de fortune. La seule chose que j'exigerai si tu restes sera ta loyauté absolue. Alors ?
Ronand regarda ses pieds, puis leva les yeux vers lui.
— Et merde... Bon. Vous m'avez l'air d'un type honnête. Quitte à perdre mon job... autant venir avec vous. J'en ai marre de faire partie de ceux qui subissent.
— Eh bien, voilà ce qui s'appelle prendre son destin en main, déclara Ribajo en rangeant son blaster. Sois le bienvenu dans l'équipage. Les autres veilleront à ce que tu t'intègres comme il faut. Et ne tente rien de stupide, hein ? On t'a à l'œil.
— Vous avez le don pour vous faire des amis, capitaine, commenta Boolaya.
Il haussa les épaules.
— C'est ce que ça donne quand on essaye de causer avant de frapper.
— Il nous faut un nom pour ce nouveau navire, remarqua Segodeg. Qu’est-ce que vous proposez, capitaine ?
— Ce navire s’appellera… Le
Brûle-Pourpoint.
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