J’ai vu que vous vous étiez amusé à l’exercice de la description filmique de certaines scènes de la prélogie
SW et que vous aviez proposé de choisir soi-même ses scènes.
Ayant fait un cours sur le cinéma, je souhaite moi-aussi me livrer à cet exercice.
Je choisis une scène du film Star Wars épisode III : la revanche des Sith entre 33min 05s et 34min 52s.
Elle débute sur le balcon des appartements personnels de Anakin en compagnie de Padmé, une scène de nuit.
Elle se poursuit avec une vue du temple Jedi et enchaîne dans les locaux où Yoda accueille Anakin. Puis on accompagne Anakin dans un couloir du temple jusqu’à une salle de projections holographique où se trouve Obi-Wan.
Je ne vais pas insister trop sur les types de plans car vous en avez déjà beaucoup parlé mais vais essayer d’aborder d’autres aspects du vocabulaire filmique et expliquer pourquoi Georges Lucas les a choisi.
Commençons :
1/ Balcon Anakin / Padmé : 33min05s à 33min18s dans SW3
La première séquence présente une discussion entre Anakin et Padmé avec un « plan rapproché poitrine » sur les deux protagonistes.
On note que ce portrait du couple utilise par sa mise au point un « flou artistique d'arrière plan » qu’on appelle « bokeh » afin de concentrer l’attention sur les visages et rendre la scène plus esthétique visuellement. La beauté de Padmé est mise en avant.
Le « montage vidéo » enchaîne ensuite sur le plan suivant (celui du temple Jedi) par une transition qu’on appelle « ponctuation de type volet ».
Georges Lucas est un habitué de ces ponctuations dans les Star Wars (« volet, iris, rideaux, fondu enchaîné, fondu au noir … »), ponctuations qui ont aujourd’hui tendance à se perdre au profit des coupes franches.
2/ Temple Jedi : 33min18s à 33min27s dans SW3
Georges Lucas nous présente ensuite un « plan de grand ensemble » du temple Jedi dans le cadre d'un « travelling avant ». (Un travelling signifie que c’est la caméra qui se déplace ici de haut en bas.)
L’angle de prise de vue est « une plongée » c’est à dire que la caméra filme d’un point haut en direction du bas.
Georges Lucas a probablement choisi une plongée sur le temple pour nous permettre de voir la taille gigantesque du bâtiment en rapport avec les jedis tout petits qui en entrent et sortent.
Si la caméra avait filmé en contre-plongée, nous n’aurions pas pu les voir et nous ne nous serions pas aperçus des dimensions.
Le montage vidéo passe ensuite au plan suivant par « une coupe franche » c’est à dire directement sans aucun effet particulier contrairement aux autres types de ponctuations. (On utilise aussi le terme « cut ». Les cuts (ou coupe franche) permettent des enchaînements de plans plus rapide et des montages plus dynamiques utiles par exemple dans les séquences d’action. Ce n’est pas une scène d'action ici.)
3/ Discussion Yoda / Anakin : 33min 28s à 34min 42s dans SW3
Cette scène filme la discussion entre Yoda et Anakin suivant une technique habituelle pour les dialogues dans le cinéma moderne, celle du « champ-contrechamp avec respect de la ligne des 180° ».
(Le champ-contrechamp consiste à filmer une scène sous un angle donné, puis à filmer la même scène sous un angle opposé, à 180° du premier, selon une symétrie axiale. Cette technique respecte les « raccords sur le regard » qui consistent à enchaîner deux plans en montrant dans le deuxième plan ce que regarde le personnage dans le premier.)
Les plans sont de type « plans taille » (=à partir du milieu du corps jusqu’au haut de la tête), « plans rapprochés » (=à partir de la poitrine jusqu’au haut de la tête) ou « gros plans » sur les visages.
La vue d'Anakin sur Yoda se fait souvent en légère plongée car il est plus grand ce qui constitue « un plan dit subjectif » (=le réalisateur et son cadreur nous mettent à la place du protagoniste pour qu'on voit et ressente comme lui).
De même, les plans de Yoda vers Anakin sont souvent en légère contre-plongée, maître Yoda étant plus petit. Un autre plan subjectif.
Georges Lucas a choisi pour la composition de la scène d’utiliser la présence de stores pour souligner par des raies de lumières les regards expressifs des deux interlocuteurs.
La composition ici est centrée et symétrique et repose essentiellement sur des lignes horizontales.
Le récit saute ensuite la sortie de Anakin pour nous le montrer directement dans un couloir ouvert du temple.
Ce saut est appelé une ellipse (ellipse : saut d’une longueur variable d’une période du récit).
4/ Allée intérieure du temple : 34min 43s jusqu'à 34min 46s dans SW3
GL présente Anakin marchant dans une vaste allée intérieure du temple.
Il utilise une vue en « plongée » pour souligner les dimensions impressionnantes des lieux.
Le plan est beau. C’est sa « composition » qui met en avant la beauté des lieux.
Sa composition est basée sur une « perspective » et un « point de fuite » décentrée à gauche (comme dans la peinture Renaissance).
Le mouvement de caméra est un « pano-travelling » haut-bas et droite-gauche nous permettant de voir la porte où s'engage Anakin. (On parle de pano-travelling car le mouvement de la caméra (=travelling) est combiné avec un changement d'angle de prise de vue de celle-ci (=panoramique)).
Ce plan nous montrant l’allée nous rappelle les nefs de nos vraies églises et a pour fonction de souligner que les Jedis sont des mystiques comme nos ecclésiastiques ; des sortes de moines-soldats comme les Templiers pouvaient l’être.
5/ Salle de projection holographique/Obi-Wan : 34min 47s à 34min 52s dans SW3
Le montage vidéo en « post-production » utilise des raccords pour enchaîner les plans et assurer une bonne jonction.
Ces raccords sont utilisés pour rendre le montage plus fluide et naturel, pour qu’il s’efface devant l’histoire elle-même.
Dans le cas présent, le passage du plan de la vaste allée au plan de la salle holographique se fait par un « raccord de direction ». (= Cela consiste à filmer Anakin allant de gauche à droite dans le 2ème plan puisqu’il allait aussi de gauche à droite dans le précédent. Anakin sort du 1er plan (=allée) par le côté droit donc il faut qu’il rentre dans le 2ème (=salle holo) par le côté gauche.
C’est de cette façon qu’il est raccord et qu’il n’y a pas d’anomalie dans sa direction).
J’en ai terminé.
Je vous laisse décortiquer la séquence à votre guise en utilisant la touche pause pour retrouver tout cela.
Que la force soit avec vous !
Amiral Tarkin : "La peur ! Voilà ce qui bâillonnera les systèmes séditieux. La peur de l’Étoile Noire."