Pandisha a écrit:D'un côté tu defends que Palpatine est une representation du mal absolu, de l'autre tu critiques le cote complotiste du film operepar cette meme representation metaphoriqie du mal absolu. On va de contradictions en contradictions.
Non ce n'est pas contradictoire. Le Mal Absolu est un concept qui trouve tout à fait sa place dans un conte. Comme le manichéisme (qui se manifeste notamment dans le complotisme). En revanche, ce qui devient plus emmerdant c'est quand tu essaies d'"historiciser" cette figure allégorique du Mal Absolu et de donner un vernis "historique" au manichéisme de ton récit.
On a le droit de penser qu'Hitler, Staline ou n'importe quel autre dictateur, c'est le Mal Absolu. Mais c'est un postulat "militant", engagé, qui sert à convaincre les gens qu'il faut les combattre absolument. Si tu souhaites mobiliser contre eux, contre ceux qui les soutiennent, soutiennent leur politique ou leur idéologie. En revanche, si ta démarche est analytique, si elle vise à comprendre ou à décrire comment ces gens arrivent au pouvoir, sont soutenus et exercent ce pouvoir avec l'assentiment d'une grande partie de la population, c'est un postulat aussi vain que creux.
C'est là toutes les limites de la démarche de Lucas dans cette prélogie. Quand tu te réfères à l'Histoire, c'est pour apporter une forme de véracité et de crédibilité à ton récit. Or la façon dont Palpatine devient Empereur dans cette prélogie est très peu crédible. Après je ne sais pas si Lucas en a lui-même conscience ou s'il est convaincu qu'il raconte au contraire quelque chose de crédible puisqu'il se réfère à l'Histoire.
J'apprécie Lucas et ce qu'il a créé dans Star Wars mais quand le gars te raconte que le mec qui lui a inspiré Palpatine est... Richard Nixon, ça devrait normalement conduire chacun à prendre du recul et à ramener la conscience historique de Lucas à sa juste valeur. Dans le contexte militant des années 70, post-Watergate, post-Guerre du Vietnam, tu peux comprendre ce qui l'a amené à considérer Nixon comme un potentiel dictateur et une figure du Mal Absolu. Mais avec le recul historique, c'est complètement ridicule.
Lucas aime sans doute l'Histoire mais je ne suis pas ultra-convaincu qu'il ait un rapport très pertinent à l'Histoire. On est même dans quelque chose d'assez superficiel globalement et c'est ce qui rejaillit, à mon sens, dans la prélogie dès qu'on gratte un peu le vernis et les références. Je pense que c'est lié en grande partie au fait que Lucas a une grille de lecture essentiellement politique de l'Histoire (mais avec sa grille politique à lui). Ce qui est patent dans cette prélogie.
Après, ça ne m'empêche pas d'apprécier Star Wars par ailleurs. Ce sont des films qui ont beaucoup d'autres qualités, comme Lucas a lui-même beaucoup d'autres qualités.
-- Edit (Sam 18 Jan 2020 - 15:03) :
matou a écrit:Donc pour trancher, regardons les inspirations: le blocus par la fédération du commerce.
Inspiration venant de compagnies maritimes privée et de leur comptoirs.
Ce n’est pas un cliché ou un stéréotype car cela demanderait d’avoir été vu et revu.
C’est une bonne analogie car elle questionne le fondement de tout entité politique, sur la mise en application des décisions collectives qui vont à l’encontre d’intérêt privés.
C’est donc un cas où cela renforce un propos du film car il permet une situation qui amène un enjeu moral.
Mais encore une fois, regardons comment cela est traité dans les films. Dans
TPM, les dirigeants de la Fédération du Commerce sont tout de suite montrés comme menteurs, fourbes, lâches... ils sont moches et veulent du mal à la jolie reine. Donc les questionnements les concernant et les enjeux moraux sont vite expédiés puisqu'on te dit d'emblée Fédération du Commerce = méchants.
Est-ce qu'ils défendent des intérêts privés contre l'intérêt général et les décisions collectives ? C'est ce qu'on peut penser a priori... sauf que
TPM nous montre que la Fédération du Commerce obéit surtout à Darth Sidious, futur Empereur Palpatine. Ce sont donc des marionnettes à la solde... d'un politique. La Fédé du Commerce est le bras armé d'une ambition et d'un projet politiques. C'est le politique qui a la main sur eux, pas l'inverse. C'est Sidious qui a l'autorité. L'intérêt politique prévaut donc sur les intérêts financiers.
Effectivement, en vertu du crawl, on pourrait penser que la Fédération du Commerce fait obstruction à la mise en application des décisions collectives. Sauf que lorsque Padmé se présente devant l'assemblée législative (le Sénat) qui prend ces décisions collectives... personne ne la soutient. L'assemblée semble même soutenir la Fédération du Commerce ou en tout cas fait en sorte de freiner le processus de décision qui pourrait conduire à des sanctions, en validant la proposition de commission d'enquête. Comment expliquer qu'une assemblée législative qui a voté la taxation des routes commerciales soit aussi majoritairement complaisante avec une entité qui conteste cette taxation ? Mystère...
Donc effectivement, il y a d'un côté la référence historique qui sous-tend en principe les enjeux que tu as énumérés , et, de l'autre, ce que le film fait de ces enjeux. C'est-à-dire pas grand chose. Du coup quelle est vraiment la pertinence de la référence historique ?
Petite parenthèse sur les grandes compagnies maritimes des XVIIe et XVIIIe siècles : s'il s'agissait juridiquement de compagnies privées, elles ont toutes été créées sur décision politique par le pouvoir souverain (Louis XIV et Colbert pour la Compagnie française des Indes orientales ; Elizabeth Ière pour la East India Company ; les Etats généraux des Provinces-Unies pour la VOC). L'East India Company a été dissoute sur décret royal. Donc ces compagnies privées étaient liées au pouvoir politique et à la force publique. Elles étaient au service du pouvoir qui leur a délégué en quelque sorte l'administration des comptoirs coloniaux. C'est toujours le souci avec l'Histoire. Rien n'est jamais schématique.
PS : si le thème des grandes compagnies maritimes t'intéresse, je te recommande la série "Taboo" où le héros incarné par Tom Hardy est aux prises avec l'East India Company qui convoite son héritage. L'auteur de cette série (une seule saison pour l'instant) est Steven Knight, le créateur de "Peaky Blinders".