Je l'ai revu.
C'est incroyable, je l'aime encore plus que la première fois. Ce film est réussi à quasiment tous les niveaux. C'est le parfait contrepoint à
TFA, tout en étant sa suite logique. Le plaisir que j'ai éprouvé à le revoir et les réactions des gens avec qui je suis allé le voir (on était quatre, c'était radicalement divisé en deux qui ont adoré et deux qui ont détesté), me fait me rendre compte d'à quel point il est réussi.
Pour moi un film réussi c'est un film qui parvient à communiquer des émotions à son spectateur (grâce à des personnages bien écrits, à une belle mise en scène, à la bonne musique, etc..), qu'elles soient positives ou négatives. Le moins qu'on puisse dire c'est que très peu de personnes sont restées indifférentes à
TLJ. Je me rends compte maintenant que c'est un film qui n'est pas facile avec son spectateur, pour qui les multiples retournements et nouveautés pourront faire l'effet d'une bonne claque dans la gueule, mais ces claques il les a mérité, et je dirais même qu'il en avait besoin.
Un autre élément capital de la réussite d'un film (ou en tout cas de ce type de film), c'est la capacité, au-delà des émotions, de communiquer des idées, des thèmes, en bref, d'avoir une vision. Et c'est là qu'à mon sens Rian Johnson brille vraiment, parce qu'en plus d'être appréciable en tant que tel, en tant que film à grand spectacle,
TLJ se paye le luxe d'avoir un sens. Aucune grande décision de ce film n'est gratuite, elles servent toutes un propos, et même un méta-propos. Je vais reprendre ce qui constitue peut-être les décisions les plus controversées de
TLJ, à savoir la mort de Snoke, les origines de Rey et le traitement général de Luke.
Alors d'abord la mort de Snoke. Ici Rian Johnson a pris encore une fois la meilleure décision possible, en prenant totalement le contre-pied de ce qui était attendu.
Il est vrai que de manière générale on a tendance à penser qu'un personnage important in-universe, se doit également de l'être dans l'histoire, surtout que c'est ce à quoi Star Wars nous avait habitué. Jusqu'ici la vaste majorité des personnages importants dans l’histoire (le scénario des films) fait partie d'une élite, qu'ils le sachent ou non. Han Solo étant la notable exception à cette règle. Sinon, Leïa est une princesse, Luke est son frère et accessoirement le fils d'Anakin, qui est carrément le méga-élu-trop-swag-de-la-mort de la Force qui structure et maintient toute la vie dans l'univers, ainsi que le fils d'une Reine/Sénatrice. Rien que ça. Les bad-guys également, ils sont puissants, nobles, l'Empereur Palpatine, le Comte Dooku, Tarkin, etc... Le choix de tuer Snoke de manière aussi abrupte n'est pas juste un retournement cheap, fait simplement dans l'optique de choquer. Non.
TLJ a tué le dirigeant de la moitié de la galaxie (probablement plus après les événements de
TFA), la personne la plus puissante de l'univers, sans autre forme de procès. Basiquement le film nous dit qu'il s'en fout royalement de Snoke (d'autant plus avec le plan sur sa tête décapité à très claire intention humoristique). Pourquoi il s'en fout ? Parce que c'est pas son histoire tout simplement. On a tous cru, connaissant les codes de la saga, que Snoke remplirait le même rôle que l'Empereur, à savoir être le principal antagoniste. Sauf qu'on a déjà vu ça. Ca s'appelle l'OT (et c'est vraiment pas mal, si vous l'avez pas vu, je recommande)... et la prélo aussi en fait. Du coup symboliquement sa mort représente l'dée que la naissance et le statut de quelqu'un ne déterminent pas, ou ne devraient pas déterminer, son importance et ses qualités. C'est pas parce qu'on est objectivement la personne la plus puissante dans l'univers, qu'on peut pas mourir comme une merde.
Pour ce qui est des origines de Rey, ça rejoint directement ce que je disais au-dessus.
Le grand mystère des origines de Rey, le fait que ce n'ait été que l'histoire banale et sordide de prolos ayant revendu leur enfant pour s'acheter de l'alcool, est l'une des révélation les plus fracassantes de toute la saga. Elle l'est, non-seulement parce qu'on s'attendait tous à exactement l'inverse, mais surtout parce qu'elle est sèche, froide, réelle et que le personnage de Rey repose presque entièrement sur la quête de ses parents, bien plus que ce n'était le cas pour Luke. Dans
TFA elle refuse obstinément de décoller de Jakku, et quand ça arrive tout ce qu'elle veut c'est y retourner. A la fin de
TFA elle part enfin à l'aventure, mais ce qu'elle recherche avant tout c'est des parents de substitution, comme le lui fait remarquer Kylo Ren, elle poursuit indéfiniment ces figures du passé comme si elles détenaient toutes les réponses, et surtout comme si elles pouvaient et devaient la sauver elle, et la galaxie par extension (d'ailleurs on touche ici au méta-propos de la postlogie, mais on y reviendra). Donc non seulement ça fonctionne à un niveau émotionnel, vu la manière dont a été présenté le personnage, mais ça fonctionne également à niveau symbolique évidemment. Je pense pas avoir besoin d'expliquer pourquoi le fait que la forceuse potentiellement la plus puissante de la galaxie, et l'héroïne de la trilogie, ne soit qu'un simple rejeton d'une planète décharge va totalement dans le sens des thèmes abordés par Rian Johnson.
Maintenant, pour ce qui est du traitement de Luke dans le film, encore une fois je ne peux que dire bravo à Rian Johnson.
Le Luke du début de
TLJ est un personnage clairement loin d'être parfait. En bref, loin de ce qu'il était à la fin de
ROTJ. Luke est une légende, à la fois in-universe et dans notre monde, et pourtant il vit seul, à l'écart de tout ce qui se passe d'important dans la galaxie, et de tout ce qui a eu un jour une importance à ses yeux. Il se cache parce qu'il a honte, honte d'avoir échoué. Le caractériser cette façon est probablement le plus grand service que pouvait rendre Rian Johnson au personnage de Luke. Pourquoi ? Simplement parce que l'avoir fait échouer nous rappelle que derrière le Mythe on a un humain. Une vrai personne, avec des doutes, des peurs, des faiblesses. Ce qui rejoint l'un des thèmes du film, à savoir que les figures du passé, aussi glorieuses qu'elles aient été, ne sont pas parfaites et qu'il est dangereux de les idolâtrer et de vouloir qu'elles modèlent le présent à leur image. Ici on a très clairement un discours qui marche aussi au niveau méta, et qui s'applique à cette nouvelle génération de réalisateurs auxquels on a confié l'un des pans les plus importants de la culture mondiale moderne (pas de pression hein^^), autant que dans l'histoire ou finalement Rey est clairement une fan-girl des Jedi, tout comme Kylo Ren est un geek de la culture Sith avec option cosplay. Dans cette histoire les deux ont touché de près ce qu'ils idolâtraient, et ont été déçu, ce qui leur a permis d'avancer par eux-mêmes. Rey en essayant elle-même d'aller sauver Kylo Ren, et lui en faisant ce qu'il sait faire de mieux, à savoir tuer le père. Pour finir sur Luke, il est clair que le film lui rend tout de même un bel hommage. Certes, c'est un personnage imparfait, mais ça l'empêche pas de botter des culs en série. Tout le troisième acte du film l'iconise d'une façon que finalement je ne m'attendais pas à voir. C'est là qu'on se souvient que le film s'appelle The Last Jedi et que le Luke a été le héros de l'OT. Luke se rachète et se sacrifie, ce qui donne lieu à l'un des plus belle scène de la saga. Luke laisse sa place, et désormais c'est Rey qui est la dernière Jedi.
Voilà, c'était mon avis, encore.