Kafrene, aujourd’hui.
— La Twi’lek est arrivée, moniseur, dit le mercenaire aux tentacules.
Le dos tourné, l’humain prend une bouteille de whisky corellien sur une étagère avant de s’asseoir et de la poser sur la petite table entre les deux chaises.
— Fais-la entrer, dit-il.
La porte coulisse et laisse passage à la Twi’lek que Teklin attend. Elle a la peau bleue, ses lekkus sont attachés dans le dos, et son allure générale renvoie l’image d’une femme combative et sûre d’elle. Elle s’assied sans dire un mot.
— Vous m’en offrez un verre ?
— Bien sûr, c’est pas tous les jours que je vends ce genre de trucs !
— Venez-en au fait et montrez-moi, demande-t-elle le verre à peine porté à ses lèvres.
Il acquiesce d’un mouvement de tête, se lève et se dirige vers une grande caisse juste à côté de la table. Un conteneur de taille respectable, noir et austère, mais qui paraît solide et éprouvé. Le jeune homme presse un bouton sur le haut, déclenchant l’ouverture. Le couvercle se relève tandis que le panneau frontal s’abaisse jusqu’au sol. A la lumière des petites lampes à l’intérieur se révèlent d’étranges objets, auxquels la Twi’lek porte immédiatement un grand intérêt : deux vibrolames visiblement très anciennes, une ceinture sobre mais d’excellente facture, un genre de support pour un objet cylindrique, deux blasters d’un modèle très ancien également. Et au centre, une étrange bague de métal noir renvoyant des éclats rouges du petit joyau incrusté au milieu. Instinctivement, la femme avance son bras pour s’en saisir et l’examiner de plus près, mais l’humain represse le bouton et le conteneur se ferme.
— Alors, intéressée ?
— Peut-être… Vous êtes sûrs de ce que vous avanciez dans votre message ?
— Oui.
— Prouvez-le.
Arborant un petit sourire de satisfaction, l’humain glisse sa main dans une poche et en ressort un petit disque métallique. Un holoprojecteur, semblant dater également de la même époque que les autres objets.
— Il était aussi dans cette caisse, dit-il en déclenchant la projection.
Sous les yeux grands ouverts de la Twi’lek se dessine l’insigne de l’ancien Empire Sith. Puis apparaît une native de Ryloth. Mais pas une danseuse comme beaucoup de monde en regarde sur Kafrene. Celle sur l’hologramme a la peau rouge bardée de tatouages noirs, de longs lekkus non attachés et est très peu vêtue. L’holovid la montre réciter une harangue dans une posture martiale. Probablement un extrait d’une ancienne propagande.
L’humain remet cette précieuse pièce dans sa veste.
— Vous n’avez pas menti, dit-elle.
— Et non. Tous ces objets sont bien d’origine Sith.
— Et vous les vendez innocemment… Vous savez que ces artefacts doivent être remis à l’Ordre Jedi ? En posséder est passible de 10 ans de prison dans l’espace républicain.
— Je me fous d’une vieille Sith moins habillée que les danseuses du club d’à côté et je me fous des menaces de Coruscant. C’est juste l’argent qui m’intéresse et j’ai l’impression que vous, c’est juste ces trucs qui vous intéressent. Alors on est raccord ?
— Votre prix n’a pas changé ?
— Non. Dix millions de crédits, à prendre ou à laisser.
— Je laisse.
Avant que le jeune homme ne réagisse, la Twi’lek se lève et rabat un pan de son manteau, dévoilant… un sabre laser.
— Je suis la Maître Jedi Aayla Secura. Teklin Kar-Dak, vous en êtes en état d’arrestation pour possession d’objets passibles…
— …de 10 ans de prison dans l’espace républicain, je suis au courant ! s’exclame-t-il en actionnant un interrupteur dissimulé sous la table qui déclenche l’explosion d’une grenade aveuglante aux pieds de la Jedi.
La seconde suivante, il lui lance la table en pleine face d’un coup de pied, se précipite vers la caisse dont il active l’antigravité et s’enfuit en la poussant à travers une porte. La lame bleue s’allume en même temps que sa propriétaire s’élance à sa poursuite. Mais à peine a-t-elle fait un pas qu’un lasso-laser claque dans l’air et la Twi’lek trébuche lourdement. L’homme de main Quarren, qui ramène la Jedi vers lui. Mal lui en prend. Aayla lance son sabre qui tournoie, se relève et le reprend dans sa main à l’instant où la tête à tentacules rebondit au sol.
Arme vrombissante, la Jedi court à travers une enfilade de pièces jusqu’à déboucher dans un hangar attenant. A travers la vitre du cockpit du petit cargo qui y est stationné, elle aperçoit le visage de Teklin arborant un sourire mauvais. Il arrache le vaisseau du sol tout en ouvrant le feu des deux canons ventraux. Aayla dévie bien le premier, puis le deuxième coup de son sabre, mais la puissance des lasers lui font lâcher son arme, ce qui la force à battre en retraite précipitamment par la porte d’où elle est venue.
L’astronef pivote rapidement avant de s’élancer vers la voûte céleste, sans que la Jedi ne puisse l’en empêcher.
— X6, amène mon… Aayla réalise que son communicateur s’est cassé dans l’action. Elle jure en recommençant à courir.
Quelques minutes plus tard, son Delta-7 rugissant s’enfonce dans l’espace. Mais l’astromech X6-5T ne détecte plus rien.
— Blast, j’y étais presque !
A contrecœur, Aayla ralentit et repart vers son anneau d’hyperpropulsion.
Coruscant.
L’esprit de la Twi’lek n’est pas totalement calmé lorsqu’elle exécute son approche finale pour atterrir dans les hangars du Temple Jedi, où elle ne s’attarde pas. Elle se dirige vers ses appartements d’un pas rapide quand une voix familière l’apostrophe au détour d’un couloir :
— Aayla !
— Shaak !
La vue de la Togruta ravit la Twi’lek qui se retourne pour donner une chaleureuse accolade à son amie. Etant plus ou moins du même âge et de deux espèces cousines, elles avaient facilement sympathisé lorsqu’elles étaient Padawans.
— Contente que tu sois entière, au vu de tout ce qui a merdé…
— Au moins ça, oui. Tu as pu transmettre mon message au Conseil ?
— Oui. Tu devais être pressée pour envoyer ça à peine en hyperespace.
— Il y a des… complications par rapport à ce que j’imaginais au début. Il faut que j’en parle au Conseil.
— On aura une séance demain pour que tu puisses nous expliquer, dit Shaak Ti, qui remarque Aayla être rassurée en entendant cela.
— Merci bien. Et d’ici là, faut que je me change un peu les idées.
— J’imagine ! Méditation ?
— Mm… plutôt sabre, si ça te va !
— Alors vos informations étaient bien exactes ? demande Obi-Wan Kenobi.
— Oui. Ce type possédait non seulement des objets de l’ancien Empire Sith, mais qui ont en plus appartenu à l’une d’entre eux. Il ne faut pas le laisser filer.
— Vous le traquiez depuis combien de temps ? interroge Mace Windu depuis son siège.
— Un mois qu’une équipe des services de renseignements était dessus, et que je leurrais les différents intermédiaires.
— Vous l’estimez dangereux, ce.. Kar-Dak ?
— Moins qu’il ne le pense, répond la Twi’lek. Il a certainement un vaste réseau au marché noir, mais il est encore jeune et trop insouciant. Et il a un côté tête-à-claques, aussi. Tout ça finira par le perdre. Avec mon équipe, je peux encore retrouver sa trace.
— De repartir le traquer, vous envisagez ? demande le vénérable Maître Yoda, resté silencieux jusque-là.
— Oui, évidemment… Pourquoi… vous envisagez une autre option ? dit-elle en constatant le scepticisme de certains des membres du Conseil.
— Maître Secura, je comprends que vous cherchiez à réussir votre mission, et nous en sommes reconnaissants, répond Windu. Toutefois je me demande, en ces temps agités, si le jeu en vaut vraiment la chandelle. A la fin, cela reste des blasters et une ceinture.
— Je comprends votre opinion, Maître Windu. Toutefois je pense que ces objets peuvent toujours être dangereux. Nous savons que les Sith n’ont pas disparu.
— Je confirme… ajoute Kenobi, décontracté.
— Ils existent toujours, reprend Aayla, tout comme les nostalgiques de leur Empire. Avec de tels artefacts, l’un d’eux pourrait réunir une armée dissidente dans la galaxie et s’élever contre la République. D’autant que nous soupçonnons un Sith d’être derrière cette agitation grandissante.
— Nous n’avons que de vagues suspicions, mais aucune preuve, dit Windu.
— Mais ce que Maître Secura dit, vrai est. Disparus, les Sith ne sont pas. Et leur planète secrète, jamais nous n’avons trouvé.
Aayla poursuit :
— Et je soupçonne fortement Kar-Dak d’avoir d’autres trucs qu’il ne m’a pas montré, ou du moins qu’il sait où en trouver. L’un de ses messages laissait suggérer qu’il pouvait se procurer son sabre laser.
A ces mots, la Twi’lek sent la stupeur parcourir les membres du Conseil. Un silence pesant s’installe, finalement rompu par Plo Koon :
— Je pense que Maître Secura a raison. Il faut que nous retrouvions ces artefacts Sith tant que nous en avons l’occasion.
— Je suis de cet avis aussi, soutient Kenobi.
— Agir en ce sens, nous devons.
— Alors c’est décidé, dit Windu. Maître Secura, le Conseil vous autorise à repartir sur la trace de Teklin Kar-Dak et récupérer tous les objets liés à cette Sith qu’il pourrait posséder. Toutefois, restez joignable en tout temps au cas où une situation urgente se présenterait.
— Bien, Maîtres. Je vous remercie de votre décision.
Aayla fait volte-face et sort de la salle sans s’empêcher d’échanger un sourire en coin avec Shaak Ti.
Une semaine aura suffi à la Jedi pour qu’une nouvelle piste apparaisse. Comme elle l’avait envisagé, Teklin, sachant la République et les Jedi sur ses traces, a tenté de vendre ses artefacts le plus vite possible et a été moins discret que prévu. Un nouveau message de son équipe confirme à Aayla la localisation du jeune homme. Le croiseur des services de renseignements est déjà en chemin.
En se rendant au hangar des chasseurs, elle a toutefois tenu à s’arrêter quelques instants devant la grande statue de Satele Shan, qui fait face à celle de son ancêtre Bastila dans la galerie principale du Temple.
Aayla ferme les yeux et respire lentement plusieurs fois. Quand elle les rouvre, c’est pour voir Shaak Ti la rejoindre à petits pas.
— Une femme exceptionnelle, dit Aayla en retournant son attention sur la statue.
— Ça c’est sûr… Elle t’inspire ?
— Qui ne le serait pas ? Elle a affronté nombre de Sith à l’époque, et a dû en tuer certains. Et jamais le Côté Obscur n’a pris en elle tout comme elle n’a jamais été attirée par la gloire et les titres. Humble, lumineuse, combative,… Jedi.
— Tu as peur d’être tentée par le Côté Obscur ? demande la Togruta.
— Sur Ryloth, même les blurrgs évitent le lieu-dit de sa mort. L’obscurité finit par imbiber la matière en contact répété avec ses utilisateurs.
— Tu réfléchis sagement, ma chère. Bien assez sagement pour éviter toute conséquence irréparable.
— Puisses-tu dire vrai, Shaak. Merci. Bon, je dois y aller.
— Que la Force soit avec toi.
— Que la Force soit avec toi.
Nar Shaddaa.
— Je vous le confirme, madame. Il est dans cet hôtel et il vient de se commander une Twi’lek pour tout l’après-midi.
— Et ben il va être servi ! Merci beaucoup commandant, continuez de vous faire discret en orbite.
Aayla range son comlink et sort de la cantina où elle a attendu discrètement le dernier rapport de son équipe. Elle traverse la rue et pénètre dans l’établissement désigné. 65, 66.. 67. La chambre de sa cible. La Jedi sonde la Force quelques instants afin de s’assurer de l’absence de tout danger imprévu. Elle empoigne son sabre laser et appuie résolument sur l’ouverture de la porte.
Teklin Kar-Dak sirote un whisky corellien vautré en peignoir sur le lit. Des pas résonnent dans le couloir et s’arrêtent devant sa porte. Les employées du Charme des Lunes sont décidément ponctuelles. Il se ressert un verre pendant qu’elle entre.
— Alors, beauté, prête à…
Verre et bouteille se brisent par terre en même temps que la lame bleue s’allume.
— Terminer notre conversation de Kafrene ? répond Aayla. Ouais, sauf que cette fois c’est moi qui négocie.
L’humain haletant tente de se ressaisir.
— Oui, oui ! Ça tombe bien, j’ai un de ces objets juste dans ce sac, là…
Le sac en question contient son blaster. Mais cela, elle l’ignore.
— Avance une main vers ce blaster et je te la coupe !
Ou pas.
— Je suis une Jedi, vous avez oublié ? Vos pensées vont ont plus que trahi, Kar-Dak ! Vous avez compris ou j’approche ma lame encore plus près ?
— Non, non, c’est bon !
La Jedi ressent nettement l’abdication de son adversaire. Elle éteint son arme et recule.
— Alors asseyez-vous. Il est temps de négocier.
Négociation est toutefois un bien grand mot. Le jeune homme comprend vite qu’il n’échappera pas à la République une nouvelle fois et il n’a aucune envie de passer dix ans sur Stygeon Prime. La Jedi exige de lui qu’il la conduise là où il a trouvé ces objets, afin que son Ordre puisse tous les récupérer pour les étudier. Il accepte sans discussion. Après tout, se ranger du côté du plus fort fait partie du métier.
— Très bien alors. Paquetez vos affaires et venez avec moi au hangar. Et n’oubliez pas cette caisse ! dit-elle en désignant le fameux conteneur noir.
Une heure plus tard, Aayla et le jeune pilleur d’antiquités arrivent au spatioport.
— Et moi qui espérais piloter un de vos Delta-7 ! s’exclame l’humain en voyant un astromech sortir d’une navette T-6.
Aayla le toise d’un regard blasé avant de tapoter la tête du droïde.
— Je vous présente X6-5T. Il m’accompagne sur toutes mes missions et sait se servir de sa pique électrique.
— J’ai eu peur que vous lui ayez donné un sabre laser…
La Twi’lek, le robot et le jeune homme montent à bord du vaisseau. X6 va arrimer la caisse dans une soute tandis que la Jedi rentre la passerelle et allume les moteurs. La navette est parée mais ne décolle toujours pas. Sur le siège du copilote, Teklin observe la Jedi en silence avant de commencer à paraître un peu gêné. Il finit par oser dire à la Twi’lek :
— Il n’y a pas de contrôle de vol sur Nar Shaddaa, vous… pouvez seulement y aller.
Aayla ne dit rien et soulève la T-6 du sol.
La lune des contrebandiers est loin derrière eux quand le silence est enfin rompu.
— Alors ? On va où ? demande-t-elle prête à programmer l’hyperdrive.
Il inspire un grand coup avant de répondre :
— Bracca.
— La planète aux épaves ? Vous avez trouvé ces trucs dans un vaisseau ?
— Exact, dit-il un sourire en coin.
La Twi’lek pianote rapidement les touches avant de tirer déclencher le saut. Devant les vitres du cockpit, les étoiles s’étirent avant de laisser place à la lumière bleuâtre de l’hyperespace.
— Bon, on devrait en avoir pour un moment… dit-elle d’un ton las.
— Surtout avec un silence comme celui d’avant.
— De quoi vous voulez parler, alors ?
Le jeune homme s’appuie sur le dossier quelques instants.
— Dites-moi, Secura… qui était cette Sith sur le vieil holovid ?
Aayla prend quelques respirations pour réfléchir.
— Elle a vécu pendant la guerre entre l’Empire Sith et l’Ancienne République. Enfant, les Sith l’ont raflée pour en faire une esclave comme tant d’autres Twi’lek. Sauf qu’elle était sensible à la Force et un de ses maîtres l’a remarqué. Adolescente, il l’a entraînée au Côté Obscur. Sa colère due aux sévices subis l’a vite rendue très puissante. Elle est entrée dans les rangs de l’Empire Sith et a conquis pour leur compte Ryloth, puis son système, et enfin tout le secteur. Elle l’a dirigé d’une poigne sanglante pendant une dizaine d’années… Elle se nommait Dark Talon. Une utilisatrice du Côté Obscur redoutable et implacable, doublée d’une femme retorse et cruelle.