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The LucasArts Chronicles
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             Ce livre n'est pas un livre sur Star Wars, bien que Star Wars soit profondément ancré dans son ADN. Nous avons plutôt là un livre qui nous conte l'histoire de LucasArts, entité de Lucasfilms dédiée au jeu vidéo, depuis son origine jusqu'à sa fermeture, après le rachat par Disney (le livre parle volontiers de "destruction"), soit plus de 30 ans, ce qui est une remarquable longévité pour un studio dédié au jeu vidéo. LucasArts, à ses débuts Lucasfilms Games, est né de la volonté de George Lucas de mettre le pied dans le marché encore balbutiant des jeux vidéo. Il faut dire que les premiers jeux de ce genre étaient apparus dès 1972 avec les premières bornes d'arcade, et s'étaient largement démocratisées avec des Space Invaders, Asteroids, Pac-Man, Galaxian… Et c'est en 1982 que démarre l'aventure de ce qui deviendra LucasArts. Le monde du jeu vidéo était (déjà) en crise, à l'époque, et beaucoup de jeux proposés étaient sinon franchement mauvais, au moins médiocres. Et LucasArts se lance à cette époque dans l'arène.

             Voilà ce que nous raconte ce livre. En détails. Et quand je dis en détails, c'est avec une richesse d'illustrations, une précision et une densité extraordinaire. Cet ouvrage est le fruit d'un travail de recherche franchement colossal où rien ne manque.

            Parlons d'abord de l'objet lui-même : le livre est grand, format A4, pèse la bagatelle de 2,2kg, et, avec ses plus de 450 pages, atteint ses trois bons centimètres d'épaisseur. Un pavé, quoi. Belle couverture en carton fort, illustrée par Sergio Cabanillas, avec une illustration qui évoque parfaitement sans les copier la plupart des thèmes et personnages explorés dans les grands hits de LucasArts. Si on n'identifie pas certains personnages au premier abord, on les découvrira avec bonheur à la lecture de l'ouvrage.

             Ce qui frappe d'abord à l'intérieur, dès qu'on ouvre le livre, et qui nous ramène à l'ADN que j'évoquais tout à l'heure, c'est l'utilisation de l'aurabesh (pour ceux qui ne connaissent pas, l'alphabet fictif utilisé dans les films Star Wars). Tous les titres de sections et chapitres sont transcrits en aurabesh, ce qui ramène inévitablement à Star Wars, et permet de jauger la fanitude de l'auteur.

             Comment est découpé l'ouvrage ? Il se compose essentiellement de trois grandes sections : l'histoire proprement dite de LucasArts, puis la "Game Library", comprenant des sous-parties sur Lucasfilm Learning et les jeux annulés, et enfin une partie Interviews. La plus grosse part du livre étant dédiée aux jeux eux-mêmes, mais nous y reviendrons.

    • partie historique
    • partie historique

             La partie historique, à peine 85 pages comparées aux 340 pages consacrées aux jeux eux-mêmes, est cependant très, très documentée, illustrée non seulement avec des captures d'écran des jeux (plutôt marginales dans cette section) mais aussi avec des dessins préparatoires, des illustrations de boites, des couvertures de magazines, des plans, des documents confidentiels à l'époque qui décrivent les projets. Et surtout des photos des hommes et femmes qui ont rejoint LucasArts, qui permettent de mettre un visage sur les noms de ces pionniers. On découvre de grandes choses dans cette section, par exemple le fait que durant les presque dix premières années d'existence de Lucasfilm Games, aucun jeu Star Wars n'a été développé par le studio, les droits d'exploitation appartenant à des tiers comme Atari, Namco, Parker Brothers. Ce qui peut sembler un comble pour une entité appartenant à part entière à Lucasfilms, mais c'est ce qui a permit à ces pionniers de la programmation d'apprendre les techniques, de faire face aux contraintes de l'époque et, le moment venu, de développer d'excellents jeux. Pendant ces presque dix ans, même si Lucasfilm Games n'a rien produit concernant  Star Wars, on leur doit de nombreux jeux d'aventure très connus comme Maniac Mansion, Monkey Island, Loom, durant l'âge d'or des jeux dits "Point & click", ainsi que des jeux de simulation comme Battlehawks 1942, ou Secret Weapons of the Lufwaffe, jeu qui est en partie à l'origine du célèbre X-Wing crée en 1993. Mais on leur doit aussi les premiers jeux Indiana Jones, dont le remarquable Indiana Jones and The Last Crusade, décliné tant en jeu d'action/plateforme qu'en jeu d'aventure "point & click".

             Le livre aborde ensuite l'épopée de LucasArts sur les consoles de jeu, commençant par la NES jusqu'aux consoles modernes, ainsi que le déclin et la disparition des jeux "classiques" point & clic, les jeux développés pour ordinateurs, comme les X-Wing et TIE Fighter. Dans les années 2000, LucasArts prend le tournant des nouvelles consoles et des MMORPG, initiés dans les années 80 avec Habitat, et explosant avec KotOR. Pour finir, on trouve un chapitre plutôt amer sur la fin de LucasArts en 2013, après le rachat par Disney.

             Ces chapitres sont une véritable mine d'informations sur la genèse des jeux, leur conception, les idées parfois toutes simples qui les ont inspirés, les difficultés rencontrées dues aux limitations techniques de l'époque, les moyens imaginés pour contourner ces limitations, l'adaptation aux technologies nouvelles comme l'essor du CD-ROM. C'est aussi l'histoire des hommes et femmes qui ont participé à cette aventure, leurs nuits sans sommeil et les mois passés à développer un jeu sans certitude qu'il sortira un jour.

             Mais c'est aussi une mine d'anecdotes amusantes, comme l'origine de certains personnages, l'origine de leurs noms. Qui savait avant d'où venait le nom du personnage principal de Monkey Island, Guybrush ? Autre intérêt de ce livre : nous permettre de jauger les bonds technologiques. Par exemple, on apprend qu'en 1994, quand LucasArts commença à développer des jeux pour Nintendo 64 (la console elle-même n'était pas encore opérationnelle), il a fallu qu'ils travaillent avec un superordinateur Silicon Graphics ONYX hors de prix et de la taille d'un réfrigérateur, seule machine capable à l'époque d'émuler une N64, ce qu'est capable de faire aujourd'hui un simple téléphone portable sous Android…

             Enfin, le livre, à travers l'histoire de LucasArts, suit également en filigrane l'histoire des différentes marques qui ont jalonné l'histoire du jeu vidéo, Sega, Nintendo, Sony, Microsoft, l'histoire des différentes machines, la guerre implacable entre tous les fabricants pour sortir la meilleur console au meilleur moment. Ce livre, c'est donc l'histoire d'une incroyable aventure qui s'achève plutôt tragiquement. C'est à lire avec délectation.

    • Star Wars for dummies

             Entre la partie historique et la bibliothèque de jeux, on trouve une courte section "Star Wars pour les nuls", décrivant rapidement les six films de l'ère Lucas. En effet, l'auteur a compris qu'un fan de jeu vidéo pouvait ne pas être spécialiste de Star Wars, et comme une énorme partie de la bibliothèque de jeux est centrée sur ces films, une petite description s'imposait pour que le lecteur ne soit pas trop perdu. Volontairement, le livre passe sans s'arrêter sur ce qu'on appelle la Postlogie, les films de l'ère Disney, qui est irrecevable dans cet ouvrage concernant une entité anéantie avant la sortie de ces films.

             On arrive ensuite à la partie bibliothèque de jeux, la part la plus importante en nombre de page dans cet ouvrage, soit près de 350 pages. Les jeux y sont classés par ordre alphabétique, sous forme de fiche mentionnant la date et la première plateforme de sortie du jeu, illustrée de captures d'écran, de reproduction des boitiers, d'encadrés concernant les autres versions des jeux sur d'autres supports, ainsi que des encadrés "trivia" comportant des anecdotes. N'y cherchez pas, cependant, des jeux comme Empire Strikes Back ou Jedi Arena sous Atari 2600, ou les jeux Star Wars développés pour les micro-ordinateurs dans les années 80. Non, ces jeux n'étaient pas des productions Lucasfilm Games, et sont donc absents des listes (vous les trouverez détaillés dans d'autres ouvrages comme L'Empire des Jeux Vidéo ou sur les fiches SWU). Ne se trouvent dans cette liste que les jeux produits par l'entité LucasArts, tous les jeux, du plus connu au plus curieux, de Habitat en 1986, ancêtre des MMORPG sur Commodore 64, à Kinect Star Wars en 2012. Il y a même une section, en fin d'ouvrage, qui vous fera découvrir une foule de jeux annulés, inconnus et oubliés.

    • Indiana Jones and the Fate of Atlantis
    • Dark Forces II
    • X-Wing Alliance
    • Section interviews

             Globalement, c'est donc à la fois un livre de référence de par ses fiches et un livre historique remarquable. On peut être un peu surpris dans la section historique, justement, car elle n'est pas exactement chronologique. Elle est plutôt rédigée par grands thèmes : le Point & click, les premières consoles, les jeux sur ordinateur. On comprendra facilement cette logique par le fait que de nombreux projets différents se superposent chronologiquement, donc le classement par thème amène des retours en arrière qui peuvent perdre un peu le lecteur mais permettent de bien suivre l'histoire.

             Au final, LucasArts a été une compagnie qui a su affronter les changements technologiques, qui est passé aussi bien par le monde toujours changeant des consoles que par celui du PC, qui s'est adapté aux révolutions techniques, et a produit en un peu plus de 30 ans des jeux mémorables, même si elle a connu des échecs cuisants, ce qui est le lot de toute entreprise de ce genre.

    La critique de Uttini

             Venons-en à une critique très personnelle, donc subjective, ce que j'ai aimé et moins aimé dans cet ouvrage.

             Ce que j'ai aimé : le fond, la densité, la richesse incroyable des informations. J'ai vérifié par curiosité certains points dans d'autres sources, et tout est rigoureux, exact et documenté, les noms, les dates, les titres. J'ai appris pas mal de choses, comme la politique de Nintendo dans les années 80, années marquées par un creux de vague dans les jeux vidéo, Nintendo qui a vendu sa NES non pas comme une machine à jeu vidéo mais comme un jouet, rendant la machine accessible à tous. J'ai aimé la complétude dans la librairie des jeux, j'y ai découvert des pépites que je ne connaissais pas du tout, d'autres que je ne connaissais que de nom, et enfin les jeux auxquels j'ai joué assidument, de la NES à la Wii. J'y ai découvert le fabuleux Rescue on Fractalus! de 1985, qui proposait déjà, sur Commodore 64, tout un monde ouvert à explorer produit aléatoirement par un générateur fractal, prouesse technique incroyable pour l'époque. Bien des choses dans ce livre m'ont donné envie de tester ces jeux. C'est clairement un très beau livre qui, même s'il n'est pas spécifiquement orienté sur Star Wars, ravira les fans de la Saga comme ceux des jeux vidéo vintages et modernes.

             J'ai aimé la section sur les jeux annulés, et il y en a beaucoup, certains même qui auraient pu être passionnants, comme les jeux Indiana Jones abandonnés.

             Attention, toutefois, le livre est écrit en anglais, mais c'est un anglais accessible, sans termes techniques inutiles, qui se lit très bien. On s'y plonge et le temps passe sans qu'on s'en rende compte, tant la narration historique est passionnante.

             Ce que j'ai moins aimé : la forme. J'explique : le livre est imprimé en tous petits caractères ! Dans le corps de texte, les caractères les plus grands font seulement deux millimètres de haut ! Heureusement, les paragraphes sont aérés, les marges sont assez larges, mais parfois les illustrations sont habillées très serré, et le texte est terriblement dense. La typo choisie aurait gagné à être un peu plus grasse, comme pour la version française du livre, car avec mes yeux jeunes depuis longtemps et les lunettes à verre progressif, la lecture devient un tout petit peu pénible au bout de quelques heures (j'en arrivais à confondre, tant ils sont petits, les signes typographiques, les points et les virgules, ce qui complique un peu la lecture). Et il y a des heures et des heures de lecture !

             J'ai également été surpris par le classement alphabétique des jeux plutôt que chronologique. C'est un choix éditorial, il faut bien choisir un type de classement, mais dans la veine de la première partie, un classement chronologique me semblait plus logique, et permettait de suivre en même temps que les jeux les avancées technologiques.

             J'ai également noté quelques coquilles typographiques, par exemple, plusieurs fois, des guillemets ouvrants qui ne se ferment pas en fin de phrase, ce qui fait perdre un peu le fil de ce qui est citation ou non (page 75 paragraphe 1, par exemple).

             Conclusion : un livre qu'il faut lire, si on est gamer, si on est fan de Star Wars ou si on est les deux (comme c'est souvent le cas). Un livre qui ravira les retrogamers et les joueurs plus modernes, un livre qui fera beau dans la bibliothèque de par sa forme, mais dont le contenu dépasse de loin le contenant, méritant qu'on y revienne régulièrement même bien après qu'on l'ait refermé.