Pourtant, ça ne ne partait pas si mal. Certes, le début fait beaucoup penser à
Un Nouvel Espoir, mais on se dit qu'après tout, c'est pour respecter le principe de la saga en miroir. Alors bon, on se demande un peu pourquoi avoir créé Jakku si c'est juste pour en faire une Tatooine bis avec un seul soleil (ça coûtait quoi d'assumer complètement et repartir de Tatooine, plutôt que d'inventer une énième planète des sables avec des ferrailleurs et des cultivateurs d'humidité ?), mais... pourquoi pas.
Et puis lentement – mais sûrement – le film part complètement en cacahuète. Passée la séquence de course poursuite avec le
Faucon Millenium,
Le Réveil de la Force se transforme en blockbuster à la mords-moi-le-nœud où on pioche tranquillement dans l'univers Star Wars pour justifier des trous abyssaux de scénario.
De la Force qui est utilisée comme deus ex machina – mais ce n'est pas dit, hein, comme ça on a même pas besoin de justifier quoi que ce soit, c'est « mystique » – à l'hyperespace qui en 30 ans a fait des progrès spectaculaires (on peut désormais communiquer avec des gens en hyperespace, on peut aussi attendre en vol géostationnaire dedans, on peut traverser des boucliers en repassant juste à temps en sub-luminique (une chance qu'en 60 ans de saga, il n'y ait
QUE Han Solo qui ait eu l'idée, et que personne n'ai jamais pensé à programmer un droïd capable de calculer au poil près le moment adéquat pour sortir d'hyperespace (ça aurait été bien pratique, sur Hoth), je suppose qu'il n'y a QUE Han Solo capable de faire ça...)), j'ai passé mon temps à secouer la tête en me disant
« ils s'y sont vraiment mis à 3 pour écrire cette bouse ? »Mais je m'égare. Nous venions de quitter Jakku, et, après une scène que je qualifierai de « Gardiens de la Galaxie-like » tout à fait dispensable au film – je parle de la scène des Rathtars, que je ne peux m'empêcher de voir comme un hommage au dianoga de l'épisode IV – et après avoir une première fois fait n'importe quoi avec l'hyperespace (pourquoi partir en hyperespace depuis un hangar, Han n'y avait jamais pensé avant ? C'était bien plus pratique pour fuir l'Etoile Noire dans le 4 que de partir en subluminique, non ?), on en arrive à Takodana et sa Yoda de service qui vient nous sortir littéralement de sa cave le sabre d'Anakin.
Je me souviens des rumeurs qui disaient que le film s'ouvrirait sur la main de Luke flottant dans l'espace avec ce sabre. Me souviens aussi m'être dit
« mon Dieu que ça serait stupide de faire revenir ce sabre » et de croire à une rumeur infondée. Finalement ils l'ont quand même fait, comme quoi il ne faut jamais sous-estimer un scénariste de blockbuster.
Alors évidemment, j'attendais des explications un peu concrètes autres que
« c'est la volonté de la Force », mais non, par chance, le Premier Ordre a décidé d'attaquer pile au moment où Maz était censée nous trouver le prétexte. Comme ça, ça permet de faire tout reposer sur le film suivant. Pratique.
Bon. Puisque je suis sur le sabre, il faut que je parle du gros flash-back et du
« ce sabre t'a choisie ». Après la sortie, ça m'a paru une bonne idée. Après tout, pourquoi pas, ça rajoute un peu de mysticisme à l'objet, et ça fait « cool ». Et puis tout d'un coup, je me suis souvenu d'une scène dans
Un Nouvel Espoir. Vous savez... celle où Luke tient pour la première fois le même sabre. Et là, bizarrement, pas de réaction surnaturelle pour lui. Pas de flash-back trop cool, pas de vision trop dark, non... rien. C'est fou quand même, manifestement, le sabre n'en avait rien à foutre du fils de son concepteur. Il préfère jeter son dévolu sur l'inconnue de service. Quel ingrat, ce sabre.
Tssss.
« Mais enfin, tu peux accepter qu'à l'époque on avait pas prévu que le sabre réagirait comme ça, mais que maintenant oui, on invente des choses. C'est ça, la nouveauté ! »
Non. Ce n'est pas comme ça qu'on gère une histoire. C'est à l’œuvre créée postérieurement de s'adapter à celles créées antérieurement, encore plus quand l'histoire de ces dernières se déroulent
AVANT. Le sabre ne fait rien à Luke, qui est le descendant direct d'Anakin. Je ne vois pas comment on peut justifier que le sabre fasse quoi que ce soit à Rey.
M'enfin, toujours est-il qu'au même moment, Abrams, Kasdan et Arndt ont décidé d'abandonner toute subtilité en nous offrant la Starkiller et –
littéralement – les nazis de l'espace.
Et c'est à ce moment précis que le film... devient la bouse cosmique du siècle.
Le symbole noir sur rond blanc dans l'emblème rouge et les costumes dignes des collections Hugo Boss 1939 c'était pas assez clair ? Fallait absolument faire preuve de la subtilité d'un Hutt funambule en ajoutant à cette scène déjà très subtile un salut nazi ? C'est une parodie ou c'est Star Wars ? Bon dieu de bon dieu de bon dieu... Même en 77 les gens comprenaient la référence avec l'Empire. J'imagine qu'il a un temps été envisagé que Donald Gleeson se laisse pousser la moustache histoire qu'on saisisse un peu mieux l'inspiration.
Quant à la scène suivante – celle de la destruction d'Hosnian – elle résume complètement tout ce qui ne va pas avec ce film.
Ceux qui n'ont pas vu le parallèle assez évident entre cette scène et celle de l'Ordre 66 n'ont pas vu le film. Clairement, la scène est là pour frapper un grand coup, pour bouleverser le spectateur en balançant une atrocité sur une musique triste comme Williams sait si bien les composer.
Sauf que dans
La Revanche des Sith, la charge émotionnelle est décuplée par le fait qu'on comprend clairement l'enjeu. On a eu suffisamment le temps de s'y attacher, ça fait 3 épisodes qu'on cohabite avec l'Ordre Jedi. Là, non content du fait que quiconque ayant vu
Un Nouvel Espoir voit venir la suite comme on verrait un Rancor entrer dans une cantina, le tir du Premier Ordre atteint un système et des gens dont on avait encore jamais entendu parler avant. Hosnian Prime ? La République ? Qu'est-ce que j'en ai à foutre, la seule mention du régime politique c'est dans le titre défilant, les planètes je ne les ai jamais vues avant et je ne les reverrai d'ailleurs jamais par la suite ! Vous pouvez me mettre tous les violons du monde par dessus, Williams aurait même pu composer le thème de la
Liste de Schindler que ça ne m'en aurait pas plus touché l'une sans faire bouger l'autre.
D'ailleurs, Hosnian, parlons-en. Qu'on m'explique l'intérêt de créer une planète qui ressemble à Corsucant, qui est placée au même endroit que Coruscant et qui a la même fonction que Coruscant, si c'est pour la faire apparaître 10 secondes à l'écran et l'alderaaniser juste après. Ça coûtait quoi de détruire la vraie Coruscant ? Là, au moins, ça aurait eu de l'impact, puisque la planète apparaît depuis 6 épisodes comme le centre de toutes les décisions, le cœur de la galaxie...
Oh, on me fait signe dans l'oreillette que c'est pareil que Jakku – à savoir saupoudrer le remake de quelques nouveautés histoire de faire passer la pilule, quitte à passer à côté d'un vrai impact sur l'histoire de la SAGA et pas juste de la nouvelle trilogie.
D'autant plus qu'après, on enchaîne avec les séquences les plus
« Ta Gueule, c'est Star Wars, ça marche » jamais réalisées auparavant, à savoir faire en sorte que Han, Finn, Rey et tous les protagonistes présents sur Takodana – dans la bordure médiane – parviennent à voir en direct live dans le ciel – de jour ! – l'explosion de planètes situées dans le noyau. Foster peut me trouver n'importe quelle pirouette pour justifier l'injustifiable dans son bouquin, tout ça est terriblement Prince-Ken-like. On voit l'explosion des planètes d'Hosnian depuis Takodana ? Donc si je prend la carte, ça veut dire que Hoth est visible depuis Bespin, et Géonosis depuis Tatooine ?
OH ? ALLÔ ? On est dans un univers fictif qui a pour contexte une galaxie entière, ou pas ? On a un peu de respect pour la cohérence de l'espace, où on s'en fout ?
Ah, on me fait signe qu'en fait on s'en fout. Une galaxie, l'espace, tout ça... faudrait pas que ça soit trop cohérent non plus. D'ailleurs, pour que le film marche et qu'on justifie toute cette chasse au trésor ridicule, faut quand même que la Résistance soit trop conne pour localiser le morceau de carte de BB8 sans avoir le reste. Quand bien même ledit bout de carte comprend plusieurs systèmes planétaires, faut croire que ni Résistance ni Han Solo (aka le baroudeur qui a voyagé de long en large dans la galaxie) n'a jamais ouvert un holodisque de géographie.
Pendant ce temps, 60 ans plus tôt, un certain Obi-Wan Kenobi retrouvait une planète effacée des archives Jedi. Quel dommage que l'évolution technologique se soit concentrée sur les systèmes de communication hyperespace-espace réel au détriment de quelques cours de géo... Merde quoi, dans la scène avec R2, le morceau de carte de BB8 fait facilement 1/12 de la galaxie (ce qui est immense). Comment ça se fait que personne ne sache replacer ça ? Surtout que c'est BB8 qui a la fin du chemin, pas R2... La Résistance n'a absolument pas besoin des données de R2. C'est le Premier Ordre qui en a besoin.
Ajoutez à tout cela Rey qui devient Maître Jedi le temps d'une mise en cellule sans jamais avoir rencontré d'utilisateur de la Force autre que Kylo Ren (
« mais t'en sais rien, si ça se trouve quand elle était petite elle... » – Non, elle dit elle même qu'elle pensait que les Jedi étaient une légende...), Finn qui est traité comme le sidekick rigolo tel Eddy Murphy dans un film policier des années 90, Han Solo qui est omniprésent au point de se demander l'intérêt de faire un spin-off sur ce personnage tant l'épisode VII nous le montre en long, en large et en travers juste pour rendre sa mort plus tragique, Kylo Ren qui est un personnage écrit avec les pieds (j'ai de la lumière en moi, mais je VEUX être méchannnnnnnt ; je lis dans les pensées des gens qui ont vu la carte SAUF dans celle du personnage de Max Von Sydow qui en était le possesseur ; je me barre de Takodana à bord de mon destroyer stellaire sans chercher à faire mal à l'escadrille de X-Wing ridicule qui est là et surtout sans prendre le droid que je recherche depuis le début parce que sinon le scénario est bouclé), la disparition des spectres Jedi alors même que bon, il suffisait à Anakin d'apparaître à son petit-fils pour régler la question, les 40000 « hommages » à
Un Nouvel Espoir qui font de ce film une succession d'hommages (ça passe mieux que « repompage » ou « plagiat » auprès de certains, apparemment), une bataille finale qui
conchie littéralement sur l'épisode VI (
« Dites à Poe qu'ils ont désactivé les boucliers et qu'il peut sortir de l'hyperespace ! » – WHAT ? Pourquoi les Rebelles ont jamais fait ça dans l'épisode VI ? Ça aurait justement évité ce fameux
« It's a Trap! » – Ah, on m'informe que je réfléchie trop à la question), saupoudrez le tout d'une sous-exploitation de la musique, ne créez surtout rien de nouveau à part des noms et maquillez-les du voile mystérieux du cliffhanger nécessaire pour justifier le film, et voilà la recette de Star Wars épisode VII.
Pardon, de Star Wars
épisode nouvelle-trilogie. C'est simple, ce film, en plus d'avoir un scénario grotesque vis à vis de lui même, n'en a surtout rien-à-faire de la saga qu'il est censé compléter.
Parce que oui, pardon d'y revenir, mais Star Wars, c'est une saga, pas juste 3 trilogies qu'on prend indépendamment. Non parce que bon, là, je ne vois pas comment on peut voir ce film comme l'épisode 7 – ce qu'il est pourtant avant toute chose. Contrairement à ce que je lis çà et là, ce n'est pas juste le début d'une nouvelle trilogie. C'est l'épisode VII. Les gens ont été voir Star Wars 7. Ce sont les mêmes personnages et la même galaxie que dans le VI, en plus vieux. Arrêtez de tout justifier sous le couvert du « c'est une nouvelle trilogie ». Le film ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas 6 épisodes avant, quand bien même la campagne marketing, l'affiche et le Blu-Ray font tout pour masquer la mention « épisode VII ».
« Mais c'est pareil, l'épisode IV il était il ne posait pas non plus le contexte ! AH AH ! Alors ? Hein ? »
C'était en 1977. Mille. Neuf. Cent. Soixante. Dix. Sept. Personne ne croyait au succès de Star Wars à l'époque, pas même Lucas. Ce film lançait la machine, il ne posait pas plus de contexte que nécessaire pour un film qui se voulait *peut-être* précurseur d'une saga, mais aussi un gros bide avec simplement un début et une fin laissés tous deux volontairement ouverts pour permettre à d'éventuelles suites/préquelles de voir le jour. Il n'avait pas à prendre en compte quoi que ce soit, aucun film avant lui. Ici, le
Réveil de la Force est sorti en 2015 et a pour bagage l'une des – si ce n'est la – plus grosse(s) saga(s) cinématographique(s) de l'histoire. Arrêtez de faire comme si le contexte était le même qu'à l'époque, ce n'est pas vrai.
Idem pour le parallèle avec l'épisode I. Non, le contexte n'est pas du tout le même, ce n'est pas parce que les deux sont le début d'une nouvelle trilogie que ça règle la question. L'épisode I raconte une histoire antérieure à celle des films originaux. Il peut donc faire ce qu'il veut avec le lore tant qu'il nous amène logiquement à l'épisode IV. L'épisode VII, lui, ne peut pas faire la même chose que le I puisqu'il doit prendre en compte l'histoire précédente dès le début, et non pas à la fin du IX. Ne pas contextualiser les 30 ans qui séparent ce film du 6 c'est absurde au possible, à moins de transformer le film en gigantesque cliffhanger. Ce qu'il est au final, et je suis persuadé que dans 10 ans, quand on se matera la saga du I au IX, on constatera à quel point ''Le Réveil de la Force'' est là... juste pour être là.