C’est le Star Wars que je voulais, celui qui arriverait à déconstruire les codes de la saga et l’amener vers de nouveaux horizons mais oui, au risque de diviser la communauté des fans. L’Episode VII m’avait un poil déçu après mon premier visionnage mais j’ai compris pourquoi. J.J Abrams voulait revenir vers le passé pour mieux avancer. Pour avoir la déconstruction apportée par Rian Johnson, il fallait que J.J Abrams fasse un retour en arrière avec le VII pour mieux déconstruire comme la fait Rian Johnson avec le VIII. Je suis de nature à tout théoriser, à chercher des sous-textes et des paratextes à toute œuvre cinématographique et cela peut être un défaut. Mais j’ai été servi avec Les Derniers Jedi et c’est en partie pour cela que j’ai adoré ce film. Ce film est empreint d’une urgence. Urgence de surprendre et de choquer (en bien ou en mal). Certains l’avaient prédit, Rian Johnson est bien le casseur de miroir. Le miroir brisé qui devient un terreau où s’épanouissent les nouveaux codes de la saga. Je n’avais pas vu venir personnellement le caractère transgressif de ce film. Ce film m’a fait le même effet que Blade Runner 2049 ou Premier Contact. Des films portant avec eux tout l’héritage de la Science-Fiction ou d’une grosse franchise et pourtant essayant et réussissant, à mon avis, à aller vers de nouveaux horizons paradigmatiques. Ils sont créatifs. Dans les dimensions de ses sous-genres : space-opéra, planet-opéra, hard SF, anticipation, uchronie, space fantasy, livre-univers, la science-fiction permet la découverte de nouvelles cultures, formes de vies, structures spatiales et temporelles et permet de s’interroger sur soi et sur l’Autre. Les Derniers Jedi a aussi une posture méta-critique prégnante, persistante et à mon goût pertinente. Ce film porte énormément de messages, qui certes peuvent paraître naifs pour certains mais qui selon moi sont essentiels à un renouveau du langage cinématographique et ainsi effacer la frontière trompeuse entre « blockbuster » et « film d’auteur » que je pense hautaine.
Les messages du film sont nombreux : la valeur de l’échec, les conséquences des actes héroïques, le double jeu des fabricants d’armes, la libération animale, la déconstruction des grands codes scénaristiques hollywoodiens (le figure du « grand méchant global », la réussite des missions dites « impossible »), la non-dépendance à la génétique, la déconstruction du schéma classique d’une trilogie Star Wars.
Ce Star Wars est selon moi un des plus mystiques. C’est un des plus clivants au risque de devenir culte. Un des plus perturbants au risque de devenir exaltant. Ce film raconte des choses, ce film raconte peut-être l’histoire de la saga et peut-être notre histoire. Rian Johnson a opéré une véritable fracture dans tous les sens du terme. J’ai aimé toutes les facettes du film, du Star Wars militaire au Star Wars mystique en passant par le Star Wars espionnage et infiltration. Même si le Star Wars politique me manque un peu (étant fan du côté politique de la prélogie). Mais ce dernier aspect de Star Wars est présent en filigrane par quelques phrases pas si anodines que ça, parlant entre autres de la lassitude de la guerre.
On pourrait faire une analogie en prenant comme contexte la course poursuite dans l’espace entre les deux flottes : la flotte du Premier Ordre serait les « fans » de Star Wars qui harcellent Rian Johnson qui est symbolisé à l’écran par la flotte de la Résistance. Rian Johnson opérant une véritable « fracture » dans la communauté des fans et dans le vaisseau amiral du Premier Ordre.
J’ai bien sur quelques réserves mais elles sont vite balayées grâce aux nombreux points que je pense positif. Peut-être que je suis bon public qui accepte tout sans réfléchir, un doux rêveur ou quelqu’un qui théorise trop mais ce Star Wars m’a comblé au-delà des mes espérances. Il remet en cause des choses établies, il confronte des légendes à leur statut, il confronte la saga à son devenir. Il redéfinit les pouvoirs liés à la Force. Il redéfinit notre façon de considérer un Star Wars tout en restant finalement familier.