Un défilé pour le moins obscur...

Depuis Agamar : La planète Agamar, située dans la Bordure Extérieure, est surtout connue pour être un monde agricole, mais les Agamariens ont décidé de casser cette image rustique en organisant un immense défilé de mode auquel toute la galaxie était conviée. La capitale Calna Muun a donc été habillée de mille couleurs (selon les données officielles) disposées selon les motifs classiques de la mode. Les rayures oranges et vertes côtoyaient donc les points violets sur fond argenté et les motifs insectoïdes rouges vifs. Fidèles à leur réputation, les Agamariens ont fait tout leur possible pour montrer qu’ils n’étaient pas incultes concernant la mode.

Malgré toute la bonne volonté des Agamariens, il faut reconnaître que l’évènement n’a pas eu l’ampleur galactique qu’ils espéraient. Peut être était-ce dû au fait que leur invitation a été lancée par ondes radios et que celles-ci n’ont pas encore atteint les limites de leur propre système solaire, ou bien à la piètre qualité de l’invitation elle-même. Aucun autre réseau d’information que la Tribune Impériale n’était sur les lieux, l’exclusivité de l’évènement nous ayant été offerte en même temps qu’un Crédit symbolique pour notre participation.

Pour l’évènement, Agamar a fait construire un bâtiment qui se veut aussi précurseur en termes d’architecture, le Palais Agamarien de la Mode, qui est en fait la réunion de projets créés par quatre architectes Agamariens. Les éléments repris du projet de Tod Norbin sont les colonnes classiques pour le hall principal et les fontaines de glace placées aux coins de ce hall, près des sources de chaleur. Son idée de mettre des arbres sur le toit a aussi été retenue par souci écologique. Plus audacieux, Hotjur Neshrask a inspiré les lumières du Palais : des bougies astucieusement placées de façon à ne pas éclairer les lieux tout en étant bien visibles. C’est aussi de lui qu’est venue la forme extérieure du bâtiment : une machine agricole futuriste, de couleur fushia pour être facilement repérée au milieu des champs car, nous a-t-il dit, “je me suis souvent retrouvé sans le vouloir aux commandes de la moissonneuse de mon voisin, car il avait la même que moi. D’ailleurs, lui-même ne se gênait pas pour utiliser la mienne ! Avec le fushia, aucun risque de confondre et en plus, c’est si beau…”. L’entrée du Palais a été légèrement modifiée pour correspondre au projet d’Attel Whorider, qui a utilisé des formes géométriques pures en noir et blanc pour revenir aux bases des perceptions humaines. Les portes du bâtiment sont aussi de sa conception, elles ont toutes été dotées d’une intelligence artificielle pour qu’elles s’ouvrent de manière aléatoire, “de façon à faire respirer l’ensemble comme le ferait la vie” (des ouvertures ont ensuite été pratiquées dans les murs pour ne pas déranger les portes dans leurs mouvements artistiques). Le quatrième architecte à quant à lui signé la salle de Défilée, qui se trouve cinq niveaux sous la surface pour qu’aucun rayon de lumière ne puisse filtrer. Ils nous a semblé particulièrement étrange de faire le défilé dans le noir absolu, mais il a une explication pour cela : “quand on m’a contacté pour ce projet, j’ai compris qu’il fallait que je me renseigne sur le milieu de la mode pour pouvoir créer un Palais de la Mode parfait. Une des choses que j’ai retenu c’est que tous les créateurs s’inspirent des autres créateurs pour créer leurs modèles. Cela m’a choqué de voir qu’ils n’hésitaient pas à copier leurs concurrents, c’est pourquoi j’ai décidé que la salle de défilé devait être tenue dans le noir complet pour éviter que les vêtements soient copiés ! J’avais pensé permettre l’illumination de la salle en dehors des défilés pour qu’on puisse admirer la décoration, mais il m’est apparu plus sage de cacher aussi cette décoration pour ne pas être copié”. Notons qu’il n’a pas souhaité donner son nom de peur que quelqu’un cherche à se faire passer pour lui.

Le défilé c’est passé dans le plus grand calme et la plus grande dignité malgré les quelques ronflements de spectateurs venus fatigués après une dure journée dans les champs. N’ayant pu apprécier la beauté des Agamariennes dans le noir absolu, nous avons demandé aux organisateurs de rencontrer les mannequins. Après avoir vu dans la réalité la plupart des clichés qui circulent sur les Agamriens, notre surprise fut totale quand nous nous sommes aperçu qu’un de ces clichés était faux ! Selon la rumeur, il y a seulement dix jolies femmes sur Agamar. En réalité, il n’y en a que neuf.