La dernière série Star Wars, Obi-Wan Kenobi, est maintenant terminée. C’est l’heure du bilan. J'ai pris temps d’intégrer ce que j’ai pu voir et trouver dans cette proposition d’aventure pour mon personnage préféré de la saga. Tout ne sera pas dit, ni expliqué, mais bienvenue dans ce qui sera sans doute ma plus longue critique à ce jour.
Cette critique vaut pour l'ensemble de la série.
Le projet de récit autour de l’exil d’Obi-Wan Kenobi ne date pas d’hier. Déjà un roman en 2013, sobrement intitulé Kenobi et écrit par John Jackson Miller, avait fait forte impression. Il lançait déjà le débat de la légitimité d’une histoire à raconter durant cette période d’isolement pour le personnage. Quoi raconter alors qu’Obi-Wan est sujet à la discrétion absolue, ne doit interagir qu’un minimum avec Luke ? Si le roman arrivait à naviguer avec ces problématiques en narrant l’arrivée de Kenobi sur Tatooine et par une histoire somme toute intimiste, c’était un récit compliqué à adapter au format audiovisuel. Pour quel(s) raison(s) ?
Le premier argument qui me vient à l’esprit est évidemment le marketing. Mettez-vous à la place de Lucasfilm. Vous préférez promouvoir le « rematch du siècle » entre Ewan McGregor et Hayden Christensen ? Ou Ewan qui marmonne sur Tatooine ?
Oui. Moi aussi j’aurais adoré la seconde option. Maintenant il faut aussi savoir être lucide. Ni Lucasfilm, ni le public ne semble assez « mature » pour accepter un tel récit estampillé Star Wars. Il suffit de voir la difficulté qui semble insurmontable de proposer une histoire sans le moindre sabre laser à l’écran. Et ça se comprend également quand on voit l’euphorie du public à leur moindre apparition ! Quand Rogue One nous promettait un récit « loin des Jedi et des sabres lasers », la majorité du public retient la scène avec Dark Vador… Vous l’avez cherché aussi !
Mais pourquoi je parle de tout ça ? Simplement parce que je suis passé par une phase d’acceptation lors de la promotion de la série et elle a démarré avec le retour d’Hayden. Oui, les retrouvailles entre les acteurs m’a fait revoir ma copie et découvrir quelque chose sur mon périple de fan que je ne voyais pas aussi clairement jusque-là. Mais j’y reviendrai.
En ont-ils trop fait avec cette promotion centrée sur un rematch dont beaucoup questionnait la légitimité ? Allez, assez tourné autour du pot, passons enfin à mon avis sur la série.
Passons tout de suite sur le gros point fort de la série. De quelle façon briser le statu quo de l’exil d’Obi-Wan ? Et surtout, comment le faire quitter Tatooine ? C’était la grande question à la vue des bandes annonces. Obi-Wan ne pouvait pas quitter Luke des yeux voyons ! Ces choses immuables dans l’inconscient collectif jouent certainement en défaveur des nouvelles productions Star Wars. Pourquoi s’attaquer aux piliers qui tiennent depuis plusieurs décennies ? Et bien pour proposer sans doute la meilleure idée de la série : inclure Leia à l’intrigue !
Vivien Lyra Blair incarne avec brio une Princesse Leia Organa de 10 ans. Incarnation qui donne lieu aux meilleures scènes de la série, entre effronterie assumée et moments intimistes avec Obi-Wan. Un parfait dosage. Petite mention aux costumes qui rapellent souvent ceux que l'on connaît de la trilogie originale.
Je reviens sur un moment qui m’a profondément marqué avec la fin du 4ème épisode. Sous le coup d’un moment silencieux, les personnages accusent le coup d’une fuite chaotique. Un pilote pas-encore-vraiment-un-rebelle s’est fait abattre, sa collègue est effondrée. Leia et Obi-Wan s’installent, un peu penaud, dans un coin du vaisseau. Sans mot dire, Leia tend sa main pour saisir celle d’Obi-Wan, un regard et tout est dit.
Ce moment est précieux. Parce qu’au-delà du message « merci d’être venu me sauver », il joue une étape primordiale dans le périple d’Obi-Wan tel que présenté dans la série.
Le premier épisode introduit Obi-Wan comme perdu. Il a renoncé à sa stature de Maître Jedi, vit un quotidien répétitif et solitaire. Sa mission, celle de surveiller Luke, est réduite à moins que rien, Owen refusant la présence de celui qui se fait désormais appelé Ben. Il commence par refuser d’aider Bail Organa, renonce également à aider un de ses pairs en détresse. Finalement, après les événements tendus sur Tatooine et un petit tacle à la misogynie ambiante, Obi-Wan accepte à reculons sa mission et part secourir Leia. C’est cette rencontre qui façonne le reste du récit. Par petites touches, l’énergie de la jeune Leia redonne du sens à la mission de Kenobi. La frustration de ne pas pouvoir s’occuper de Luke s’envole peu à peu alors qu’il découvre sa jumelle, riche de biens des qualités qui ne sont sans rappeler ses parents biologiques.
Et ce lien entre Obi-Wan, Padmé et Anakin revient à plusieurs reprises dans la série. Aussi bien lourd de sens pour les personnages, que pour nous, spectateurs. Une utilisation plus que réussie de l’héritage de la prélogie et de The Clone Wars.
Créer du lien entre les récits, c’est la grande tendance de Star Wars. Mais la force de Kenobi est de le faire, non pas uniquement par des caméos ou des easters eggs (même s’ils existent), mais surtout par des rappels émotionnels qui touchent directement le public ET les personnages. Par exemple, quand Obi-Wan découvre les corps de Jedi conservés dans une sorte d’ambre, ce n’est pas des visages archiconnus de héros des films que l’on retrouve. Le seul Jedi « connu » étant Tera Sinube qui apparaît dans une dizaine d’épisodes de The Clone Wars, on a vu mieux ! Mais la scène fonctionne comme cela. Elle confronte Kenobi à son passé, « choque » le spectateur et donne l’envie aux plus fanatiques de chercher plus loin.
Ce schéma est repris avec les différents écrits Jedi disséminés dans les caches du Passage. Si la mention à Quinlan Vos fera bien entendu plaisir aux aficionados de l’Univers Légendes, c’est également un Jedi ayant un lien avec Kenobi (TCW et Sombre Apprenti). Un clin d’œil, mais qui fait sens dans le parcours du personnage. Contrairement à Solo, qui me semblait malheureusement condenser tout ce qu’on connaissait du background du personnage dans 15 jours de sa vie, j’ai trouvé le parcours de Kenobi bien plus fluide et posé. Il y avait certaines « cases à cocher » mais sans jamais oublier qu’il fallait penser au personnage avant les spectateurs.
Abordons rapidement le cas Reva. Sans rentrer dans les injonctions stériles à l’acting ou à l’écriture de la série, il faut reconnaître que son rôle dans l’histoire est un peu sacrifié ou en tout cas s’effiloche sur la fin dans une précipitation un peu étrange. Clairement un rôle fonction, élément perturbateur indispensable pour briser l’équilibre de départ, ses perspectives n’en sont pas moins pertinentes. Son rôle permet par exemple d’évoquer la position délicate de l’Empire vis-à-vis du Sénat, un des enjeux en arrière-plan de Un Nouvel Espoir, alors qu’elle décide seule de s’attaquer à Bail Organa. Ses origines pouvaient également amener vers un développement autrement plus large si la série avait voulu s’attarder un peu plus dessus. Ce sont finalement ses interactions avec Obi-Wan qui offrent de bons moments. Mention spéciale à l’échange devant la porte sur Jabiim qui aborde en opposition les traumatismes des deux personnages.
Malheureusement, le rythme du dernier épisode saborde les efforts réalisés jusque-là sur ce personnage qui méritait mieux. À croire que les inquisiteurs sont voués à rester aussi crédibles que leurs sabres laser.
On continue un peu avec les défauts ? On sait que le projet a été remanié à plusieurs reprises. Tout d’abord un film, voir une trilogie de films ? Puis finalement une série ? Mais un pitch trop proche de The Mandalorian ? On sent que la gestation fut douloureuse sur certains points. J’ai déjà mentionné le parcours de Reva mais on a aussi certaines maladresses qui viennent un peu ternir le tout. Je ne pense pas forcément à certains moments un peu « goofy » qui ont toujours fait partie de Star Wars pour moi, mais certains choix restent maladroits. La production également, manque parfois de finesse ou en tout cas de la couche de polish à laquelle on pouvait s’attendre.
J'en ai aussi un peu assez des photographies très sombres. Même si c'était plutôt bien géré dans cette série, il faut vraiment regarder ça dans de bonnes conditions de lumière ambiante. Pas toujours facile selon le moment de la journée. À quand le retour de la luminosité au cinéma ?
Une simple mèche de cheveux aura suffi à mettre le feu. C’est là que je perds un peu toute retenue et que j’en reviens à ma première partie. Revoir Anakin et Obi-Wan dans leurs costumes de l’Épisode II, quelle sensation ! Les voir réaliser des mouvements qu’ils réutiliseront par la suite ? Incroyable. Un grand élan de sympathie à l’équipe cascade pour avoir si bien capté l’essence de la gestuelle du duo, un pur délice encore plus savoureux quand on voit la progression de Kenobi qui recouvre petit à petit ses réflexes. Au-delà du plaisir visuel instantané, c’est également de la mise en parallèle du parcours des deux rivaux qui ont encore à apprendre sur eux-mêmes avant les événements de l’Épisode IV.
Oui, d’accord, les rencontres sont déséquilibrées, oui l’issue est connue et voir l’un et l’autre quitter le combat en laissant l’adversaire tranquille peut sembler surfait ou étrange. Mais c’est à mon sens sans prendre en compte l’état d’esprit des personnages à ces deux moments. On n’est pas dans un shōnen ou dans un combat de boxe où le plus fort/puissant gagne. Tout n’est pas quantifiable ou simplement logique quand on raconte une histoire. Et celle de Star Wars n’a jamais été régie par des lois immuables.
On se retrouverait à la même situation qu’à la fin de l’Épisode III ? Cela n’aurait servi à rien ? Je ne peux que m’opposer à ce que j’ai pu lire ici ou là sur ce point. Tout cela n’est pas vain. Ni Obi-Wan, ni Vador ne sont dans le même état d’esprit lors de ce dernier duel. Et les raisons de la victoire d’Obi-Wan sont à mille lieux de celles de La Revanche des Sith. On touche lors de ce moment à l’essence même de ce qu’est la saga pour moi. Et c’est ça que je sous entendais en début de critique. Si j’ai autant adhéré à la proposition de Deborah Chow et de ses équipes, c’est parce que j’y ai retrouvé une ambiance proche de la prélogie. Est-ce simplement grâce à la présence d’Ewan McGregor et Hayden Christensen ? Est-ce quelque chose de plus subtil ? Une certaine façon d’aborder l’histoire ? De voir Obi-Wan fureter comme il pouvait le faire dans L’Attaque des Clones ? Un peu de tout ça ? Aucune idée. Mais ce dont je me suis rendu compte en regardant cette série, c’est à quel point je suis finalement un enfant de la prélogie. Même en ayant débuté Star Wars par la trilogie originale, les films que j’ai découvert au cinéma se sont ceux d’Anakin et Obi-Wan. Et cette série a réussi à me ramener à ces personnages que j’aime tant, pour conter une nouvelle part de leur histoire.
Une histoire qui m’a touché, parce qu’elle ose enfin mettre en avant Leia et cela d’une très belle manière. Parce qu’elle n’oublie pas ses personnages malgré le cahier des charges. Parce qu’elle embrasse l’héritage des deux trilogies. Parce que revoir Ewan et Hayden donne la pêche. Parce que voir les familles Lars et Organa réunies, combatives et aimantes manquait à mon Star Wars.
Et c’est finalement avant tout ça, le premier contenu audiovisuel Star Wars que j’ai eu envie de revoir immédiatement après l’avoir terminé depuis plusieurs années (si vous me connaissez, je vous laisse deviner combien). Et rien que pour ça, je ne pouvais que tenter de vous expliquer ici, pourquoi c’est le cas pour Obi-Wan Kenobi.